209 [Assemblée nationale.] pour moi absolument imprévue, dont s’occupent plusieurs bons citoyens, membres de l’hôtel, et au sujet de laquelle des mémoires nous sont annoncés, mon respect, dis-je, m’engage à inviter l’Assemblée à ajourner la discussion. Cet ajournement, je me fonde pour vous le proposer sur plusieurs motifs. La discussion doit s’établir sur des calculs arithmétiques, contenus dans le projet et dont l’exactitude ne me paraît pas démontrée; elle sera fort longue. Elle aura pour objet des considérations politiques que je suis loin d’adopter. Les moyens de remplacement que propose le comité sont inadmissibles. Il faudra examiner les combinaisons selon lesquelles on propose, pour plus grande économie, d’établir dans te royaume 83 hôpitaux en en supprimant un seul; or, je douie que votre sagesse veuille adopter un tel moyen et que la vente de l’hôtel dus Invalides produise seulement un gain de 500,000 livres. J’ai surtout remarqué, dans le rapport qui vous a été fait, une invitation très adroite que le rapporteur fait à la municipalité d’acquérir l'hôtel des Invalides pour en faire un hôpital. Mais savez-vous comment la ville de Paris fait des acquisitions, comment elle paye, quel est l’état florissant de ses finances depuis 2 ans? J’en mettrai l’état sous vos yeux. Du reste, je rends moi-même hommage à la sage prévoyance de la ville de Paris qui veut désormais avoir des hôpitaux très grands ; car cette ville en aura besoin... Voix à gauche ; Pourquoi cela? (Rires.) M. l’abbé Maury. Je propose, Messieurs, nou pas d’ajourner la discussion d’une manière indéfinie, non pas d’ajourner à l’une des séances du matin, parce qu’elles appartiennent à de plus grands intérêts; mais je pense que vous devez accorder un délai de 8 jours et indiquer la séance de mardi, en écartant toute adresse, pour que la discussion puisse s’ouvrir au commencement de la séance et que vous rendiez un décret infiniment plus éclairé. Pour mon compte, j’ai l’honneur de vous annoncer qu’en abrégeant beaucoup, je parlerai pendant plus d’une heure et demie. (Murmures et rires.) Un membre : Je demande d’avance la question préalable sur tout ce que dira M. l’abbé Maury. M. l’abbé Maury. Lorsque l’hôtel des Invalides fut établi, il y a 120 ans, on fit contre cet établissement toutes les objections que vient de répéter M. le rapporteur. On y répondit, il y a 120 ans, par des arguments insolubles, car l’établissement se fit. Pour prouver à la nation française qu’elle n’a pas eu tort de donner un exemple qui a été suivi par toute l’Europe, car vous avez eu cette gloire que votre établissement des Invalides a été adopté par l’Europe entière, il faudra justifier la nécessité de cet établissement; il faudra montrer l’inconvénient des remplacements; il faudra montrer les erreurs des calculs; il faudra montrer la barbarie qu’il y aurait à rejeter dans la société les malheureux qu’on paye à tant par mois, comme si un homme qui a un bras de moins, n’avait besoin que de 100 livres de plus, quand il cesse de vivre en commun. M. Dubois-Crancé, rapporteur. Je ne m’oppose point à l’ajournement; mais j’observe que, 1" Série. T. XXIII. (15 février 1791.] dans ce moment, l’hôtel des Invalides est dans un état d’insurrection ; lesmalveillautsontcherché à y exciter des troubles, en y répandant des principes tout contraires à ceux du rapport de votre comité. Je demande que l'ajournement soit fixé à un terme très prochain. M. de Cazalès. Je demande l’ajournement à jeudi. M. de lloailles. J’ai l’honneur de vous obi server que la proposition qui vous est faite sur les invalides n’est point une proposition nouvelle, et que M. l’abbé Maury peut fort bien être prêt à parler jeudi. La preuve de ce que j’avance, c’est que, il y a 4 ans, lorsque M. Breteuil proposa de changer l’hôtel des Invalides en un hôaital, M. Bailly, académicien, aujourd’hui maire de Paris, fit uu mémoire extrêmement développé; des écrits multipliés