[États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-sur-Seine. 253 ment, ils consentiront que, si les deux ordres ne sont point d’accord, des commissaires de l’ordre contraire se réunissent avec ceux qu’ils nommeront, pour tâcher de concilier les trois ordres ensemble ; et s’ils ne pouvaient pas y parvenir, alors et dans ce seul cas, ils consentiraient d’opiner par tête sur cet objet ; mais pour tout autre quelconque , ils déclarent formellement de ne voter que par ordre. Depuis longtemps on s’est occupé, dans différentes provinces, d’instruire des sages-femmes, pour qu’elles puissent garantir dans les campagnes des malheurs qui sont souvent l’effet de leur inexpérience. Il est à désirer que les Etats généraux s’occupent de cet objet important, et invitent les Etats particuliers, qui s’en sont déjà occupés, à redoubler leurs exhortations aux habitants des campagnes pour en profiter. Il est également important de veiller à ce qu’aucun chirurgien ne puisse s’établir dans les villes, et surtout dans les campagnes, sans avoir donné des preuves suffisantes de sa capacité, qui seront constatées par les précautions que les Etats généraux croiront devoir proposer. Enfin, il serait à désirer d’établir dans chaque paroisse une administration de charité, composée des seigneurs, des curés et de deux notables habitants, pour procurer des secours à la vieillesse, aux infirmités et à la misère ; et ce serait le meilleur moyen de détruire la mendicité. Tous les détails dans lesquels viennent d’entrer ceux qui confient à leurs députés leurs pouvoirs sont plutôt des instructions que des ordres : leurs pouvoirs sont aussi étendus que la confiance qu’ils ont inspirée ; ils doivent être illimités, parce que rien ne doit arrêter Faction des Etats généraux ; et dans un moment où le ministère du Roi a déjà annoncé à la nation la satisfaction qu’elle désirait sur les objets les plus importants de ses vœux, les limitations qui seraient apportées aux pouvoirs des députés, ne répondraient ni à la confiance due aux Etats généraux réunis, aux députés séparés, ni à celle qui est due au Roi, qui rassemble la nation, et au ministre qui a si bien mérité d’elle dans une précédente administration, et qui a été rendu à ses vœux dans une circonstance presque désespérée. Et ont signé : MM. LE VICOMTE DE COETLOSQUET, ) le comte Joseph de Faüdoas, commissaires DE FaRGÈS, l commiShanes-Le chevalier de Thyerry, ] baron de Crussol, président ; Vautier, secrétaire de la noblesse. El ont signé les membres composant la chambre de la noblesse. Fait en la chambre de la noblesse, ce 21 mars 1789. doléances, Très-humbles supplications et remontrances, arrêtées en l’assemblee générale du tiers-état du bailliage de Bar-sur-Seine, tenue en la grande salle du Palais , en exécution de la lettre close du roi Louis XVI , actuellement régnant, signée de Sa Majesté , et plus bas , Laurent de Villedeuil , adressée à M. le baron de Crussol d'Uzès, bailli d'épée, en date du 7 février dernier, portant convocation des Etats généraux en la ville de Versailles , et de l'ordonnance de mondit sieur le bailli, du 27 dudit mois de février , rendue pour l'exécution de ladite lettre , publiée en la salle de l’audience du palais royal de ladite ville de Bar-sur-Seine, ledit jour 27 février, signifiée avec ladite ordonnance aux maire et échevins de ladite ville de Bar-sur-Seine, par acte de Socard, huissier , du lendemain 28, et aux syndics et habitants des différentes communautés du ressort dudit bailliage de Bar-sur-Seine, et publiée de nouveau tant au prône des messes paroissiales de ladite ville de Bar-sur-Seine et communautés dudit bailliage , qu'aux portes des églises, à l'issue des messes (1). Puisqu’il est permis d’exprimer ses vœux et d’exposer ses maux, le tiers-état du bailliage de Bar-sur-Seine, dans la confiance de trouver dans les bontés du Roi et dans son attachement pour ses peuples, le remède qui leur convient, remerciant Sa Majesté du bienfait qu’elle accorde à la nation en la rétablissant dans ses droits par la convocation des Etats généraux, mettra sous ses yeux quelques-uns des abus dont la réforme devient nécessaire ; il le fera avec les sentiments de reconnaissance, de respect et de soumission que doivent des sujets fidèles à un monarque qui veut bien entrer dans leurs peines, qui, pour en tarir la source, daigne les entendre. Des Etats généraux du royaume. Art. 1er. Le malheur du troisième ordre de la nation tire sa première source de l’infériorité de l’influence qu’il a eue dans les précédents Etats généraux; ce n’est qu’en faisant jouir le tiers-état de l’égalité de suffrages avec les deux premiers ordres, que l’on parviendra à faire cesser ce malheur. Le Roi a déjà commencé cet ouvrage digne de son cœur, en appelant aux Etats généraux que Sa Majesté vient de convoquer des députés de ce troisième ordre en même nombre que ceux du clergé et delà noblesse ensemble. Pour finir cet ouvrage et n’en pas perdre le fruit, il convient qu’une loi irrévocable qui précédera toute autre délibération aux Etats généraux, ordonne que le tiers-état y sera dorénavant et à toujours représenté par un nombre de députés au moins égal à celui du clergé et de la noblesse réunis, lesquels députés, choisis librement et dans la forme observée pour les Etats généraux de la présente année, ne pourront jamais être pris que dans l’ordre du tiers-état, ni présidés que par un de leurs pairs; que tous les ordres délibéreront en commun aux Etats généraux sur tou tes les matières qui y seront proposées, et que les délibérations y seront arrêtées à la pluralité des voix prises individuellement et comptées par tête. Et comme il a toujours été de principe (principe sur lequel il rie reste plus aujourd’hui de doute), que deux ordres ne peuvent lier le troisième, dans le cas où les Etats généraux n’adopteraient pas la délibération en commun, il est au moins nécessaire de statuer qu’après avoir délibéré par ordre séparément, si l’un des ordres n’est pas" d’accord avec les deux autres, celui-là sera admis àdemander(ce qui pourra ne lui être refusé) la délibération commune et par tête, comme il est ci-dessus dit. Art. 2. Comme les meilleures lois ne sont pas exemptes d'infraction, que le temps introduit toujours des négligences et des abus dans leur exécution, c’est une nécessité de les renouveler de temps à autre, et de réparer ce quelles ont souffert des atteintes que les hommes injustes ne manquent jamais de leur porter. C’est d’ailleurs le (1) Nous reproduisons ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. 254 [Etats gén. 1T89. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-sur-Seine.] droit d’une nation libre de ne supporter d’impôts que ceux qu’elle a consentis, après les avoir reconnus justes et nécessaires, de ne se soumettre qu’à des lois qu’elle s’est données à elle-même, ou qu’elle a agréées ; mais un impôt qui était juste et nécessaire dans un temps malheureux, devient injuste et inutile dans un temps plus heureux : une loi, sage quand on l’établit, ne convient plus quand les circonstances ont changé ; il est donc du droit d’une telle nation qu’elle soit assemblée de temps en temps pour reconnaître l’état de ses affaires, remédier aux abus qui troublent son ordre, et réformer les lois dans les points où l’expérience lui a appris qu’elles pèchent. Cette considération imposante requiert qu’il soit fixé des termes périodiques auxquels les Etats généraux seront dorénavant assemblés, sans qu’il soit besoin d’autre convocation que la loi qui sera faite à ce sujet auxdits Etals généraux. Art. 3. Si le royaume a droit d’être représenté par les Etats généraux, chacune des provinces qui le composent a intérêt d’avoir des Etats provinciaux qui puissent veiller à l’administration de la province, et qui soient formés sur les mêmes règles que les Etats généraux, si l’on n’aime mieux adopter celle des Etats du Dauphiné : or, comme ni les Etats généraux ni les Etats provinciaux ne peuvent être perpétuellement assemblés, ceux des provinces pourront être utilement représentés ar une commission intermédiaire, dont les mem-res seront choisis par la voie duscrutin; de cette manière Sa Majesté sera instruite à chaque instant du vœu de chaque province, et du bien qu’elle y peut opérer. G’est le seul moyen de faire parvenir aux pieds du trône l’austère vérité qui répugne aux courtisans. Ces établissements auront encore un nouvel avantage. S’il est de principe que la nation seule a le droit de s’imposer, il ne l’est pas moins, que son consentement est nécessaire pour l’établissement des lois générales, et que la vérification et l’enregistrement dans aucune cour souveraine ne peut y suppléer : et comme dans l’intervalle qui s’écoulera d’une tenue des Etats généraux à l’autre, il peut arriver que les circonstances exigent impérieusement un changement dans les lois, ou une augmentation des impôts accordés, il sera établi une commission intermédiaire, composée d’un nombre de députés, pris dans chaque ordre et choisis dans chaque province, lesquels députés seront également choisis par la voie du scrutin, soit dans l’assemblée des Etats provinciaux, soit dans celle des commissions intermédiaires qui les représenteront; et pendant le temps que dureront leurs pouvoirs, ils donneront les consentements nécessaires pour lesdites lois générales, en la même forme que les commissions intermédiaires des assemblées provinciales donneront le leur pour les lois, qui seront particulières à leurs provinces ; consentement, au susplus, qui ne pourra être que provisoire, sauf à être agréé ou réformé par l’assemblée des Etats, soit généraux, soit provinciaux, chacun en droit soi. Des impôts. Art. 4. C’est par la supériorité de leur influence que le clergé et la noblesse sont parvenus à se maintenir jusqu’à présent dans des privilèges que le premier de ces ordres ne doit qu’à l’abus qu’il a fait de la piété peu éclairée de nos pères, et le second à la tyrannie du gouvernement féodal qui, en portant atteinte à la liberté du peuple français, n’a pas même respecté les droits de nos souverains ; ce sont ces privilèges qui, lorsque les deux ordres qui s’en sont revêtus rassemblaient dans leurs mains tout ce que le royaume renferme de biens plus précieux, ont rejeté sur l’ordre du tiers, toujours le plus pauvre et le plus nombreux, tout le poids des charges de l’Etat. Le moyen le plus efficace, celui que l’équité présente, celui que le besoin de la nation réclame, c’est qu’il soit statué qu’aucun des membres du clergé et de la noblesse, ni aucun sujet du Roi, de quelque dignité et place qu’il soit revêtu, ne puisse à l’avenir prétendre aucun privilège pécuniaire, ni aucune exemption, mais que tous portent les charges de l’Etat, même ce que l’on nomme charges publiques, telles que le logement des gens de guerre et les corvées, s’il arrivait que l’usage en fût rétabli, chacun eu égard à ses propriétés, facultés, commerce et industrie, con-curemment avec l’ordre du tiers-état, et de la même manière que lui, sans aucune distinction ni restriction quelconques. Art. 5. Dans les besoins pressants de l’Etat, et dans les moments de