292 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE avec quelle sollicitude les républicains travaillent contre le despotisme. Paris est inondé de commissaires et de prétendus envoyés des Sociétés populaires et d’autorités constituées. Cette affluence a droit d’étonner dans ce moment; elle paralyse le comité, et expose les Sociétés et les autorités constituées à des dépenses; elle agglomère à Paris quelques intrigants, ajoutés à tant d’autres qui y végètent déjà depuis longtemps; elle rassemble ici des hommes qui, s’ils sont patriotes, rendraient plus de services dans leurs foyers que dans cette commune centrale, où les ennemis de la Convention ne demandent que confusion et troubles. Le comité va prendre des mesures pour renvoyer à leurs communes, à leurs Sociétés, cette multitude d’envoyés inutiles, et qui doivent, dans des temps de crise, demeurer à leur poste. Au dehors de la France, les symptômes ordinaires, plusieurs fois remarqués toutes les fois que les Anglais ont tramé dans l’intérieur quelques conspirations, se manifestent de nouveau; joie, insolences et menaces de la part des émigrés; intrigues politiques dans ces hommes qui gouvernent les peuples-esclaves; conférences secrètes, parlementaires ou envoyés anglais auprès de plusieurs gouvernements; persécution des patriotes peu nombreux, qui soupirent chez l’étranger pour notre liberté; déclamations royalistes, fausses nouvelles prodiguées, et des stylets, des poignards envoyés en France sous des cargaisons déguisées. L’aiguiserie royale des poignards à Londres fonde plus l’espoir des tyrans de la Tamise que tous les arsenaux et toutes les manufactures des gouvernements européens. Mais les bons citoyens veillent, la Convention nationale est couverte par tous les vœux des républicains, et les armées de la république ne déposeront pas encore leur tonnerre. Quel est donc ce petit gouvernement d’insulaires, régnant sur sept ou huit millions d’esclaves, qui prétend lutter avec une grande république continentale, composée de vingt-cinq millions d’hommes libres, et qui, dans dix ans, sera augmentée d’un tiers de population ? Est-ce à l’Angleterre d’être jalouse de la France, et de rivaliser avec un géant politique que la résistance de tant de rois coalises a constitué en puissance militaire ? Non, citoyens, la destinée de la république française ne peut plus être changée ; elle est écrite par la victoire dans les annales de la liberté et de la vertu ; les trônes s’écrouleront en poussière, comme leurs troupes sont fugitives et battues dans la Belgique et le Palatinat. Les rois et les ministres passeront : les peuples seuls sont éternels. Les narrations de victoires seront-elles stériles, et n’aurai-je fait qu’annoncer pompeusement ce que tant de feuilles publiques et de gazettes ministérielles répètent ou contournent à leur gré ? Non, citoyens, l’orateur républicain n’est pas un vain discoureur chargé de frapper vos oreilles ou de distraire l’oisiveté : c’est le comité de salut public, chargé par vous-mêmes de tirer un parti politique de la victoire remportée par les armées, et de comprimer par le spectacle de la puissance des hommes libres cette tourbe de malveillants dont le chef-lieu de la république n’est pas encore suffisamment déblayé. Donnons donc aujourd’hui aux défenseurs de la liberté des peuples le juste témoignage d’admiration que les représentants de la France leur doivent. Répétons aujourd’hui aux quatre armées de la Moselle, du Rhin, de Sambre-et-Meuse et du Nord, qu’elles sauvent la république et qu’elles ne cessent de bien mériter de la patrie. Ceux qui représentent le peuple et qui partagent avec lui la reconnaissance du sang qu’on a versé pour lui sont chargés d’encourager les armées, d’électriser leur courage, d’unir leurs efforts et de remettre sans cesse sous les yeux des citoyens le mot délicieux de Patrie (l). 54 La Convention nationale rend les décrets suivans. « La Convention nationale, après avoir entendu [Monnot, au nom de] son comité des finances, décrète que le délai accordé aux pensionnaires et gagistes de la liste civile, pour remplir les formalités prescrites par la loi du 17 germinal, est prorogé jusques et compris le 30 fructidor prochain » (2). 