furent publiés sur cette matière, et M. l’abbé Maury en a saus doute eu connaissance. M. l’abbé Maury. Je vous assure qu’il n’y est pas dit un mot sur les invalides. M. de IVoailles. A l’époque où M. Saint-Germain fit un plan militaire extrêmement condamnable, même sur les Invalides, il parut de nouveaux écrits extrêmement instructifs sur cet objet. Quant à ce qu’a dit M. l’abbé Maury, que la ville de Paris aurait bientôt besoin d’un grand nombre d’hôpitaux, je crois que c’est la vérité ; car on ne permettra certainement plus qu’on mette, comme sous l’ancien régime, six ou huit malades dans un même lit, qui devient pour eux celui de la mort. (Vifs applaudissements.) M. d'Estourmel. J’invite le comité militaire à vouloir bien s’occuper d’une disposition qui lui est échappée, relativement aux officiers reçus aux Invalides et qui sont retirés chez eux avec un traitement de 355 livres sur le Trésor royal, mais qui avaient une pension de 1,200 livres sur les Invalides. (L’Assemblée ajourne à mardi soir la discussion du projet de décret sur les Invalides.) La séance est levée à neuf heures et demie. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 15 FÉVRIER 1791. Nota. — Nous insérons ci-dessous une déclaration que M. Duval d’Eprémesnil fit distribuer aux membres de l’Assemblée nationale en réponse à certains libelles publiés contre lui. Déclaration de M. Duval d’Eprémesnil à l’occasion des libelles qui le poursuivent, accompagnée de quelques réflexions sur la progression des décrets et sur le club monarchique. (Véritable édition, conforme à l’exemplaire déposé chez M. Dufouleur, notaire, rue Montmartre.) Je suis naturellement porté à négliger plutôt 14 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. «MQ [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {15 février 1791 J qu’à démentir les ridicules bruits qui se répandent quelquefois sur mon compte. Ma conduite soutenue en est la preuve. Provoqué plus d’une fois par des libelles calomnieux je me suis constamment renfermé dans le silence. Mais il est des occasions qu’aime à saisir un homme de bien pour se montrer à découvert. La chronique de Paris s’est occupée de moi. On m’a forcé en quelque sorte de lire cet article. Elle a dit, et l’on m’assure que les papiers publics les plus distingués par leur extrême politesse et leur impartialité religieuse ont répété à l’envi, que je tenais tous les jours , chez moi , aristocrate effronté , des assemblées nocturnes ; que ma maison était l’asile du club monarchique , le foyer des écrits prétendus incendiaires dont la capitale et le royaume sont , dit-on, inondés. On ajoute que ces détails sont donnés et garantis par un de mes voisins, lequel se plaint que le bruit des carrosses qui se rendent chez moi tous les soirs, troublent, fort avant dans la nuit, son travail et son repos. Tel est en substance l’article publié par la chronique. Ma première observation portera sur l'auteur. On peut être assuré que ce n’est pas un de mes voisins ; le nom qui le termine est inconnu dans mon quartier; je ne crois pas avoir un seul voisin qui soit hargneux et menteur. Quoi qu’il en soit, cet article renferme autant d’erreurs ou d’impostures que de lignes. En effet, je ne tiens pas d’assemblées chez moi. Gomment y tiendrais-je des assemblées nocturnes? S’il me plaisait d’en tenir, des assemblées, j’en ai le droit, comme tout citoyen, ce serait en plein jour : et j’ose me flatter qu’elles seraient composées de manière à ne craindre ni les pam-hlets, ni les poignards. Mais, enfin, voici le fait. ’ari passé nous recevions nos amis tous les soirs. La Révolution ayant nui à notre fortune, comme à celle de tant d’autres, nous De pouvons [dus les recevoir que deux fois par semaine. L’amitié qui compte ses jours est plus exacte, et notre famille est très nombreuse. Un des gens de mon fils sait jouer du violon : nos enfants nous demandent quelquefois la permission de danser ensemble. Gomment