[Assamblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES» (20 avril 1790.] distinctement. Dans tous le3 cas, les bêtes fauves appartiennent au premier occupant. Je réclame donc la liberté illimitée de la chasse, en prenant toutefois les mesures pour la conservation des récoltes et pour la sûreté publique. M. Mougins de Roquefort. Le privilège de la propriété doit s’étendre jusqu’à empêcher sur son héritage l’exercice d’aucun droit sans une permission préalable. M. Rewbell. La matière est assez importante pour être traitée dans une séance du matin. Je demande donc l’ajournement à demain. L’Assemblée prononce l'ajournement. La séance est levée à dix heures. ANNEXE à la séance de l’Assemblée nationale du 20 avril 1790. Mémoire adressé à l’Assemblée nationale sur les demandes et prétentions des divers princes d’Allemagne, qui ont des propriétés dans les provinces d’Alsace et de Franche-Comté, par M. de Peys-sonnel (1). Plusieurs princes de l’Allemagne possèdent, en Alsace et en Franche-Comté, des fiefs et des seigneuries dont la propriété leur a été transmise par droit d’hérédité, ae cession ou d’acquisition. Ces princes sont : le prince de Wirtemberg, le duc des Deux-Ponts, l’Electeur de Trêves, le Margrave de Bade-Dourlac, le Landgrave de Hesse-Darmstadt, le prince de Salm, le prince de Nassau Saarbruck ; le prince de Limbourg, le comte de Linange, l’évêque de Bâle et l’évêque de Spire. Ces divers membres du corps germanique prétendent que la Révolution opérée en France porte atteinte à leurs droits et à leurs privilèges ; et la diète de Ratisbonne réclame pour les possessions des immédiats de l’empire dans les provinces françaises. Examinons, Messieurs, si les prétentions de ces princes sont fondées, je ne dis pas sur les principes du droit naturel que vous avez consacrés et remis en vigueur dans la Constitution française : sous ce rapport la question n’en est pas une ; mais sur les traités qu’ils attestent, sur le droit public germanique qu’ils voudraient opposer à vos décrets. A l’époque de la conquête de l’Alsace et de celle de la Franche-Comté par Louis XIV, tous les princes que nous avons nommés, possédaient en souveraineté, dans ces deux provinces, des fiefs de la mouvance de l’Empire, et qui en relevaient immédiatement. L’Alsace, conquise d’abord par les Suédois, et par eux cédée à la France ; donnée au duc de Weymar par celle-ci, qui la reprit à sa mort ; cédée à la France, malgré l’Espagne, par le traité de Munster, et reconquise par le maréchal de Turenne, a été enfin invariablement abandonnée par l’empereur et l’empire àLouis XIV, en vertu du traité de Ryswk. Les titres de possession de la France sur l’Alsace sont, pour nous, le consentement et l’affection des peuples qui l’habitent; pour les publicistes, la conquête que nous avons faite de cette province par le succès de ses armes, et la cession (1) Ce document n’a pas été insère au Moniteur. que le gouvernement en a obtenue de l’Empire et de l’empereur. Pour jouir visiblement et à perpétuité d’une si belle acquisition, dont la France était redevable à la valeur de ses armées et à l’habileté de ses généraux, il fallait la renonciation formelle et irrévocable du corps germanique et de son chef, et tel fut l’objet des négociations du traité de Westphalie. Développons ce premier aperçu par un résumé rapide des principaux faits historiques, et un court examen des titres qui viennent aujourd’hui à l’appui du conclusum présenté à l’Assemblée nationale, et des prétentions des pessessionnaires d’Alsace. Les conférences du traité de Westphalie se tinrent d’abord à Osnabrück : des discussions sur l’état de la religion catholique en Alsace, et la prétention des protestants de pouvoir posséder des canonicats dans le chapitre de Strasbourg, firent languir les négociations politiques. On débattit