crise, différentes provinces et villes du royaume ont racheté plusieurs droits qqi sont aujourd’hui acquittés par les autres provinces : maintenant qu’elles sont plus que dédommagées par la longue jouissance de leur exemption, pour alléger le fardeau de celles qui ont acquitté tous les impôts, il est de la souveraine justice de révoquer tous les privilèges dont elles ont joui, et de les rendre égales aux autres en leur faisant supporter toutes les charges de l’Etat. Art. 6. Quant aux dettes, l’erreur dé ne pas les regarder à Yinstar des impositions rend nécessaire de pourvoir à ce qu’il n’en soit plus fait à l’avenir sans le consentement exprès des Etats généraux , pas même sous le prétexte de les hypothéquer sur le domaine de la couronne, qui rdappartient au Roi que comme représentant la nation. Après ce préliminaire indispensable, le premier soin doit être de répondre à la confiance des créanciers de l’Etat, en arrêtant le montant des dettes légitimes, qui seront déclarées dettes nationales, et de prendre ensuite un plan qui, en répondant au désir public, fasse renaître la confiance qui procurera la diminution volontaire des intérêts, et supprime la gêne dans le commerce des effets ou contrats royaux, qui ne pourront en aucune manière cependant être remplacés par du papier-monnaie. Art. 7. Alors les Etats généraux pourront accorder un impôt capable d’acquitter la dette et de soutenir la majesté du trône ; mais cet impôt devant être proportionné aux besoins, le Roi sera très-humblement supplié de faire connaître l’état de ses finances, celui des dettes arriérées et des charges ordinaires et extraordinaires, celui de la maison et des pensions de grâce, enfin celui de tous les revenus que procurent les domaines et les impôts de tout genre, pour être pourvu aux réformes qu’une sage économie pourra permettre, à la suppression des impôts dont la perception est trop gênante ou trop dispendieuse, et qui apporte trop d’entraves au commerce, notamment des aides, gabelles, traites, dix sols pour livre sur les octrois des villes et communautés, péages, travers, pontonnages appartenant à Sa Majesté, et des droits d’entrée et de sortie qui ont lieu, d’une province du royaume à une autre, lesquels seront reportés sür les frontières : et pouf être encore pourvu à l’établissement d’Uh ou plusieurs impôts qui puissent mettre là balance entre la recette et la dé- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-sur-Seine.] 255 pense ; à la suppression d’une multitude d’emplois qui, sans être utiles, sont beaucoup de dépenses; au retranchement des appointements des emplois qui seront conservés, afin de les mettre dans une juste proportion avec le travail dont ils sont le prix; à l’abolition des grâces et pensions qui n’ont été accordées et ne s’accordent qu’au crédit, à la protection et à l’importunité, et enfin à l’établissement d’un ordre durable et permanent dans toutes les parties de l’administration. Art. 8. Pour parvenir à ce but si désirable, nous avons lieu u’espérer que les Etats généraux, pénétrés, comme nous le sommes, de cette grande vérité que chacune des provinces qui composent le royaume doit contribuer aux charges générales de l’Etat en proportion de ses biens territoriaux et autres facultés, proportion qui doit ensuite avoir lieu de recette à recette, de district à district, de communauté à communauté, et enfin de contribuable à contribuable, reconnaîtront qu’il est nécessaire, pour établir entre les différentes provinces cette proportion : 1° de supprimer les vingtièmes actuels et d’établir en leur place une imposition territoriale sur des règles fixes et permanentes ; 2° de supprimer la taille d’industrie, et de la remplacer par un impôt mieux combiné. De ces remplacements il en résultera que ces nouveaux impôts serviront de base , le premier, pour calculer les fonds territoriaux, le second, pour connaître les forces de l’industrie de chaque province et ville, et, d’après ces connaissances, les autres impositions pourront être réparties avec connaissance de cause sur les différentes provinces ; enfin, dans le cas où ces deux impôts de proportion seraient adoptés, l’administration en sera confiée aux Etats provinciaux, et la juridiction commise à des tribunaux de justice, sans pouvoir être entre les mains de commissaires, dont l’arbitraire pourrait renverser l’ordre de proportion, et qui semblent trop ardents à trouver des coupables de fraude dans ceux qui en sont accusés. Art. 9. Parmi les impôts qui sont à supprimer on doit s’occuper de ceux qui suivent. D’abord, dans la plupart des villes du royaume, les commerçants et artisans, indépendamment de la taille très-considérable qu’ils payent à raison de leur industrie, sont grevés d’une autre imposition que l’on appelle encore industrie, à laquelle chacun d’eux est coté par un rôle particulier. Le commerce et les arts étant le nerf de l’Etat, et ceux qui exercent ces professions ne pouvant mériter trop d’encouragement, il est nécessaire de supprimer ce dernier impôt qui n’est qu’une cumulation du premier et qui, quand il pourrait être regardé comme un vingtième perçu sur l’industrie, n’en serait pas plus juste, attendu que les seuls immeubles réels et fictifs doivent être assujettis au vingtième et que d’ailleurs la répartition de cet impôt ne peut que donner lieu à l’arbitraire je plus marqué. Art. 10. En second lieu, le droit de franc-fief, dont les roturiers sont tenus pour les biens féodaux qu’ils possèdent, est une servitude contre laquelle le droit naturel et l’intérêt du commerce ne cessent de réclamer, et l’on ose dire qu’il est étonnant qu’un pareil droit, qui dans l’origine n’a été établi que parce que les roturiers, qui ne faisaient pas la profession des armes, ne pouvaient pas s’acquitter des services qui étaient dus pour raison des fiefs, se soit perpétué jusqu’à présent. Aujourd’hui que la possession de ces biens est affranchie de tout service militaire, et que les troupes sont payées par la nation, aujourd’hui qu’une raison éclairée fait disparaître tous les préjugés que l’orgueil des nobles, l’ignorance et l’anarchie féodale avaient introduits, aujourd’hui enfin qu’il est évident que tout ce qui peut apporter des entraves à la libre disposition des biens qui sont restés dans le commerce, ou tout ce qui peut gêner la concurrence pour les acquérir, est nécessairement nuisible à la société, on ne peut trop tôt abolir un droit qui, dans le vrai, est un impôt et un outrage de plus pour le tiers-état. Art 11. Il est encore intéressant de diminuer les droits de contrôle et insinuation ; cela pourra se pratiquer sans que les finances de l’Etat en souffrent, et les pauvres habitants soit des villes, soit des campagnes, en retireront un grand avantage. Ecartés par la rigueur de ces droits, ils passent peu d’actes pour constater leurs propriétés. Il résulte de cet usage, à la moindre difficulté, beaucoup de procès qui gênent leurs familles et souvent les ruinent en ehtier. Si les droits de contrôle et d'insinuation sont allégés, les actes se multipliant à proportion, la recette sera la même ; et l’on pourrait d’ailleurs suppléer à ce qui manquerait en imposant un contrôle léger sur chaque acte qui serait passé dans la capitale, dont les habitants pourraient plus facilement en payer de considérables que les pauvres habitants de campagne ne peuvent en payer de faibles. Cet article rappelle qu’il est étonnant qu’il ait été créé à la charge des justiciables dans les tribunaux royaux un nombre de droits multipliés, qui pourraient faire regretter à quelques-uns de ce que la justice est entre les mains de Sa Majesté, puisque les justiciables des seigneurs en sont exempts. Pourquoi ne pas supprimer les premiers ou les réduire à des sommes modiques, qui, partagées par les tribunaux seigneuriaux, deviendront plus supportables, et ne rendront pas la condition des justiciables directs à Sa Majesté pire que celle de ses autres sujets ? Art. 12. La formule porte dans chaque généralité des empreintes différentes, et l’on ne trouve dans les bureaux de distribution que les papiers et parchemins timbrés qui doivent être employés dans la généralité où ces bureaux sont situés; d’où il suit que celui qui demeure en Bourgogne et qui a des actes à faire en Champagne, est souvent obligé de retarder ses opérations, faute d’avoir à sa proximité un bureau où il puisse se procurer l’espèce de formule dont il a besoin, ce qui donne souvent lieu à des méprises qui font encourir des amendes et opèrent fa nullité des actes. Le remède à cet inconvénient est d’autant plus aisé à apporter, que le prix de la formule étant le même partout, l’intérêt du fisc ne peut souffrir d’une loi qui ordonnera une empreinte uniforme dans toutes les provinces où le papier timbré est en usage, ou qui supprimera les peines énormes qui sont la suite d’une simple contravention en ce genre. Àirt. 13. Ce ne serait qu’un ouvrage imparfait que de s’attacher uniquement aux moyens de pourvoir par des impôts également répartis au payement de la dette nationale légitimement constatée, et aux dépenses ordinaires et extraordinaires de l’Etat, si on ne s’occupait pas encore des moyens d’empêcher que les finances ne soient employées à d’autres objets que ceux pour lesquels elles sont destinées, et si on ne veillait scrupuleusement à ce qu’elles ne soient détournées. Pour remplir ce double but, il est néces- 256 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-sur-Seine.] saire que les ministres rendent compte à la nation assemblée des fonds qui leur seront confiés pour leur département, et que les trésoriers et receveurs des deniers publics, qui seront convaincus de les avoir détournés et dissipés, soient punis d’une peine capitale. De l’Eglise. Art. 14. C’est la chose la plus ruineuse pour le royaume de France que les impôts de toute espèce que la cour de Rome lève sous le titre d’an-nates, pour provisions, brefs, dispenses, etc. L'intérêt de la nation, sans que celui de la religion soit blessé, puisque nous avons en France des archevêques et évêques, représentants des apôtres, qui tous ont reçu de Jésus-Christ immédiatement les mêmes pou voirs, sollicite une loi qui supprime les annates, et ordonne que les archevêques et évêques du royaume, chacun dans son diocèse, donneront gratuitement les provisions, brefs, dispenses, etc., pour lesquels on avait coutume de s’adresser à la cour de Rome, à moins que lesdits archevêques et évêques n’aiment mieux élire entre eux un patriarche pour cet effet, sans que l’on entende préjudicier au droit reconnu à Sa Sainteté de donner tous règlements pour la correction et le maintien de la discipline universelle de l’Eglise, comme chef des autres évêques. Art. 15. Les dîmes qui ont succédé aux oblations volontaires que les premiers fidèles faisaient aux pasteurs de l’Eglise, étaient dans l’origine une juste reconnaissance du troupeau envers ceux qui, ayant tout sacrifié au soin de le conduire, n’avalent autre chose pour pourvoir à leur subsistance ; mais aujourd’hui que nos pères ont comblé l’Eglise de toutes sortes de biens qui, surpassant infiniment ce qui est nécessaire pour subvenir au