s’y refuser? Les parents et les amis font la conversation-, car on ne joue pas chez moi. A minuit, je me retire: une heure après, au plus tard, et ce sont les longues veillées, tout le morne en fait autant. Voilà mes assemblées nocturnes. Quel temps! quel pays que celui où l’on est réduit à de pareilles explications! Dire que nous ne parlons point de l’Assemblée nationale, on ne me croirait pas; dire que nous la bénissons, on me croirait encore moins; je ne le souffrirais pas, l’hypocrhie me fait horreur. Mais que je lance dans le public des écrits incendiaires, ou seulement qui ne soient pas les miens? Jamais ! La liberté n’est pas, où ne sont pas la modération et la franchise. Montrons cette franchise. Je voudrais un écrit qui rendît sensible aux hommes de bonne foi la progression des décrets de l’Assemblée, en rapprochant les résultats des principes. La natioD, que dis-je? La majorité même y verrait avec surprise comment le tiers état, en partant du système inouï, mais limité, de la vérification des pouvoirs en commun, s’est qualifié d’abord les communes de France, sans nul égard au sens manifeste de cette expression évidemment incompatible avec l’idée d’un seul ordre, ensuite Assemblée nationale ; Gomment cette Assemblée, après avoir expressément réservé à la réunion éventuelle des trois ordres le titre ancien et constitutionnel d 'Etats généraux, a détruit par le fait et sans délibération ce même titre, du jour que la réunion fut effectuée ; Comment de ces décrets que la « France est « une monarchie ; que le roi est partie intégrante « et nécessaire du pouvoir législatif, chef de l’ar-« mée, administrateur suprême, chef du pouvoir « exécutif, ou plutôt le pouvoir lui-même, et que « la justice se rendrait en son nom, » on est parvenu à ceux-ci « que la sanction du roi ne « pourrait qu’être suspendue et non refusée; « qu’il n’aurait pas le droit de déclarer la guerre ; « que les emplois militaires ne seraient pas tous « à sa nomination; que les assemblées adminis-« tratives n’auraient besoin de son approbation, « ni pour l’expédition des affaires particulières, « ni pour l’exécution des délibérations déjà apte prouvées; et qu’enfin, tous les juges, depuis « les tribunaux de district jusqu’à la haute cour « nationale, seraient indépendants de son au-« torité, » même ses commissaires, qui sont inamovibles, tandis que les juges élus ne le sont pas; La nation verrait encore, comment de ce décret, que les biens ecclésiastiques sont à sa disposition sans la surveillance des provinces , décret qui n'a pas été rendu en finance , mais en constitution , ainsi que l’a déclaré M. Thouret son auteur, avec l’approbation de l’Assemblée; décret à l’occasion duquel il fut décidé formellement que le mot disposition serait substitué à celui de propriété, proposé dans l’origine; décret, dont le but apparent, dont l’effet convenu était uniquement de substituer l’inspection de l’ Assemblée à celle du roi, sur l’emploi que faisaient des revenus de leurs bénéfices les ecclésiastiques; comment dis-je, de ce décret on est parvenu à dépouiller, non seulement le clergé de tous ses biens, mais encore tous les titulaires de leurs possessions ; Enfin, la nation verrait comment le respect pour les mandats, lorsqu’il s’agissait de forcer l’opinion par tête, s’est transformé en une défense de s’assembler, soit aux bailliages, soit aux province ; Comment le respect pour la religion catholique, apostolique et romaine, porté au point de n’oser pas la déclarer religion dominante et loi de l’Etat, finira par produire, si l’Assemblée n’y prend garde l’abolition des droits spirituels du chef de l’Eglise, l’expulsion des pasteurs légitimes, le schisme, l’hérésie, le presbytérianisme et la persécution ; Comment le respect pour les propriétés nous a conduit au rachat des rentes foncières, à la suppression des droits féodaux; le respect pour la liberté, à l’établissement du comité des recherches ; la