SÉANCE DU 21 MESSIDOR AN II (9 JUILLET 1794) - N° 35 19 Fait en la maison commune, les jours et ans que dessus, signé Marcel Brissaud, René Touziau, et Peyrot, off. public. P.c.c. J. Peyrot (off. public et secrét.) Vu au Directoire du district d’Argenton par les administrateurs, à Argenton, le 12 mess. II. [2 signatures illisibles.] « Sur la proposition d’un membre, qui convertit en motion la pétition de la commune de Chasseneuil, district d’Argenton, département de l’Indre, la Convention nationale décrète : « Art. I. - La trésorerie nationale versera dans la caisse du receveur du district d’Argenton, département de l’Indre, la somme de 150 1., pour être payée, sur le vu du présent décret, et à titre de secours provisoire, à la veuve de Fiacre Samuseau, qui a péri dans une carrière où il travailloit en vertu de réquisition et pour ouvrages publics. « Art. II. - Renvoie la pétition au comité de liquidation pour le réglement de la pension demandée pour ladite veuve et ses enfans. « Art. III. - Le présent décret ne sera pas imprimé; son insertion au bulletin tiendra lieu de promulgation » (l). 35 VADIER : Je vous demande la parole au nom du comité de sûreté générale, pour deux objets très intéressants. Il y a quelques jours que vous renvoyâtes aux comités réunis à vous proposer un moyen de rendre à l’agriculture les hommes que des mesures générales ont enveloppés et qu’elles ont déterminé à faire mettre en état d’arrestation. Cette mesure ne peut avoir d’inconvénient. Il s’agit ici d’hommes qui pratiquent les vertus républicaines, la frugalité, la tempérance, l’amour du travail, et qui, lorsqu’ils sont trompés, le sont par des voies indirectes, par des aristocrates, des fanatiques et des chercheurs de places; car le peuple est toujours bon. Nous vous proposons donc de mettre en liberté provisoirement les cultivateurs. Nous n’entendons pas par là les cultivateurs portant l’épée; c’est des laboureurs qu’il s’agit ici, des manouvriers, de ceux qui portent sur leurs mains l’empreinte du travail, qui cultivent eux-mêmes la terre et nous ouvrent ses trésors ; de ceux enfin pour qui nous sommes déterminés à verser jusqu’à la dernière goutte de notre sang, pour assurer leur bonheur. (On applaudit.) Nous avons pensé que vous voudriez cependant excepter de cette mesure favorable ceux qui se seraient rendus coupables de haute trahison, soit en favorisant des émigrations, l’invasion du territoire français, la livraison des places, etc. ; cela s’entend (l) P.V., XLI, 121. Minute de la main de Pépin. Décret n°9837. Reproduit dans Bin, 24 mess, (suppl1). Débats, n° 657 ; J. Sablier, n° 1429; J. Fr., n° 654. naturellement; ainsi nous ne vous parlerons que de ceux qui, influencés par un ennemi du bien public, un curé ou vicaire, par exemple, pour une messe, auraient été mis en prison. Les travaux de l’agriculture en souffrent sans doute, mais l’humanité en souffre encore plus. Le second objet que je suis obligé de vous soumettre se rapporte à la loi du 22 prairial. Il y est dit qu’aucune autorité ne pourra traduire un individu devant le tribunal révolutionnaire sans l’attache des comités de salut public et de sûreté générale. Cette disposition est infiniment sage, et vous en allez juger. Un de ces derniers jours, on nous amena du district des Andelys 16 sans-culottes, prévenus des plus grands crimes, et que votre loi prévoyante nous a donné la douce jouissance de remettre en liberté. Dans un procès-verbal, très-artificieusement dressé, signé, ne varietur, et orné d’un très-beau cachet, ils étaient accusés de trois crimes qu’on avait pris soin de présenter avec un grand appareil. Le premier était d’avoir lié une botte de foin avec des brins de seigle qui eussent facilement tenu dans ma main ; le second, d’avoir laissé une gerbe de lentilles imparfaitement battues, de sorte qu’il en