cependant le projet de cession de la province d’Alsace par l’empire et l’empereur, à la France. Les électeurs de plusieurs princes d’Allemagne auraient voulu que le roi ne pût posséder les deux landgraviats d’Alsace, que comme fiefs dépendants et soumis à la souveraineté de l’empereur et qu’en conséquence, ce monarque fût admis à toutes les diètes comme prince immédiat de l’Empire. Mais la fierté de Louis XIV rejeta cette proposition malgré tout le désir qu’il aurait eu de pouvoir, par l’admission de ses ministres dans les diètes, se mêler plus immédiatement des affaires du corps germanique. Les Etats de Munster attirèrent chez eux les plénipotentiaires; et par l’article 73 et suivants du traité qui fut signé dans cette ville, devenue le foyer des négociations, l’Empire et l’empereur, pour lui et pour sa maison, cédèrent à la France les deux landgraviats de haute et basse Alsace, le Sundgau, la ville de Bissac, la préfecture d’Haguenau et les dix villes impériales, avec leurs dépendances ; consentirent que ces possessions fussent incorporées à perpétuité au royaume de France, à la charge d’y maintenir la religion catholique dans le même état où elle était sous la domination autrichienne. L’empereur, l’Empire et l’archiduc Ferdinand -Charles délièrent tous les habitants des pays cédés, du serment de fidélité, dérogèrent à tou tes lois constitutionnelles, décrets, rescripts, qui peuvent s’opposer à l'aliénation des droits et des biens de l’Empire; promirent et s’engagèrent solennellement à ratifier cette cession à la première diète et à ne jamais faire aucune tentative pour le recouvrement de ces biens et de ces droits aliénés, quelque pacte ou proposition qui pût se faire dans l’Empire. Cependant, comme on craignait d’alarmer et peut-être de soulever une province de laquelle on disposait arbitrairement, et que l’on faisait passer sous la domination d’une puissance étrangère, on ajouta, dans l’article 88 du traité, une clause que l’on jugea capable de calmer ses craintes; il y fut dit que les Etats, ordres-villes et gentilshommes immédiats de l’Empire, conserveraient leur mouvance immédiate, leurs droits et prérogatives, et que le roi de France ne pourrait prétendre, sur les villes de la préfecture, que le droit de protection, tel que l’avaient les princes autrichiens. Mais, en même temps, on rendit nulle et dérisoire cette clause qui aurait pu rompre le traité, en la terminant par une déclaration formelle, que l’empereur et l’empire n'entendaient cependant déroger en aucune manière au droit de souverain-domaine , cédé à la France par l’article 73. 160 [Assemblée nationale.] 'ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 avril 1790.] Les Etats de l’Alsace immédiats de l'Empire essayèrent plusieurs fois, sans succès, de se prévaloir des termes de cet article 88. En 1673, les dix villes de la préfecture voulurent se maintenir dans leur indépendance et leur liberté. Une partie de la noblesse suivit leur exemple, et fit à peu près la même démarche qu’au-jourd’hui ; mais les nobles de la haute Alsace ne se réunirent pointa eux pour la conservation de leurs droits. Dès l’an 1651, après l’établissement de la Chambre souveraine de cette province, les nobles de la haute Alsace avaient reconnu solennellement, dansun mémoire, le roi de France, leur souverain , roi et prince , comme étant entré, par le traité de Munster, dans tous les droits des archiducs d’Autriche, auxquels ils étaient soumis avant la cession. Les nobles de la basse Alsace, qui jamais n’avaient été vassaux que de l’Empire, et non de l’Autriche, avaient refusé de reconnaître la souveraineté de la France; ils avaient dressé, à Strasbourg, le 6 novembre 1651, un pacte que l’empereur Ferdinand III avait approuvé et ratifié, par lequel ils déclaraient regarder Sa Majesté Impériale, les Empereurs