reconnaissance constitutionnelle de l’existence et des prérogatives d’un ordre de noblesse, à l’abolition de la noblesse héréditaire ; la solennelle déclaration qu'une société où la séparation des pouvoir sn' est pas déterminée est sans Constitution, à la confusion de tous les pouvoirs dans la main de l’Assemblée ; la demande d’une contribution patriotique volontaire, au décret qui la rend arbitraire et forcée ; la foi jurée aux créanciers de l’Etat, à l’invention des assignats, et la promesse de soulager le peuple, à 700 millions d’impôts par an... Voila l’ouvrage que je désire, voilà le compte, que je dois comme député, que je demande comme citoyen. Je me suis contenté d’en indiquer les principaux chapitres : si {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 115 février 1191.] 211 j’y travaille, je ne le publierai pas sans l’avoir signé et déposé ; mais je répète pour la vingtième fois que tout écrit qui n’est pas signé de moi, ni déposé chez un notaire, n’est pas de moi. Quant au club monarchique, je n’en suis pas. J’applaudis à son courage, ses dangers me conviennent, mais ses principes! Non. Ses principes! hélas! Les a-t-il déclarés? Le? connait-il bien lui-même? Je rends justice aux intentions de ceux qui le composent: elles sont pures, elles sont nobles ; mais je crains qu’ils ne soient pas dans le secret de leurs destinées. En général, on peut juger d’avance des effets d’une association par l’esprit de ses fondateurs. M. Necker a fondé l’Assemblée nationale, et c’est toujours son esprit qui la gouverne. 11 a voulu que le royaume fût une grande banque, n’a-t-il pas réussi ? Il a voulu que la minorité triomphât, aux notables, à Besançon, à Paris, partout; la minorité a triomphé partout; et ses succès font nos destins. Il a voulu que les deux premiers , ordres fussent détruits par le troisième: les apparences nesont-elles paspourlui? Il a voulu se venger de la magistrature. Qu’est-elle devenue? Il a voulu que les bonnes intentions du parlement fussent trompées, et que l’arrêté du 5 décembre 1788, qui devait sauver l’Etat, fût converti en poison; la déclaration du 23 juin, copiée, pour ainsi dire, sur cet arrêté mémorable, n’a-t-elle pas, grâce au choix du moment et des formes, aigri nos blessures au lieu de les guérir, irrité les esprits, au lieu de les calmer? II a voulu que la religion prétendue réformée s’élevât sur les ruines de la foi catholiq ue : un étranger qui nous verrait dans nos églises, nous prendrait-il, je ne dirai pas pour des protestants, mais pour des chrétiens? Il a mis en avantla première proposition d’un papier-monnaie; nous avons les assignats; il a voulu que les provinces perdissent leurs privilèges, elles ont perdu jusqu’à leur nom; il a voulu rejeter du ministère, sur l’Assemblée, par ie moyen de l’Assemblée elle-même, l’odieux des impôts et des dangers de la banqueroute: Quand la mesure des assignats sera comblée; quand l’excès des impositions aura décourage les peuples; quand les rapports du comité des finances auront cessé de faire illusion ; quand la vraie cause de l’augmentation subite des effets royaux sera sentie; quand la caisse de l’extraordinaire, ce brillant fantôme, sera jugée; quand les folles enchères sur les acquisitions insensées ou frauduleuses des biens ecclésiastiques couvriront le royaume; quand on s’apercevra que ce sontlesassignatsqui nourrissent toutes nos caisses, et composent en très grande partie nos revenus; quand on reconnaîtra qu’un débiteur ne s’acquitte pas en créant à son gré de la monnaie fictive; quand on éprouvera toutes les calamités quelaisse dans sa suite le numéraire chassé par le papier, et lorsqu’enfin l’Assemblée, ou la puissance qui lui succédera, sera forcée de convenir que la nation est sans liberté, le roi sans pouvoir, le royaume sans police, le Trésor sans argent ; qu’il est temps de revenir surses pas, et de compter avec soi-même, qui est-ce qui s’avisera, pour excuser nos erreurs