80 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE « Citoyens collègues, Vous avez décrété l’établissement d’une manufacture d’armes à Bergerac, et vous m’avez chargé d’en diriger les travaux. Votre décret est entièrement exécuté. Je vous envoie les premiers fusils confectionnés dans ce nouvel établissement; tous pourraient servir de modèle. Je joins à cet envoi la carte topographique des usines. « En improvisant en quelque sorte ces travaux importants, j’ai concilié la célérité de l’exécution avec la solidité des bâtiments; 3 320 toises d’ouvrages en pierre de taille, la majeure partie plongée dans les eaux, ont été construites en deux mois; toutes les machines hydrauliques faites et placées. 13 canonniers, un nombre proportionné de plati-neurs, garnisseurs, monteurs, forgeurs de baïonnettes, etc., réunis en école normale, ont été formés dans le même temps, et leur travail ne le cède en rien à celui des meilleurs artistes. « La fabrication d’armes de Bergerac, montée dans ce moment sur le pied de 15 000 fusils par an, sera portée dans trois mois à 25 000, si la Convention nationale ne dirige pas vers un nouveau but les efforts que je ne cesserai de faire pour servir la patrie. « Vive la République ! Elle seule peut enfanter des prodiges incroyables pour les infortunés courbés encore sous la verge des rois, et ces prodiges-là valent bien les miracles des prêtres ! « Lakanal ». Une députation de la commune de Bergerac est admise à la barre. BLANC, orateur : Citoyens représentants, Lakanal m’a chargé de vous apporter des fusils, les premiers qui ont été faits à Bergerac, avec le plan des usines. En deux mois Lakanal a créé cette manufacture, formé des ouvriers en tout genre, et la fabrication est portée en ce moment à 15 000 fusils par an. Si Lakanal reste parmi nous, comme vous le demande le département de la Dordogne, elle sera portée à 20 000. Lakanal a fait nos chemins, terminé nos procès, secouru l’indigent. En un mot, Lakanal est vous-mêmes; il fait aimer la Révolution, et remplit les intentions bienfaisantes de la Convention nationale. [Applaudissements]. LE President ; La Convention nationale apprend avec satisfaction combien le zèle des citoyens du département de la Dordogne, particulièrement de la commune de Bergerac, a secondé les vues du représentant du peuple Lakanal pour la confection des armes destinées à être remises aux mains des braves républicains. Occupons-nous sans cesse de multiplier ces armes, ces fusils, ces redoutables baïonnettes, dont ils savent faire un usage aussi utile que glorieux ; ce sont pour eux des moyens infaillibles de faire rouler dans l’abîme du néant toutes les hordes barbares des tyrans coalisés. [Le président invite Blanc aux honneurs de la séance (il]. Sur la motion d’un membre [BOUSSION] la Convention nationale décrète mention honorable au (l) J. Mont., n° 76. procès-verbal et insertion au Bulletin de l’envoi qu’a fait le représentant du peuple Lakanal de deux premiers fusils provenant de la manufacture établie à Bergerac, sous sa surveillance. Elle a ordonné le renvoi à son comité de salut public de la lettre de Lakanal, ainsi que du plan figuratif des usines, qui a été remis par le citoyen Blanc, membre du comité révolutionnaire de Bergerac (l). [Grégoire a proposé le renvoi au Comité de Salut public de là demande faite par les Administrateurs de cette fabrique, qu’il y soit joint une fonderie de canons. (Adopté) (2)]. 46 COUPÉ (de l’Oise), au nom du comité d’agriculture : Les huiles sont un objet important pour l’agriculture, le commerce et les arts, et elles doivent attirer toute l’attention publique. L’incurie de l’ancien gouvernement, et surtout les manœuvres mercantiles que les étrangers savaient si bien employer auprès de lui, nous obligeaient d’en tirer une grande partie du dehors pour nos divers usages et nos manufactures; et cette importation était souvent encore à leur merci dans les temps de guerre. Mais ces abus trop visibles nous procureront enfin le bien pour le mal, que nos ennemis ou la cupidité ne cessaient de nous faire. Nous sortirons de leur dépendance par la détresse même, et nous saurons, quand nous voudrons, trouver tout au milieu de nous. La viande, le beurre sont devenus rares pour nos aliments. Cet inconvénient