55 « Sur la proposition d’un membre, la Convention nationale décrète que tant que durera le gouvernement révolutionnaire, le conseil-général de chaque district nommera provisoirement aux places d’assesseurs des juges-de-paix qui sont vacantes, et qui viendront à vaquer, dans la même forme qui a été déterminée pour la nomination provisoire des juges-de-paix et de leurs greffiers » (3). 56 DUCOS : Citoyens, Encore un de ces exemples si rares dans l’antiquité, si communs parmi nous et qui doit trouver sa (l) Mon., XXI, 251-252 et 254-257; Débats; nos 666, 667; -7. Unie., nos 1699, 1700; M.U., XLII, 10-11, 24-28, 119; Mess, soir, nos 698, 699, 700; -7. Fr., nos662, 663; -7. Pe'rlet, nos 664, 665; -J. Paris, n° 565, 566; C. Eg„ nos 699, 700; C. Unie., nos 930, 931; Ann. R. F., n°229; -7. Sablier, nu 1445 ; Ann. patr., n°DLXIV; -7. Mont., n°83; -J.S. Culottes, Nos 519, 520; F.S.P., n° 379; Audit, nat., n° 663; Rép., n° 21 ; -7. Lois, n° 658. (2) P.V., XLI, 331. Minute de la main de Monnot. Décret n° 9994. Reproduit dans Mon., XXI, 259; Ann. patr. n° DLXIV ; F.S.P., n° 379; Ann. R.F., nÜS 230, 231; -7. Fr., n° 663 ; C. Eg., n°699; -7. Mont., n° 83 ; -7. Perlet, n°665; ■J. S. Culottes, n° 520; M.U., XLII, 119. Voir Arch. pari. T. LXXXVIII, séance du 17 germ., n°61. (3) P.V., XLI, 332. Minute de la main de Pottier. Décret n° 9995. Reproduit dans Mon., XXI, 259; -7. Mont., n° 83; F.S.P., n° 379; Ann. R.F., n° 230; -7. Fr., n° 662; -7. Perlet, n° 665; -7. Sablier, n° 1445; -J.S. Culottes, n° 520. 292 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE avec quelle sollicitude les républicains travaillent contre le despotisme. Paris est inondé de commissaires et de prétendus envoyés des Sociétés populaires et d’autorités constituées. Cette affluence a droit d’étonner dans ce moment; elle paralyse le comité, et expose les Sociétés et les autorités constituées à des dépenses; elle agglomère à Paris quelques intrigants, ajoutés à tant d’autres qui y végètent déjà depuis longtemps; elle rassemble ici des hommes qui, s’ils sont patriotes, rendraient plus de services dans leurs foyers que dans cette commune centrale, où les ennemis de la Convention ne demandent que confusion et troubles. Le comité va prendre des mesures pour renvoyer à leurs communes, à leurs Sociétés, cette multitude d’envoyés inutiles, et qui doivent, dans des temps de crise, demeurer à leur poste. Au dehors de la France, les symptômes ordinaires, plusieurs fois remarqués toutes les fois que les Anglais ont tramé dans l’intérieur quelques conspirations, se manifestent de nouveau; joie, insolences et menaces de la part des émigrés; intrigues politiques dans ces hommes qui gouvernent les peuples-esclaves; conférences secrètes, parlementaires ou envoyés anglais auprès de plusieurs gouvernements; persécution des patriotes peu nombreux, qui soupirent chez l’étranger pour notre liberté; déclamations royalistes, fausses nouvelles prodiguées, et des stylets, des poignards envoyés en France sous des cargaisons déguisées. L’aiguiserie royale des poignards à Londres fonde plus l’espoir des tyrans de la Tamise que tous les arsenaux et toutes les manufactures des gouvernements européens. Mais les bons citoyens veillent, la Convention nationale est couverte par tous les vœux des républicains, et les armées de la république ne déposeront pas encore leur tonnerre. Quel est donc ce petit gouvernement d’insulaires, régnant sur sept ou huit millions d’esclaves, qui prétend lutter avec une grande république continentale, composée de vingt-cinq millions d’hommes libres, et qui, dans dix ans, sera augmentée d’un tiers de population ? Est-ce à l’Angleterre d’être jalouse de la France, et de rivaliser avec un géant politique que la résistance de tant de rois coalises a constitué en puissance militaire ? Non, citoyens, la destinée de la république française ne peut plus être changée ; elle est écrite par la victoire