SÉANCE DU 9 THERMIDOR AN II (SOIR) (27 .JUILLET 1794) - D 593 Je ne dois pas oublier de vous dire que nous avons trouvé au Pont-Neuf un corps de 1 500 hommes qui gardent ce poste important avec du canon. (Applaudissements). LE PRESIDENT : J’invite mes collègues à partir sur-le-champ, afin que le soleil ne se lève pas avant que la tête des conspirateurs soit tombée. (On applaudit). RUHL : Je demande qu’il soit envoyé une force suffisante pour contenir les conspirateurs des prisons. ELIE-LACOSTE : Les deux comités ont envoyé des troupes aux prisons, au Temple et à la trésorerie. Le chef de la gendarmerie des tribunaux, à qui le comité de sûreté générale vient de faire rendre la liberté, qu’Hanriot lui avait ravie, en profite pour assurer la Convention du dévouement de son corps. Les gendarmes de la Convention écrivent que, s’ils ne se présentent pas à la barre, c’est qu’ils sont plus utiles à leur poste, et que, de même qu’ils ont laissé dans la Vendée la moitié de leur corps, ils le laisseront ici tout entier pour la défense de la liberté et de la Convention. (On applaudit). Le président annonce qu’il tient entre les mains l’original de la convocation des sections de Paris, par la commune, ainsi que la nomination d’un général qu’elle a faite au mépris du décret rendu ce matin. La section de Marat vient annoncer qu’elle a fait arrêter des motionnaires communaux, qui étaient venus lui faire des propositions insidieuses. (On applaudit). DUBOIS-CRANCÉ : Je dois rendre hommage à la sagacité de Marat; à l’époque du jugement du tyran Capet, il me dit, en parlant de Robespierre : « Tu vois bien ce coquin-là' - Comment, coquin ? - Oui, reprit-il, cet homme est plus dangereux pour la liberté que tous les despotes coalisés ». BENTABOLE : Il y avait près du camp un magasin de 503 000 fusils; craignant qu’ils ne fussent pas en sûreté, nous les avons remis entre les mains des jeunes élèves, qui ont juré qu’on ne les leur arracherait qu’avec la vie (On applaudit). BILLAUD-VARENNE : La Convention ne peut qu’applaudir à l’énergie des habitants de Paris; ils courent aux armes; mais aussi, au moment où je parle, les conspirateurs électrisent les esprits pour qu’on se porte contre la Convention : à la commune, on organise la contre-révolution, et déjà plusieurs pièces de canon sont préparées pour marcher sur la Convention; il est temps de terminer cette lutte entre la liberté et la tyrannie, entre la Convention et ceux qui veulent l’égorger; je demande qu’elle ordonne aux représentants qu’elle a nommés de prendre toutes les mesures nécessaires pour s’emparer des conspirateurs, afin que leurs têtes tombent avant une heure. (On applaudit). Un citoyen annonce qu’il arrive de la maison commune; qu’il a vu, en passant sur la place, que tous les canonniers ne sont pas pour la commune, mais pour la Convention. BILLAUD : Je ne doute pas que les canonniers, lorsqu’ils seront éclairés, ne tournent leurs canons contre la commune; mais il ne faut pas perdre en délibérations un temps précieux. Quand on est sur un volcan, il faut agir. Robespierre a dit tout à l’heure qu’avant deux heures il marcherait sur la Convention; c’est à nous à le devancer. Nous dormirons quand les traitres seront anéantis. (On applaudit). Le président invite les membres des deux comités à se réunir dans une salle, les députés à rester à leur poste, et les citoyens à courir aux armes. Tous les citoyens qui sont dans une partie de la salle et dans les tribunes sortent ; il n’y reste que des femmes (l). BRIVAL : Citoyens, Nous vous apportons les nouvelles les plus satisfaisantes du camp des jeunes élèves de Mars (2) [On applaudit]. [LEGENDRE arrive tout éploré; il saute à la tribune, et s’écrie au milieu des sanglots, qu’il ne peut retenir, que son cœur est blessé et que son ame est comprimée par la douleur; en revenant de la section des Sans-Culottes, où il a parlé au peuple, que Hanriot vouloit séduire, il a rencontré un officier municipal, qu’on venoit de saisir; l’indignation s’empare de lui, il veut lui plonger son sabre dans le sein ; mais il blesse un patriote. Ici Legendre donne les marques de la plus vive douleur; il craint que son intention soit suspectée. Au même instant on amène à la barre l’officier municipal et le citoyen blessé. A cette vue, l’assemblée a peine à contenir son indignation. Qu’on le tue, s’écrie-t-on, il est sous la loi ; mais on le renvoie aux deux comités qui en feront justice. L’assemblée témoigne à Legendre qu’elle connoît ses sentiments, l’invite à retourner à son poste; il part (3)]. Un membre du comité révolutionnaire de la section de la Montagne s’applaudit à la barre d’avoir sauvé un représentant du peuple des mains d’Han-riot, et annonce qu’il amène un officier municipal arrêté; il annonce en même temps que la maison commune est réduite, et qu’on amène Robespierre aîné sur un brancard. Charlier prend le fauteuil. LE PRÉSIDENT : Le lâche Robespierre est là. Vous ne voulez pas qu’il entre ? (Non, non s’écrie-t-on de toutes parts). THURIOT : Apporter dans le sein de la Convention le corps d’un homme couvert de tous les crimes, ce serait enlever à cette belle journée tout l’éclat qui lui convient. Le cadavre d’un tyran ne peut que porter la peste; la place qui est marquée pour lui et ses complices, c’est la place de la Révolution. Il faut que les deux comités prennent les mesures nécessaires pour que le glaive de la loi les frappe sans délai. La Convention décrète cette proposition. (On applaudit). ESNARD, commandant de la force armée, à la barre : Lorsque j’eus entre les mains le décret qui me nommait commandant provisoire de la garde nationale, j’allai chez le maire qui lut mes pouvoirs. Payan en prit communication, et me fit mettre en arrestation avec mon adjudant. Il y a une demi-heure, lorsque j’entendis, à la maison commune, le (1) Mon., XXI, 341-343; Débats, n° 677, 187-193; J. Mont-, n° 93 bis, 757-760. (2) Bm, 11 therm. ; J. Univ., n° 1711. Voir le texte de l’allocution de Brival, ci-dessus, n° 67. (3) C. Eg-, n°709; J. S. -Culottes, n°529; Ann. patr., n°DLXXV, Mon., XXI, 342. 38 SÉANCE DU 9 THERMIDOR AN II (SOIR) (27 .JUILLET 1794) - D 593 Je ne dois pas oublier de vous dire que nous avons trouvé au Pont-Neuf un corps de 1 500 hommes qui gardent ce poste important avec du canon. (Applaudissements). LE PRESIDENT : J’invite mes collègues à partir sur-le-champ, afin que le soleil ne se lève pas avant que la tête des conspirateurs soit tombée. (On applaudit). RUHL : Je demande qu’il soit envoyé une force suffisante pour contenir les conspirateurs des prisons. ELIE-LACOSTE : Les deux comités ont envoyé des troupes aux prisons, au Temple et à la trésorerie. Le chef de la gendarmerie des tribunaux, à qui le comité de sûreté générale vient de faire rendre la liberté, qu’Hanriot lui avait ravie, en profite pour assurer la Convention du dévouement de son corps. Les gendarmes de la Convention écrivent que, s’ils ne se présentent pas à la barre, c’est qu’ils sont plus utiles à leur poste, et que, de même qu’ils ont laissé dans la Vendée la moitié de leur corps, ils le laisseront ici tout entier pour la défense de la liberté et de la Convention. (On applaudit). Le président annonce qu’il tient entre les mains l’original de la convocation des sections de Paris, par la commune, ainsi que la nomination d’un général qu’elle a faite au mépris du décret rendu ce matin. La section de Marat vient annoncer qu’elle a fait arrêter des motionnaires communaux, qui étaient venus lui faire des propositions insidieuses. (On applaudit). DUBOIS-CRANCÉ : Je dois rendre hommage à la sagacité de Marat; à l’époque du jugement du tyran Capet, il me dit, en parlant de Robespierre : « Tu vois bien ce coquin-là' - Comment, coquin ? - Oui, reprit-il, cet homme est plus dangereux pour la liberté que tous les despotes coalisés ». BENTABOLE : Il y avait près du camp un magasin de 503 000 fusils; craignant qu’ils ne fussent pas en sûreté, nous les avons remis entre les mains des jeunes élèves, qui ont juré qu’on ne les leur arracherait qu’avec la vie (On applaudit). BILLAUD-VARENNE : La Convention ne peut