accidentel nous servira encore. Nous allons mettre toutes nos ressources à profit; et quel pays en a de plus grandes que la France ! Pour toutes les huiles nécessaires aux arts et à brûler, nous n’avons qu’à vouloir et étendre la culture des plantes qui en fournissent. Nous avons des vaisseaux, des harpons, des bras robustes et intrépides pour aller sonder les mers et rapporter encore le tribut de l’Océan. Pour les huiles qui servent à nos usages alimentaires, notre sol nous fournit déjà les plus excellentes, et nous n’avons encore qu’à vouloir pour en augmenter la quantité et les espèces. La récolte de pavots que nous voyons en ce moment dans le jardin national des Tuileries engagera votre comité à s’occuper aussi notamment de cette espèce d’huile, que l’intrigue mercantile avait toujours fait proscrire publiquement, mais qu’elle savait bien pourtant nous revendre en secret en la mêlant à l’huile d’olives. Celle-ci méritera toujours la première attention. La culture des oliviers peut être augmentée, et celle des départements méridionaux pourrait suffire enfin à nos besoins. Il reste encore beaucoup à gagner (1) Mon., XXI, 188. (2) J. Paris, n° 558. Voir, ci-après, séance du 29 mess., n° 33. 80 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE « Citoyens collègues, Vous avez décrété l’établissement d’une manufacture d’armes à Bergerac, et vous m’avez chargé d’en diriger les travaux. Votre décret est entièrement exécuté. Je vous envoie les premiers fusils confectionnés dans ce nouvel établissement; tous pourraient servir de modèle. Je joins à cet envoi la carte topographique des usines. « En improvisant en quelque sorte ces travaux importants, j’ai concilié la célérité de l’exécution avec la solidité des bâtiments; 3 320 toises d’ouvrages en pierre de taille, la majeure partie plongée dans les eaux, ont été construites en deux mois; toutes les machines hydrauliques faites et placées. 13 canonniers, un nombre proportionné de plati-neurs, garnisseurs, monteurs, forgeurs de baïonnettes, etc., réunis en école normale, ont été formés dans le même temps, et leur travail ne le cède en rien à celui des meilleurs artistes. « La fabrication d’armes de Bergerac, montée dans ce moment sur le pied de 15 000 fusils par an, sera portée dans trois mois à 25 000, si la Convention nationale ne dirige pas vers un nouveau but les efforts que je ne cesserai de faire pour servir la patrie. « Vive la République ! Elle seule peut enfanter des prodiges incroyables pour les infortunés courbés encore sous la verge des rois, et ces prodiges-là valent bien les miracles des prêtres ! « Lakanal ». Une députation de la commune de Bergerac est admise à la barre. BLANC, orateur : Citoyens représentants, Lakanal m’a chargé de vous apporter des fusils, les premiers qui ont été faits à Bergerac, avec le plan des usines. En deux mois Lakanal a créé cette manufacture, formé des ouvriers en tout genre, et la fabrication est portée en ce moment à 15 000 fusils par an. Si Lakanal reste parmi nous, comme vous le demande le département de la Dordogne, elle sera portée à 20 000. Lakanal a fait nos chemins, terminé nos procès, secouru l’indigent. En un mot, Lakanal est vous-mêmes; il fait aimer la Révolution, et remplit les intentions bienfaisantes de la Convention nationale. [Applaudissements]. LE President ; La Convention nationale apprend avec satisfaction combien le zèle des citoyens du département de la Dordogne, particulièrement de la commune de Bergerac, a secondé les vues du représentant du peuple Lakanal pour la confection des armes destinées à être remises aux mains des braves républicains. Occupons-nous sans cesse de multiplier ces armes, ces fusils, ces redoutables baïonnettes, dont ils savent faire un usage aussi utile que glorieux ; ce sont pour eux des moyens infaillibles de faire rouler dans l’abîme du néant toutes les hordes barbares des tyrans coalisés. [Le président invite Blanc aux honneurs de la séance (il]. Sur la motion d’un membre [BOUSSION] la Convention nationale décrète mention honorable au (l) J. Mont., n° 76. procès-verbal et insertion au Bulletin de l’envoi qu’a fait le représentant du peuple Lakanal de deux premiers fusils provenant de la manufacture établie à Bergerac, sous sa surveillance. Elle a ordonné le renvoi à son comité de salut public de la lettre de Lakanal, ainsi que du plan figuratif des usines, qui a été remis par le citoyen Blanc, membre du comité révolutionnaire de Bergerac (l). [Grégoire a proposé le renvoi au Comité de Salut public de là demande faite par les Administrateurs de cette fabrique, qu’il y soit joint une fonderie de canons. (Adopté) (2)]. 