dans les annales de la liberté et de la vertu ; les trônes s’écrouleront en poussière, comme leurs troupes sont fugitives et battues dans la Belgique et le Palatinat. Les rois et les ministres passeront : les peuples seuls sont éternels. Les narrations de victoires seront-elles stériles, et n’aurai-je fait qu’annoncer pompeusement ce que tant de feuilles publiques et de gazettes ministérielles répètent ou contournent à leur gré ? Non, citoyens, l’orateur républicain n’est pas un vain discoureur chargé de frapper vos oreilles ou de distraire l’oisiveté : c’est le comité de salut public, chargé par vous-mêmes de tirer un parti politique de la victoire remportée par les armées, et de comprimer par le spectacle de la puissance des hommes libres cette tourbe de malveillants dont le chef-lieu de la république n’est pas encore suffisamment déblayé. Donnons donc aujourd’hui aux défenseurs de la liberté des peuples le juste témoignage d’admiration que les représentants de la France leur doivent. Répétons aujourd’hui aux quatre armées de la Moselle, du Rhin, de Sambre-et-Meuse et du Nord, qu’elles sauvent la république et qu’elles ne cessent de bien mériter de la patrie. Ceux qui représentent le peuple et qui partagent avec lui la reconnaissance du sang qu’on a versé pour lui sont chargés d’encourager les armées, d’électriser leur courage, d’unir leurs efforts et de remettre sans cesse sous les yeux des citoyens le mot délicieux de Patrie (l). 54 La Convention nationale rend les décrets suivans. « La Convention nationale, après avoir entendu [Monnot, au nom de] son comité des finances, décrète que le délai accordé aux pensionnaires et gagistes de la liste civile, pour remplir les formalités prescrites par la loi du 17 germinal, est prorogé jusques et compris le 30 fructidor prochain » (2). 55 « Sur la proposition d’un membre, la Convention nationale décrète que tant que durera le gouvernement révolutionnaire, le conseil-général de chaque district nommera provisoirement aux places d’assesseurs des juges-de-paix qui sont vacantes, et qui viendront à vaquer, dans la même forme qui a été déterminée pour la nomination provisoire des juges-de-paix et de leurs greffiers » (3). 56 DUCOS : Citoyens, Encore un de ces exemples si rares dans l’antiquité, si communs parmi nous et qui doit trouver sa (l) Mon., XXI, 251-252 et 254-257; Débats; nos 666, 667; -7. Unie., nos 1699, 1700; M.U., XLII, 10-11, 24-28, 119; Mess, soir, nos 698, 699, 700; -7. Fr., nos662, 663; -7. Pe'rlet, nos 664, 665; -J. Paris, n° 565, 566; C. Eg„ nos 699, 700; C. Unie., nos 930, 931; Ann. R. F., n°229; -7. Sablier, nu 1445 ; Ann. patr., n°DLXIV; -7. Mont., n°83; -J.S. Culottes, Nos 519, 520; F.S.P., n° 379; Audit, nat., n° 663; Rép., n° 21 ; -7. Lois, n° 658. (2) P.V., XLI, 331. Minute de la main de Monnot. Décret n° 9994. Reproduit dans Mon., XXI, 259; Ann. patr. n° DLXIV ; F.S.P., n° 379; Ann. R.F., nÜS 230, 231; -7. Fr., n° 663 ; C. Eg., n°699; -7. Mont., n° 83 ; -7. Perlet, n°665; ■J. S. Culottes, n° 520; M.U., XLII, 119. Voir Arch. pari. T. LXXXVIII, séance du 17 germ., n°61. (3) P.V., XLI, 332. Minute de la main de Pottier. Décret n° 9995. Reproduit dans Mon., XXI, 259; -7. Mont., n° 83; F.S.P., n° 379; Ann. R.F., n° 230; -7. Fr., n° 662; -7. Perlet, n° 665; -7. Sablier, n° 1445; -J.S. Culottes, n° 520. SÉANCE DU 30 MESSIDOR AN II (18 -JUILLET 1794) - N" 56 293 place dans l’histoire de notre Révolution. Tel est l’ascendant du génie de la liberté, telle est l’énergie et la valeur des Français, que tous les âges, les deux sexes même, ont déjà produit des prodiges d’héroïsme. Il n’y a pas longtemps qu’on vous disoit à cette tribune que si tous les républicains venoient à périr pour la cause de la liberté, nos féroces ennemis auroient encore à combattre nos républicaines. On avoit raison, on rendoit hommage à l’ardeur martiale qui inspire aussi les citoyennes françaises. Quoique vous les ayez exclues du service militaire, il s’en découvre tous les jours quelqu’une en qui rien n’a été capable d’étouffer l’ambition de combattre la tyrannie, de