[Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 avril 1791.J payer la dette des villes ou non. Pour moi, je pense qu’il est impossible, dans l’ordre actuel, après la destruction des droits d’octroi, après l’établissement du nouveau genre d’impôts, que la nalion ne se charge pas des dettes des villes. M. de Sinéty. Ce n’est pas comme municipalité, mais comme pays d’états que Marseille a emprunté. M. Martineau, Je demande l’ajournement jusqu’à ce que le comité ait reçu les renseignements nécessaires sur l’existence de ses états et la nature de ses dettes. M. de Lachcze. La Haute-Guyenne a eu la permission, en 1785, d’emprunter 150,000 livres remboursables en 20 années. En vertu des articles que vous venez de décréter, la dette contractée, eu vertu de lettres patentes, par l’administration de la Haute-Guyenne, doit être déclarée nominativement dette nationale. Je m’appuie, à cet égard, sur le principe que vous venez de consacrer dans l’article premier, d’après lequel toutes les dettes des pays d’états, contractées selon les formes prescrites au moment où elles l'ont été, ont été déclarées dettes nationales. J’ai ajouté que le montant de la dette, pour laquelle je réclamais, avait été employé à des objets d’utilité généiale et publique; qu’il avait servi à accélérer la confection de plusieurs grandes routes communiquant à des villes principales; que si elles n’étaient pas faites, il faudrait que la nation les fît ; et que cette dette devait d’autant plus être regardée comme dette nationale, que c’était le gouvernement qui avait invité à la contracter et que, en même temps qu’on employait les fonds de l’emprunt, la province contribuait pour des sommes très fortes, même plus fortes que celles pour lesquelles on contribuait ailleurs, puisque le ci-devant clergé et la ci-devant noblesse payaient, pour cet objet, un quinzième en sus de leurs décimes et de leur capitation. M. Lambel appuie celte proposition et demande qu’on ajoute au premier article, après le mot : « pays d’états », ceux-ci ; « et administrations provinciales. » M. laitteux. Je demande que les dettes légitimement contractées par la ci-devant administration du Boulonnais soient, comme celles de la Haute-Guyenne, déclarées dettes nationales. Un membre demande que ces diverses réclamations soient renvoyées au comité des finances. (L’Assemblée nationale renvoie ces diverses réclamations au comité des finances pour en rendre compte lorsqu’il aura reçu les mémoires sur la quotité des dettes, leur nature et les titres qui établissent les prétentions respectives.) M. de Crillon jeune. Messieurs, vous venez de classer parmi la dette nationale celles des pays d’états ; vous avez ordonné qu’on procédât à leur liquidation; il résultera de cette disposition la nécessité de 160 millions de plus d’as.-i-gnats. Je crois que le moment est venu d’adopter une mesure qui me paraît importante, et que je vais avoir l’honneur de vous soumettre. Je regarde comme une vérité incontestable que les assignats ont sauvé la France; ils valent, selon moi, les métaux les plus précieux. ( Murmures à 719 droite. — Applaudissements à gauche.) Mais plus leur valeur est réelle, plus il importe de prendre des précautions pour empêcher qu’elle ne puisse être justement affaiblie. C’est d’après cela, Messieurs, que j’ai l’honneur de faire à l’Assemblée l’observation suivante : Il règne une latitude immense dans l’évaluation des domaines nationaux; il n’est pas rare de les entendre le même jour estimer depuis 2 jusqu’à 5 milliards. Depuis 4 ou 5 mois, les districts sont en pleine activité pour procéder à la vente des domaines nationaux ; il est impossible que maintenant ils n’aient pas une connaissance très approximative de la valeur des domaines compris dans leur circonscription. Je demande, pour éloigner le vague des estimations des domaines natimaux, que le comité des finances et le comité d’aliénation soient chargés, de la part de l’Assemblée, d’écrire à chaque district, et par une lettre imprimée l’opération ne serait pas longue, pour lui demander la valeur approximative des domaines nationaux compris dans sou étendue. On y distinguera les domaines nationaux dont vous avez décrété la \ente, et les domaines nationaux sous bois, que vous avez réservés, et que vous avez dit