46 COUPÉ (de l’Oise), au nom du comité d’agriculture : Les huiles sont un objet important pour l’agriculture, le commerce et les arts, et elles doivent attirer toute l’attention publique. L’incurie de l’ancien gouvernement, et surtout les manœuvres mercantiles que les étrangers savaient si bien employer auprès de lui, nous obligeaient d’en tirer une grande partie du dehors pour nos divers usages et nos manufactures; et cette importation était souvent encore à leur merci dans les temps de guerre. Mais ces abus trop visibles nous procureront enfin le bien pour le mal, que nos ennemis ou la cupidité ne cessaient de nous faire. Nous sortirons de leur dépendance par la détresse même, et nous saurons, quand nous voudrons, trouver tout au milieu de nous. La viande, le beurre sont devenus rares pour nos aliments. Cet inconvénient accidentel nous servira encore. Nous allons mettre toutes nos ressources à profit; et quel pays en a de plus grandes que la France ! Pour toutes les huiles nécessaires aux arts et à brûler, nous n’avons qu’à vouloir et étendre la culture des plantes qui en fournissent. Nous avons des vaisseaux, des harpons, des bras robustes et intrépides pour aller sonder les mers et rapporter encore le tribut de l’Océan. Pour les huiles qui servent à nos usages alimentaires, notre sol nous fournit déjà les plus excellentes, et nous n’avons encore qu’à vouloir pour en augmenter la quantité et les espèces. La récolte de pavots que nous voyons en ce moment dans le jardin national des Tuileries engagera votre comité à s’occuper aussi notamment de cette espèce d’huile, que l’intrigue mercantile avait toujours fait proscrire publiquement, mais qu’elle savait bien pourtant nous revendre en secret en la mêlant à l’huile d’olives. Celle-ci méritera toujours la première attention. La culture des oliviers peut être augmentée, et celle des départements méridionaux pourrait suffire enfin à nos besoins. Il reste encore beaucoup à gagner (1) Mon., XXI, 188. (2) J. Paris, n° 558. Voir, ci-après, séance du 29 mess., n° 33. SÉANCE DU 23 MESSIDOR AN II (il JUILLET 1794) - N° 46 81 pour rendre cette huile et plus abondante et plus parfaite en général; et nous pourrions économiser les sommes énormes qui sortent annuellement pour les huiles que nous tirons de l’Italie, de la Grèce, de l’Afrique, si nous étendions encore en même temps la culture des graines dont l’huile peut tenir lieu. Quant à cette culture, elle est aisée, et l’on s’assurera bientôt qu’elle ne préjudicie pas aux autres et que l’on peut gagner cette récolte sur une année de jachères; peut-être sera-t-elle un motif qui déterminera pour sa part à les remplacer ainsi dans plusieurs pays. Les améliorations s’entr’aident, et tout cela peut aller ensemble, puisqu’on le voit ainsi dans les départements du Nord, du Pas-de-Calais et de la Somme; mais, en attendant le progrès des cultures nouvelles à propager, mettons à profit en ce moment ce qui est tout venu, et que la nature nous donne d’elle-même. Nos forêts sont chargées, cette année, d’une abondance merveilleuse de faînes, ces fruits ne sont plus interdits au peuple et réservés aux sangliers seuls; des mains diligentes iront les recueillir, et vont ajouter une nouvelle denrée à la consommation publique. Nos vignes nous annoncent une quantité immense de pépins que l’on jette, après la vendange, en plusieurs pays. Ces deux espèces de graines renferment une huile alimentaire de bonne qualité. Votre comité croit devoir indiquer cette ressource à ceux qui l’ignoreraient ou n’y penseraient pas; et parmi les moyens de la mettre à profit, il proposera le plus avantageux et le plus aisé. Instruction sur la fabrication de l’huile de faîne. La faîne est le fruit du hêtre; elle tombe d’elle-même, le meilleur temps pour la ramasser est vers la fin de vendémiaire : pendant les mois suivants elle est plus altérée par les pluies et l’humidité de