et Rois des Romains, ses successeurs, comme leur unique souverain, chef et seigneur, sans aucune dépendance médiate, à l’exclusion de tous autres ; leur demeurer inviolablement attachés et ne vouloir jamais se séparer de Sa Majesté ni de la couronne impériale. Pour tâcher d’assurer toujours plus leur dépendance immédiate de l’Empire et la conservation de leurs privilèges, ils avaient envoyé, comme aujourd’hui, des députés aux cercles de Souabe, de Franconie et du Rhin, pour renouveler leur ancienne association et leur demander leur appui. La négociation avait réussi à certaines conditions, et ces quatre cercles associés s’étaient obligés de s’assister mutuellement par toutes les voies possibles. La même négociation a été faite aujourd’hui pour la même cause, mais on n’a pas eu un succès aussi complet. Le cercle de Souabe a refusé d’accéder à cette association : on en est redevable à l’intelligence, à la sagesse, à la considération personnelle de M. le baron de Makau, ministre du roi, auprès du duc de Wirtemberg et du cercle de Souabe. Cette coalition n’avait pas empêché Louis XIV de prendre possession de tout ce qui lui avait été cédé par le traité de Munster; mais comme cette démarche pouvait cependant avoir des suites lâcheuses, il s’était décidé à aller lui-même en Alsace, où il avait pris les mesures convenables pour faire échouer les entreprises de ses ennemis. En vain, les plénipotentiaires de l’empereur Léopold, au congrès de Nimègue, en 1679, eurent l’audace de reprendre cette affaire sous-œuvre, les ministres de France ne répondirent jamais rien à leurs motions sur cet objet, et la chose se termina par une protestation ridicule de la part des ministres impériaux. Le traité de Ryswick termina radicalement cette discussion. Les conférences commencèrent le 9 mai 1697. Les prétentions de l’Empire et de l’empereur furent d’abord exorbitantes et tendaient à enlever à la France tout ce qu’elle avait acquis par le traité de Nimègue. Les cercles associés de Franconie, de Souabe et du Rhin insistaient sur la restitution de la ville de Strasbourg et ses dépendances, en deçà et en delà du Rhin, sans démolition de fortifications, ni anciennes, ni nouvelles, de la ville de Philisbourg, de tous les Etats compris dans les cercles associés, avec d’autres dédommagements convenables; notamment du fief de Rapolstein appartenant à l’évêque de Bâle, et sur la démolition des fortifications d’Huningue, de Fort-Louis, de Landau et de plusieurs autres places. L’électeur palatin redemandait tous les domaines, fiefs et droits qu’il possédait avant les troubles de Bohême, et surtout les bailliages de Germersheim, de Saüdshut et d’Al-tenstat. Le duc Everhard, régent de Wirtemberg, demandait que le duc George de Wirtemberg, de la brandie de Montbeillard, fût rétabli dans sa dépendance immédiate de l’Empire; annulât la reconnaissance de son vasselage de la couronne de France, faite en 1681 ; rentrât dans la possession des fiefs, que les comtes de Rapolstein et les nobles de Rathsemhausen reconaissaient dépendre du comté d’Horbourg, et conservât l’immédiateté pour les comités de Rorbourg et de Richemwir, situés en Alsace. Le margrave de Bade-Dourlach revendiquait quelques fiefs entre Haguenau et Weissembourg, les îles et le terrain qu’on avait occupé pour fortifier Huningue, la faculté de disposer de quelques autres fiefs dans l’Alsace et dans le Sundgaw, et l’hôtel que la maison de Bade possédait à Strasbourg. Le roi de Suède demandait la restitution du duché des Deux-Ponts, des comtés de Veldentz, de la Petite-Pierre, de Sponheim et de quelques autres terres. Après de longues discussions, toutes ces prétentions furent réglées. La France consentit à rétrocéder à l’empereur les villes de Brissac et de Fribourg; les forts de Kehl et de Philisbourg, avec toutes les réunions faites