SÉANCE DU 28 THERMIDOR AN II (15 AOÛT 1794) - N° 63 125 ment du Gard, de ce malheureux département qui a été écrasé pendant la tyrannie de Robespierre, que des haines particulières ont failli perdre, et où des vengeances atroces se sont exercées, puisque, des six scélérats qui composaient le tribunal révolutionnaire séant à Nîmes, l’un s’est brûlé la cervelle l’autre s’est empoisonné mais il a été rappelé à la vie (1). [La société populaire séante à Pont-sur-Rhône, à la Conv.; en séance publique extraordinaire, le 16 therm. II, à 10 heures du matin] (2) Citoyens représentans, Ce n’étoit donc pas assez des crimes de la faction hébertiste ! Il a falu que vous déjouas-siés encore les forfaits de Robespiere et de ses complices, ou que vous subissiés le martyre civique ! Mais le génie de la liberté ne cesse de veiller sur vos jours; vous avez démasqué les scellerats et nos frères parisiens vous ont sauvés. Nous les remercions de ce grand bienfait. Nous pleurons au récit des dangers que vous venés de courir. Nous maudissons cette horde scellera te et hypocrite; des mouvements de rage et d’indignation ont saisi nos âmes patriotes en même temps que nous vous bénissons. Dans l’excès de ces vifs sentiments nous voudrions bâtir un temple à la liberté avec un ciment paitri des os et du sang des traîtres, des conspirateurs, des factieux et des assassins de cette divinité tutélaire. Nous vous y placerions comme nos idoles et nous dirions à nos enfants : ici la vertu siège sur la ruine de toutes les factions et de tous les crimes. Pénétrés de cette idée, nous venons de brûler, en séance extraordinaire, l’image des scellerats Robespiere et Couthon qui vivoient sur les murs de la salle de nos séances, et, crainte d’être encore séduits ou trompés, nous avons délibéré qu’aucune image de vivants ne paroîtroit plus sur ces murs. Citoyens représentants, nous finissons par admirer cette énergie, ce courage, cette mâle intrépidité qui vous caractérisent au milieu des plus pressants dangers. Toujours fermes à votre poste, continués à braver le poignard des factieux, des traîtres, des ambitieux et des conjurés. Ils périront tous et vous serez sauvés avec notre sainte liberté, parce qu’un peuple de frères vous garde et vous chérit. Nous jurons de périr, s’il le faut, avec vous, et nous crierons tous en périssant : Vive la République, vive la liberté ! Vive la Convention ! Delzunces ( présid .), Cambon ( secrét .), Crible-matte ( secrét . de la sté popul.). Mention honorable, insertion au bulletin (3). (1) Bln , 1er fruct. (Ier suppl1); Moniteur (réimpr.), XXI, 498. (2) C 316, pl. 1267, p. 31. (3) Mention marginale, non datée, non signée. 63 [ Les cnnes d’Excideuil (1), à la Conv.; s.d. ] (2) Il restoit donc encore des traîtres parmi vous, ô intrépides montagnards, et les suplices récens des Guadets, des Baroux (sic), des Pétions n’ont pu faire trambler les ennemis de la patrie. Quoy ! C’est ce monstre qui cherchoit à la détruire, lui qui proclama avec tant d’emphase, il y a peu de temps, l’existence de l’Etre suprême à cette même nation qui, bien différente de lui, n’avait jamais cessé d’y croire et de l’adorer ! C’est ce fourbe dont l’éloquence perfide et le faux patriotisme avoit subjugué les trois-quarts de la nation; c’est ce lâche qui, dans le public, dispansoit avec profusion son encens à la liberté, et qui, en secret, lui forgeoit des chaînes. C’est cet assassin qui, en siégeant parmi vous, environné de satellites, comme Marius, mesu-roit de l’oeuil des victimes qu’il devoit frapper; c’est cet embitieux qui, semblable à Antoine, vouloit plasser le trionvirat sur les débris de la royauté pour faire subir aux Français le supplice d’un nouveau joug ! Grâce à notre heureux destin et à votre courageuse fermeté, il est tombé, ainsi que ses vils complices, sous le glève impérissable des lois. Tombent bientôt comme eux tous les individus qui ne sentent pas assez la dignité de leur être et les charmes de la liberté pour faire de leurs