restait à peu près un demi-litron ; le troisième d’avoir laissé, dans une poignée de paille, du grain qui aurait bien suffi à nourrir un oiseau pendant deux jours. (On rit.) Vous sentez combien cette cumulation était concluante. Voici la malice du scélérat qui poursuivait ces malheureux. Il avait fait mettre les scellés sur le grenier où étaient renfermées les preuves des délits. Il les y avait laissés pendant six semaines, de sorte que la moisissure s’en était emparée, et il disait ; Vous voyez que ce sont des avarieurs, des dilapida-teurs de substances, des ennemis du peuple. La police correctionnelle, devant qui il avait eu l’impudence de les citer, ne vit aucun délit, et renvoya les accusés. La scélératesse de l’agent ne s’en tint pas là; il dénonce à l’administration du district ceux qu’il persécute; il cite la loi, et colore sa dénonciation des meilleures intentions. Le district, qui ne connaît que la loi, renvoie les prévenus devant le tribunal révolutionnaire. Heureusement nous avons eu à inspecter ce renvoi. Il nous a fait connaître les plus honnêtes indigents. Nous les avons renvoyés; ce n’est pas tout, nous avons fait arrêter le coquin... (On applaudit à plusieurs reprises.) Nous lui avons dit : Puisque tu es un oppresseur du peuple, un ennemi public, tu es une bête fauve, sur qui l’on pourrait tirer; la justice nationale doit prononcer sur ton sort. Voilà ce qui est arrivé; et cependant, si ces malheureux eussent paru devant le tribunal révolutionnaire, le fait eût été reconnu constant, et la loi appliquée avec toute sa rigueur par le jury et les juges, qui ne connaissent d’autre règle de leurs actions que la loi écrite (l). L’agent que nous avons arrêté n’est pas encore envoyé devant le tribunal, parce qu’il n’est pas douteux qu’il ne soit coupable d’autres crimes qu’il est important de découvrir. (l) Voir séance du 26 mess. n° 66. (Réclamation de Vadier sur ce passage). SÉANCE DU 21 MESSIDOR AN II (9 JUILLET 1794) - N° 35 19 Fait en la maison commune, les jours et ans que dessus, signé Marcel Brissaud, René Touziau, et Peyrot, off. public. P.c.c. J. Peyrot (off. public et secrét.) Vu au Directoire du district d’Argenton par les administrateurs, à Argenton, le 12 mess. II. [2 signatures illisibles.] « Sur la proposition d’un membre, qui convertit en motion la pétition de la commune de Chasseneuil, district d’Argenton, département de l’Indre, la Convention nationale décrète : « Art. I. - La trésorerie nationale versera dans la caisse du receveur du district d’Argenton, département de l’Indre, la somme de 150 1., pour être payée, sur le vu du présent décret, et à titre de secours provisoire, à la veuve de Fiacre Samuseau, qui a péri dans une carrière où il travailloit en vertu de réquisition et pour ouvrages publics. « Art. II. - Renvoie la pétition au comité de liquidation pour le réglement de la pension demandée pour ladite veuve et ses enfans. « Art. III. - Le présent décret ne sera pas imprimé; son insertion au bulletin tiendra lieu de promulgation » (l). 35 VADIER : Je vous demande la parole au nom du comité de sûreté générale, pour deux objets très intéressants. Il y a quelques jours que vous renvoyâtes aux comités réunis à vous proposer un moyen de rendre à l’agriculture les hommes que des mesures générales ont enveloppés et qu’elles ont déterminé à faire mettre en état d’arrestation. Cette mesure ne peut avoir d’inconvénient. Il s’agit ici d’hommes qui pratiquent les vertus républicaines, la frugalité, la tempérance, l’amour du travail, et qui, lorsqu’ils sont trompés, le sont par des voies indirectes, par des aristocrates, des fanatiques et des chercheurs de places; car le peuple est toujours bon. Nous vous proposons donc de mettre en liberté provisoirement les cultivateurs. Nous n’entendons pas par là les cultivateurs portant l’épée; c’est