la terre. On évite de la froisser ou de la laisser moisir, ainsi que toutes les graines dont on veut extraire de l’huile. Les vieillards, les femmes, les enfants font cette récolte à la main : mais les hommes plus forts ont une manière de la faire plus prompte et plus en grand. Ils emploient un balai de houx pour la réunir en tas. Ensuite, avec un râteau de bois, ils écartent les feuillages, les herbes et les brins de bois. Ils ont une passette, ou crible, dont le fond est fait de baguettes d’osier disposées en long parallèlement à claire-voie, et à distance suffisante pour que la faîne ne passe pas. Ce crible a deux manches. Par l’un on le suspend à un arbre avec une corde ; par l’autre un homme le fait mouvoir horizontalement. Il emplit le crible, il tire et repousse itérativement dans le même sens. Les petits corps sortent par le bas du crible. Les plus gros, les plus légers, les faînes creuses se séparent et prennent le dessus : on les ôte avec la main. La faîne étant ainsi émondée, on la verse dans un sac. De cette manière on en obtient promptement une grande quantité, et on ramasse jusqu’aux plus petites qui ne sont pas les moins bonnes. Quand on reporte la faîne, il faut l’étendre dans un lieu bien sec et bien aéré; on la remue souvent ensuite avec la pelle; on la fait sécher insensiblement à l’ombre, et non au soleil. Elle devient ainsi meilleure et fournit plus d’huile. La faîne étant séchée, on la vanne pour en chasser les graines creuses. Des personnes font mieux encore ; elles étendent successivement sur une table une mesure à la fois de faînes, choisissent tous les bons grains, l’un après l’autre, comme on trie les haricots, et les font tomber dans une corbeille qu’elles tiennent sur les genoux; de cette manière elles parviennent à éliter toutes leurs faînes et à n’y pas laisser la moindre impureté. Lorsqu’enfin les faînes sont convenablement séchées et bien mûries en grenier, on les porte au tordoir, ou pressoir à huile. Ce n’est ordinairement qu’au mois de ventôse que l’on commence à piler. L’expérience a appris qu’il ne faut pas faire ce travail quand la sève se trouve en mouvement, ni dans les grandes chaleurs; alors l’huile est plus chargée de mucilage; et si on la faisait dans un temps trop froid, il sortirait moins d’huile. Le procédé ordinaire pour l’extraction de l’huile de faîne est simple; c’est celui que l’on fait pour l’huile de chenevis, et les pressoirs sont les mêmes. On pile les faînes comme on pile le chenevis; on observe que le pilage ne se fasse pas à coups trop précipités et trop violents; dans ce cas, l’écorce ligneuse de la faîne s’échaufferait trop, et il faudrait la rafraîchir en y versant de l’eau plus souvent, ce qui altérerait l’huile. Cependant il est toujours nécessaire de verser un peu d’eau sur la faîne tandis qu’on la pile, pour pouvoir réunir et lier les écorces en pâte avec l’amande. A mesure que le pilage est arrivé au point convenable, on met la matière dans les presses, et on extrait l’huile; quand elle est faite, on la laisse reposer dans des tonnes pendant trois mois : alors on la soutire afin de la séparer de son dépôt et de son marc. Si on y soupçonne encore ensuite quelques impuretés, on réitère la même opération trois mois après pour la clarifier. Dans les années où la qualité de l’amande n’est pas parfaite, ou quand la manipulation n’a pas été convenable et propre, il faut laisser reposer plus longtemps, et faire les soutirages à six mois d’intervalle. Il faut surtout veiller à la propreté des pressoirs et ustensiles, pour qu’ils ne soient pas infectés de vieilles crasses, et ne fassent pas passer leurs vieux ferments dans l’huile nouvelle. Les personnes qui n’ont qu’une petite quantité d’huile doivent la mettre dans des cruches bien bouchées, et les enterrer dans leur cave. Ceux qui en ont de grandes quantités doivent les mettre dans des tonnes, formées d’un bois fort et épais, pour éviter l’extravasion. Une fois que les huiles sont clarifiées, il faut éviter de les remuer ou de les transvaser. Elles se conserveront mieux en restant bien bouchées et dans un repos parfait. L’huile de faîne de première qualité devient équivalente à l’huile d’olive. Celle-ci dégénère après dix -huit mois; au contraire, l’huile de faîne se bonifie en