[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [ 3 novembre 1789.] 652 et désolée, attendrissent tous les cœurs ! Que ce peuple, dont on a vanté si longtemps la douceur, la loyauté, la fidélité, soit ramené à ses anciens sentiments comme à ses anciennes vertus! Qu’il reconnaisse que cet amour de ses rois, dont on a voulu le faire rougir aujourd’hui, était un des traits les plus nobles de son caractère, comme un des plus sûrs fondements de son bonheur! Qu’il voie tout ce que lui ont causé de tourments ceux qui ont voulu corrompre son naturel et forcer ses penchants! Que les abus disparaissent, car ils étaient nombreux, mais que les sentiments se perpétuent, car ils étaient bons ! Que le nom de la nation soit sacré ; mais que celui du monarque ne soit pas dégradé ! Qu’il se forme enfin entre le Roi et le peuple une nouvelle, une éternelle union, dans laquelle tous deux reconnaissent pour leur sûreté, pour leur félicité réciproques, l’un qu’il doit commander à des sujets libres et heureux, l’autre, qu’il doit être gouverné par un prince puissant et respecté I Puissé-je apprendre bientôt ce retour à l’ordre et à la paix ! Je le paierais du plus pur de mon sang. J’en jouirai sans aucun mélange de regrets personnels ; car lorsqu’il sera une fois arrivé, lorsqu’une fois mes concitoyens et mon Roi seront heureux, qu’importe par qui ils le seront devenus? je me répéterai ce que je viens de dire, que si je pouvais encore quelque chose pour le salut public, c’était par ma retraite, et que dans tous les cas, l’état où je suis, ma santé altérée, mon cœur flétri, l’épuisement de mes forces physiques et morales ne m’eussent pas permis d'y concourir par ma présence. Je sens cependant, Messieurs, qu’il faut encore pouvoir, à quelque prix que ce soit, remplir envers vous une obligation sacrée ; que je vous dois le compte exact de ma conduite depuis l’instant de mon entrée aux Etats généraux, jusqu’à celui de ma sortie. C’est un devoir dont je vais m’occuper aussi promptement que me le permettront mes souffrances et l’attente de mes papiers. Vous connaîtrez ce que. j’ai fait et ce que j’ai dit, souvent même ce que j’ai pensé; et j’ose espérer que l’estime dont vous m’aviez honoré, n’en sera pas altérée; que je ne vous paraîtrai, dans aucun temps, avoir manqué ni de zèle, ni de fermeté, ni de patriotisme. Je suis avec un profond respect, Messieurs, votre, etc. Signé : Lally-Tollendal. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CAMUS. Séance du mardi 3 novembre 1789 (1). La séance a été ouverte par la lecture du procès-verbal de la séance de samedi, et par celle de diverses adresses de villes et communautés, dont la teneur suit : D’une adresse et délibération de la municipalité et de la commune de la ville d’Aspet au pays de Gomminges, contenant félicitations, remerciements, et adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale, et à la délibération delavilledeMilhaud en Rouergue, concernant la perception des impôts et le maintien de l’ordre et de la tranquillité (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. publique ; laquelle demande d’être autorisée à élire librement ses officiers municipaux, et la conservation de six chapellenies de nomination royale, fondées en l’église paroisiale ; D’u-ne adresse et délibération de Romans en Dauphiné, où elle désapprouve la convocation des Etats de la province, et du doublement, faite par la commission intermédiaire, comme contraire à ta constitution du Dauphiné, qui donne au Roi seul le droit de convoquer les Etats ; que néanmoins, si les membres des Etats et dudoublement se rendent en cette ville au jour indiqué par la commission intermédiaire, tous les citoyens s’empresseront de les recevoir, mais qu’elle défend à ses députés de paraître à cette assemblée. La ville nomme, au contraire, quatorze autres députés pour se rendre dans la salle de ladite assemblée, à l’effet de déclarer qu’elle s’oppose à toute infraction à la constitution de la province, comme aussi à toute résolution qui pourrait tendre à révoquer et même à modifier ' les pouvoirs donnés aux députés de la province à l’Assemblée nationale, comme aussi à contrarier les décrets de ladite Assemblée, tous les citoyens délibérant, pour donner des