hors de l’Alsace, et à raser la forteresse du Mont-Royal et les forts construits dans les îles du Rhin, sur la rive droite de ce fleuve vis-à-vis du Fort-Louis, de Strasbourg et d’Huningue, à condition que la religion catholique, dans les pays rétrocédés, serait maintenue dans le même état où elle se trouvait à l’époque de la signature du traité. Les plénipotentiaires impériaux ne réclamèrent point contre les réunions faites par la France, dans l’intérieur de l’Alsace, et désavouèrent par leur silence les rnau-- vaises chicanes qu’ils avaient élevées au congrès de Nimègue. Le duc des Deux-Ponts fut obligé de prêter foi et hommage au roi, qui alors retira ses troupes des pays et seigneuries, en deçà de la Quaïche; et tous les autres possesseurs de fiefs se soumirent à la même condition. Le prince de Wirtem-berg-Monlbeillard fut rétabli dans la possession des seigneuries de Glerval et de Passavant en Bourgogne, et de Granges et Héricourt en Franche-Comté; mais on ne parla pas, dans le traité, des fiefs de Horbourg ni de Richenvihr, situés en Alsace, parce que la ville de Strasbourg, et toute la province, demeuraient à la France en pleine et entière souveraineté. L’électeur Palatin mit pendant longtemps des obstacles à l’exécution du traité. Malgré la restitution, qui avait été faite à l’électeur Charles-Louis, du bailliage de Germershein et des prévôtés et sous-bailliages qui en dépendent, il voulait encore qu’on lui rendît Selz, Haguenbach, Altenstat,et autres lieux qui étaient enfermés dans la province d’Alsace, dont la France avait acquis la souveraineté. 11 ne voulait se contenter de la restitution qui lui avait été faite qu’à condition qu’il posséderait sous la dépendance immédiate de l’empereur et de l’Empire. Enfin, dans le mois de juillet de 1699, l’électeur palatin, pressé par le plénipotentiaire de l’empereur, écrivit au roi une lettre, dans laquelle, après s’être plaint, dans les termes les plus mesurés, que les officiers de Sa Majesté ne le laissaient pas jouir du droit de supériorité territoriale dans les fiefs d’Haguenbac, [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 avril 1790.] 161 d’Altenstat, de Seltz, et dans plusieurs autres lieux, il déclara qu’il se contenterait d’être restitué pleinement dans ses Etats, avec tous les droits régaliens et de supériorité territoriale, et reconnut ne pouvoir plus contester le droit de souveraineté et de suprême domaine de la France sur l’Alsace, puisque l’empire et l’empereur eux-mêmes ne les contestaient plus. Il est donc évident que la France a acquis la souveraineté plénière, paisible et imperturbable de l’Aisace, par le succès de ses armes, et la cession solennelle qui lui en a été faite par l’empereur et par l’empire, qui ont consenti à l’incorporation de cette province au royaume de France, délié les sujets du serment de fidélité, et renoncé à tous leurs droits et prérogatives, et par conséquent à leur mouvance. Il est évident tque les terres possédées en Alsace par les immédiats, ne peuvent plus être immédiates, et doivent relever du souverain domanial. Il est évident que la souveraineté du domaine total abolissant toutes les souverainetés partielles, les souverains partiels ne peuvent plus conserver que la seigneurie de leurs fiefs, et les autres droits et prérogatives qui peuvent être compatibles avec la souveraineté du prince territorial, et qui sont communs aux autres seigneurs de la province. Ces arguments sont également applicables à la Franche-Comté, dont la France a acquis la souveraineté par droit de conquête ; et les immédiats de l’empire, qui possèdent des terres en Franche-Comté, doivent naturellement subir la même loi que ceux de l’Alsace. En effet, dans tous les actes, conventions, lettres-patentes accordés par nos rois, depuis Louis XIV inclusivement, aux immédiats de