vieillissant. L’huile de faîne bien choisie, faite avec soin et dans le temps propre, peut servir aux aliments un mois après sa fabrication; elle n’est désagréable et malfaisante que quand elle a été faite malproprement. Une seule année peut lui donner la même bonté que celle de l’huile d’olive; elle se congèle comme SÉANCE DU 23 MESSIDOR AN II (il JUILLET 1794) - N° 46 81 pour rendre cette huile et plus abondante et plus parfaite en général; et nous pourrions économiser les sommes énormes qui sortent annuellement pour les huiles que nous tirons de l’Italie, de la Grèce, de l’Afrique, si nous étendions encore en même temps la culture des graines dont l’huile peut tenir lieu. Quant à cette culture, elle est aisée, et l’on s’assurera bientôt qu’elle ne préjudicie pas aux autres et que l’on peut gagner cette récolte sur une année de jachères; peut-être sera-t-elle un motif qui déterminera pour sa part à les remplacer ainsi dans plusieurs pays. Les améliorations s’entr’aident, et tout cela peut aller ensemble, puisqu’on le voit ainsi dans les départements du Nord, du Pas-de-Calais et de la Somme; mais, en attendant le progrès des cultures nouvelles à propager, mettons à profit en ce moment ce qui est tout venu, et que la nature nous donne d’elle-même. Nos forêts sont chargées, cette année, d’une abondance merveilleuse de faînes, ces fruits ne sont plus interdits au peuple et réservés aux sangliers seuls; des mains diligentes iront les recueillir, et vont ajouter une nouvelle denrée à la consommation publique. Nos vignes nous annoncent une quantité immense de pépins que l’on jette, après la vendange, en plusieurs pays. Ces deux espèces de graines renferment une huile alimentaire de bonne qualité. Votre comité croit devoir indiquer cette ressource à ceux qui l’ignoreraient ou n’y penseraient pas; et parmi les moyens de la mettre à profit, il proposera le plus avantageux et le plus aisé. Instruction sur la fabrication de l’huile de faîne. La faîne est le fruit du hêtre; elle tombe d’elle-même, le meilleur temps pour la ramasser est vers la fin de vendémiaire : pendant les mois suivants elle est plus altérée par les pluies et l’humidité de la terre. On évite de la froisser ou de la laisser moisir, ainsi que toutes les graines dont on veut extraire de l’huile. Les vieillards, les femmes, les enfants font cette récolte à la main : mais les hommes plus forts ont une manière de la faire plus prompte et plus en grand. Ils emploient un balai de houx pour la réunir en tas. Ensuite, avec un râteau de bois, ils écartent les feuillages, les herbes et les brins de bois. Ils ont une passette, ou crible, dont le fond est fait de baguettes d’osier disposées en long parallèlement à claire-voie, et à distance suffisante pour que la faîne ne passe pas. Ce crible a deux manches. Par l’un on le suspend à un arbre avec une corde ; par l’autre un homme le fait mouvoir horizontalement. Il emplit le crible, il tire et repousse itérativement dans le même sens. Les petits corps sortent par le bas du crible. Les plus gros, les plus légers, les faînes creuses se séparent et prennent le dessus : on les ôte avec la main. La faîne étant ainsi émondée, on la verse dans un sac. De cette manière on en obtient promptement une grande quantité, et on ramasse jusqu’aux plus petites qui ne sont pas les moins bonnes. Quand on reporte la faîne, il faut l’étendre dans un lieu bien sec et bien aéré; on la remue souvent ensuite avec la pelle; on la fait sécher insensiblement à l’ombre, et non au soleil. Elle devient ainsi meilleure et fournit plus d’huile. La faîne étant séchée, on la vanne pour en chasser les graines creuses. Des personnes font mieux encore ; elles étendent successivement sur une table une mesure à la fois de faînes, choisissent tous les bons grains, l’un après l’autre, comme on trie les haricots, et les font tomber dans une corbeille qu’elles tiennent sur les genoux; de cette manière elles parviennent à éliter toutes leurs faînes et à n’y pas laisser la moindre impureté. Lorsqu’enfin les faînes sont convenablement séchées et bien mûries en grenier, on les porte au tordoir, ou pressoir à huile. Ce n’est ordinairement qu’au mois de ventôse que l’on commence à piler. L’expérience a appris qu’il ne faut pas faire ce travail