besoin de ses ministres, les jettent trop communément dans les désordres d’un luxe scandaleux, la dîme n’est plus qu’un impôt odieux, source de discorde entre le pasteur et ses ouailles, et dont la justice due au peuple qui en est vexé, exige la suppression, sauf, pour pourvoir à la subsistance et à l’entretien des curés et vicaires, à supprimer les titres de tous les bénéfices qui sont devenus inutiles à l’Eglise, tels que les abbayes et prieurés commendataires, les prieurés et chapellenies simples de patronage royal ou ecclésiastique, pour être les menses desdits abbayes et prieurés commendataires, les dîmes distraites, réunies aux menses conventuelles, à la charge par les religieux de chaque diocèse de payer aux curés et vicaires des mêmes diocèses, des portions congrues, proportionnées à la population et à l’importance de chaque paroisse, et les biens des prieurés et chapellenies simples, réunis au gros des cures, en déduction des portions congrues, qui seront d’autant diminuées. Mais si la suppression des abbayes, prieurés et chapellenies ne pouvait s’opérer, dans ce cas toutes les dîmes doivent être distraites des bénéfices auxquels elles sont jointes, pour être réunies aux cures, à la charge par les curés, dans l’un et l’autre cas, de payer à leurs vicaires et desservants une portion congrue, d’administrer et faire administrer les sacrements, et de faire les inhumations sans aucune rétribution. Art. 16. Les mœurs souffrent au delà de l’expression, de l’éloignement trop commun des archevêques et évêques de leurs diocèses ; non-seulement les fidèles sont privés des instructions, que leur doivent leurs premiers pasteurs, mais encore les ecclésiastiques du second ordre n’étant point surveillés, ou ne l’étant que par des personnes subordonnées, auxquels ils ne peuvent accorder ni le même respect ni la même soumission qu’à leur véritable supérieur; le relâchement, d’ailleurs autorisé par l’exemple, s’introduit partout; les instructions des paroisses sont négligées et les mœurs se dépravent. Pour arrêter les progrès d’un si grand mal, il est pressant que les ordonnances et règlements, qui exigent la résidence des archevêques et évêques dans leurs diocèses, soient renouvelés, et qu’il soit défendu à ces prélats de posséder aucunes places ni charges qui les obligent de s’éloigner du troupeau auquel ils se sont liés, en acceptant leurs dignités. Art. 17. La cumulationdes bénéfices a toujours été réprouvée par les saints canons, comme contraire à l’esprit de l’Eglise, qui ne permet pas à ses ministres de prendre de ses biens plus qu’il ne leur en faut pour paraître et se soutenir avec décence; mais l’expérience nous apprend de plus que la liberté avec laquelle on entasse bénéficessur bénéfices, est la source d’une somptuosité qui insulte au malheur public. Ce scandale ne peut se réprimer qu’en défendant rigoureusement à tout ecclésiastique de posséder àla fois plusieurs bénéfices, lorsque l’un vaudra une certaine somme qui sera déclarée suffisante pour l’entretenir dans la décence qu’exige son état, et en déclarant vacants et impétrables tous ceux qu'il possédera au delà. Art. 18. La liberté de conscience est de droit naturel ; chacun ne doit compte qu’à Dieu de sa foi. Ce que les hommes qui vivent sous un même empire ont à prétendre les uns des autres, c’est qu’aucun ne trouble l’ordre de leur société, et l’intérêt des Etats est de rassembler dans leur sein tous ceux qui, par leur science, leur art, leur industrie, sont capables d’y amener l’abondance et la prospérité ; c’est donc celui de la France d’offrir à tous les sectateurs des différentes religions un asile et un sort semblables à ceux que l’édit du mois de novembre 1787 accorde aux non catholiques. , Et l’Eglise qui n’a reçu de Jésus-Christ que les armes delà persuasion et du bon exemple, devant en attendre plus de fruit que de celle qu’elle emprunterait d’une persécution qui offense le Dieu de paix et de miséricorde, ne verra sans doute qu’avec joie les moyens qu’une semblable tolérance lui procurera de regagner des enfants qu’elle avait perdus, et d’en acquérir de nouveaux. Des domaines. Art. 19. Une des grandes sources du malheur de l’Etat, c’est encore l’aliénation qui se fait trop facilement des domaines de la couronne; c’est ordinairement en faveur des grands que ces aliénations ont lieu, soit à prix d’argent, soit à titre d’échange; et de quelque manière que cela arrive, ils ont toujours le crédit d’avoir pour rien, ou presque rien, ces biens qu’ils acquièrent. Il est urgent de fermer pour jamais la porte à cet abus ruineux, en prenant des mesures qui empêchent à l’avenir aucunes de ces aliénations, et qui les réparent pour le passé, en ordonnant que le Roi rentrera incessamment dans tous les domaines aliénés, à quelque litre que ce soit, même à titre d’échange, et qu’ils seront dorénavant affermés au plus offrant et dernier enchérisseur, par des baux de neuf ans au plus, devant les juges royaux des lieux, après les affiches et publications nécessaires. Cependant si les finances du royaume ne permettaient pas de rembourser les engagistes et possesseurs des domaines aliénés, et si, par l’inféoda- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-sur-Seine.j 257 tion d’iceux on pouvait se promettre une ressource pour la liquidation d’une partie des dettes de l’Etat, dans ce cas il serait de la sagesse de prendre ce parti, et d’aviser aux moyens les plus propres pour que l’inféodation s’en fasse de la manière la plus avantageuse, en lui donnant toute la publicité possible. De la justice. Art. 20. La division de la juridiction a produit entre les officiers de la juridiction ordinaire et ceux des juridictions d’exception un antagonisme le plus préjudiciable aux sujets. Il en résulte des conflits et des procès ruineux, dont les frais ne manquent jamais de retomber sur les parties qui souvent n’y ont aucune part. La source de ces abus ne peut être tarie qu’en marquant si clairement les limites de chaque juridiction, qu’il ne puisse plus y avoir de difficulté ; et s’il en arrive auxquelles les parties ne veuillent pas prendre part, le premier tribunal saisi demeurera juge de la contestation, si mieux n’aiment les juges faire prononcera leurs frais sur le conflit. Qu’il soit surtout défendu expressément aux officiers des juridictions qui ne sont supérieures les unes des autres, de donner des sentences ou jugements d’évocation, ou des défenses de procéder ailleurs que devant eux ; mais le procureur du Roi d’une juridiction qui se prétendra seule compétente, signifiera sa revendication, et poursuivra, s’il le juge à propos, le jugement du conflit devant les juges supérieurs des deux juridictions confondantes. Art. 21. Le peuple souffre encore énormément du mauvais partage du territoire entre les différentes juridictions. On voit tel bailliage porter son ressort à trente lieues de son siège, tandis que le bailliage voisin est borné quelquefois à deux lieues. C’est un des plus grands avantages que la France puisse désirer qu’il soit fait un arrondis--sement général de tous les bailliages, tel que le justiciable le plus éloigné ne soit, autant qu’il sera possible, qu’à quatre lieues du siège, afin qu’on ne voie pfus des malheureux, dont le temps est précieux à leur famille, être obligés d’abandonner leurs affaires pendant des semaines entières, et même plusieurs fois, pour aller suivre un procès de première instance, qui est le plus souvent de peu d’importance. Art. 22. La justice et l’humanité sollicitent aussi pour que les procès de petit intérêt soient terminés par un seul jugement, et que pour cet effet il soit fait aux bailliages royaux une attribution de pouvoir, déjuger en dernier ressort, au nombre de trois juges, jusqu’à la somme ou valeur de 200 livres. Art. 23. Les évocations, quand elles ne sont pas fondées sur quelques motifs de droit, et qu’elles ne se font pas suivant les régies établies par les ordonnances, de même que les commissions particulières données pour le jugement d’un certain procès, sont une atteinte directe au droit des gens, qui assure qu’il ne sera jugé que par des tribunaux avoués de la nation. Ce droit, souvent blessé, exige une loi qui garantisse aux Etats généraux qu’il ne sera plus usé de ces sortes d’évocations, ni de ces commissions particulières. Art. 24. lien est de même des évocations qui ont lieu en faveur de certaines commissions extraordinaires pour juger de partie des impositions, depuis l’établissement des cours des aides créées sur la demande des Etats; ces cours, ainsi que les tribunaux qui en dépendent, ont lre Sfjuk, T. II. toujours été regardées comme les juges naturels et ordinaires desdites impositions. Aussi ne voit-on qu’avec horreur ces commissions établies à Reims, Saumur, Valence et Caen, pour juger en première et dernière instance, contre le droit public de la nation, et souvent à mort, des sujets de Sa Majesté, accusés par des mercenaires, et jugés sur les dépositions de leurs seuls accusateurs par des juges qui ne sont point ceux de la nation. Les mêmes réflexions se présentent contre la commission établie à Paris, pour juger par voie d’inquisition secrète, toujours abhorrée autant que méprisable, de l’introduction de quelques livres de tabac ; enfin, contre celle composée des seuls intendants, tant pour les vingtièmes que pour une multitude de droits, dont la connaissance ne peut, à juste titre, être enlevée, soit aux Parlements et bailliages, s'il est question des domain nés, soit aux cours des aides et tribunaux qui en dépendent, s’il est question d’autres impositions. Art. 25. Les committimus blessent de même le droit des gens, en obligeant des particuliers à aller plaider devant des juges qui leur sont étrangers, et souvent si éloignés qu’il serait plus avantageux d’abandonner sa cause que d’aller la soutenir ; ce sont des privilèges qu’il est du bon ordre de supprimer. Art. 26. C’est une suite de la dette que les officiers de judicature ont sans cesse à acquitter, qu’ils résident dans le lieu de leur établissement. Les anciennes ordonnances l’exigent, et les infractions fréquentes qui s’y font, requièrent qu’elles soient renouvelées sous des peines qui en assurent l’exécution. Art. 27. La cumulation des offices est encore un abus contre lequel les anciennes ordonnances s’élèvent, et ce n’est pas seulement parce qu’il est rare que dans deux offices il n’y en ait pas un dont quelques fonctions soient imcompatibles avec celles de l’autre , mais c’est encore parce qu’il est intéressant pour le public que toutes les fonctions soient bien remplies, et qu’il est difficile que celui qui se doit à deux offices n’en néglige un pour se livrer à l’autre, s’il n’arrive pas qu’il les néglige tous deux : cependant ces ordonnances tombent en désuétude. Rien de si commun que de voir la même personne réunir plusieurs offices; l’intérêt public blessé demande que ces lois soient remises en vigueur. Art. 28. Il existe dans les cours souveraines une sorte d’inquisition que les Etats généraux ne doivent pas laisser subsister plus longtemps : ce sont les veniat que ces cours sont dans l’usage de donner aux officiers des