biens, de leur embition, de leurs facultés, de leurs ressentiments, une holocauste à la patrie ! Mais, citoyens, vous l’avez vu sans doutte comme nous, et cette réflexion devroit bien faire trembler les monstres qui conjurent en vain notre perte, que jamais la République n’a été plus majeustueuse, plus forte, plus redoutable que lorsqu’elle a lutté contre ses ennemis. Voyez tous ces gans (sic) qui ont voulu l’attaquer devenir des pygmées lorsqu’elle a jetté sur eux l’œuil de son indignation et qu’elle a invoqué le ministère de la justice pour les frapper. Tel l’astre du jour, après avoir été obscurci par d’affreux nuages que les vents déchaînés et des orages malfaisans lançoient contre lui, n’en perd ni sa bauté, ni n’arrête sa course, calme et majestueuse; il s’élève au-dessus de ses vils ennemis, pare l’horison des brillantes couleurs qu’il fait éclore et précipite tous ces fantômes conjurés contre lui dans les antres ténébreux de la nuit ou dans les abymes des mers. Telle sera notre République. Elle pourra voir obscurcir ses triomphes et sa gloire que (sic) par les brigues des méchans que par la peine qu’elle éprouvera d’être obligée de les punir. Mais, comme Hercule, elle sortira victorieuse de tous ces combats et terrassera tous les ennemis de ses prospérités. Hé, citoyens, la conquette de la liberté n’est-elle pas un bien assez grand pour nous dédomager de tous les sacrifices que nous pouvons faire pour elle ? Si les Grecs, pour conquérir la Toison d’or, s’assemblèrent en tous (1) Dordogne. (2) C 316, pi. 1267, p. 32. En exergue : Châtiment des traîtres, ou la mort ! 126 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE les points de leur empire et traversèrent des mers qui leurs étoit inconnus pour aller partager la gloire de Jason, si le prince, pour s’en rendre maître, fut obligé de gagner une magicienne et d’endormir un énorme dragon, ne pouvons-nous pas, nous autres Français, conquérir le plus grands des biens (la douce et sainte liberté), non pas endormir - cette ressource est indigne des Français - mais étouffer tous les dragons modernes et la vielle magicienne du Nord qui veulent nous l’aracher ? Oui, en dépi d’eux et de leur monstrueuses cabales, nous serons vainqueurs; nous avons supporté avec joye les privations de toute espèce : des chaussures en bois ont succédés aux soulliers fins et déliés; des habits de toielle rousse ont pris la place des tafetats anglais qui s’ajustoit si finement sur nos tailles, et bientôt lorsque l’acquilon viendra régnier dans nos contrées, des habits de laine que nos mains auront filés, comme les ménagères de Virgile, ramplaceront des satins moëleux et élégans que nous ajournons jusqu’au temps où les seules manufactures de la République pouront nous les fournir. Qu’ils apprennent, ces lâches Anglais, que nous avons renoncé à jamais de tout ce qui vient de leur île, et que la famine, ce cruel tyran envoyé par Pitt pour nous détruire, n’a seulement pu nous ébranler et que, jusqu’à ces enfans de 5 à 6 ans qui se voyoit refuser du pain par leur mère, au l[i]eu de pleurer, comme auroit fait les enfans des esclaves, se sont écrié : maman, il n’y a pas de pain. Hé bien, ne t’inquiète pas, nous nous en passerons. Vive la République ! Qu’ils viennent, après cela, ces monstres, chercher à nous subjuguer; ils trouveront peut-être encore quelques scéllérats — comme Lafayette, Doumouriez et ce lâche hypocrite Robespière, qui, après avoir joué le rolle de Démosthènes, a bu comme lui dans la couppe de la corruption et de la perfidie; mais parce qu’un de nos membres sera gangrené, tout le reste du corp devra-il périr ? Non, vous extirperez jusqu’à sa racine ce qui sera vicié, et le reste du corps n’en deviendra que plus fort et plus vigoureux. Tel est l’espoir, tels sont les vœux des citoyennes d’Excideuil : tels doivent être cœux de toutes les femmes de la France. [suivent plus de 90 signatures] (1). (1) Nulle mention marginale. Seulement : 28 thermidor, en haut de page.