quand la sève se trouve en mouvement, ni dans les grandes chaleurs; alors l’huile est plus chargée de mucilage; et si on la faisait dans un temps trop froid, il sortirait moins d’huile. Le procédé ordinaire pour l’extraction de l’huile de faîne est simple; c’est celui que l’on fait pour l’huile de chenevis, et les pressoirs sont les mêmes. On pile les faînes comme on pile le chenevis; on observe que le pilage ne se fasse pas à coups trop précipités et trop violents; dans ce cas, l’écorce ligneuse de la faîne s’échaufferait trop, et il faudrait la rafraîchir en y versant de l’eau plus souvent, ce qui altérerait l’huile. Cependant il est toujours nécessaire de verser un peu d’eau sur la faîne tandis qu’on la pile, pour pouvoir réunir et lier les écorces en pâte avec l’amande. A mesure que le pilage est arrivé au point convenable, on met la matière dans les presses, et on extrait l’huile; quand elle est faite, on la laisse reposer dans des tonnes pendant trois mois : alors on la soutire afin de la séparer de son dépôt et de son marc. Si on y soupçonne encore ensuite quelques impuretés, on réitère la même opération trois mois après pour la clarifier. Dans les années où la qualité de l’amande n’est pas parfaite, ou quand la manipulation n’a pas été convenable et propre, il faut laisser reposer plus longtemps, et faire les soutirages à six mois d’intervalle. Il faut surtout veiller à la propreté des pressoirs et ustensiles, pour qu’ils ne soient pas infectés de vieilles crasses, et ne fassent pas passer leurs vieux ferments dans l’huile nouvelle. Les personnes qui n’ont qu’une petite quantité d’huile doivent la mettre dans des cruches bien bouchées, et les enterrer dans leur cave. Ceux qui en ont de grandes quantités doivent les mettre dans des tonnes, formées d’un bois fort et épais, pour éviter l’extravasion. Une fois que les huiles sont clarifiées, il faut éviter de les remuer ou de les transvaser. Elles se conserveront mieux en restant bien bouchées et dans un repos parfait. L’huile de faîne de première qualité devient équivalente à l’huile d’olive. Celle-ci dégénère après dix -huit mois; au contraire, l’huile de faîne se bonifie en vieillissant. L’huile de faîne bien choisie, faite avec soin et dans le temps propre, peut servir aux aliments un mois après sa fabrication; elle n’est désagréable et malfaisante que quand elle a été faite malproprement. Une seule année peut lui donner la même bonté que celle de l’huile d’olive; elle se congèle comme 82 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE elle ; après deux ans elle lui est supérieure ; si elle est bien gardée dans des bouteilles pendant cinq ans, elle devient excellente. Elle conserve toute sa bonté pendant dix ans; ainsi elle peut servir aux voyages de longs cours. Les épiciers en gros ne vantent pas tout le mérite de l’huile de faîne; mais ils en font des enlèvements considérables en secret, et cela nous en dit assez. Voilà donc une ressource première et abondante. La plus grande partie des forêts de France est composée de hêtres. Leurs fruits sont un présent; ils naissent d’eux-mêmes, il n’y a qu’à ramasser. Dans les bonnes années on peut s’approvisionner de cette huile alimentaire pour suppléer aux olives lorsqu’elles manquent, et nous dispenser ou d’en aller chercher chez l’étranger ou de payer la hausse d’une denrée prétendue étrangère, et qui a crû chez nous. Huile de pépins de raisins. Après la vendange, il sort de nos pressoirs des quantités immenses de pépins de raisins, dont on ne fait aucun usage dans certains pays : cependant ils renferment une huile alimentaire que l’économie doit mettre aussi à profit. Il faut d’abord les séparer du massif de pellicules et de membrures de grappes où ils sont enfermés, avant qu’ils s’échauffent par la fermentation ou se moisissent. Pour cela, on les brise, on les démembre dans des cuviers que l’on emplit de beaucoup d’eau ; on brasse le tout. Les pépins se séparent aisément et tombent au fond. On les fait sécher en les retournant avec soin. On les garde un certain temps, jusqu’à ce que l’on juge que le grain est suffisamment mûri et l’huile bien développée. Alors on le crible, pour ôter tout ce qu’il y a d’étranger; on le pile comme le chenevis ou le colza, et on le met dans les