juridictions inférieures. Pour remplir cet ordre, l’officier mandé est obligé de se rendre dans la ville où réside la cour, pour rendre compte de sa conduite sur des inculpations qui n’ont quelquefois d’auteurs que la calomnie : il peut à peine obtenir audience après un long séjour ; et quand à force de démarches et de sollicitations il est parvenu à se justifier, il revient dans son siège avec la tache qui souvent ne s’efface jamaiSj résultante du soupçon qu’il a mérité d’être réprimandé par les supérieurs. On doit à l’honneur des magistrats et à la sûreté publique des défenses aux cours souveraines de ne plus à l’avenir user de ces veniat , même de donner aucuns arrêts de suspension sur requêtes non communiquées, sauf à elles à procéder, suivant les ordonnances, contre les juges qui auront manqué aux devoirs de leur charge. Art. 29. L’expérience nous faisant connaître chaque jour dans nos Godes civil, criminel et de 17 258 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-sur-Seine.l commerce, des vices dont les détails infinis ne peuvent avoir place ici, il suffit d’observer qu’il est urgent de procéder à leur réformation ; et ce sera aux commissaires qui seront nommés, et aux personnes éclairées du royaume que le Roi associera à leur travail, à faire la recherche de chaque défaut particulier, et à préparer le remède qui lui est propre. Art. 30. Le désintéressement devant être une des premières obligations des magistrats, et les épices et vacations qu’ils-se taxent étant arbitraires, il devient de la plus grande importance de les fixer par un règlement ; il n’est pas moins intéressant de supprimer les vacations qui, indépendamment des épices, se payent dans les différentes chambres du Parlement de Paris, pour la visite des procès, et d’abolir l’usage qui s’est introduit parmi les secrétaires des conseillers d’exiger des parties des salaires pour l’extrait des procès, ouvrage qui se trouve acquitté par les épices. Art. 31. Les besoins de l’Etat ayant fait créer des offices d’huissiers-priseurs dans les provinces, c’est un nouveau fléau pour elles. Il n’est que trop ordinaire que leur transport hors du lieu de leur résidence, leurs vacations fixées à raison de 20 sols par heure, les 4 deniers pour livre, et les frais d’expédition, absorbent entièrement le prix des meubles qu’ils ont le droit de vendre exclusivement, soit après le décès, soit sur des saisies exécutoires : rien n’est donc plus pressant que de supprimer ces offices. Art. 32. L’intérêt et la tranquillité des sujets réclament encore que les deux mois pendant lesquels doivent être exposés les contrats de vente, suivant l’édit de création des bureaux d’hypothèques, soient prorogés à six pour donner aux créanciers plus de facilité de s’instruire des arrangements de leurs débiteurs ; et pour donner encore plus de publicité aux mutations de propriété, il est à propos que les extraits des ventes soient exposés, jaendant le même délai de six mois, dans la juridiction du lieu du domicile des vendeurs. de la police générale du royaume. Art. 33. Tous les sujets d’un même empire sont également enfants de la patrie. Ce sont les vertus et les talents qui doivent seuls mettre quelque différence entre eux : oti ne peut donc faire, sans une injustice révoltante, sans violer toutes les lois de la nature et de la société, fermer à qui que ce soit les routes qui mènent aux honneurs et aux distinctions. Si les nobles sont élevés à un rang au-dessus du tiers-état, c’est qu’on a donné une libre carrière aux vertus et aux talents de leurs ancêtres. Si donc les roturiers du premier siècle n’avaient d’autre droit que ceux de notre temps, pourquoi voudrait-on forcer ceux-ci à enfouir les dons qu’ils ont reçus de la nature lorsqu’on a permis aux autres de s’en honorer, par le présent qu’ils en ont fait à la patrie? Elle réclame, cette patrie, contre l’exclusion de toute les places honorables que la noblesse s’efforce de donner au tiers-état, et sollicite une loi qui, en abrogeant la dernière ordonnance qui exclut le tiers-état des emplois militaires, assure au contraire à ce dernier ordre l’admission tant auxdits emplois qu’à tous les offices de la première magistrature, et à tous bénéfices ecclésiastiques. Art. 34. Il ne faut point de raisonnement pour faire sentir combien est effrayante et cruelle l’atteinte que l’usage des lettres de cachet porte à la liberté des citoyefis et à la liberté publique. Nous demandons que l’usage en soit aboli, ou tout au moins qu’aucun ne puisse être arrêté en vertu de pareils ordres, si ce n’est pour être remis aussitôt entre les mains des juges naturels, ou lorsqu’elles auront été sollicitées par une famille assemblée sur les motifs légitimes ; auquel cas, dès que la personne arrêtée sera rendue à la prison que le Roi aura prescrite, il lui sera envoyé un conseil pour la mettre en état de se pourvoir, si elle le juge à propos, contre ceux qui auront sollicité la lettre de cachet. Art. 35. C’est parla communication continuelle que les hommes se font de leurs pensées, que la philosophie, les lettres, les sciences et tous lés arts prennent de nouveaux accroissements et qu’ils peuvent parvenir à la perfection, qui rend les peuples heureux et les empires florissants ; l’on ne peut donc trop protéger tout ce qui tend à rendre prompts et faciles cette communication, ce commerce de pensées ; et c’est de la presse seule qu’on peut attendre ce secours pour lequel elle a été instituée. 11 faut donc que chacun en ait l’usage tibre ; et il suffira pour empêcher les abus qui pourraient résulter de cette liberté, et se mettre en état de les réprimer, d’imposer des peines sévères à ceux qui, dans leurs écrits, se permettront des choses qui puissent troubler l’ordre de la société, ou qui attaquent l’honneur des familles et des particuliers ; et pour assurer la punition des coupables, d’exiger sous des peines également sévères, que tous les imprimeurs mettent leur nom en tête des ouvrages qu’ils imprimeront, et qu’ils prennent des pouvoirs et soumissions des auteurs, qu’ils seront tenus de représenter toutes les fois que le ministère public, ou les particuliers blessés de quelque manière que ce soit, voudront se pourvoir. Art. 36. Si les chemins publics sont d’une grande utilité au commerce, leur trop grande largeur est constamment nuisible à l’Etat: d’abord parce que le peuple y perd un te;rain précieux, en second lieu, parce qu’il y trouve la charge d’un entretien beaucoup plus dispendieux, et enfin parce que les matériaux qu’on emploie à ces routes trop vastes, s’ils étaient répandus sur un espace plus resserré, y mettraient une plus grande solidité. Les Romains ne donnaient que 14 pieds à leurs routes, et elles étaient bien plus solides que les nôtres, puisqu’il en existe encore grand nombre qui, pour être demeurées sans entretien depuis des siècles, sont infiniment meilleures que les nouvelles auxquelles on travaille continuellement. Ce serait un avantage réel de réduire les nôtres à 21 pieds au plus, qui offriraient un passage très-libre à deux voitures. Et pour soulager les peuples de l’entretien de ces routes, elles peuvent être réparées par des régiments d’infanterie dont on augmenterait la paye pendant le temps de leur travail. Àrt. 37. 11 est cruel pour le cultivateur de se voir enlever dans un instant le fruit de son travail et le but de ses espérances, et c’est ce qu’il éprouve journellement parla liberté, qui est laissée au seigneur et quelquefois aux particuliers, d’avoir le nombre de pigeons qu’ils jugent à propos, et de les laissersortir dans tous les temps de l’année. Il est très-important que les règlements, qui défendent de les laisser vaguer pendant les semailles et moissons, soient renouvelés, et, en y ajoutant de fixer et réduire le nombre de ces animaux, que chaque seigneur pourra avoir dorénavant, eu égard à ses propriétés, et d’enjoindre aux procureurs du Roi des bailliages des lieux d’y tenir la main. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-sur-Seine,] $59 Art. 38. La mendicité fomente tout à la fois la paresse, la débauche et le vol. Les Etats généraux ne peuvent prendre de trop promptes et de trop sages mesures pour qu’elle soit défendue en toute occasion, sous peine de la privation de la liberté, en pourvoyant néanmoins à la subsistance des vieillards et des infirmes indigents, soit par le moyen de bureaux de charité, que les paroisses seront autorisées à établir, soit par quelque autre établissement. Art. 39. De la conservation des minutes des notaires dépend presque toujours la fortune des sujets. Cette considération exige que les minutes des notaires royaux soient soigneusement recueillies après la mort de ces officiers, et qu’il soit établi dans chaque bailliage un dépôt pour les recevoir. Il résulte encore un abus très-préjudiciable du droit que se sont arrogé les seigneurs d’établir dans leur justice des notaires. Ces officiers qui savent à peine écrire, et qui ne connaissent aucuns principes, passent des actes qui deviennent des sources de procès. D’un autre côté, ils ne veillent point à la conservation de leurs minutes, qui se trouvent souvent égarées pendant leur vie, et toujours perdues après leur mort. Le seul remède à cet inconvénient est de supprimer tous les notaires seigneuriaux , et de créer ' des notaires royaux qui ne pourront être reçus que sur des certificats de travail et de capacité, et après avoir été scrupuleusement examinés par les officiers des bailliages. Art. 40. Les lois les plus sages sont toujours mal exécutées et éludées, quand on s’éloigne du temps de leur établissement. Un objet de l’administration du royaume, qui demande une plus prompte réforme, concerne les bois : l’ordonnance de 1669 est enfreinte dans toutes ses parties. Les provinces sont menacées d’une disette prochaine par les enlèvements qui se font pour Paris, par la préférence qui est accordée dans les adjudications aux marchands chargés de l’approvisionnement de cette ville, par L’exploitation vicieuse qui s’est introduite, et par la coupe des futaies, que les seigneurs pressés de jouir font abattre ; en sorte que les lieux dont l’industrie se porte particulièrement vers la culture de la vigne, peuvent à peine se procurer ce qui est nécessaire à son exploitation. La police du royaume réclame l’exécution des anciennes ordonnances, et une nouvelle loi qui réprime les abus qui se sont introduits. De la police des campagnes. Art. 41. Les retournes de sillons et les bouleversements de semences sont des délits très-fréquents dans les campagnes, qui causent le plus grand trouble parmi les laboureurs et les fermiers, les engagent chaque année dans des procès qui les détournent de leurs travaux et en minent plusieurs. La nation est intéressée à arrêter le désordre et à faire qu’il y ait de grosses amendes prononcées contre ceux" qui l’apportent; mais comme le secret, avec lequel se commettent ces sortes de délits, rend souvent impossible, ou tout au moins très-difficile, la preuve que ce soit le propriétaire voisin qui en soit l’auteur, il est de la plus grande importance de régler une forme de procédure la plus simple, qui facilite