ne point devoir être vendus. Je sais bien que vous n’aurez pas par là une connaissance mathématique de leur valeur; mais je dis que vous en aurez une approchant beaucoup de la vérité, qui fera évanouir les doutes que quelques personnes voudraient répandre, et donnera au contraire une connaissance très satisfaisante de l’immense valeur des domaines nationaux. ( Applaudissements .) Cette connaissance approximative des domaines nationaux ne peut pas être une longue opération; car il n’y a point de directoire qui, dans deux jours, ne puisse ie faire; et en prenant pour exemple ie district le plus éloigné, je crois que d’ici à 3 semaines la nation pourra je lerépète, avoir une connaissance estimative de la valeur des domaines nationaux. ( Applaudissements .) Plusieurs membres : Aux voix I aux voix ! M. Prieur. Je demande que la motion soit rédigée en décret impératif, et que les districts soient tenus d’envoyer l’état dans le mois, à compter du jour de la réception du décret. M. de Crillon jeune. Voici le projet de décret que je propose : ■< L’Assemblée nationale désirant connaître, par approximation, la valeur des domaines nationaux qui sont Je gage des assignats, décrète que les directoires de tous les districts du royaume seront tenus d’envoyer au comité d’aliénation, dans le délai d’un mois au plus tard, à compter de ce jour, l’état de la valeur présumée de tous les domaines nationaux compris dans leur circonscription ; ils sépareront, dans leur évaluation, la valeur des biens dont les décrets ordonnent la vente et celle des bois et forêts et droits incorporels, dont les décrets ont ordonné la conservation. » (Adopté.) M. Cegrand, au nom du comité ecclésiastique (1), Messieurs, deux de vos décrets sur le traitement des curés supprimés, soit qu’ils acceptent des fonctions pubiques dans le ministère, soit qu’ils renoncent à ces fonctions, sont interprétés d’une (1) Le Moniteur ne donne qu’un extrait de ce rapport. [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 avril 1791. J 720 manière très abusive ; et, il faut eu convenir, la lettre de ces décrets paraît se prêter à cette interprétation. P.ir le titre III de votre décret du 24 août 1790, vous avez fixé les différents traitements des ministres de la religion. Dans la tixation du traitement des curés, vous avez considéré la population des villes et bourgs de leur résidence, et vous l’avez gradué d’après cette population. Rien de si juste que cette graduation, relativement aux pasteurs des cures conservées. Mais, par votre décret du 18 octobre 1790, vous avez pris en considération les curés des paroisses supprimées et vous avez fixé leur traitement dans deux cas hypothétiques: 1° Dans le cas où ils voudraient accepter des fonctions de vicaires, soit près des évêques, soit près des curés, lorsque leurs cures se trouvaient comprises dans la circonscription de l’église cathédrale ou de la paroisse conservée ; 2° Dans celui où ils ne voudraient point accepter les fonctions de vicaires. Dans le premier cas, par l’article 8, vous leur avez accordé la totalité du traitement dont ils auraient joui, ainsi que des logements et jardins, dont ils auraient conservé la jouissance, s’ils n’eussent pas été supprimés. Dans le second, vous avez réduit leur traitement aux deux tiers de celui dont ils auraient joui, s’ils n’eussent pas été supprimés, en fixant néanmoins le maximum de ce traitement a 2,400 livres. La difficulté qui s’élève sur l’exécution de ces dispositions est de savoir si, par la jouissance conservée en totalité dans le premier cas et réduite aux deux tiers dans le second, l’Assem-blee nationale a entendu le traitement qui a été déterminé par la constitution civile du clergé, ou seulement le traitement dont jouissaient les curés avant cette constitution. Si l’on admettait la première interprétation, il en résulterait des abus énormes. En effet, dans une infinité de villes dont la population n’excède pas 10 à 15,000 âmes, il existait 15 et même 20 paroisses. Elles se trouvent aujourd’hui réduites à 3 ou 4. La plupart de ces curés jouissant à peine d’un revenu de 7 à 800 livres serait-il juste, lorsqu’ils sont sans fonctions, de doubler, dans beaucoup de circonstances, le traitement qu’ils avaient ci-devant, lorsqu’ils étaient fonctionnaires