presses. L’huile qui en sort est pour les aliments. On reprend le massif qui sort de cette première pressée, on le broie de nouveau, on le fait chauffer dans une chaudière avec un peu d’eau, on le remue avec une spatule, et quand on voit la surface devenir brillante, on met la pâte au pressoir pour en exprimer une seconde huile. Ces indications et ces procédés ont été choisis comme ce qu’il y a de plus facile et de plus éprouvé pour mettre à profit ces substances communes. Votre comité d’agriculture pense qu’il est utile de les publier. Il vous propose de les faire insérer au Bulletin de la Convention. [Applaudissements]. L’insertion du rapport et de l’instruction est décrétée, ainsi que la distribution aux membres (l). [Un membre applaudit à la sollicitude du comité pour les progrès de l’agriculture, et demande que l’assemblée le charge de faire un rapport sur les moyens de réparer les mûriers, oliviers et noyers qui (l) Mon., 188; Débats, n° 659 ; J. Mont., n° 76 ; J. Paris, n° 558 ; C. JJniv., n° 923 ; Mess. Soir, n° 691 ; J. -S. Culottes, n° 513 ; F.S.P., n° 372 ; J. Perlet, n° 658. ont péri par l’effet de la gêlée. Couppé observe que les intentions du préopinant son[t] remplies, et que le comité prépare un travail sur cet objet (l)]. 47 [Un citoyen se présente à la barre, il annonce que dans le nom des conspirateurs condamnés avant-hier, il a remarqué la femme Levis, qui lui a prêté une somme de 300 000 liv., sur le nom de Constant Lévis (2), et par acte passé à Gênes. Ce citoyen crut long-tems que Constant Levis était propriétaire de cet emprunt ; mais, après de longues recherches, il parvint à découvrir deux actes qui en assuroient la propriété à la femme Levis, et il s’empressa de venir en faire sa déclaration, ainsi que d’une somme de 13 000 liv., qu’il devoit à un autre conspirateur aussi condamné (Mention honorable, impression au bulletin) (3)]. [On applaudit. La convention renvoie la déclaration au comité des finances, et invite le citoyen déclarant à donner son adresse (4)]. 48 [Guffroy, par motion d’ordre, se plaint de ce qu’au mépris d’une loi qui leur enjoint de rester à leur poste, plusieurs fonctionnaires publics des dé-partemens se rendent à Paris et y perdent un temps considérable à manger inutilement de l’argent; il propose de faire retomber sur eux personnellement les frais de leur voyage, et de déclarer en outre suspects tous ceux qui ne se feront pas inscrire dans le délai de 3 jours au comité de sûreté générale. On réclame l’ordre du jour, motivé sur la loi qui est précise à cet égard, et l’ordre du jour est ainsi adopté] (5). 49 [Le club national d’Emilion écrit que 4 familles de cette commune, qui avoient concouru à receler les conspirateurs, Guadet, Salle, Barbaroux, Buzot et Pétion, sont en arrestation et recevront bientôt le châtiment dû à leurs trahisons (6)]. (l) J. Fr., n° 655 ; J. Sablier, n° 1431. (2) Selon certaines gazettes il s’agirait de Jean-Antoine Rollandelli. Le citoyen déclarant, par contre, est tantôt présenté dans l’anonymat, parfois baptisé Merluis, d’autres fois Melinot. (3) C. Eg., n° 692 (4) Débats, n° 559 ; Audit, nat., n° 656 ; Ann. patr., n°DLVII; J. Fr., n° 655 ; J. Sablier, n° 1431 ; J. -S. Culottes, n°512; J. Perlet, n° 657. (5) Audit, nat., n° 656 ; J. Fr., n° 655 ; J. Sablier, n° 1431. (6) Audit, nat., n° 656 ; J. Fr., n° 655 ; Débats, n° 659 ; Ann. R.F., n° 224. 82 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE elle ; après deux ans elle lui est supérieure ; si elle est bien gardée dans des bouteilles pendant cinq ans, elle devient excellente. Elle conserve toute sa bonté pendant dix ans; ainsi elle peut servir aux voyages de longs cours. Les épiciers en gros ne vantent pas tout le mérite de l’huile de faîne; mais ils en font des enlèvements considérables en secret, et cela nous en dit assez. Voilà donc une ressource première et abondante. La plus grande partie des forêts de France est composée de hêtres. Leurs fruits sont un présent; ils naissent d’eux-mêmes, il n’y a qu’à ramasser. Dans les bonnes années on peut s’approvisionner de cette huile alimentaire pour suppléer aux olives lorsqu’elles manquent, et nous dispenser ou d’en aller chercher chez l’étranger ou de payer la hausse d’une denrée prétendue étrangère, et qui a crû