l’empire, et notamment aux princes de Wirtemberg, en contirmation de la propriété des droits et des prérogatives des terres qu’ils possèdent dans les deux provinces, l'immédiateté n’est jamais reconnue ni prononcée, à raison de cesmêmes terres, et il est toujours dit, en tant que ces droits et privilèges ne seront pas incompatibles avec la souveraineté du roi. Cette immêdiateté, en effet, impliquerait contradiction, et il serait absurde qu’un vassal relevât d’un suzerain qui a renoncé à sa mouvance. Un membre très éclairé de l’Assemblée nationale a avancé que l’empire et l’empereur n’ont cédé que la souveraineté dont ils jouissaient, et que, par conséquent, la nation française ne peut jouir que d’une portion égale de souveraineté; mais on peut répondre à cela ce que j’ai déjà fait remarquer, que l’empire et l’empereur, en cédant à la France, par l’article 73 du traité de Munster, la pleine et entière souveraineté de l’Alsace, se sont réservé leurs droits par l’article 88, en ajoutant les paroles sacramentelles : autant que ces droits ne seront pas contraires à la souveraineté du roi. 11 faut observer que le cercle du Haut-Rhin est composé presqu’en entier de parties intéressées à cette cause, et que la plupart des gentilshommes d’Alsace se sont fait immatriculer dans le territoire de la Basse-Alsace, comme immédiats; et que si le directoire pouvait donner l’immédiateté, il faudrait que nous payassions le prix de leur collusion. Les princes allemands et les nobles, ci-devant immédiats d’Alsace, ne peuvent posséder des droits qu’à titre de gentilshommes alsaciens, comme sujets ou vassaux de la France, qui a> acquis la souveraineté plénière de la province, et en tant que ces droits seront compatibles avec la souveraineté du roi. Or, la souveraineté est ir* Série. T. XIII. gênée par le prétendu droit d’imposer, et par les droits régaliens, domaniaux et féodaux qui ne peuvent plus être conservés. Notre ancien gouvernement a infiniment multiplié ces droits et prérogatives des immédiats d’Alsace, par le besoin chimérique qu’il croyait toujours avoir des princes allemands. Ceux-ci abusaient des services qu’ils pouvaient rendre, traitaient avec le ministère; et, pour tel passage, telle fourniture de vivres ou de troupes qu’ils étaient en état d’accorder, demandaient tant en argent, et tant en lettres-patentes ou en arrêts du conseil pour leurs terres d’Alsace. C’est ainsi que dans plusieurs très grandes seigneuries, les vassaux sont foulés d’une horrible manière par les droits féodaux dont les seigneurs ne devraient jouir qu’à la charge d’aller à la guerre; par les impôts qu’ils lèvent à leur profit sur le peuple, en vertu d’arrêts du conseil, sous prétexte de payer les frais de justice; par la vente des offices de judicature dont plusieurs sont portés aux prix exagérés de 40 et 50,000 livres, et de la cherté desquels ceux qui les acquièrent savent se rédimer sur les plaideurs; par les frais exorbitants dont les malheureux vassaux sont accablés; par les amendes sans nombre dont on charge les pauvres que l’on renvoie ensuite au conseil supérieur d’Alsace. Ces abus étaient portés à un tel excès que la femme d’un prince de Sirkenfeldt, bisaïeule du duc des Deux-Ponts ayant accouché, les vassaux demandèrent la permission de lui faire un présent de 15,000 livres. L’intendant la leur refusa, mais le conseil du roi l’accorda pour cette fois seulement; et le duc des Deux-Ponts, père du Régnant, obtint depuis par son crédit, des lettres-patentes qui lui permettaient de lever sur ses vassaux 24,000 livres à chaque naissance de ses enfants, sous le prétexte d’une dot ,que l’on payait tout de suite, et qui, si l’enfant venait à mourir, n’était pas pour cela remboursée. Il y a quelque chose de bien plus fort encore : le 3 juin dernier, pendant la tenue de l’assemblée, les