ecclésiastiques? Nous prendrons au hasard deux exemples : La ville de Soissons n’a pas une population de plus de 12,000 âmes. 11 y avait 12 paroisses; elles sont réduites à 2. La ville de Bourges, peuplée d’environ 18,000 âmes, avait 16 cures; elles sont réduites à 4. Ces cures, les unes dans les autres, défalcation faite du casuel, que vous avez supprimé, ne valaient pas 800 livres de revenu. Si l’on suivait la fixation du traitement déterminé par la constii ution civile du clergé, il en résulterait que chacun des 10 curés supprimés à Soissons et des 12 curés supprimés à Bourges, aurait un traitement dont le minimum serait de 2,000 livres, même en n’acceptant aucunes fonctions, c’est-à-dire que leur traitement pour ne rien faire, excéderait de plus du double celui qu’ils avaient lorsqu’ils étaient livrés aux pénibles travaux du sacerdoce. Vous n’avez certainement pas eu celte intention; elle serait abusive dans une multitude de circonstances; elle serait aussi injuste dans quelques autres : car il pourrait se trouver des cas ou des curés supprimés, jouissant d’un revenu plus considérable que celui qui a été déterminé pour le clergé futur, auraient droit à un traitement plus considérable; et c’est l’esprit dans lequel est tendu votre décret du 24 juillet 1790, sur le traitement du cierge actuel. En un mot, dans aucun cas et sous aucun rapport, vous ne devez aux prêtres ci-devant fonctionnaires, dont les églises sont supprimées, un revenu plus considérable que celui dont ils jouissaient quand ils remplissaient ces fonctions. Votre comité ne saurait vous exprimer à quel point il est pressant de prendre à cet égard une prompte détermination. 11 est journellement consulté par les départements, qui, incertains sur l’interprétation de la loi, résistent tous à fixer aux curés supprimés un traitement aussi abusif. Il en résulterait encore un inconvénient bien majeur; c’est que les évêques et les curés conservés se trouveront, la plupart du temps, privés de coopérateurs utiles, qui préféreront consommer dans l’inaction un revenu plus considérable que celui qu'ils avaient précédemment. D’après ces considérations, votre comité ecclésiastique vous propose le projet de décret suivant : « Art. 1er. Le traitement accordé par les articles 6 et 7 du décret du 18 octobre 1790, dans les cas portés par lesdits articles, ne doit et ne peut être fixé que sur les revenus dont jouissaient les curés supprimés, avant la fixation du traitement accordé au clergé futur par le décret du 24 août 1790. « Art. 2. Dans la fixation du revenu des curés supprimés ne sera pas compris le casuel qu’ils percevaient avant sa suppression. « Art. 3. Néanmoins l’article 10 du titre 1er du décri t du 24 juillet 1790, sera exécuté vis-à-vis lesdits curés supprimés. En conséquence, même dans le cas où ils ne voudraient pas accepter des places de vicaires, leur traitement n’éprouvera aucune réduction, lorsque leurs revenus n'excéderont pas 1,000 lhrcs; sans qu’ils puissent prétendre cette somme lorsque leurs anciens revenus ne l’atieignaient pas. « Art. 4. Ils jouiront pareillement, en conséquence dudit article, de l’excédent de la totalité au revenu qu’ils avaient; à condition, toutefois, que la totalité de leur traitement ne pourra excéder le maximum de 6,000 livres, quel qu’ait été leur revenu, dans le cas où ils auraient accepté des places de vicaires ; et, dans le cas où ils préféreraient de n’exercer aucune fonction, maximum de leur pension, quel qu’ait été leur revenu, sera de 2,400 livres, aux termes de l’article 6 du décret de 18 octobre 1790. « Art. 5. Ne sont compris dans les dispositions du présent article, ceux qui, ayant obtenu des pensions de retraite sur des bénéfices dont ils étaient titulaires, autres que des cures, accepteraient des places de vicaires, des évêques ou curés, ou qui seraient pourvus de cures ; ils conserveront les portions de leurs pensions, qui leur sont conservées par les piécédents décrets, dans le cas où ils accepteraient des fonctions ecclésiastiques, et les réuniront aux traitements attachés à ces fonctions. « Art. 6. Les dispositions du présent décret ne Suiit applicables qu’aux curés qui ont prêté le serment prescrit par les décrets de l’Assemblée nationale. » (Ladiscussion est ouverte sur ce projet de décret.)