preuves de leur patriotisme, de payer, dans les termes prescrits, le quart de leur revenu d’une année ; D’une adresse et délibération de la ville de Vienne en Dauphiné, dans le même esprit que celle de Romans : elle proteste de la manière la plus formelle contre la convocation faite par la commission intermédiaire, comme illégale, inutile et dangereuse, et contre tout ce qui pourrait être arrêté au nom de la province, contre le mandat donné à ses députés, et les opérations de l’Assemblée nationale, elle la supplieinslamment d’autoriser les bailliages, sénéchaussées et autres justices royales, de juger en dernier ressort toutes les matières sommaires, jusqu’à ce qu’il ait été pourvu à une nouvelle formation des tribunaux ; D’une adresse et délibération de la ville de Tain, de la même province, contenant la même protestation, et l’adhésion la plus parfaite et la plus dévouée aux décrets de l’Assemblée nationale ; D’une délibération de la ville de Saint-Rome de de Tarn, diocèse de Vabres en Rouergue, contenant adhésion aux arrêtés de l’Assemblée nationale, et à la délibération de la ville de Milhaud, relativement à la. perception des impôts et au maintien de l’ordre et de la tranquillité publique ; D’une adresse de félicitations, remerciements et adhésion des communautés de Châteauneuf, Saint-Maurice, Tancon, de Saint Martin deLixy,de Coublanc, deChassigny, de Saint-Igny et de Fleury en Bourgogne, qui demandent l’établissement d’un siège royal dans le bourg dudit Château-neuf; D’une adresse du même genre de la ville de Montivilliers en Caux; les habitants ont fait le serment de soutenir l’exécution des décrets de l’Assemblée nationale au péril de leurs fortunes et de leurs vies ; D’une délibération de l’assemblée générale de la municipalité et des communes réunies do la ville de Saint-Malo, qui annonce qu’ensuite de voies conciliatoires, le clergé et la noblesse de cette ville ont déclaré qu’ils adhèrent purement, simplement et sans aucune réserve, aux décrets de l’Assemblée nationale, qu’ils reconnaissent pour légalement constituée, et qu’ils révoquent sans restriction tous engagements, toutes protes- [3 novembre 1789.] 653 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. tâtions contraires à cette adhésion, nommément ceux faits à Rennes et à Saint-Brieuc, connus sous la dénomination de serment, lesquels demeurent pour toujours annulés. Ces déclarations sont à la suite de la délibération, qui porte une défense expresse à qui que ce puisse être de troubler aucun des membres des classes ci-devant privilégiées, dans la jouissance de tous les droits et prérogatives attachés à la qualité de citoyen. Le conseil permanent de la ville assure à l’Assemblée, que tous les habitants sont pénétrés, de la plus grande confiance pour ses décrets, mais qu’ils attendent avec la plus vive impatience, et comme le plus grand des bienfaits, qu’ils puissent en recevoir l’organisation prompte des assemblées provinciales et des municipalités; D’une délibération do la communauté d’Annot, chef de viguerie en Provence, contenant félicitations, remerciements, et adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale. Elle approuve et ratifie en conséquence la renonciation faitepar les députés de la province à ses droits et privilèges particuliers ; ■ D’une délibération de la communauté d’Allan en Provence, dans laquelle elle exprime avec énergie les sentiments de respect, de confiance et de dévouement dont elle est pénétrée pour l’Assemblée nationale ; Des délibérations du comité permanent et des habitants de tous les états de juridiction de la ville de Pujols en Agénois, contenant l’adhésion la plus entière au décret de l’Assemblée nationale concernant la contribution patriotique du quart des revenus de chaque citoyen ; D’une adresse des officiers municipaux et habitants du bourg de Saint-Seine-l’Abbaye en Bourgogne, où ils adhèrent avec confiance aux décrets rendus et à rendre par l’Assemblée nationale, et néanmoins ils réclament la conservation de l’ordre des bénédictins de Saint-Maur qui, dans tous les temps, s’est rendu utile à la religion et à l’Etat. Ils représentent que la suppression de l’abbaye, dont leur bourg porte le nom, entraînerait inévitablement la ruine entière du