nobles de la commission intermédiaire d’Alsace ont obtenu un arrêt du Conseil d’Etat en cinquante articles; l’un défendait aux vassaux de se plaindre, même à la commission intermédiaire, sans la permission du directoire de leurs seigneuries en Basse-Alsace; un autre adjugeait aux seigneurs les amendes forestales, qui par un arrêt antérieur appartenaient au roi, et y joignait les amendes des forêts communales appartenant aux villages; un autre abolissait les districts établis par l’édit de leur création. On voulut mettre cet arrêt à exécution dans la province : on recourut pour cela à l’Assemblé nationale à Versailles ; mais l’épouvante donnée à la commission intermédiaire par un député auquel on s’était adressé, arrêta ses démarches. Il fut convenu, chez M. de Flachslan-den,que l’arrêt resterait nul et comme non-avenu; mais le décret rendu, par l’Assemblée nationale, sur les forêts, a donné à ces nobles d’Alsace uu prétexte de le faire valoir, llsont fait un règlement, par lequel ils se sont approprié les amendes forestales, même celles des communautés ; ils l’ont fait enregistrer, le 1 décembre, au conseil de Colmar, comme si ce conseil avait le droit d’enregistrer des règlements pécuniaires. Ces nobles ont été dénoncés à l’Assemblée, par le même député qui leur avait donné l’épouvante; mais la chose en est demeurée là, vu la tenue prochaine des assemblées de départements qui anéantiront toutes ces monstruosités. Les possessionnaires d'Alsace ont présenté un conclusum pour la conservation de leurs droits. Ou 11 162 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 avril 1790.} peutobserver en passant qu’une partie de ceux qui font signé sont colonels de nos régiments allemands ; les principales piècesqui viennent à l’appui de ce conclusum sont les lettres-patentes accordées par Louis XV au duc de Wirtemberg, au mois de juin 1768; d’autres accordées par Louis XVI, au corps de la noblesse immédiate de la Basse-Alsace, au mois de mai 1779, et par le même au duc des Deux-Ponts, au mois de juin 1780. L’immédiateté n’est reconnue, ni articulée dans aucune de ces lettres-patentes qui ne font que confirmer, ou concéder des droits réguliers, domaniaux et féodaux, communs àun grand nombre de gentilshommes, hauts-justiciers ; et à chaque article deces lettres-patentes sont toujours ajoutées les paroles sacramentelles : En tant que ces dispositions ne serontpas incompatibles avec la souveraineté duroi, ou l’équivalent de ces paroles. En dernière analyse, il est donc évident que les droits émanés des souverainetés partielles abolies, les droits d’impôts, de collectes, etc., ont dû s’éclipser et disparaître avec ces mêmes souverainetés qui leur avaient donné naissance; il n’a dû rester ue les droits réguliers, les droits domaniaux, les roits féodaux, les servitudes personnelles, les redevances pécuniaires dont quelques-unes sont le produit du rachat des premières. Nos rois ont confirmé tous ces droits tant qu’ils ont été dépositaires de la souveraineté que la nation leur a confiée. Le roi ne pouvait pas même confirmer, ni concéder le droit d’imposer, qui n’appartient qu’à la nation; et il donnait aux possessionnaires d’Alsace un pouvoir qu’il n’avait pas lui-même. Aujourd’hui que la nation a repris cette souveraineté qui lui appartenait; aujourd’hui qu’elle a aboli tous les droits féodaux, toutes les servitudes Îiersonnelles, toutes les redevances et les privi-èges pécuniaires, et que les possédant-fiefs n’ont plus que la propriété uue de leurs terres, peut-elle sans injustice traiter les immédiats de l’Empire avecplus de faveur que ses propres citoyens? peut-elle, en abolissant tous les droits des nationaux, conserver ceux des étrangers, maintenir des traités, des pactes, des conventions évidemment infirmés et rendus invalides par un nouvel ordre de choses? C’est à la haute sagesse de l’Assemblée nationale et du monarque à juger si les considérations politiques du moment sont assez puissantes, assez impérieuses pour exiger une pareille exception, ou des indemnités quelconques. Mais, quant à la question de droit, je conclus qu’il n’y a pas lieu à délibérer. