[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES I *> frimaire an ir 37 (20 décembre 1793 blesse qui aurait mis en danger la liberté, si nous n’en réparions les effets; c’est de donner à l’aristocratie une nouvelle audace; c’est d’éteindre l’énergie du peuple et de ses repré¬ sentants, quand les ennemis de la patrie redoublent leurs efforts; voilà le spectacle qu’offre cette séance. Vous ne devez aux ci¬ toyennes, qui y assistent, qu’une leçon sévère; vous devez leur dire que leurs efforts sont impuissants, si elles prétendent défendre la cause de la contre-révolution même. Il importe encore que la République entière soit convaincue que la Convention nationale remplira deux devoirs importants : qu’elle pro¬ tégera le patriotisme opprimé et qu’elle écra¬ sera l’aristocratie insolente et le modérantisme hypocrite. Depuis que nous nous sommes éle¬ vés contre les excès d’un patriotisme emprunté, on a cru que nous voulions déchoir de la hau¬ teur révolutionnaire où nous étions placés. Tous les ennemis de la liberté nous ont pris au mot; ils ont cru que le moment du modéran¬ tisme était arrivé; ils se sont trompés. Il faut, je le répète, que la Convention nationale pro¬ tège le patriotisme opprimé, et certes, elle l’a fait autant qu’elle l’a pu. Nul patriote, victime de l’aristocratie, ne s’est vainement adressé à elle; mais chacun doit se bien pénétrer de cette idée, qu’elle conservera, non seulement l’éner¬ gie révolutionnaire qui l’a animée jusqu’à ce jour, mais encore qu’elle poursuivra sans relâche tous ces ennemis de la liberté et de l’égalité. Peut-être serait-il utile de prendre un parti pour séparer l’aristocratie du patriotisme, dans les effets de la mesure générale et vigoureuse que vous avez prise; mais c’est une chose infini¬ ment délicate. Si nous n’en combinions pas mûrement le résultat, les individus chargés de remplir la maison, que vous leur auriez donnée, pourraient oublier la sévérité qui convient à ceux dont le mandat est de sauver la patrie, pour se rappeler qu’ils sont hommes et se laisser influencer par les sollicitations dont ils seraient environnés. J’oserai, dans ces vues, vous soumettre une idée qui fera taire toutes les calomnies et ne laissera point d’espérance aux coupables, la voici : Les comités de Salut public et de sûreté géné¬ rale nommeraient des commissaires dont les fonctions seraient, non de recevoir des pétitions et d’écouter des sollicitants, mais de recher¬ cher en silence dans quel lieu une injustice a été commise, dans quel lieu gémit un patriote. Ces commissaires n’auraient point d’autorité indi¬ viduelle; leurs actes seraient confirmés, ou plu¬ tôt rédigés en arrêtés des comités de Salut public et de sûreté générale. Il faudrait encore que leurs noms fussent inconnus, car, si on les connaît, ils seront sollicités de toutes parts, et il leur sera impossible de conserver la fermeté de caractère dont ils ont besoin pour remplir avec succès les fonctions que vous leur impo¬ serez. Si cette idée vous paraît juste, adoptez-la; elle vous délivrera des sollicitations qui vous accablent, et vous mettra à l’abri des faiblesses que l’on pourrait vous arracher. En même temps, le comité de sûreté générale s’occuperait, sans aucune interruption, du véritable objet de son institution. Il poursui¬ vrait les conspirations et les déjouerait : objet vaste, auquel ,tous ses soins sont nécessaires. Vous chasseriez encore par là, de son anti¬ chambre, cette réunion aristocratique qui S’y forme journellement. Les yeux du républicain n’y seraient plus frappés d’un scandale qu’il faut détruire : là femme honnête et vertueuse, qui gémit d’une faute que l’on réparerait en la connaissant, ne serait plus confondue avec les femmes méprisables que l’aristocratie lance aujourd’hui au milieu de nous. Robespierre résume sa proposition; elle est adoptée au milieu des applaudissements. ( Suit le texte du décret que nous avons inséré ci-dessus, p. 36, d’a/près le procès-verbal. Des députés de la Société populaire de Saint-Didier [Saint-Didier-des-Bois], district de Lou-viers, dénoncent la municipalité de cette com¬ mune comme coupable de diverses malversations, et notamment de complicité avec les administra¬ teurs rebelles du département de l’Eure. Ils de¬ mandent la liberté de quatre citoyens qu’elle a fait mettre en arrestation. Le Président répond, et invite la députation à la séance. Sur la motion d’un membre, la Convention nationale renvoie cette pétition à son comité de sûreté générale, pour en faire rapport dans deux jours (1). La citoyenne femme Devouges demande la liberté de son mari et celle de son beau-frère, détenus par ordre du comité de surveillance de la commune de Jagny. La Convention renvoie cette pétition à son comité de sûreté générale (2). Une députation du clqb des Cordeliers, Société des Amis des Droits de l’homme, obtient la pa¬ role; l’orateur et ses collègues sont couverts. Un membre [Couthon (3)] observe que toutes les fois qu’un citoyen parle en public, il doit res¬ pecter la majorité du peuple devant lequel il énonce son opinion, à plus forte raison quand il parle dans le lieu des séances des représentants du peuple entier. U réclame l’exécution du règle¬ ment que s’est fait la Convention, et demande que, par égard pour la représentation nationale, l’orateur se découvre. Un membre [Robespierre (4)], en appuyant cette motion, observe que l’abus dont on se plaint ne doit être attribué à aucune mauvaise inten¬ tion de la part des pétitionnaires; qu’il a sa source dans les représentants du peuple eux-mêmes. « Que nos collègues, dit-il, donnent l’exemple de ce que l’on doit au peuple, et tout le monde le suivra. » On invoque la question préalable. (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 366. (2) Ibid. (3) D’après le Moniteur universel. (4) D’après le Moniteur universel.