[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (29 septembre 1790.] 311 décrétés seront rendus à leur nature primitive; il en sera créé de plus pour 600 millions, saes intérêt, à compter du 15 octobre; ceux déjà créés cesseront de porter intérêt. Au 15 janvier prochain la caisse d’escompte payera en argent comptant et à bureau ouvert; tous les fonds versés à ladite caisse seront composés des valeurs ci-dessous désignées. « La nation accepte, par l’organe de l’Assemblée, l’offre de 400 millions, qui lui a été faite au nom du clergé : les communautés religieuses donneront à l’Etat, sur leur revenu, pendant dix ans, un secoursextraordinaire, qui sera fixé de concert entre elles et le roi. » (Il s'élève dans la partie gauche de grands éclats de rire,) M. de Foucault. Je réclame la liberté des opinions. M. le Président. Je n’ai point accordé la parole à M. d‘E >rémesni! pour faire la satire des décrets de l’Assemblée. Je vais la consulter pour savoir si elle veut vous entendre. M. Duval. Je demande la parole là-dessus. Je ne suis pas monté à la tribune pour faire la critique ni la satire des décrets de l’Assemblée. Je lui proteste sur mon honneur que mon sentiment est que le royaume est perdu sans un mode de payement à bureau ouvert. L’Assemblée ne fera qu’affermir sa puissance et se couvrir de gloire aux yeux de toute l’Europe, en revenant sur quelques-uns de ses décrets. M. Rewbell. Je demande que M. Duval soit entendu;il est bon que l’Assemblée connaisse l’opinion de ses membres. M. Duval continue : « Le clergé tant séculier que régulier est rétabli dans la possession de tous les biens dont il jouissait. Le clergé séculier demeure autorisé à ouvrir tous emprunts nécessaires pour réaliser les sommes promises, d’après les règles qui seront fixées par les lettres patentes du roi. Les communautés religieuses pourrontaussi faire des emprunts d’après les mêmes formes. « Tous les officiers civils et militaires, supérieurs et inférieurs, fourniront un supplément de finance. Les officiers de finance et les employés payeront un supplément de fonds; tous les corps, communautés et corporations fourniront également un supplément de finance. « La justice reprendra son ancien cours, et les titres des offices seront provisoirement transmissibles. « À l’exception des servitudes personnelles, les citoyens seront rétablis dans leurs propriétés. « La contribution patriotique ne sera plus forcée. « Tous les anciens droits, à l’exception de ceux de gabelles et de francs-fiefs, seront perçus comme par le passé ; les tribunaux veilleront à l’exécution de ce décret. « Les fonds provenant de ces divers secours seront versés à la caisse d’escompte en quantité suffisante, pour qu’elle puisse effectuer ses payements ; les détails de ses opérations ne pourront être mis à exécution qu’après avoir été concertés entre le ministre et les administrateurs de la caisse d’escompte. « Tous les privilèges pécuniaires demeureront abolis. « Tontes les rentes à 4 0/0 éprouveront la retenue d’un dixième. « La dette arriérée sera divisée en deux classes; la première sera payée dans l’année prochaine, en douze payements égaux ; la seconde sera constituée au denier vingt. « Il sera créé une caisse d’amortissement , composée des sommes provenant de l’extinction des rentes. « Si ces impositions ne suffisent pas, on pourra faire les augmentations de sous pour livres nécessaires. « Le décret qui prescrit l’aliénation des domaines de la couronne sera regardé comme non avenu. « La juridiction prévôtale sera rétablie. « La maréchaussée sera augmentée d’un tiers. « Les princes do sang seront prié-» de rentrer dans le royaume; lesautres citoyens absents seront invités à faire de même et seront mis sous la sauvegarde la loi. « Les comités des re herches de l’Assemblée nationale, de la ville, et tous ceux qui oourraient être établi' dans le royaume, seront abolis. « L’Assemblée nationale, désirant que le souvenir des troubl 'S qui ont désolé le royaume depuis un an, soit effacé, suppliera le rôi d’accorder une amnistie générale. « Le présent décret sera porté au pied du trône par l’Assemblée nationale en corps. « Le roi sera supplié d’y donner une prompte sanction , en lui assurant qu’il n’est point de Français qui ne soit disposé à tous les sacrifices. « L’Assemblée, en sortant de chez le roi, ira porter ses respects à la reine. » ( Les éclats de rire recommencent.) Ce que je propose est bon. L’événement décidera. « Il sera chanté dans toutes les églises et paroisses un Te Deum en action de grâce de la réunion des esprits; le roi sera supplié de se trouver avec son auguste famille à celui qui sera chanté dans la cathédrale de Paris ; l’Assemblée y assistera en corps, et espère y voir tous les princes et les Français absents. » Plusieurs membres demandent le renvoi de ce décret au comité de santé ; d 'autres au comité d’aliénation. M. Charles de Fametli. Je demande que M. d’Eprémesnil soit envoyé pour quinze jours à Gbarenton. M. Alexandre de Fameth. Gomme il est important que la nation sache d’après quels principes se conduit l’Assemblée, je demande qu’on passe à l’ordre du jour, mais qu’on motive ainsi cette décision : « L’Assemblée nationale ayant, pour prouver la liberté la plus entière des opinions, entendu jusqu’à la fin la lecture du projet de décret de M. Duval, et le regardant comme l’effet d’une imagination en délire, a passé à l’ordre du jour. » M. Mathieu de Montmorency. Je voulais exprimer, comme le préopinant, ce que j’avais éprouvé à la lecture dn projet de M. Duval; je voulais dire que le délire et la folie pouvaient seuls excuser uu projet qui mériterait toute la sévérité de l’Assemblée ; on ne peut mieux faire que de passer à l’ordre du jour, en témoignant le plus profond mépris pour la motion et sou auteur. Le terme de mépris paraîtra singulier, mais il peut seul exprimer l’intention de l’Assem- 312 lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 septembre 1790.] blée. J’appuie la motion de M. de Lameth, de passer à l’ordre du jour, en le motivant. M. de Cazalès. Avant d’adopter une proposition que j’appuie, je demande que l’Assemblée déclare qu’il est permis à un de ses membres d’en insulter un autre, ou bien qu’elle rappelle à l’ordre MM. de Lameth et de Montmorency ; si elle ne le veut pas, je lui demande acte de son décret ; et moi, qui me suis constamment abstenu, dans cette tribune, de prononcer aucune expression injurieuse, je demanderai la permission d’insulter nominativement... M. Charles de Lametli. On demande que je sois rappelé à l’ordre; comme je crois qu’il est aussi contraire à l'honneur de faire des injures que d’en souffrir, je déclare que, quand j’ai fait la motion d’envoyer M. Duval à Charenton, je n’ai voulu que lui donner du ridicule, mais non l’insulter. Il est insensé ou il est coupable. Dans l’époque où nous nous trouvons, au milieu des bruits qui se répandent, je me contente de tourner en ridicule un membre dont on pourrait sérieusement et peut-être très utilement instruire le procès. Dans un moment où l’on cherche à nous intimider par la réunion des parlements, où le mot de contre-révolution retentit dans toutes les places publiques, il est un peu fort d’en présenter le projet à l’Assemblée nationale. Quand on sait que les agents de la contre-révolution mettent tout en œuvre pour prévenir le roi contre l’Assemblée ; quand on veut enlever le roi ; que le comité des recherches en est instruit ; que l’on publie que l’on en viendra à bout avec 50,000 hommes ; que Rouen est l’endroit où l’on voudrait le placer sous la protection du parlement ; quand une réponse du roi, que tout bon Français aurait voulu oublier, se trouve dans le préambule du décret proposé par M. Duval, vous craindriez encore de donner au ridicule à ce membre ! Les espérances de nos ennemis sont plus fortes que jamais ; nous n’avons pas un moment à perdre, le péril est extrême : il faut la coalition de tous les bons citoyens. M. l’abbé Maury et M.deCazalès engagent M.Du-valà monter à la tribune.