au propriétaire du terrain retourné et de la semence renversée, les moyens d’en récupérer la possession promptement et sans frais ; et pour cet effet de prescrire par une loi générale certaines formalités, après lesquelles celui à l’héritage de qui le terrain voisin, ensemencé ou non ensemencé aura été réuni par l’effet d’une retourne, quand même il nierait d’en être l’auteur, sera tenu, pour éviter la demande qui pourait être formée contre lui, et n’en pas supporter les dépens, de déclarer qu’il consent à ce que le terrain retourné soit repris par le propriétaire de l’héritage dont il a été séparé ; auquel cas néanmoins les dommages et intérêts et l’amende demeureront réservés, et pourront encore être poursuivis contre celui qui aura prêté un pareil consentement, s’il vient à être prouvé ensuite qu’il a commis le délit. Des seigneurs. Art. 42. Le droit de rendre la justice appartient à la souveraineté, et ne peut, sans contrarier tous les principes, résider en la personne d’un sujet. Les justices ne sont donc incontestablement entré les mains des seigneurs que par l’effet d’usurpation, qu’aucune possession ne peut légitimer. Ainsi l’ordre public demande que toutes les justices seigneuriales soient réunies à la couronne, et chacune d’elles incorporée à la juridiction royale dont elle relève. Cependant, si, par un respect superstitieux peur l’ancienneté de l’usurpation, l’on jugeait à propos de laisser les justices dans les mains inhabiles qui les tiennent, il faut au moins que les seigneurs justiciers soient tenus de remplir les devoirs attachés à cette qualité. La justice est due à tous les sujets; il faut donc qu’elle soit administrée par des gens capables de la rendre suivant les lois de l’équité et celles du royaume, et qui ne soient arrêtés par aucun motif de crainte. Mais la plupart des seigneurs appréhendant de payer des gages, ne mettent dans leurs justices que des hommes de leurs villages qui leur sont dévoués, et qui n’ont aucune connaissance ; si quelquefois, pour sauver jusqu’à un certain point les apparences, ils prennent dans les villes voisines des juges ; ceux-ci mettent d’ordinaire dans leur condition qu’on les verra rarement dans leur siège, et ils abandonnent leurs fonctions à des gens qui n’ont que le nom de praticien, qui, au lieu de rendre la justice aux parties, les mettent le plus souvent dans l'impossibité de l’obtenir jamais. Le moyen de rompre le cours d’un abus si pernicieux, si contraire à la sûreté publique, et dont les seigneurs n’auront jamais à murmurer, est d’accorder la prévention aux juridictions royales sur les seigneuriales, et d’obliger les seigneurs de faire rendre la justice gratuitement, de pourvoir leurs justices de personnes graduées qui ne pourront être par eux destituées sous quelque prétexte que ce soit, si ce n’est pour forfaiture, de leur donner des gages proportionnés à l’importance des juridictions qui leur sont confiées, d’avoir des auditoires, des prisons, des geôliers, de faire faire la police, de poursuivre les délits et les crimes, et d’avoir un lieu sûr pour le dépôt des minutes de leur greffe. Art. 43. Depuis quelques années la faculté qu’ont les seigüeurs de renouveler leurs terriers, est devenue pour eux une branche de commerce, et pour les officiers qu’ils emploient à cette opération, un moyen très-prompt de s’enrichir aux dépens des censitaires. Ces officiers, connus sous le nom de commissaires à terriers, n’hésitent point d’acheter d’un seigneur la permission de renouveler son terrier. Les reconnaissances dont le prix a été triplé par des lettres patentes qui ont été surprises à la religion de Sa Majesté en 1786, la grosse en parchemin qui se paye séparément et 200 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-sur-Seine.] qui ne se délivre jamais, l’expédition en papier, qui se délivre encore moins, les frais énormes qu’occasionne ensuite le blâme, qui souvent n’est fondé que sur une erreur légère dans les tenants et aboutissants, ou dans les aspects du soleil, sont les sources dans lesquelles ces commissaires puisent de quoi se rédimer au centuple de ce qu’ils on t pavé au seigneur. Ce genre de vexation, qui fait tous les jours de nouveaux progrès, sollicite une loi qui, en ne permettant aux seigneurs de renouveler leurs terriers que tous les vingt-neuf ans, modère les gros frais auxquels ces sortes de rénovation donnent lieu, et cette loi est d’autant plus urgente, qu’il est certaines paroisses où le coût d’un terrier a surpassé le montant de ce qu’on y paye de tailles en cinq ans. Et comme les terriers sont des titres communs aux seigneurs et aux censitaires, titres qui servent non-seulement à régler leurs droits respectifs, mais encore à justifier les propriétés des particuliers, il serait expédient que la même loi obligeât le seigneur qui a fait procéder à la rénovation de son terrier, d’en déposer une expédition au greffe de la justice royale d’où il ressortit, ou dans tout autre dépôt qui sera toujours ouvert à ceux qui peuvent en avoir besoin. Art. 44. Tout ce qui peut porter atteinte à la liberté des censitaires, mettre des entraves dans leur commerce, et diminuer le fruit de leur industrie, est odieux et doit être aboli. Il est des droits exorbitants qui ont pris naissance dans des siècles d’ignorance et dans le premier âge de la féodalité. De ce nombre sont les banalités des pressoir, four et moulin, les droits de péage, travers, muage, corvées, et le droit non moins accablant que s’arrogent les seigneurs d’avoir des garennes. La raison demande que, par une loi expresse, tous ces droits soient toujours supprimés, en rachetant par les censitaires ceux qui seraient établis sur des titres légitimes et sur une possession constante. Quant aux dîmes inféodées qui sont entre les mains des seigneurs, il serait encore à propos qu’il fût accordé aux habitants qui y sont sujets la faculté de les racheter. Art. 45. Le pouvoir des seigneurs ne s’est pas borné seulement à imposer à leurs vassaux une infinité de droits plus exorbitants les uns que les autres, ils se sont encore emparés des biens communaux de leurs paroisses, et par leur crédit et la crainte qu’ils ont inspirée, ils ont étouffé les plaintes des propriétaires, et empêché leur réclamation. Une loi claire et précise qui permette aux communautés de rentrer dans les biens qui leur ont été usurpés par quelque personne que ce soit, quelque longue que soit la possession des détenteurs actuels, devient indispensable. DU DUCHÉ DE BOURGOGNE. De ses Etats provinciaux. Art. 46. Le vice de la constitution des Etats généraux du royaume, qui jusqu’à présent a causé l’oppression où gémit le tiers-état de la France, est aussi dans la constitution des Etats particuliers du duché de Bourgogne, avec d’autres vices encore, la source de la foule qui écrase le tiers-état dé cette province. Son influence dans les délibérations étant annulée par la supériorité de celle du clergé et de la noblesse, et de plus par l’impuissance où il a été réduit de choisir ses représentants, non-seulement il porte sans partage toute la charge des impositions, mais il a encore été forcé de fournir à une multitude de membres inutiles de la noblesse des secours que leur ordre, d’accord avec le clergé, leur a fait assigner avec d’autant moins d’économie, qu’ils ne coûtaient rien ni à l’un ni à l’autre, et de satisfaire aux émoluments de places sans fonction, érigées uniquement pour procurer des honneurs et des appointements à quelques nobles. Des injustices désastreuses ne seront jamais retranchées que quand il sera ordonné. 1° Que les Etats provinciaux du duché de Bourgogne seront à l’avenir convoqués, assemblés et tenus en la même forme que les Etats du Dauphiné, ou au moins en celle qui sera adoptée par les Etats généraux. 2° Que les suffrages des différents ordres seront dans la même proportion, recueillis et comptés de la même manière. 3° Que le clergé et la noblesse dudit duché supporteront avec l’ordre du tiers les frais de la tenue de ces Etats, lesquels seront imposés parle même rôle que la taille et dans la même forme. 4° Que toutes les pensions accordées ci-devant par lesdits Etats provinciaux, seront dès ce moment retirées. 5° Que toutes les places sans fonctions, militaires et autres, seront supprimées, comme ne servant qu’à charger le peuple. 6° Enfin qu’il ne sera plus dorénavant accordé aucune grâce ni gratification, et établi aucun impôt, si ce n’est dans l’assemblée générale desdits Etats, et du consentement des trois ordres réunis et délibérant ensemble, et que si quelqu’un desdits ordres en accorde sans le consentement de l’un des autres, ils ne pourront être acquittés sur les deniers appartenant aux Etats , mais seront payés par les membres de l’ordre ou des ordres qui les auront consentis, et la somme d’icelle répartie entre eux, ainsi qu’ils l’aviseront, sans toutefois que ce puisse être dans un rôle d’imposition commun aux trois ordres. Art. 47. Les Etats particuliers de la Bourgogne ayant le droit de participer à l’administration confiée à la commission intermédiaire des Etals, comme aux délibérations de l’assemblée générale, il est juste qu’ils aient dans cette commission intermédiaire la même influence que dans l’assemblée générale. Art. 48. Pour que cette commission, qui ne peut être composée que d’un petit nombre de représentants de chaque ordre, n’ait pas la faculté d'abuser de l’administration qui lui sera confiée, ses pouvoirs doivent être restreints à la simple exécution de ce qui aura été arrêté à rassemblée générale, sans qu’elle puisse rien ordonner au delà, si ce n’est dans les cas qui exigeront qu’il soit promptement pourvu, auxquels elle pourra statuer provisoirement, à la condition toutefois que l’affaire sera de nature à pouvoir être réparée en définitive par l’assemblée des Etats. Par ce moyen on arrêtera des dépenses qui ont eu lieu jusqu’ici, telles que la construction d’édifices publics, l’offre de vaisseaux au Roi, et le rachat de droits d’aides dans certaines parties de la province où il n’a pu s’effectuer. Des tailles, vingtièmes etc. Art. 49. C’est sans doute un objet de la plus grande importance que la répartition de la taille, puisque c’est de la juste balance qui y règne que dépend en quelque sorte le bonheur des contribuables. Mais comment pouvoir espérer que cette balance fût observée en Bourgogne, tant que la forme de cette partie de l’administration de la province ne sera pas rectifiée ? Cette répartition se fait non-seulement sur {Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-sur-Seine. ejgj chaque bailliage, chaque district de la province, mais sur chaque communauté, immédiatement, et par qui ? Par les élus généraux qui composent la commission intermédiaire des Etats , et qui n’ont pas la plus légère connaissance des forces des contrées dont ils règlent la charge. Que l’on ne dise pas que les députés de chaque ville envoyés aux Etats soient faits pour donner la connaissance de l’état de leur pays et y porter ses plaintes. On sait bien que ces prétendus députés n’ont pas été encore du choix de ceux qu’ils doivent représenter. On sait bien que les maires, qui seuls