pays; D’une adresse des religieux bénédictins de la maison de Longueville,' dite Saint-Martin-des-Glands en Lorraine allemande, où, à l’exemple de leurs confrères de l’abbaye de Saint-Martm-des-Gharnps, ils offrent à la nation tous les biens-fonds et rentes de leur mense conventuelle, en la suppliant de leur accorder, avec la liberté, une subsistance honnête, proportionnée à leur âge et à leurs besoins ; D’une délibération des habitants de la ville de La Tour-d’Auvergne, contenant adhésion aux décrets de l’Assemblée et demande d’une justice royale. La ville de Pézenas en Languedoc, dénonce à l’Assemblée, comme tendant à semer le trouble dans le royaume, une délibération du soi-disant ordre de la noblesse de la sénéchaussée de Toulouse, ainsi conçue (1) : « L’ordre de la noblesse de la sénéchaussée de Toulouse, assemblée en vertu des ordres du Roi et de la délibération du 25 septembre dernier; profondément touché des malheurs de l’Etat et de la nouvelle funeste des attentats commis contre la personne du Roi, n’a pas cru dans ce moment qu’il lui fût permis de s’occuper d’aucun autre objet, avant d avoir de nouveau cherché à se réunir avec les autres ordres, pour prendre ensemble un parti ferme et prudent, qui tende à rétablir à la fois le calme dans la monarchie et le respect dû au monarque le plus chéri et le plus malheureux. « Mais comme il est certain que toute espèce de division ou de méfiance entre les ordres nuirait à ce grand ensemble qui seul peut ramener la paix; etque l’ordre delà noblesse calomnié dans ses démarches et ses intentions ne peut douter que des émissaires soudoyés n’emploient journellement les moyens les plus insidieux pour le rendre suspect à tous les citoyens, l’Assemblée désirant, préalablement à toute discussion, démentir publiquement ces imputations offensantes a unanimement arrêté de rendre publique une déclaration de ses sentiments et de ses principes, dictée jiar l’équité et confirmée par l’honneur. elle doit éloigner pour jamais jusqu’à l’ombre de la méfiance. « L’ordre de la noblesse déclare donc sur son honneur qu’il renouvelle à tous les citoyens sa renonciation expresse à tout privilège pécuniaire. « Qu’il consent à soumettre tous ses biens à l’égale répartition de l’impôt et des charges publiques. « Qu'il verra avec la plus grande satisfaction les citoyens de toutes les classes admis aux emplois ecclésiastiques, civils et militaires. « Réunis sur des points que l’on supposait faussement être le motif caché des démarches de la noblesse, les autres ne peuvent présenter même le prétexte delà division. « L’objet le plus important sans doute, est de mettre tout en usage pour rendre à la religion son utile influence, aux lois leur force et leur activité, au monarque enfin son autorité légitime et osons le dire sa liberté. Pour cet objet sacré, il n’existe point de distinction d’état ; c’est notre père commun et tous les bons Français sont pères. « Dans le nombre des points à traiter de concert, il faut compter l’opposition la plus formelle à la division géométrique du royaume en général et de la province de Languedoc en particulier. « En persistant à demanderai! Roi une nouvelle organisation pour les Etats de cette province, il est important d’éviter le piège tendu par les ennemis du bien public. « En conservant le Languedoc dans son intégrité, il faut aussi s’opposer fortement à l'abolition des droits et franchises de cette province et des villes qu'elle renferme. « Tels sont en partie les motifs qui doivent hâter la réunion désirée d’une grande famille, dont tous les membres, trop longtemps divisés, pour s’aimer n’ont qu’à se voir, pour s’unir n’ont qu’à s’entendre. Arrêté de la noblesse de la sénéchaussée de Toulouse , du même jour 16 octobre 1789. « L’Assemblée a nommé quatre commissaires, à l’effet de communiquer à l’ordre du clergé la déclaration ci-dessus. « Elle a envoyé un pareil nombre de députés à MM. les officiers municipaux, pour leur faire part de la môme déclaration et leur demander une assemblée de l’ordre du tiers-état dans la forme qu’ils jugeront la plus convenable. « Collationné sur le procès-verbal et certifié véritable. « Signé : DE Latresne, secrétaire. » (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur.