176 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 118 avril 1791.1 A la nue propriété d’un bien donné à emphytéose ou à vie, se trouve toujours attachée une rente dont l'adjudicateur jouira au moment môme de son acquisition. La seconde erreur n’est pas moins frappante. Sans doute un particulier aurait tort de vouloir vendre aujourd’hui la nue propriété d’un immeuble dont lui ou ses héritiers ne peuvent jouir que dans 50 ou 100 années. Il y a tout à croire qu’il, ne vendrait qu’avec un grand désavantage; il n’aurait du moins aucun moyen pour se garantir dans ce danger. Mais il eh est tout autrement d’une grande nation qui met simultanément en vente une quantité considérable de nues propriétés... On est convenu qu’il n’y a aucune impossibilité ou plutôt qu’il est réellement très possible de constater la vraie valeur présente d'une jouissance qui ne doit se réaliser que dans un temps plus ou moins éloigné. L’on a paru reconnaître également l’exactitude, la justesse de l’opération proposée. Vos comités m’ont chargé de vous supplier de peser la seconde condition insérée dans l’article de son projet. Le soumissionnaire sera tenu d’offrir : 1° 22 fois le revenu de la rente; 2° 22 fois aussi le capital de l’excédant, c’est-à-dire de la vraie valeur de la nue propriété. Qu’on nous dise que personne ne voudra acquérir une nue propriété, c’est une objection d’une autre nature, à laquelle nous répondrons; mais qu’on rie dise pas que les acquéreurs ne payeront pas la valeur des nues propriétés nationales. Il est impossible qu’il en arrive ainsi. Car telle sera la condition expresse de la loi : nulle soumission ne sera reçue, aucune nue propriété ne sera mise en vente, si le soumissionnaire n’a commencé par oflrir d’en payer la vraie valeur. Il est donc certain que la nation ne vendra point, ou que si elle vend, elle le fera sans désavantage. Mais supposons qu’il soit réellement difficile, disons même impossible de retirer de la vente des nues propriétés le prix rigoureusement exact de leur valeur, la conséquence est-elle qu’il ne faut pas les vendre? Qu’arrivera-t-il eu effet si vous prenez ce parti contraire ? qu'à l’expiration de chaque bail emphytéotique ou à vie, une propriété libre rentrera dans la main de la nation. Mais que sera-ce que ces diverses successions qui s’ouvriront à des époques différentes et éloignées, et en quelque sorte disséminées dans l’espace d’un siècle ? N’en doutez pas, toutes ces ressources ainsi éparses de distance en distance deviendront milles et sans la moindre influence sur le sort de la fortune publique... Les motifs d’intérêt public viennent tous à l’appui de vos comités. Il existe des soumissions en grand nombre sur les objets de cette nature. La ville de Rouen seule en a demandé pour plus d’un million. On ne doute pas que ceux qui ont la jouissance actuelle ne soient très jaloux de convertir un droit résoluble en une propriété incommutable ; et vous savez si c’est un grand bien, pour la chose publique que les domaines nationaux rentrent, dans la circulation, et redeviennent des propriétés particulières. Vous savez que c’est à l’industrie, à l'activité, aux efforts des seuls propriétaires qu’il appartient de donner à la propriété tout son développement, toute sa valeur. Nous n’entrerons en ce moment dans aucun détail sur quelques articles additionnels que vos comités m’ont chargé de vous présenter. Nous espérons qu’ils souffriront peu de difficultés. Nous avons en conséquence repris les articles que vous avez déjà décrétés dans la séance du 19 mars; nous y avons ajouté les dispositions nouvelles que le comité a adoptées et nous en avons formé un nouveau projet que nous vous proposons de décréter dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de ses comités ecclésiastique et de l’aliénation des domaines natiouaux, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les baux emphytéotiques légitimement faits sont ceux qui ont été revêtus de lettres patentes dûment enregistrées, ou qui ont été homologués par arrêt ou jugement en dernier ressort sur les conclusions du ministère public. Art. 2. « Seront aussi exécutés, quoique non revêtus des forma Iflés ci-dessus : « 1° Les baux emphytéotiques faits à portion de fruits r ceux passés par les ci-devant chapitres, corps et communautés subsistants depuis 20 ans, et ceux passés par de simples bénéficiers depuis 40 ans sans réclamation ; « 2° Les baux moins anciens, faits à la suite d’un bail de 90 ans, ou de deux baux de plus de 27 ans chacun, du consentement, soit des supérieurs, soit des corps et communautés avec lesquels la possession était onginuiiement indivise, et passés à une redevance au moins égale à celle portée aux baux antérieurs, lorsqu’elle était en nature, et supérieure de moitié lors quelle était en argent; « 3° Ceux dont la redevance n’excède pas la somme de 200 livres; « 4° Enfin, ceux dont les preneurs prouveront que par des constructions, plantations ou autres améliorations faites à leurs dépens, les biens ont acquis une valeur double de celle qu’ils avaient à l’époque du bail. Art. 3. « Ceux dont les baux sont conservés par les articles précédents, et qui justifieront avoir versé, eu execution de la déclaration du 22 juillet 1702, la tlnance à laquelle ils auraient été taxés, jouiront pareillement des 10 années qui leur ont été accordées par l’article 10 de cette déclaration, au delà de celles fixées par leurs baux. Art. 4. « Il ne sera exercé aucune action en restitution de fruits contre les détenteurs qui, n’étaDt dans aucune des exceptions ci-dessus, ne se trouvent pas maintenus dans leur jouissance. Art. 5. « Les dispositions de l’article 1er, et les premières et troisièmes exceptions portées en l’article 2, auront lieu, tant pour les contrats appelés appensionnenients ou locateries perpétuelles, que pour les baux à rentes foncières ou perpétuelles. « Et quant aux baux à cens ou rentes foncières de biens qui étaient rentrés dans les mains des possesseurs ecclésiastiques, et dont ils étaient tenus de les vuider aux tenues des lois, lesdits baux à cens ou rentes foncières seront exécutés, pourvu néanmoins que les nouvelles redevances ne soient pas inférieures aux anciennes. Art. 6. « Les dispositions des précédents articles ne s’appliquent qu’aux biens ci-devant ecclésiastiques, et non aux biens domaniaux. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 avril 1791.] 177 Art. 7. « Ne sont pas compris dans les dispositions de l’article 9 du décret du 14 mai, les baux passés par de simples bénéficiers, pour un terme au delà de 9 années, et jusqu’à 18; mais lesdiis baux seront exécutés pour ce qui reste à écouler des 9 premières années, et même pour les années qui excèdent ce terme, si la première desdites années excédantes se trouvait commencée au 2 novembre 1789. « Quant aux baux de 18 à 29 ans, ils seront exécutés pour les années qui resteront à courir, si la dix-neuvième année se trouve commencée lors de la publication du présent décret; seront enfin exécutés les baux faits pour plus de 9 ans jusqu’à 29, et passés par les ci-devant chapitres, corps et communautés. Art. 8. « Sont également nuis les baux faits par anticipation, c’est-à-dire pour les maisons, plus d’un an avant l’expiration du bail, et pour les biens ruraux plus de 3 ans avant le 1er octobre de Vannée pendant laquelle le précédent fermier doit faire sa dernière récolte, excepté néanmoins lorsque les baux auront été faits par les ci-devant chapitres, corps et communautés. Art. 9. « L’article précédent ne pourra néanmoins préjudicier aux adjudications déjà faites sous la condition que l’acquéreur ne sera pas tenu à l’entretien du bail dans les pays où les coutumes, statuts ou règlements fixent un moindre délai pour la légitime passation des baux. Art. 10. « Les baux faits par anticipation par de simples bénéficiers seront encore maintenus lorsque l’exécution en aura été commencée avant le 2 novembre 1789, ou que le preneur, jouissant en vertu du premier bail, en aura obtenu un second sous la condition de faire des constructions, plantations ou améliorations, et prouvera qu’il a rempli la condition. Art. 11. « La récolte de la présente année 1791 sera faite par tout fermier ou cultivateur, qui, sans avoir de bail subsistant, a fait les labours et ensemencements qui doivent la produire. Art. 12. « Lorsqu’il y aura soumission pour les portions dont un fermier général jouit par lui-même, il sera, par des experts nommés par le fermier général et le directoire du district, fait une estimation qui fixera Je fermage que pourrait produire la portion demandée ; le fermier général aura la faculté, ou de laisser l’adjudicataire jouir de la portion vendue en recevant de lui un dixième dudit fermage, ou d’en conserver la jouissance en payant lui-même neuf dixièmes du fermage estimé à l’adjudicataire. Art. 13. « En cas d’aliénation des portions comprises en un bail général, soit sous-afifermées, soit con-1" Série. T. XXV. servées par le fermier général, la redevance due par ce dernier diminuera du montant des neuf dixièmes, qui, aux termes de l’article précédent, et des dispositions du décret du 31 décembre dernier, seront touchés par l’adjudicataire. Art. 14. « Les rentes emphytéotiques, ou à vie, appartenant à la nation en vertu des actes maintenus par les dispositions précédentes, ensemble la nue propriété des biens qui en sont l’objet, pourront être aliénées aux conditions et suivant les règles qui vont être expliquées. Art. 15. « Les experts estimeront quel doit être le revenu des biens compris au bail emphytéotique ou à vie. Lorsque le revenu fixé par les experts excédera celui de la rente emphytéotique, le soumissionnaire sera tenu d’offrir : 1° 22 fois le revenu de la rente emphytéotique; 2° le capital de l’excédent au même denier, mais eu égard à la non-jouissance que l’acquéreur éprouvera jusqu’à l’expiration du bail, le tout suivant les tables de proportiou annexées au présent décret. TABLE DE PROPORTION pour servir à l'estimation des biens donnés à emphytêose. Le prix du revenu (excédant la redevance emphytéotique) étant fixé sur le pied de 100 livres pour 4 livres 6/11° de rente ou au denier 22. Valeur actuelle d’un Combien de fois revenu de 1,000 liv. il faudra payer dont la jouissance le revenu excédant Durée. est suspendue la redevance jusqu’à l’expiration portée d’un bail au emphytéotique, bail emphytéotique. TABLE DE PROPORTION pour servir à V estimation des biens donnés par bail à vie. Le prix du revenu (excédant la rente portée au bail) étant fixé sur le pied de 100 livres pour 4 livres 6/11® de rente ou au denier 22. (1) Le revenu suspendu par le bail. 12 178 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (18 avril 1191.] Valenr actuelle d’un Combien de fois revenu de 1,000 liv. il faudra payer dont la jouissance le revenu excedant Age de la tête. est suspendue la redevance par portée un bail à vie au bail à vie. sur une seule tête. TABLE DE PROPORTION pour servir à V estimation des biens donnés par bail i vie sur deux têtes. Le prix du revenu (excédant la rente portée au bail) étant fixé sur le pied de 100 livres pour 4 livres 6/11® de rente ou au denier 22. (1) Le revenu suspendu par le bail. (2) Le revenu suspendu par le bail. Article additionnel. « Sur le rapport fait par les comités ecclésiastique et d’aliénation réunis, des difficultés qui se sont élevées dans plusieurs départements, par rapport à l’exécution de traités faits entre des ci-devant bénéficiers et des particuliers ou des compagnies de gens d’affaires, par lesquels les personnes qui ont contracté avec les bénéficiers se sont engagées envers eux, moyennant des remises convenues, à leur faire des avances de fonds, et à percevoir le prix des baux qui seraient faits par le bénéficier lui-même en leur présence, et ce, pendant un nombre d’années convenu, quel que fût le bénéfice dont le titulaire qui traitait se trouvât pourvu, et dans le cas même où il acquerrait un nouveau bénéfice au lieu de celui qu’il possédait : « L’Assemblée nationale, considérant que les conventions dont il s’agit caractérisent un traité particulier, propre à la personne beaucoup plus qu’au bénéfice, et qu’il ne saurait être assimilé aux baux généraux des biens d’un bénéfice dont elle a ordonné l'exécution dans des circonstances et sous des conditions désignées ; « Déclare que les traités dont il vient de lui être rendu compte ne sont point dans le cas d’être exécutés par la nation; et néanmoins, attendu que ceux qui avaient consenti lesdits traités les ont exécutés de fait pendant le cours de l’année 1790, décrète que leur exécution ne cessera qu’à compter du 1er janvier dernier. » (Ce décret est adopté.) M. Guillaume. Il s’est élevé une difficulté au comité ecclésiastique, sur la question de savoir si les rentes foncières à prix d’argent étaient comprises dans le décret du 9 mars dernier, qui suspend la vente des droits incorporels. Les uns ont soutenu l’affirmative, les autres la négative, fondés sur ce que les ventes à prix d’argent, présentant une valeur certaine, n’étaient pas comprises dans le décret du 9 mars, et pouvaient être vendues. M. Camus, président du comité d’aliénation . Le comité d’aliénation s’est occupé de cette question et de quelques autres analogues; si l’Assemblée l’ordonne, il lui présentera jeudi prochain ses vues sur cet objet. (L’Assemblée décrète qu’elle entendra jeudi prochain le comité d’aliénation.) M. le Président. J’ai reçu une lettre du directoire du département de Paris dont je vais donner lecture à l'Assemblée : « Monsieur le Président, « Dans un arrêté de police que le directoire a « pris le 11 de ce mois, relativement aux églises « paroissiales, chapelles et autres édifices reli-« gieux, le directoire, considérant que les contra-« ventions à ses dispositions peuvent être de “ telle conséquence, que les peines ordinaires « de police seraient insuffisantes, pour les cas de « résistance, s’adresse, ainsi qu’il l’avait annoncé « dans le même arrêté, aux législateurs, pour » qu’ils veuillent bien statuer dans leur sagesse « la peine qu’ils voudront appliquer auxdites « contraventions. » « Nous sommes, etc. » M. Gaulüer-Biauzat. Il n’est fait mention dans cette lettre que d’une partie de l’arrêté du