cueillir sa portion de lauriers dans les champs de la gloire, et de prouver qu’elles avoient aussi le courage et la force d’affronter le sort des combats pour le triomphe de la liberté. Il y a peu de jours que je vous parlois d’une héroïne du Jura; on vous a parlé depuis d’une autre d’Eure et Loir; les Basses-Pyrénées, le Nord ont fourni les leurs; la Vendée même a vu des femmes dont le brûlant patriotisme et les actions extraordinaires ont fait trembler les scélérats, ont couvert de honte et d’opprobre la tourbe contre-révolutionnaire de cette malheureuse contrée; mais c’est surtout dans Paris, citoyens, que l’histoire aura un grand recensement à faire de toutes les républicaines qui se sont signalées dans le cours de la Révolution. Aujourd’hui, je viens vous entretenir de Françoise Rouelle, native de Villersexel, département de la Haute-Saône. Revêtue de l’habit guerrier, elle entra le 16 août 1792 (vieux style), en qualité de volontaire dans le second bataillon du département du Haut-Rhin, où elle a servi jusqu’au 22 ventôse dernier. Ses certificats attestent qu’elle s’est également distinguée par sa bravoure et sa vertu. Elle a combattu à Spire, à Mayence, à Streitberg, à la bataille de Rheinzabern, à celle de Weiler, près Landau, à celle de la Chapelle Sainte-Anne, où on se battit 6 jours consécutifs; partout elle a déployé ce courage, cette exactitude, ce zèle infatigable, à la faveur desquels elle a si long-temps entretenu l’erreur de ses frères d’armes : enfin le soupçon est venu troubler son ardeur militaire. Mais un trait que vous n’admirerez pas moins dans les frères d’armes de Françoise Rouelle, c’est qu’ils ont tellement respecté sa vertu, qu’ils l’ont aussitôt conduite devant le général et les représentai du peuple, qui, malgré sa volonté décidée à vouloir continuer son service, lui ont fait expédier un congé absolu. Que l’Autriche et la Prusse, que l’Espagne et l’Angleterre, que cet essaim de tyrans couronnés et mitrés de l’Allemagne nous disent si le crédit des rois produit de pareils prodiges, qu’ils nous disent si leur histoire est embellie par des Barra et des Viala, par des enfans de 8 à 9 ans qui, comme à Maubeuge, ayent le 10 prairial, servi les cartouches à leurs pères jusqu’aux avant-postes des tirailleurs; qu’ils nous disent s’ils auront à raconter à la postérité des élans tels que les habitans de tout âge d’Avesnes et de Maubeuge viennent de déployer à la reprise de Landrecies; qu’ils nous disent si dans la douleur des membres mutilés, si en mourant, les dernières paroles, les derniers soupirs de leurs satellites sont pour leurs maîtres, comme ceux des républicains sont pour leur patrie; qu’ils nous disent s’ils sont forcés de désarmer leurs femmes, ni de les soupçonner même d’enrôlement dans toutes les armées, que l’infâme Anglais, ce prétendu dominateur des mers, nous dise surtout s’il a offert à cet élément terrible le spectacle sublime de l’immortel équipage du vaisseau le Vengeur. Non, citoyens, ce n’est pas dans l'histoire du despotisme qu’on lira ces actions multipliées, dignes d’un peuple qui combat pour ses droits. L’histoire du despotisme n’est qu’une liste de crimes, celle de la liberté est le dépôt des belles actions, du véritable héroïsme, de la pure vertu. Quelle différence aussi entre la soldatesque des rois et les défenseurs de la liberté ! Les soldats des rois se battent pour un maître et l’esclavage de ses sujets; les défenseurs de la liberté se battent pour eux, pour les droits et la souveraineté du peuple ; aussi des récompenses honorables, la bienfaisance nationale, indemnisent nos braves défenseurs ; le soldat de la tyrannie ne retrouve, au terme de sa carrière, que la dureté, le rebut et la misère. Citoyens, Françoise Rouelle est un des ces braves défenseurs qui méritent de participer à la bienfaisance nationale; elle a bien servi son pays; il n’a pas dépendu d’elle qu’elle ne le serve encore. Le comité des secours publics m’a chargé de vous proposer de lui accorder une somme de 600 liv. à titre de gratification et de récompense nationale, et