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. tE MARQUIS DE BONNAY. Séance du mercredi 21 avril 1790 (!)• M. le prince de Broglle, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier matin. M. Bouche, M. le président a-t-il reçu une lettre des volontaires de Dunkerque? (1) Cette séance est incomplète au Moniteur . M. le Président. Je ne puis répondre précisément à la question de M. Bouche. Je reçois chaque jour un très grand nombre de lettres, et je les renvoie à l’instant aux comités qu’elles concernent. Si j’ai reçu celle des volontaires de Dunkerque, j’en aurai fait certainement le même usage. M. Bouche. Je trouve copie de cette lettre, datée du 9 avril, dans les feuilles de Flandre; elle contient la dénonciation d’un mandement adressé par l’évêque d'Ypres au curé de Dunkerque. Voici d’ailleurs dans quels termes elle est conçue : « Monseigneur, un évêque étranger, celui d’Y-pres, dont le diocèse s’étend sur une partie de la Flandre française, s’est permis d’adresser au curé de notre ville une sorte de mandement propre à détruire tout l’effet du sage décret que l’Assemblée nationale a porté sur les vœux monastiques; ily menace d’excomunication ; « il déclareapostats ces personnes perfides qui pourraient se laisser entraîner par les insinuations criminelles, dont les hommes pervers de ce siècle tâchent de les endoctriner. » «- Ce mandement dont nous avons l’honneur de vous remettre l’original, etque nousavons déDoncé à la municipalité, a été envoyé dans les différents couvents de notre ville; il y excite de la. fermentation. Ceux qui ont fait des vœux qui répugnent à la nature, se ressentent plus que jamais de la faiblesse qui les leur fit prononcer, La tête de nos prêtres s’exalte ; ils se souviennent de l’impunité de l’évêque deTréguier. Quelques-uns parlent de la palme du martyre et regardent la désobéissance à vos décrets comme un acte méritoire aux yeux de l’Eternel; la chaire destinée à l’instruction du peuple pourrait bien ne plus servir aujourd’hui qu’à le soulever. Déjà, nous dit-on, dans l’Artois, les partisans des moines se déclarent hautement pour les soutenir. Armés pour défendre la constitution que nous attendons de l’Assemblée nationale, nous nous empressons de vous dénoncer ses ennemis. C’est àel1e,Monsieurleprésident,à trouver un moyen d’arrêter l’effet du fanatisme de nos prêtres. Le peuple de nos provinces, ennemi de toute aristocratie, ne connaît pas la leur et c’est en quoi elle est plus dangereuse. Nous saisissons toujours avec empressement les occasions de prouver aux représentants de la nation notre respect, notre obéissance et notre dévouement à tous ses décrets. » M. Bouche ajoute : Tels sont les faits dénoncés par cette lettre, dont je demande qu’il soit incessamment rendu compte à l’Assemblée. Je demande également que le comité ecclésiastique présente uueloi contre l’oppression aristocratico-épiscopale, et qui ait l’effet d’assurer l’état et la tranquillité des religieux et religieuses qui sortiront du cloître. M. Lavie. Pour éviter les effets des dispositions où se trouvent les évêques envers les moines, je propose de suspendre pendant plusieurs années l’ordination des prêtres. (Cette motion est généralement désapprouvée, et ne reparaît plus dans le cours de la délibération.) M. Merlin. Les évêques d’Ypres et de Tourna qui répandent le trouble dans les provinces bel-giques, ne sont pas Français, ne sont pas citoyens, Tous les évêques étrangers doivent, d’après notre droit public, avoir un vicaire général français et