sont quelquefois consultés lors des Etats généraux, ne sont hommes que des élus généraux qui les instituent et les destituent. On sait bien que plusieurs joignent à leur place des emplois qui les intéressent à la prorogation et à la propagation des abus, et l’on n’ignore point que le comté de Bar-sur-Seine, en particulier, n’a jamais pu voir avec une parfaite sécurité ses intérêts entre les mains du maire de sa ville, lorsque lui-même ayant été, et son fils étant encore chargé de la recette des tailles, ils sont possesseurs d’un revenu dont les accroissements dépendent de celui des impôts. L’on sait bien enfin que lors du département des tailles les élus généraux n’appelaient jamais que les receveurs. Aussi , qu’est-il arrivé? Quoique l’on sache que dans le temps où nos maires étaient élus librement par les habitants, l’un deux, en 1658, présenta requête au conseil pour se pourvoir contre les Etats de Bourgogne, et soutint que le comté de Bar-sur-Seine ne faisant que la cent cinquantième, ou au plus la cent vingtième partie du duché, il était injuste de l’imposer au quarantième; quoique l’on sache que sur celte requête qui fût renvoyée aux élus généraux, le comté fut réduit provisoirement au soixantième, avec promesse qu’il serait avisé à une plus grande décharge, et ce par un décret des Etats du mois de mai 1688; néanmoins, depuis la dernière union faite par l’édit de 1720, l’imposition du comté a été portée jusqu’au trente septième et demi de toutes les impositions de la province, même de celles qui s’y perçoivent pour le rachat des droits d’aides, de l’affranchissement desquels il ne jouit point. On peut démontrer l’injustice dans la répartition des tailles par un exemple. Les trois bourgs des Riceys étaient ci-devant partagés entre la province de Bourgogne et la généralité de Paris. En 1779, pour remédier à des difficultés qui s’élevaient à cause des transactions de domicile, il fut fait un partage de ces communautés, par l’événement duquel le bourg de Ricey-Haut est demeuré en entier à la généralité de Paris, et les deux autres , avec la moitié du territoire de tous les trois, ont été réunis à la province de Bourgogne. Quoique les deux bourgs appartenant à la Bourgogne ne dussent être imposés qu’à une somme égale à celle du bourg soumis à l’administration de Paris, ils en portent néanmoins à peu près le double. Pour réparer les torts qu’on a soufferts par le vice de cette administration, et vérifier l’emploi des finances de la province, il est bon qu’il soit enjoint aux élus .généraux, trésoriers et receveurs de la province, de rendre compte aux Etats assemblés de leur administration depuis trois ans ; et, pour rappeler la justice dans cette branche d’administration, ce n’est point à Dijon dans les bureaux des Etats que doit se faire la répartition de la taille sur chaque communauté en particulier ; mais là, chaque bailliage, par ses députés librement choisis, qui auront droit de se faire représenter tout ce qui pourra leur faire connaître la masse de l’imposition de cette province, et ses différentes parties, doit recevoir sa quote-part ; et c’est dans l’intérieur de chaque bailliage, et par ses représentants qu’il se sera choisis, que doit être faite la répartition sur les communautés. Et afin que chacune puisse voir clairement qu’elle ne supporte rien que ce à quoi elle doit être légitimement imposée, il est nécessaire encore que la commission ou mandement qui sera délivré à chaque bailliage ou district , exprime en détail par son nom et par sa cause chaque partie de l’imposition, et déclare le montant de chacune. Art. 50. Les cotes d’office, qui dans le principe ont été imaginées, d’un côté pour parer aux effets de la crainte que les asséeurs avaient de certaines personnes, dont les places ou la fortune pouvaient leur en imposer, de l’autre pour mettre en arde contre le ressentiment des asséeurs, sont evenues, dans le duché de Bourgogne, pour des gens protégés, des moyens de s’affranchir presque des impositions, et pour ceux qui sont chargés de l’administration des armes pour opprimer ceux dont eux ou leurs créatures sont mécontents. Parmi les vexations sans nombre dans ce genre ue l’on s’est permis pour le comté de Bar-sur-eine, on remarque singulièrement ce qui est arrivé dans cette dernière ville, aux Riceys, à Landreville et à Polisot ; depuis cinq ans ou environ, on a vu plusieurs habitants de ces paroisses accablés sous le poids de cotes d’office, excédant le revenu de leurs biens, ou qui doublaient et tri ¬ plaient -le montant de leurs impositions précédentes, sans qu’on ait pu se douter du motif qui leur avait attiré cette surcharge. On a vu à Landreville, bourg contenant près de trois cents feux, quinze à seize particuliers grevés seuls des trois quarts de la taille de la paroisse; on a vu enfin leurs plaintes méprisées, et la justice qu’ils ont sollicitée leur être déniée. L’unique remède à ce désordre est de supprimer l’usage de toute cote d’office sous quelque dénomination qu’on les présente, de privilège, de punition ou de faveur : car on ne rougit pas en Bourgogne d’en qualifier franchement quelques-unes de ces deux derniers noms. Art. 51. Les remises dont jouissent les receveurs des tailles du duché de Bourgogne, pour prix d'un travail très-borné et très-facile, augmentent notablement les charges des contribuables. Il serait possible à tel bailliage, à qui la recette de ses impositions coûte plus de 6,000 livres, de la faire faire par des personnes sûres et solvables, à moins de 1,200 livres. Cette vérité se prouve par le fait même, puisque tout le monde sait que nombre de receveurs de la Bourgogne ne demeurent pas même dans le lieu de leur emploi, et qu’ils en confient les fonctions à des commis qui se contentent, pour leurs appointements, d’une somme infiniment au-dessous de 1,200 livres. Rien n’est plus simple et plus juste que de laisser à chaque bailliage le soin de faire faire la recette de ses impositions par tel commis qu’il choisira, et dont il demeurera responsable. Art. 52. Rien n’est si confus, si obscur que l’imposition des vingtièmes dans la Bourgogne. Les rôles n’annoncent ni le taux de chaque espèce d’héritage, ni la cause de l’imposition des particuliers; en sorte que ceux qui souffrent le plus ne savent comment justifier leurs surtaux, faute de connaître les bases de l’imposition. Si quelques-uns entreprennent de se pourvoir, ils ne 002 {États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-sur-Seine.] peuvent qu’adresser aux élus généraux leur requête par la poste ; et rien ne justifiant l’envoi et la réception de ces requêtes, elles demeurent la plupart du temps sans réponse, ou si elles sont répondues, c’est assez ordinairement d’un débouté , qui se prononce d’autant plus légèrement, que l’on est sûr que les parties qui se plaignent n’ayant point d’adversaire contre qui elles puissent obtenir la condamnation de leurs dépens, hésiteront de suivre au conseil un appel qui leur coûterait plus que ne vaut l’objet de leur réclamation. D’un autre côté, n’y ayant point dans les différents districts de bureau où on puisse faire la déclaration des mutations qui arrivent dans les propriétés, il faut toujours, pour faire faire aux rôles les changements convenables, adresser des requêtes par la poste, et elles demeurent encore le plus ordinairement sans réponse. Enfin, de toutes les difficultés qu’on éprouve pour se faire entendre des élus généraux, il résulte qu’on est obligé de garder le silence sur la remarque que l’on fait depuis longtemps, que chaque année il n’y a pas une cote de vingtième qui ne reçoive quelque augmentation, quoique cet impôt, fixe de sa nature, ne doive pas varier. 11 faut donc, pour remédier à ces abus : 1° Que les rôles des vingtièmes portent en tête , l’évaluation de chaque espèce d’héritage, et à chaque article le détail des biens sur lesquels la cote sera assise. 2° Qu’il soit établi dans la ville principale de chaque bailliage du duché de Bourgogne, pays et comtés en dépendant, et notamment en la ville de Bar-sur-Seine, un bureau et un commis, pour recevoir les déclarations des mutations qui arriveront dans la propriété des biens situés dans le bailliage, se charger sous son récépissé des requêtes relatives au vingtième, qui seront adressées à la commission intermédiaire des Etats, et de les faire parvenir. 3° Enfin que ceux qui, ayant présenté de semblables requêtes n’auront pu obtenir de réponse après un certain délai, ou en auront été déboutés, soient autorisés à faire intimer devant les juges naturels auxquels la connaissance en appartient, ou doit appartenir, le syndic des Etats ui seront en leur dite qualité condamnés aux épens, si l’action se trouve bien fondée. De la construction et entretien des routes. Art. 53. La charge de l’entretien des routes par corvées était, dans Je duché de Bourgogne, une source de vexations, dont le peuple avait cru apercevoir la fin, lors de l’édit qui a converti cette charge en une prestation en argent; mais ce changement n’a fait qu’amener un nouveau genre de vexation. D’abord, aussitôt que la nouvelle loi a été connue, l’on en a retardé l’exécution, sous prétexte de vouloir offrir aux communautés le choix de continuer les corvées, ou de payer l’impôt représentatif; et pendant ce temps-là on a doublé les travaux du laboureur et de ceux qui fournissaient des chevaux et des voitures; en sorte qu’au lieu des matériaux qui ne se préparaient ordinairement que d’un seul côté de la route, et qui avaient toujours suffi, l’on a fait border des deux côtés, et l’on a eu soin que les monceaux fussent plus rapprochés les uns des autres qu’auparavant. Les corvées ont été ensuite continuées jusques et y compris la demi-année 1788, et néanmoins l’impôt représentatif a été porté dans le rôle de la taille pour la même année tout entière. Ainsi l’entretien des routes a été totalement payé, et de plus réellement fait pour moitié par ceux qui l’avaient payé; d’où il est évident que les Etats de Bourgogne doivent la restitution d’une demi-année ou environ de l’imposition qui a été faite en 1788 pour l’entretien des routes. Enfin, l’adjudication de cet entretien s’est faite pour le comté de Bar-sur-Seine le 30 août de ladite année 1788, par un commissaire des élus généraux ; mais avec tant de précautions pour éloigner et les parties intéressés et les personnes disposées à concourir au rabais, que les adjudicataires auraient pu, avec moitié moins du prix, remplir amplement toutes les charges du procès-verbal d’adjudication. Il est vrai que cet ouvrage clandestin vient d’être détruit par une ordonnance des élus généraux, après plus de six mois d’exécution; mais à quoi le peuple est-il redevable de cette espèce de justice? Ce n’est pas assurément à ses cris, auxquels il n’avait encore trouvé que des oreilles sourdes; mais aux circonstances du moment, qui lui ouvrent un chemin assuré pour parvenir jusqu’au pied du trône. Quoiqu’il en soit, cette justice s’est bornée à un commencement de celle qui était due au comté de Bar-sur-Seine. Pour la consommer, il aurait fallu, aux termes de l’article 13 de l’arrêt du conseil du 6 novembre 1786, portant