le renvoi de la pétition au comité d’instruction publique; il ne faut pas que le receuil des actions héroïque perde aucun de ces traits éclatans qui caractérisent le peuple français; il faut que les esclaves de la tyrannie puissent comparer notre histoire avec la leur, dans toute son intégrité. Ils sentiront, trop tard, sans doute, la différence qu’il y a d’avoir une patrie heureuse et populaire, ou d’être conduits par un pâtre, comme de vils troupeaux. Mais des hommes assez lâches pour avoir vendu leurs droits au suprême caprice d’un seul, doivent vivre dans les remords, comme ils veulent mourir dans la servitude : pendant que leurs tyrans les opprimeront, notre histoire sera pour eux un nouveau supplice (l). Suit le décret reproduit ci-après : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [DUCOS, au nom de] son comité des secours publics sur la pétition de la citoyenne Françoise Rouelle, qui a servi depuis le 16 août 1792 (vieux style), jusqu’au 22 ventôse, en qualité de volontaire dans le 2e bataillon du département du Haut-Rhin, et a combattu à Spire, à Mayence, à Streitberg, à la bataille de Rheinzabern, à celles de Weiler près Landau, et de la Chapelle-Sainte-Anne, décrète ce qui suit : « La trésorerie nationale paiera, sur le vu du présent décret, à ladite Françoise Rouelle, une somme de 600 liv., à titre de gratification et de récompense nationale, et renvoie la pétition au comité d’instruction publique, chargé de recueillir aussi les traits héroïques que les citoyennes françaises ont fait éclater dans le cours de la révolution. « Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance. (l) B"', 2 therm. (ler suppl*). SÉANCE DU 30 MESSIDOR AN II (18 -JUILLET 1794) - N" 56 293 place dans l’histoire de notre Révolution. Tel est l’ascendant du génie de la liberté, telle est l’énergie et la valeur des Français, que tous les âges, les deux sexes même, ont déjà produit des prodiges d’héroïsme. Il n’y a pas longtemps qu’on vous disoit à cette tribune que si tous les républicains venoient à périr pour la cause de la liberté, nos féroces ennemis auroient encore à combattre nos républicaines. On avoit raison, on rendoit hommage à l’ardeur martiale qui inspire aussi les citoyennes françaises. Quoique vous les ayez exclues du service militaire, il s’en découvre tous les jours quelqu’une en qui rien n’a été capable d’étouffer l’ambition de combattre la tyrannie, de cueillir sa portion de lauriers dans les champs de la gloire, et de prouver qu’elles avoient aussi le courage et la force d’affronter le sort des combats pour le triomphe de la liberté. Il y a peu de jours que je vous parlois d’une héroïne du Jura; on vous a parlé depuis d’une autre d’Eure et Loir; les Basses-Pyrénées, le Nord ont fourni les leurs; la Vendée même a vu des femmes dont le brûlant patriotisme et les actions extraordinaires ont fait trembler les scélérats, ont couvert de honte et d’opprobre la tourbe contre-révolutionnaire de cette malheureuse contrée; mais c’est surtout dans Paris, citoyens, que l’histoire aura un grand recensement à faire de toutes les républicaines qui se sont signalées dans le cours de la Révolution. Aujourd’hui, je viens vous entretenir de Françoise Rouelle, native de Villersexel, département de la Haute-Saône. Revêtue de l’habit guerrier, elle entra le 16 août 1792 (vieux style), en qualité de volontaire dans le second bataillon du département du Haut-Rhin, où elle a servi jusqu’au 22 ventôse dernier. Ses certificats attestent qu’elle s’est également distinguée par sa bravoure et sa vertu. Elle a combattu à Spire, à Mayence, à Streitberg, à la bataille de Rheinzabern, à celle de Weiler, près Landau, à celle de la Chapelle Sainte-Anne, où on se battit 6 jours consécutifs; partout elle a déployé ce courage, cette exactitude, ce zèle infatigable, à la faveur desquels elle a si long-temps entretenu l’erreur de ses frères d’armes : enfin le soupçon est venu troubler son ardeur militaire. Mais un trait que vous n’admirerez pas moins dans les frères d’armes de Françoise Rouelle, c’est qu’ils ont tellement