des laboureurs qu’il s’agit ici, des manouvriers, de ceux qui portent sur leurs mains l’empreinte du travail, qui cultivent eux-mêmes la terre et nous ouvrent ses trésors ; de ceux enfin pour qui nous sommes déterminés à verser jusqu’à la dernière goutte de notre sang, pour assurer leur bonheur. (On applaudit.) Nous avons pensé que vous voudriez cependant excepter de cette mesure favorable ceux qui se seraient rendus coupables de haute trahison, soit en favorisant des émigrations, l’invasion du territoire français, la livraison des places, etc. ; cela s’entend (l) P.V., XLI, 121. Minute de la main de Pépin. Décret n°9837. Reproduit dans Bin, 24 mess, (suppl1). Débats, n° 657 ; J. Sablier, n° 1429; J. Fr., n° 654. naturellement; ainsi nous ne vous parlerons que de ceux qui, influencés par un ennemi du bien public, un curé ou vicaire, par exemple, pour une messe, auraient été mis en prison. Les travaux de l’agriculture en souffrent sans doute, mais l’humanité en souffre encore plus. Le second objet que je suis obligé de vous soumettre se rapporte à la loi du 22 prairial. Il y est dit qu’aucune autorité ne pourra traduire un individu devant le tribunal révolutionnaire sans l’attache des comités de salut public et de sûreté générale. Cette disposition est infiniment sage, et vous en allez juger. Un de ces derniers jours, on nous amena du district des Andelys 16 sans-culottes, prévenus des plus grands crimes, et que votre loi prévoyante nous a donné la douce jouissance de remettre en liberté. Dans un procès-verbal, très-artificieusement dressé, signé, ne varietur, et orné d’un très-beau cachet, ils étaient accusés de trois crimes qu’on avait pris soin de présenter avec un grand appareil. Le premier était d’avoir lié une botte de foin avec des brins de seigle qui eussent facilement tenu dans ma main ; le second, d’avoir laissé une gerbe de lentilles imparfaitement battues, de sorte qu’il en restait à peu près un demi-litron ; le troisième d’avoir laissé, dans une poignée de paille, du grain qui aurait bien suffi à nourrir un oiseau pendant deux jours. (On rit.) Vous sentez combien cette cumulation était concluante. Voici la malice du scélérat qui poursuivait ces malheureux. Il avait fait mettre les scellés sur le grenier où étaient renfermées les preuves des délits. Il les y avait laissés pendant six semaines, de sorte que la moisissure s’en était emparée, et il disait ; Vous voyez que ce sont des avarieurs, des dilapida-teurs de substances, des ennemis du peuple. La police correctionnelle, devant qui il avait eu l’impudence de les citer, ne vit aucun délit, et renvoya les accusés. La scélératesse de l’agent ne s’en tint pas là; il dénonce à l’administration du district ceux qu’il persécute; il cite la loi, et colore sa dénonciation des meilleures intentions. Le district, qui ne connaît que la loi, renvoie les prévenus devant le tribunal révolutionnaire. Heureusement nous avons eu à inspecter ce renvoi. Il nous a fait connaître les plus honnêtes indigents. Nous les avons renvoyés; ce n’est pas tout, nous avons fait arrêter le coquin... (On applaudit à plusieurs reprises.) Nous lui avons dit : Puisque tu es un oppresseur du peuple, un ennemi public, tu es une bête fauve, sur qui l’on pourrait tirer; la justice nationale doit prononcer sur ton sort. Voilà ce qui est arrivé; et cependant, si ces malheureux eussent paru devant le tribunal révolutionnaire, le fait eût été reconnu constant, et la loi appliquée avec toute sa rigueur par le jury et les juges, qui ne connaissent d’autre règle de leurs actions que la loi écrite (l). L’agent que nous avons arrêté n’est pas encore envoyé devant le tribunal, parce qu’il n’est pas douteux qu’il ne soit coupable d’autres crimes qu’il est important de découvrir. (l) Voir séance du 26 mess. n° 66. (Réclamation de Vadier sur ce passage).