qu’applaudir à l’énergie des habitants de Paris; ils courent aux armes; mais aussi, au moment où je parle, les conspirateurs électrisent les esprits pour qu’on se porte contre la Convention : à la commune, on organise la contre-révolution, et déjà plusieurs pièces de canon sont préparées pour marcher sur la Convention; il est temps de terminer cette lutte entre la liberté et la tyrannie, entre la Convention et ceux qui veulent l’égorger; je demande qu’elle ordonne aux représentants qu’elle a nommés de prendre toutes les mesures nécessaires pour s’emparer des conspirateurs, afin que leurs têtes tombent avant une heure. (On applaudit). Un citoyen annonce qu’il arrive de la maison commune; qu’il a vu, en passant sur la place, que tous les canonniers ne sont pas pour la commune, mais pour la Convention. BILLAUD : Je ne doute pas que les canonniers, lorsqu’ils seront éclairés, ne tournent leurs canons contre la commune; mais il ne faut pas perdre en délibérations un temps précieux. Quand on est sur un volcan, il faut agir. Robespierre a dit tout à l’heure qu’avant deux heures il marcherait sur la Convention; c’est à nous à le devancer. Nous dormirons quand les traitres seront anéantis. (On applaudit). Le président invite les membres des deux comités à se réunir dans une salle, les députés à rester à leur poste, et les citoyens à courir aux armes. Tous les citoyens qui sont dans une partie de la salle et dans les tribunes sortent ; il n’y reste que des femmes (l). BRIVAL : Citoyens, Nous vous apportons les nouvelles les plus satisfaisantes du camp des jeunes élèves de Mars (2) [On applaudit]. [LEGENDRE arrive tout éploré; il saute à la tribune, et s’écrie au milieu des sanglots, qu’il ne peut retenir, que son cœur est blessé et que son ame est comprimée par la douleur; en revenant de la section des Sans-Culottes, où il a parlé au peuple, que Hanriot vouloit séduire, il a rencontré un officier municipal, qu’on venoit de saisir; l’indignation s’empare de lui, il veut lui plonger son sabre dans le sein ; mais il blesse un patriote. Ici Legendre donne les marques de la plus vive douleur; il craint que son intention soit suspectée. Au même instant on amène à la barre l’officier municipal et le citoyen blessé. A cette vue, l’assemblée a peine à contenir son indignation. Qu’on le tue, s’écrie-t-on, il est sous la loi ; mais on le renvoie aux deux comités qui en feront justice. L’assemblée témoigne à Legendre qu’elle connoît ses sentiments, l’invite à retourner à son poste; il part (3)]. Un membre du comité révolutionnaire de la section de la Montagne s’applaudit à la barre d’avoir sauvé un représentant du peuple des mains d’Han-riot, et annonce qu’il amène un officier municipal arrêté; il annonce en même temps que la maison commune est réduite, et qu’on amène Robespierre aîné sur un brancard. Charlier prend le fauteuil. LE PRÉSIDENT : Le lâche Robespierre est là. Vous ne voulez pas qu’il entre ? (Non, non s’écrie-t-on de toutes parts). THURIOT : Apporter dans le sein de la Convention le corps d’un homme couvert de tous les crimes, ce serait enlever à cette belle journée tout l’éclat qui lui convient. Le cadavre d’un tyran ne peut que porter la peste; la place qui est marquée pour lui et ses complices, c’est la place de la Révolution. Il faut que les deux comités prennent les mesures nécessaires pour que le glaive de la loi les frappe sans délai. La Convention décrète cette proposition. (On applaudit). ESNARD, commandant de la force armée, à la barre : Lorsque j’eus entre les mains le décret qui me nommait commandant provisoire de la garde nationale, j’allai chez le maire qui lut mes pouvoirs. Payan en prit communication, et me fit mettre en arrestation avec mon adjudant. Il y a une demi-heure, lorsque j’entendis, à la maison commune, le (1) Mon., XXI, 341-343; Débats, n° 677, 187-193; J. Mont-, n° 93 bis, 757-760. (2) Bm, 11 therm. ; J. Univ., n° 1711. Voir le texte de l’allocution de Brival, ci-dessus, n° 67. (3) C. Eg-, n°709; J. S. -Culottes, n°529; Ann. patr., n°DLXXV, Mon., XXI, 342. 38