et nos fautes, de remonter à leur source, et d’imputer aux écrits, aux exemples, aux innovations effrénées de M. Necker dans tous les genres, le bouleversement de nos opinions, de nos finances et de nos lois? Ainsi règne après lui et malgré lui peut-être, car j’aime à croire que M. Necker pleure enfin sur son ouvrage, l’esprit d’un fondateur. Appliquons ce principe au club monarchique. A qui le devons-nous? A MM. de Clermont-Tonnerre et Malouet. Mais la profession de foi de ces deux députés n’est-elle pas connue? Plus de clergé , plus de noblesse, plus de parlements : respectons, prenons pour base la constitution monarchique décrétée par l'Assemblée nationale. Telle est leur doctrine. Eh bien ! je leur demande ce que c’est que la constitution monarchique décrétée par l’Assemblée nationale; je leur demande si la France, à leur avis, est une monarchie de fait comme de nom ; je leur demande ce qu’ils pensentdu Trône, avec le refus suspensif et nos décrets, sur ie droit de la guerre, sur l'électiou des pasteurs et des juges, sur la nomination aux emplois militaires, sur l’organisation de l’armée, sur ses rapports avec les municipalités, sur l’indépendance des assemblées administratives, sur Je Trésor public, sur la garde nationale. Qu’ils daignent s’expliquer nettement. Les Jacobins sont-ils donc si redoutables qu’on ne puisse les attaquer de front? Vous vous plaignez de ce qu’ils régnent malgré la Constitution. Personne ici ne voudrait-il régner à leur place parla Constitution ? Vous dites: Les Jacobins troublent la paix , nous voulons la rétablir ; cola ne suffit pas aux fidèles serviteurs de la Couronne. Ajoutez, je vous supplie, et nous serons d’accord, les Jacobins ont renversé le Trône , nous voulons le relever. Or, quel est le moyen qu’ont mis en œuvre les Jacobins pour troubler la paix et renverser le Trône ? Ayez, ayez la force de le dire: leur doctrine politique. Il faut donc l’attaquer, cette doctrine, non par la violence, à Dieu ne plaise 1 mais par la raison aidée du temps, et de ce vrai courage, qui fait attendre, qui n’a besoin ni d’éloges, ni de succès, et qui par cela même obtient, tôt ou tard, des succès inespérés: les ambitieux ne peuvent pas m’enlendre. Est-ce là ce qu’on vous dit, citoyens généreux, qui vous croyez amis de la Constitution monarchique ? On veut, on espère s’emparer des esprits 1 Eh! que nous importe à nous, défenseurs de la monarchie, ce combat d’opinions, si le prix de la victoire est le prix du Trône ? Obéir et respecter sont deux choses bien différentes. Quand M. Je régent, après avoir menacé les députés de la Bretagne d’envoyer des troupes dans cetie province pour y faire exécuter des lois contraires à ses privilèges, leur demanda: Quel parti prendrez-vous� D'obéir et de haïr , répondirent les députés. Point de haine; à la bonne heure: mais au nom de l’honneur et du trône, au nom de la raison et de la liberté, point de respect; j’entends, de ce respect intérieur qui rend les lois durables. La France est une monarchie, je m’en tiens à cette maxime. Elle est antérieure à l’Assemblée nationale, elle est indépendante, c’est ma boussole: c’est la règle des jugements que les Français sont en droit de porter sur les actes législatifs. Tout décret contraire à cette maxime est nul de plein droit. On m’a dit qu’il fallait savoir ployer sous le joug de Ja nécessité. Je prie qu’on me démontre cette nécessité qui change tous nos devoirs. On m’a cité de grands exemples ; que Cicéron, appelé le premier, par les Ro nains, père de la patrie, a composé avec les circonstances. Il est vrai que ce grand homme écrivait à ses amis, qu’il aimait mieux voir la République un peu affaiblie qu’en-tièrement détruite ; mais s’agit-il ici d'un léger affaiblissement, ou d’un renversement total? Au surplus, les derniers des Romains ne pensaient pas comme lui. Ce même Cicéron ne s'est-il pas félicité depuis d’avoir su Servir avec dignité ? Servir avec di- 212 