réglement sur la forme des adjudications de ces ouvrages, et de leur réception; il aurait fallu appeler les communautés à la réception des ouvrages faits pendant les six mois écoulés depuis l’adjudication annulée ; ce qui n’est point arrivé , puisqu’au contraire cette réception s’est faite plus secrètement encore que l’adjudication. Pour prévenir de semblables fraudes à l’avenir, il n’est qu’un moyen sans doute : c’est de remettre aux villes principales de chaque bailliage du duché de Bourgogne le soin de faire faire l’adjudication de l’entretien de ses routes et chemins par les] officiers municipaux , après les affiches et publications ordinaires, les syndics et principaux habitants de chaque paroisse appelés. Des officiers municipaux. Art. 54. Dans les pays d’élection, les villes ont racheté les offices municipaux créés pour chacune d’elles, et se sont maintenues par là dans le droit de choisir ceux qui doivent administrer leurs biens et leurs affaires; mais dans le duché de Bourgogne les États ont acquis ces offices, dont ils ont fait payer la finance par chaque ville. La commission intermédiaire, au lieu de laisser aux villes la liberté de nommer leur maire, en dispose à son gré, et les distribue à des personnes qui lui sont dévouées, et qui ne manquent jamais de s’opposer auxintérêts de ceux qu’on croirait qu’ils représentent, toutes les fois qu’ils ne sont pas d’accord avec les vues de ceux qui les instituent. Il est donc juste par le droit, et nécessaire pour la sûreté des villes qu’elles jouissent dorénavant du droit de nommer leurs officiers municipaux, sans en excepter aucun, même leur maire; et celle de Bar-sur-Seine désire de suivre en cela l’usage observé dans les pays d’élection, d’élire ses maires à la pluralité des suffrages , pour trois années seulement, et sans qu’ils puissent être continués plus d’une fois. Des ouvrages publics. Art. 55. Il existe encore des abus dans la province de Bourgogne, dont l’effet est de procurer du gain à certaines personnes aux dépens des communautés : c’est d’envoyer des architectes de [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-sur-Seine.] 9g3 la ville principale, des ingénieurs delà province, pour faire faire les devis et réception des ouvrages publics, tandis que l’on trouverait sur les lieux des experts suffisamment instruits pour remplir de semblables commissions : il est de la justice qu’un règlement fasse cesser ces dépenses inutiles et très à charge, et ordonne que dorénavant, toutes les fois qu’il y aura de semblables opérations à faire hors du”district de la subdélégation de la ville capitale de la province, le commissaire départi donnera la commission à son subdélégué pour nommer des experts, demeurant dans le lieu le plus voisin de celui où devra être fait l’ouvrage dont il est question. Demandes particulières du comté de Bar-sur-Seine, et des communautés qui en dépendent. Art. 56. Les mandements des tailles de la ville et des communautés du comté de Bar-sur-Seine, renferment un article particulier de 2 sous 8 deniers pour livre, attribués à S. A. S. Mgr le prince de Gondé. Il suffit d’une note historique sur l’établissement de ce droit, pour faire sentir combien la manière dont cette imposition est faite grève les contribuables. La maison de Gondé, sous le règne de Henry IV, pour un principal qu’elle fournit au roi, obtint une aliénation de 2 sous 8 deniers pour livre, sur le principal de la taille établie dans le comté. Le Roi n’imposa pas cette somme au-dessus de la taille, mais la maison de Gondé la prélevait sur la masse, de manière que le Roi, sur chaque livre, ne touchait que 17 sous 4 deniers; mais la province de Bourgogne, pour ne point diminuer sa recette, a ajouté à la taille les 2 sous 8 deniers; malgré les augmentations progressives et successives de la taille et des accessoires, on a toujours ajouté les mêmes 2 sous 8 deniers sur leur montant; en sorte que la maison de Condô perçoit chaque année une somme infiniment supérieure à l’intérêt de son principal, et peut-être même i’excède-t-e!le, Art. 57. Les mêmes mandements de la taille, adressés à la ville et aux paroisses du comté de Bar-sur-Seine ont encore ajouté en 1788, aux impositions accessoires de la taille, un article de 6 deniers pour livre , pour raison du rachat des droits d’aides dans ledit comté ; mais n’y ayant point de rachat d'effectué, il est évidentque cette imposition n’a qu’une cause fausse, et que les Etats de Bourgogne en doivent la restitution. Art. 58. L’établissement tout récent d’un commandement pour le Roi dans le comté de Bar-sur-Seine, sous les ordres du lieutenant général de la province , grève inutilement le pays ou l’Etat, et le surcharge de 1,500 livres d’appointements, et des privilèges accordés à quatre gardes , assujettit ses officiers municipaux à rendre des honneurs qui ne doivent être que le signe des respects dus à une véritable autorité, iusqu’en 1774 l’on n’avait pas encore connu cette sorte de commandement à Bar-sur-Seine, ni en aucun autre endroit. Il est même remarquable que le gentilhomme revêtu de cette dignité n’a pas jusqu’ici la moindre fonction à remplir, d’où il résulte que l’on nous doit la justice de supprimer ce commandement, qui, pour n’être qu’une image sans réalité, n’en tient pas moins une place trop certaine dans les rôles de nos impositions et dans le livre de notre cérémonial. Art. 59. L’instruction doit être une des principales vues du gouvernement, comme elle est un des premier désirs de l’ordre du tiers-état. Indépendamment d’un meilleur ordre dans les écoles des campagnes et des villes, nous sollicitons qu’il plaise à Sa Majesté prendre en considération l’ordre à établir dans les collèges et dans les pédagogies, telle qu’il en existe une à Bar-sur-Seine, et celui qu’il est également nécessaire d’établir pour l’éducation des filles. Si, pour ce dernier objet il est à propos de faire de nouveaux établissements, il ne l’est pas moins de soutenir ceux qui subsistent, et qui remplissent l’objet de leur institution. Ge motif porte le tiers-état à réclamer les secours qui sont accordés aux pauvres communautés religieuses, pour reconstruire le couvent des religieuses ursulines de Bar-sur-Seine, qui, par leur pauvreté, ne peuvent subvenir à cette dépense. Art. 60. En 1786 les élus généraux, sans l’aveu de la province et sans le consentement des habitants au comté de Bar-sur-Seine, firent le rachat des aides pour le comté , moyennant des conditions si peu réfléchies et si onéreuses que, sur la réclamation desdits habitants , la suspension de ce rachat fut ordonnée par arrêt du conseil du 25 février 1787. Gomme ce qui était injuste alors ne peut devenir plus juste, lorsque lés circonstances sont les mêmes, le comté de Bar-sur-Seine demande que, si les aides sont conservées, l’arrêt de suspension de rachat demeure définitif. Art. 61. Les communautés de Ricey-Haut, Ri-cey-Haute-Rive et Landreville sont les plus considérables du comté de Bar-sur-Seine. Ces paroisses sont desservies par des vicaires amovibles, qui n’ont pour subsister que leur casuel, et qui par leur pauvreté sont dans l’impuissance d’administrer à leurs paroisses les secours que la charité exige d’eux. Les habitants de ces paroisses regarderaient comme un bienfait signalé qu’il fût érigé des cures dans leurs paroisses, et que, vu l’insuffisance d’un seul ecclésiastique pour la desserte desdites paroisses, à cause de leur population et du grand nombre de personnes qui les composent, les gros décimateurs fussent tenus d’entretenir un vicaire avec le curé. Art. 62. Le territoire de la plus grande partie des paroisses du comté n’est propre que pour édifier de la vigne, et s’oppose à toute autre espèce de culture, ü ans les lieux circonvoisins, dont le sol convient à la production des grains, on a planté de la vigne. De là il résulte que les vins, qui sont la seule ressource des vignobles et leurs richesses, sont d’un débit difficile. Il est intéressant, pour leur prospérité, d’ordonner l’exécution de l’arrêt du conseil du 5 juin 175.1, qui défend d’édifier de la vigne dans les terres propres à produire des grains. Art. 63. Les communautés de Landreville, Avi-rey et Lingey, représentent qu’autrefois elles avaient, savoir, Landreville, une mairie, et Avi-rey et Lingey, une prévôté, l’une et l’autre royale, par le moyeii desquelles les habitants obtenaient justice sans se déplacer ; que ces juridictions ayant été supprimées par un édit de 1746, et réunies au bailliage de Bar-sur-Seine, ils sont obligés d’abandonner leurs travaux pour suivre leurs procès qui leur sont aussi devenus bien plus coûteux depuis que, par une déclaration du Roi, les bailliages ont été autorisés à percevoir, pour les affaires qui auraient été auparavant de la compétence des prévôtés, les mêmes droits que pour celles qui appartenaient à la juridiction des bailliages. Pourquoi elles supplient Sa Majesté de rétablir lesdites mairie et prévôté, ainsi qu’elles existaient avant 1746. 264 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-sur-Seine.] Et cependant, si cela pouvait faire quelque difficulté, elles demandent au moins qu’il soit établi en chacune de leurs paroisses un commissaire, un greffier et un sergent pour l’exercice de la police. La communauté de Lingey demande en outre l’établissement d’un desservant pour la chapelle érigée audit lieu, ainsi que cela s’esi ci-devant pratiqué. Art. 64. Les habitants des trois bourgs des Riceys, et ceux du bourg de Landreville, représentent encore que n’ayant autrefois aucuns chemins par lesquels ils pussent exporter les vins, qui sont la seule production de leurs pays, on a regardé comme chose nécessaire autant au bien du commerce qu’à eux-mêmes, de leur construire des routes pour communiquer à celles de la Bourgogne ; que celle des Riceys a été faite, et celle de Landreville commencée à grands frais ; mais l’année dernière les élus généraux des Etats de Bourgogne ont jugé à propos de ne les point comprendre dans l’adjudication qu’ils ont fait faire de l’entretien de celles du comté de Bar-sur-Seine ; en sorte qu’il semble qu’il soit projeté de les abandonner, ce qui non-seulement porterait à ces quatre bourgs le plus grand dommage, mais encore rendrait absolument inutiles les dépenses immenses déjà faites pour l’ouverture desdites routes. D’après ces considérations, ces communautés supplient Sa Majesté d’ordonner que la route de Landreville sera continuée, achevée et entretenue ci-après, ainsi que celle des Riceys, sur le même ied que les autres grandes routes du comté de ar-sur-Seine. Art. 65. Les communautés de Cauffour, Dailly et Riel-les-Eaux possèdent des bois communaux*. dont la délivrance se fait chaque année aux habitants par les officiers des maîtrises des eaux et forêts deTroyes et de Bar-sur-Seine. Le transport de ces officiers qui sont éloignés, les constitue en des frais qu’elles peuvent éviter, en suppliant Sa Majesté d’ordonner que la délivrance de leurs bois, à l’avenir, soit faite par les officiers de justice des lieux, ainsi que le récolement, sauf aux maîtrises la visite pour la police. Art. 66. Le blé étant une denrée de