chez nous. Huile de pépins de raisins. Après la vendange, il sort de nos pressoirs des quantités immenses de pépins de raisins, dont on ne fait aucun usage dans certains pays : cependant ils renferment une huile alimentaire que l’économie doit mettre aussi à profit. Il faut d’abord les séparer du massif de pellicules et de membrures de grappes où ils sont enfermés, avant qu’ils s’échauffent par la fermentation ou se moisissent. Pour cela, on les brise, on les démembre dans des cuviers que l’on emplit de beaucoup d’eau ; on brasse le tout. Les pépins se séparent aisément et tombent au fond. On les fait sécher en les retournant avec soin. On les garde un certain temps, jusqu’à ce que l’on juge que le grain est suffisamment mûri et l’huile bien développée. Alors on le crible, pour ôter tout ce qu’il y a d’étranger; on le pile comme le chenevis ou le colza, et on le met dans les presses. L’huile qui en sort est pour les aliments. On reprend le massif qui sort de cette première pressée, on le broie de nouveau, on le fait chauffer dans une chaudière avec un peu d’eau, on le remue avec une spatule, et quand on voit la surface devenir brillante, on met la pâte au pressoir pour en exprimer une seconde huile. Ces indications et ces procédés ont été choisis comme ce qu’il y a de plus facile et de plus éprouvé pour mettre à profit ces substances communes. Votre comité d’agriculture pense qu’il est utile de les publier. Il vous propose de les faire insérer au Bulletin de la Convention. [Applaudissements]. L’insertion du rapport et de l’instruction est décrétée, ainsi que la distribution aux membres (l). [Un membre applaudit à la sollicitude du comité pour les progrès de l’agriculture, et demande que l’assemblée le charge de faire un rapport sur les moyens de réparer les mûriers, oliviers et noyers qui (l) Mon., 188; Débats, n° 659 ; J. Mont., n° 76 ; J. Paris, n° 558 ; C. JJniv., n° 923 ; Mess. Soir, n° 691 ; J. -S. Culottes, n° 513 ; F.S.P., n° 372 ; J. Perlet, n° 658. ont péri par l’effet de la gêlée. Couppé observe que les intentions du préopinant son[t] remplies, et que le comité prépare un travail sur cet objet (l)]. 47 [Un citoyen se présente à la barre, il annonce que dans le nom des conspirateurs condamnés avant-hier, il a remarqué la femme Levis, qui lui a prêté une somme de 300 000 liv., sur le nom de Constant Lévis (2), et par acte passé à Gênes. Ce citoyen crut long-tems que Constant Levis était propriétaire de cet emprunt ; mais, après de longues recherches, il parvint à découvrir deux actes qui en assuroient la propriété à la femme Levis, et il s’empressa de venir en faire sa déclaration, ainsi que d’une somme de 13 000 liv., qu’il devoit à un autre conspirateur aussi condamné (Mention honorable, impression au bulletin) (3)]. [On applaudit. La convention renvoie la déclaration au comité des finances, et invite le citoyen déclarant à donner son adresse (4)]. 48 [Guffroy, par motion d’ordre, se plaint de ce qu’au mépris d’une loi qui leur enjoint de rester à leur poste, plusieurs fonctionnaires publics des dé-partemens se rendent à Paris et y perdent un temps considérable à manger inutilement de l’argent; il propose de faire retomber sur eux personnellement les frais de leur voyage, et de déclarer en outre suspects tous ceux qui ne se feront pas inscrire dans le délai de 3 jours au comité de sûreté générale. On réclame l’ordre du jour, motivé sur la loi qui est précise à cet égard, et l’ordre du jour est ainsi adopté] (5). 49 [Le club national d’Emilion écrit que 4 familles de cette commune, qui avoient concouru à receler les conspirateurs, Guadet, Salle, Barbaroux, Buzot et Pétion, sont en arrestation et recevront bientôt le châtiment dû à leurs trahisons (6)]. (l) J. Fr., n° 655 ; J. Sablier, n° 1431. (2) Selon certaines gazettes il s’agirait de Jean-Antoine Rollandelli. Le citoyen déclarant, par contre, est tantôt présenté dans l’anonymat, parfois baptisé Merluis, d’autres fois Melinot. (3) C. Eg., n° 692 (4) Débats, n° 559 ; Audit, nat., n° 656 ; Ann. patr., n°DLVII; J. Fr., n° 655 ; J. Sablier, n° 1431 ; J. -S. Culottes, n°512; J. Perlet, n° 657. (5) Audit, nat., n° 656 ; J. Fr., n° 655 ; J. Sablier, n° 1431. (6) Audit, nat., n° 656 ; J. Fr., n° 655 ; Débats, n° 659 ; Ann. R.F., n° 224.