respecté sa vertu, qu’ils l’ont aussitôt conduite devant le général et les représentai du peuple, qui, malgré sa volonté décidée à vouloir continuer son service, lui ont fait expédier un congé absolu. Que l’Autriche et la Prusse, que l’Espagne et l’Angleterre, que cet essaim de tyrans couronnés et mitrés de l’Allemagne nous disent si le crédit des rois produit de pareils prodiges, qu’ils nous disent si leur histoire est embellie par des Barra et des Viala, par des enfans de 8 à 9 ans qui, comme à Maubeuge, ayent le 10 prairial, servi les cartouches à leurs pères jusqu’aux avant-postes des tirailleurs; qu’ils nous disent s’ils auront à raconter à la postérité des élans tels que les habitans de tout âge d’Avesnes et de Maubeuge viennent de déployer à la reprise de Landrecies; qu’ils nous disent si dans la douleur des membres mutilés, si en mourant, les dernières paroles, les derniers soupirs de leurs satellites sont pour leurs maîtres, comme ceux des républicains sont pour leur patrie; qu’ils nous disent s’ils sont forcés de désarmer leurs femmes, ni de les soupçonner même d’enrôlement dans toutes les armées, que l’infâme Anglais, ce prétendu dominateur des mers, nous dise surtout s’il a offert à cet élément terrible le spectacle sublime de l’immortel équipage du vaisseau le Vengeur. Non, citoyens, ce n’est pas dans l'histoire du despotisme qu’on lira ces actions multipliées, dignes d’un peuple qui combat pour ses droits. L’histoire du despotisme n’est qu’une liste de crimes, celle de la liberté est le dépôt des belles actions, du véritable héroïsme, de la pure vertu. Quelle différence aussi entre la soldatesque des rois et les défenseurs de la liberté ! Les soldats des rois se battent pour un maître et l’esclavage de ses sujets; les défenseurs de la liberté se battent pour eux, pour les droits et la souveraineté du peuple ; aussi des récompenses honorables, la bienfaisance nationale, indemnisent nos braves défenseurs ; le soldat de la tyrannie ne retrouve, au terme de sa carrière, que la dureté, le rebut et la misère. Citoyens, Françoise Rouelle est un des ces braves défenseurs qui méritent de participer à la bienfaisance nationale; elle a bien servi son pays; il n’a pas dépendu d’elle qu’elle ne le serve encore. Le comité des secours publics m’a chargé de vous proposer de lui accorder une somme de 600 liv. à titre de gratification et de récompense nationale, et le renvoi de la pétition au comité d’instruction publique; il ne faut pas que le receuil des actions héroïque perde aucun de ces traits éclatans qui caractérisent le peuple français; il faut que les esclaves de la tyrannie puissent comparer notre histoire avec la leur, dans toute son intégrité. Ils sentiront, trop tard, sans doute, la différence qu’il y a d’avoir une patrie heureuse et populaire, ou d’être conduits par un pâtre, comme de vils troupeaux. Mais des hommes assez lâches pour avoir vendu leurs droits au suprême caprice d’un seul, doivent vivre dans les remords, comme ils veulent mourir dans la servitude : pendant que leurs tyrans les opprimeront, notre histoire sera pour eux un nouveau supplice (l). Suit le décret reproduit ci-après : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [DUCOS, au nom de] son comité des secours publics sur la pétition de la citoyenne Françoise Rouelle, qui a servi depuis le 16 août 1792 (vieux style), jusqu’au 22 ventôse, en qualité de volontaire dans le 2e bataillon du département du Haut-Rhin, et a combattu à Spire, à Mayence, à Streitberg, à la bataille de Rheinzabern, à celles de Weiler près Landau, et de la Chapelle-Sainte-Anne, décrète ce qui suit : « La trésorerie nationale paiera, sur le vu du présent décret, à ladite Françoise Rouelle, une somme de 600 liv., à titre de gratification et de récompense nationale, et renvoie la pétition au comité d’instruction publique, chargé de recueillir aussi les traits héroïques que les citoyennes françaises ont fait éclater dans le cours de la révolution. « Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance. (l) B"', 2 therm. (ler suppl*).