36 { [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juin 1791.] recherches qui, dans un moment plus calme, aura mille et mille recherches à faire pour savoir quels moyens on a employés, quelles personnes sont les auteurs ou les complices de ce crime. M. d’André. Il est une mesure générale, une mesure préalable à toute autre, que je crois devoir vous proposer avant même que vous entendiez les ministres. Votre Constitution porte que nul décret ne sera exécuté comme loi du royaume, que lorsqu’il aura été accepté ou sanctionné. La sanction est impossible, en ce moment. Cependant il est important de prendre un mode provisoire pour l’exécution denos décrets. Je propose, en conséquence, le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que provisoirement et jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné, tous les décrets rendus par elle seront mis en exécution par les ministres, sans qu’il soit besoin de sanction ni d’acceptation. » M. Fréteaii-Saint-Just. J’ajoute un mot : On vient de me faire observer qu’il était infiniment important pour l’authenticité des ordres qui émaneront de l’Assemblée nationale, qu’au lieu d’être scellés et cachetés du sceau de l’Etat, ils le soient du sceau principal de l’Assemblée, qui repose dans les archives, et que M. le ministre soit autorisé à l’apposer. M. de lia Rochefoucauld. On vous propose des mesures pour que les décrets rendus par l’Assemblée constituante soient sur-le-champ exécutés. Ils doivent l’être par les instruments qui les faisaient exécuter pendant la présence du roi. Ainsi, au lieu de la proposition que vient de faire le préopinant, il faut que vos décrets soient immédiatement scellés par le ministre de lajustice, et expédiés dans la forme qu’ils l’étaient auparavant; ils auront plus d’aulhenticité. M. Pétion de Villeneuve. La proposition qui vous a été faite par M. d’André me paraît extrêmement sage et conforme aux principes. En effet, vous avez le droit de donner aux lois que vous faites le genre de sanction que vous trouvez convenable. C’est un droit que vous avez délégué comme tous les autres : or, en l’absence de celui auquel vous l’aviez confié, vous vous trouvez naturellement ressaisi de ce droit ; car il faut que ce droit s’exécute, et il ne se trouve en aucune espèce de main. 11 est donc convenable que ce droit retourne à sa source. J’appuie la proposition de M. d’André, qui me paraît la plus simple, et si MM. les ministres présents ont des observations à faire à ce sujet, je prie M. le Président de leur permettre de s’expliquer sur ce point. M. d’André. Ma proposition passe avant tout; elle consiste en ce que provisoirement les décrets rendus par l’Assemblée nationale soient scellés du sceau de l’Etat par le ministre de la justice, et mis à exécution par les autres ministres, sans qu’il soit besoin de sanction ni d’acceptation. Plusieurs membres demandent à proposer des amendements. M. le Président. Les motions se renouvellent ; une foule de questions incidentes se succèdent avec rapidité; j’engage le3 opinants d’attendre qu’une question soit vidée avant d’en proposer une autre. M. Guillaume. En appuyant la proposition de M. d’André et des autres préopinants, je crois devoir observer à l’Assemblée, que la forme de nos lois actuelles ne peut pas exister si vous adoptez cette motion, et qu’il faut d’abord la changer provisoirement. Ainsi, au lieu de dire : Louis , par la grâce de Dieu , il faut dire : L'Assemblée nationale a décrété et ordonne que... (Murmures.) M. d’Ailly. Ce n’est point pour contrarier la motion qui vous est faite par M. d’André, que j’ai demandé la parole; c’est au contraire pour vous mettre à portée d’avancer. Messieurs, les ministres sont ici présents; ils ont des vues à proposer sur les moyens d’exécuter vos décrets. Je demande qu’ils soient entendus. M. le Président. M.le ministre de l’intérieur, chargé d’envoyer le décret que vous venez de rendre, demande la parole. M. Delessart, ministre de l'intérieur. Dans une circonstance aussi grave, où il y a tant de mesures importantes à prendre, et où les fonctions de ministre peuvent surpasser les forces humaines, je demanderais que l’Assemblée voulût bien m’adjoindre deux de ses membres pour concerter toutes les mesures que l’exécution de ses décrets exige. Je craindrais que, livré à moi-même dans un si grand moment de trouble, je ne remplisse pas parfaitement les vues de l’Assemblée. M. le Président. Si personne ne s’oppose à cette proposition, je vais la mettre aux voix. (Non ! non ! non !) M. A-anjufnais. Monsieur le Président, vous