première nécessité, il serait à désirer que l’on pût assurer à la nation une ressource publique dans les mauvaises années. La communauté de Ricey-Bas supplie Sa Majesté d’ordonner qu’en temps opportun dans les années favorables, et lorsque la nation sera libérée, il sera, tous les ans, établi dans chaque ville du royaume, aux frais de la nation, des magasins de greniers publics, où l’on réunira une quantilé de blé suffisante pour nourrir le peuple de son arrondissement pendant une année ou dix-huit mois ; de manière que les peuples ne soient plus désormais dans le cas d’une disette la plus grande lorsqu’ils devraient se trouver dans la plus grande abondance. Art. 67. Les coutumes étant du choix des peuplés, et étant en leur pouvoir de régler leurs biens, leurs droits, les actes indispensables do la société civile, les habitants des communautés de Ricey-Bas, Ricey-Haute-Rive et Rieey-Haut, du bailliage de Bar-sur-Seine, qui ont adopté par leur coutume celle de Troyes, et à qui il a été fait défenses, par un arrêt du Parlement de Paris, do suivre d’autre coutume que celle de Sens, qui n’est pas la leur, supplient Sa Majesté d’ordonner ue nonobstant ledit arrêt, ils seront rétablis ans la coutume de Troyes, et dorénavant régis par ladite coutume, comme ils l’étaient auparavant. Art. 68. Après avoir ainsi exposé les plaintes du tiers-ordre du bailliage de Bar-sur-Seine, et fait connaître les réformes dont il croit que dépend le bonheur public et le sien propre, il ne lui reste plus qu’à supplier très-humblement Sa Majesté de le maintenir dans ses privilèges, de lui conserver ses juridictions, de ne le séparer jamais du ressort du Parlement de Paris, et de ne point le désunir du duché de Bourgogne auquel il est attaché dès 1435 par le traité d’Arras, et dans le sein duquel ses habitants seront heureux, dès que les abus des Etats dudit duché seront réformés. Le présent cahier contenant les doléances du tiers-état du bailliage de Bar-sur-Seine, a été lu en présence de tous les électeurs dudit bailliage, et par eux approuvé en l'assemblée de l’ordre, tenue devant M. le président dudit ordre, et a été signé et arrêté par tous les commissaires nommés, suivant le procès-verbal du 17 du présent mois, cejourd’hui 23 mars 1789. Signé : Hugot, d’Avirey, Capperon, Durand de Champ-merle, de La Croix, Legouest, Parisot, Ghaponnet, Chevalier, Hugot, Garteron, Fleury, Cocusse, Gar-teron de Joyeuse, Tâcheron, Thiesset, procureur du Roi, Bourgeois, président, et Bralé, greffier. Extrait des feuilles et minutes du greffe du bailliage et siégé royal de la ville et comté de Bar-sur-Seine. Et ce aujourd’hui 24 mars 1789, heure de neuf du matin, nous Edme Bourgeois, conseiller du Roi, président, lieutenant général au bailliage de Bar-sur-Seine, et présidant l’ordre du tiers-état dudit bailliage en présence du procureur du Roi, assisté du greffier ordinaire, étant en la grande salle d’audience du palais royal de ladite ville, pour procéder aux opérations prescrites par l’article 47 du règlement de Sa Majesté du 24 janvier dernier, et en laquelle chambre se sont trouvés tous les électeurs des villes, bourgs, villages et communautés du ressort de ce bailliage, au nombre de cinquante-cinq, et dénommés au procès-verbal d’assemblée générale des trois ordres réunis , tenue par M. le grand Bailli d’épée, du 16 du présent mois, lesquels ayant pris séance, il a été procédé par la voie du scrutin à l’élection des trois membres de l’assemblée pour scrutateurs, et de suite à la nomination des députés dudit bailliage aux Etats généraux. M. Bouchotte, procureur du Roi, sur le fait des aides , tailles et autres impositions du comté de Bar-sur-Seine, et Jean-Nicolas-Jacques Parisot, avocat en Parlement, demeurant à Ricey-Haute-Rive, ont été élus, savoir : M. Bouchotte ayant réuni seul 47 voix, et M. Parisot, au. second tour du scrutin, 30; M. Thiesset, procureur du Roi au bailliage, en ayant réuni 23, M. Garteron de Joyeuse, 1, et M. Hugot, avocat, à Ricey-Haut , 1 , auxquels sieurs députés lesdits sieurs électeurs donnent pouvoirs généraux et suffisants de proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et durab’e dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume, et le bien de tous et chacun des sujets de Sa Majesté; Sous les conditions néanmoins qu’ils ne pourront consentir à aucune proposition quelconque, avant qu’il ait été arrêté : 1° Que la constitution du royaume sera irrévocablement et invariablement établie. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-sur-Seine.] 265 2° Que la liberté des citoyens et de leur propriété sera tellement assurée qu’on ne pourra ci-après y porter atteinte. 3° Que le tiers-ordre dans toutes les assemblées, soit générales du royaume, soit particulières des provinces, sera désormais et à toujours représenté par des députés choisis dans son sein en nombre égal aux deux premiers ordres. 4° Que les Etats généraux du royaume seront convoqués à des époques périodiques. 5° Que les délibérations y seront prises par les trois ordres réunis, et les suffrages comptés par tête, ou au moins que dans le cas où il serait statué que les délibérations seraient prises séparément et par chaque ordre, celui desdits ordres qui ne sera pas d’accord avec les deux autres, pourra demander la délibération en commun, et qu’alors les suffrages seront pris en commun, et comptés par tête. 6° Que la forme des Etats provinciaux, et notamment de ceux du duché de Bourgogne, sera réglée et réformée, de manière que le tiers-état y ait une représentation égale aux deux premiers ordres, et que les suffrages y soient également comptés par tête. 7° Que la nation ne pourra être soumise à aucune loi qu’elle n’ait consentie, nia aucun impôt qu’elle n’ait accordé dans une assemblée générale. 8° Qu’il ne pourra être fait aucun emprunt direct ou indirect, sans un pareil consentement de la nation. 9° Que tous les impôts et charges publiques seront également répartis sur toutes les provinces, villes, bourgs, communautés et sujets des trois ordres, sans aucune exemption ni distinction, et dans les proportions de leurs propriétés, facultés, commerce et industrie. 10° Qu’il ne sera accordé aucun impôt qu’il n’ait été réglé sur les charges de l’Etat, et sur les dépenses ordinaires et extraordinaires : pourquoi il sera pris une connaissance exacte des charges et des revenus de l’Etat. 11° Qu’il ne sera accordé aucun impôt pour un temps illimité, mais pour l’intervalle d’uue tenue des Etats généraux à une autre; et que dans le nombre de ces impôts il sera choisi ceux qui sont les plus compatibles avec la liberté publique, et les plus susceptibles d’être répartis sur tous 1rs sujets, sans aucune distinction. 12° Recommandent lesdits sieurs électeurs aux-dits sieurs députés de ne jamais s’écarter du respect et de la soumission qui sont dus à la personne sacrée du Hoi, et d’accorder aux deux premiers ordres les préséances et rang auxquels leur naissance et les fonctions qu’ils remplissent leur donne droit de prétendre. 1 3° Défendent lesdits électeurs à leurs députés de consentir aux distinctions humiliantes qui avilirent le tiers-état aux Etats de Blois et de Paris. 14° Lesdits sieurs électeurs chargent lesdits sieurs députés de se conformer à ce qui est porté dans le cahier général des doléances arrêté en l’assemblée, de ne rien proposer de contraire à ce qu’il renferme, d’employer tout leur zèle et leurs efforts pour faire admettre les plans de réformes et les demandes qui y sont contenues, et particulièrement d’insister sur l’extinction et abolition des aides, droits y réunis, droits réservés et subvention qui sont par leur ensemble une source intarissable de fraude, d’injustice et de vexation inouie et ruineuse qui tombent plus particulièrement sur la classe la plus indigente des citoyens, et qui les consument en frais de poursuites. 15° Pour tout ce qui n’est pas restreint et limité dans les présents pouvoirs et dans le cahier de doléances, lesdits électeurs s’en rapportent à ce que lesdits sieurs députés estimeront en leur âme et conscience pouvoir contribuer au bonheur de la patrie et au soulagement des peuples. 16° Lesdits sieurs électeurs donnent tous pouvoirs auxdits sieurs députés de protester contre toute tenue des Etats particuliers du duché de Bourgogne qui précéderaient les Etats généraux, où le tiers-état ne serait pas représenté par des députés librement choisis par la ville et comté de Bar-sur-Seine, et ne serait pas en nombre égal aux deux premiers ordres, et leur défendent de remettre auxdits Etats le cahier de doléances et les présents pouvoirs, quelque ordre que lesdits Etats leur en donnent. 17° Lesdits électeurs donnent pouvoir auxdits sieurs députés de faire imprimer aux frais du bailliage, comté de Bar-sur-Seine, et de son ressort, trois cents exemplaires des doléances, et à la suite d’icelles, des présents pouvoirs desquels il en sera remis un exemplaire à chacun des électeurs, et un autre aux syndics de chaque paroisse dudit bailliage. 18° Enfin, lesdits sieurs électeurs chargent et recommandent expressément auxdits sieurs députés, d’entretenir une correspondance suivie et continuelle avec MM. Durand de Ghampmerle, Legouest, Ghaponnet, avocats, Gapperon, notaire, Delacroix, directeur des messageries, demeurant à Bar-sur-Seine ; MM. Hugot, avocat à Ricey-lc-Haut, Gerdy, avocat à Ricey-le-Bas, et Bri-gandat, entrepreneur de bâtiments à Ricey-Haute-Rive , et MM. Ghevalier, avocat à Polisot, Tâcheron, garde-marteau de la maîtrise à Landreville, et Gocusse, marchand, demeurant à Loches, et que les lettres de ladite correspondance seront toutes adressées audit sieur Durand de Ghampmerle, avocat à Bar-sur-Seine, qui sera tenu, pour les objets qui lui en paraîtront susceptibles d’en prévenir les membres du comité ci-dessus nommés, et les syndics de chacune des paroisses de ce bailliage. Et à l’instant, a été remis à chacun desdits sieurs députés, six exemplaires imprimés des délibérations des trois ordres du bailliage du 17 mars présent mois, pour leur servir d’instruction. Dont et de tout ce que dessus nous avons fait acte et renvoyé le surplus des opérations en l’assemblée générale des trois ordres réunis, et ont lesdits sieurs députés signé avec tous lesdits sieurs électeurs, le procureur du Roi, nous et le greffier. Signés enfin à la minute, Bouchotte, Parisot, Hugot d’Avirey, Delacroix, Chaponnet, Robert, Seron, Thiesset, conseiller, Durand de Champ-e, Legouest, Yendœuvre, Hugot, Carteron, Perrenot, Garteron de Joyeuse, Gerdy, Bourdot, Letors, Hérard, Cheurlin, Fleury, Tâcheron, Ghevalier, Richard, Hutinet, Brigandat, Bourbonne, Régnault, Lesecq, Louis Quaniaux, N. Maréchaux, Collon, Roger, E. Cheurlin, Guenet, Arnoult, Tis-sier, Piollot, Petit, Socard, Venderbach, Gocusse, Gottenet , E-D. Amyot , J. Rouvre, Roussel, J. -H. Gauthier, Clément, Painot, Monginet, Jean Mathieu, Sullerot, Lalouet, J. Regny, G. Galimard, Thiesset, procureur du Roi, Bourgeois, président, et Bralé, greffier. Délivré le présent extrait à MM. les députes du bailliage de Bar-sur-Seine , pour l'ord re du tiers , par nous greffier soussigné. Collationne , Bralé.