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 février 1791.1 gnité ? Et qui, bon Dieu, nous propose-t-on de servir? D'ailleurs, qu’ont produit pour Cicéron, pour sa patrie, sa famille et sa personne, son abaissement devant César, ses complaisances pour Octave? J’opposerai Cicéron à lui-même, ses actions à ses écrits. Il fléchit devant le tyran vainqueur : mais tant qu’il exista deux partis dans la République, il s’attacha jfortement au plus juste, et ne pensa point à lever une armée d’impartiaux. Je conjure les amis de la Constitution monarchique de n’avancer qu’avec précaution sur un terrain qu’ils ne connaissent pas, de s’expliquer avec leurs fondateurs, de ne penser que par eux-mêmes, et de ne pas chercher le salut de l’Etat ailleurs que dans les vieux principes et les vrais appuis de la monarchie. Signé : DüVAL D’EprÉMESNIL. Paris, le 15 février 1791. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DUPORT. Séance du mercredi 16 février 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. Pétion de Villeneuve, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier, au matin, qui est adopté. Un de MM. les secrétaires annonce à l’Assemblée que M. Rodât d’Olemps, qui avait obtenu, le 2 octobre dernier, un congé, est de retour. Plusieurs membres du comité d'aliénation proposent différentes ventes de biens nationaux qui sont décrétées comme suit : « L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l’aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites par les municipalités ci-après désignées, en exécution des délibérations prises par le conseil général de leur commune, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir entre autres domaines nationaux ceux dont les états sont annexés à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des estimations et évaluations faites desdits biens, en conformité de l’instruction décrétée le 31 dudit mois de mai ; « Déclare vendre ksdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai, et pour les prix ci-après, savoir : (1) Celte séance est incomplète au Moniteur. Un membre : J’ai l’honneur de rappeler à l’Assemblée la pétition qui lui a été adressée il y a quelque temps par les solitaires de la Trappe , tendant à se faire maintenir dans la joui«sance de leurs biens et la liberté de suivre la règle de leur maison. Le comité ecclésiastique consulté à ce sujet a pensé que leur maison ne devait pas être vendue jusqmà ce que l’Assemblée ait prononcé, parce que c’est un hospice pour les voyageurs. Aujourd’hui ces religieux s’adressent de nouveau à l’Assemblée et réclament contre les mesures prises par le directoire du lieu de leur maison pour parvenir à la vente de leurs biens. Ils appuient leur demande sur les considérations de l’hospitalité qu’ils donnent aux voyageurs et des secours qu’ils répandent sur les indigents et les malades du lieu ; ils demandent la suspension de toute vente jusqu’à ce que l’Assemblée ait définitivement statué sur leur sort. Plusieurs membres demandent l’ordre du jour. (L’Assemblée décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) M. Gonpil-Préfeln. L’Assemblée vient de décréter qu’elle passerait à l’ordre du jour au sujet de la demande des religieux de la Trappe. J’observe à l’Assemblée que le comité ecclésiastique a donné en cette matière ce qu’il appelle une décision ; que cette décision est formellement contraire à vos décrets ; et qu’il est possible que le directoire s’y conforme. La maison de la Trappe est isolée dans un lieu inhabité et éloigné des routes passagères ; l’hospitalité n’y est exercée qu’envers des désœuvrés et des fainéants qui ne s’y rendent que par curiosité ou par partie de plaisir. Il y a plus : si la demande des religieux de la Trappe est accueillie, bientôt les Chartreux, et d’autres encore dont la régie ne manque pas de sévérité, vous en feront de semblables ; et quand vous en aurez favorisé une, comment refuserez-vous les autres? Toutes