— Il y paraît. M. Coroller. Qu’il descende à la barre ou qu’il soit conduit en prison. M. l’abbé Maury. Je demande que M. de Lameth soit rappelé à l’ordre. M. de Mirabeau demande la parole. — La partie droite s’oppose à ce qu'elle lui soit accordée. L’Assemblée décide que M. Mirabeau sera entendu. M. de Mirabeau. Lorsque j’ai demandé la parole, je ne voulais que réclamer la priorité pour la motion motivée de l’ordre du jour ; mais dans les débats j’ai aperçu M. Duval articulant des sons confus que je n’ai pu démêler ; je demande qu’il soit entendu, et de parler après lui. M. l’abbé Maury. Et moi après vous. M. de Mirabeau. Je demanderai donc la parole, à moins qu’on ne préfère de mettre sur-le-champ aux voix la motion de M. de Lameth, comme motion de tolérance et d’indulgence, et ce qui me la fait regarder ainsi, et ce qui me provoque à l’appuyer, c’est que, en mon particulier, je rends grâce à M. d’Eprémesnil d’avoir levé tout à fait le voile qui couvrait les instructions de ceux qui s’opposent à la mesure des assignats. {On applaudit). M. Duval d’Eprémesnil, à la tribune: Je suis accusé ; je veux répondre. On demande à aller aux voix. L’Assemblée ferme la discussion. La motion de M. Alexandre de Lameth est mise aux voix et adoptée. La parole est donnée à M. Périsse Duluc. M. Périsse Duluc, député de Lyon , lit le projet du décret suivant : L’Assemblée nationale, voulant améliorer la vente des biens nationaux; acquitter ses engagements envers les créanciers de la dette vraiment exigible; fournir au service du Trésor public; éviter sur la circulation et les valeurs une commotion funeste ; tranquiliser sur leur sort tous les fonctionnaires publics et une foule de citoyens qui ne vivent que du modique revenu de quelques capitaux; décharger enfin les impôts d’une masse considérable d’intérêts, a décrété et décrète ce qui suit: Art. 1er. Il sera ouvert un emprunt pour l’amortissement de la dette exigible, dans lequel seront versés exclusivement par les créanciers tous les titres de leurs créances, au fur et à mesure qu’ils seront reconnus et liquidés. Art. 2. Il sera créé et délégué sur les biens nationaux des assignats pour une somme équivalente aux deux tiers de la valeur supposée de ces biens; et seront ces assignats donnés en échange ou remplacement des susdits titres de créances. Art. 3. Ces assignats ou délégations seront transmissibles par endossement et à volonté, ainsi qu’il est d’usage pour les lettres de change et seront divisés par portion de 1,000, 300, 200 et 100 livres. Art. 4. Il sera attaché une prime sur le pied de 4 0/0 l’an, pendant quatre ans, c’est-à-dire 16 0/0 pour quatre années, à compter de la date de leur émission, laquelle prime sera divisée ainsi qu’il suit : Art. 5. Cette prime sera de 8 0/0 pour les assignats qui seront apportés aux ventes des biens nationaux dans le cours de la première année de leur émission et s’accroîtra, savoir : de 4 0/0 pour ceux qui seront apportés dans la seconde année; de 3 0/0 dans la troisième; de 2 0/0 dans la quatrième. Art. 6. La prime cessera d’être exigible pour les;assignats qui n’auront pas été apportés aux ventes des biens nationaux dans le cours de quatre années, à partir de la date de leuï émission, et restera dès lors convertie en un intérêt de 3 0/0 l’an, à compter de ladite date, lequel se cumulera avec le capital, pour en être fait compte seulement lorsque lesdits assignats seront employés dans l’acquisition des biens nationaux. Art. 7. Les assignats de la création du 16 avril 1790 pouront être échangés contre les assignats à prime qui sont créés par le présent décret; auquel cas il sera fait compte au porteur des intérêts échus. Art. 8. Les porteurs de titres de la dette exigible qui ne voudraient pas les convertir en assignats sur les domaines nationaux , dans le susdit emprunt d’amortissement, y recevront des