ne pouvez pas mettre aux voix une proposition qui n’est pas faite par un des membres de l’Assemblée. M. Briois-Beanmetz. La proposition qui est faite par le ministre de l’intérieur est la même que celle que l’Assemblée nationale a déjà rejetée au commencement de sa séance. Ondes membres de cette Assemblée, qui n’avait pas assisté à cette délibération, a représenté depuis la même motion: l’Assemblée nationale n’a même pas voulu l’écouter et a passé à l’ordre du jour. Il est impossible que la demande estimable qui vous est faite par le ministre de l’intérieur, et qui en attestant sa modestie n’atteste que mieux sa capacité, engage l’Assemblée nationale à prendre une mesure différente de celle qu’elle a arrêtée dans sa sagesse par les plus importantes considérations. Plus un acte est important, et plus c’est aux principes que l’Assemblée nationale doit s’attacher fermement. Les principes sont le rocher auquel en s'attachant sans cesse elle sera toujours sûre de trouver le médium, qui l’écartera de tous les dangers, et la préservera au milieu des orages. L’Assemblée nationale doit laisser le vaisseau de l’Etat à conduire, quant à la partie exécutive, aux ministres qui en sont dépositaires ; momentanément et provisoirement ils rendront des comptes fréquents à l’Assemblée, quine désemparera pas; ils seront admis à lui faire tous les rapports nécessaires à l’accomplissement de leurs obligations. Non, l’Assemblée ne doit pas faire porter sur aucun de ses membres une responsabilité plus importante et plus délicate que jamais. Si les moments de crise dans lesquels nous nous trouvons se prolongeaient trop longtemps, l’Assem- 365 [Assemblée tt&tiousilo.] ARCHIVES PARLEMRWTAtRRS» [21 juin 1791. J blée prendrait alors des mesures ultérieures et différentes; mais puisqu’elle croit, dans ce moment-ci, devoir laisser les choses dans l’état où elles sont, la proposition qui lui est faite par M. le ministre de l’intérieur me parait devoir être rejetée. M. Rœderer. Je demande la parole. M. Démennler. Je demande la parole. M. le Président. Avant de donner la parole à M. Rœderer, à M. Démeunier, je demande à à l’Assemblée si je peux mettre aux voix la proposition faite par M. de Lameth, c’est que les ministres soient autorisés à venir assister à ses séances, et qu’en ce moment ils puissent se retirer ensemble dans le bureau le plus voisin, afin qu’ils puissent donner les ordres les plus précis pour Inexécution des décrets que vous avez rendus. (Oui! oui!) (Cette motion est adoptée.) M. le Président. M. le ministre de la justice demande à parler à l’Assemblée. M. de Cazalès. Permettez-moi, Monsieur le Président, de représenter à l’Assemblée nationale qu’il faut suivre la délibération qui est commencée, et savoir si des individus seront ajoutés aux ministres. (Non! non!) Comme c’est contre toute espèce de principe, je demande que cela soit rejeté absolument. M. d’André. On ne peut pas délibérer sur le rejet d’une proposition qui n’est pas faite par un des membres de l'Assemblée, ainsi elle doit être regardée comme n’existant pas. M. de Cazalès. A la bonne heure. M. le Président. Le décret que l’Assemblée vient de rendre est que les ministres seront autorisés à venir à l’Assemblée jusqu’à nouvelle dis-osition, et qu’ils pourront se retirer dans les ureaux les plus voisins pour donner en ce moment les ordres les plus prompts pour l’exécution des décrets que l’Assemblée a rendus ce matin. Je donne la parole à M. le ministre de la justice. M. Duport, ministre de la justice. Je prie l’Assemblée de prendre en considération l’observation que je vais lui faire. Je crois qu’il serait utile que l’Assemblée ajoute à son décret une disposition qui m’autorise formellement à apposer le sceau de l’Etat à ces décrets. C’est le roi qui m’a remis le sceau; en conséquence, il n’y a qu’une délibération de l’Assemblée nationale, une injonction expresse de la volonté souveraine de la nation qui puisse m’autoriser à apposer le sceau sans le consentement du roi. Cette autorisation est d’autant plus nécessaire, que M. de Laporte m’a communiqué ce matin, non pas un ordre officiel, mais un billet, un papier qui est encore entre ses mains, si son zèle ne l’a pas porté à le remettre à l’Assemblée nationale. Le roi, par uoe apostille, mise au bas de ce mémoire, remis à M. de Laporte, m’enjoint de ne signer aucun ordre comme ministre qui ne serait point émané de lui et de ne faire aucun usage du sceau de l’Etat jusqu’à ce qu’il n’en ait autrement ordonné; il m’eDjoint même de lui renvoyer le sceau dès qu’il m’en enverra l’ordre. Ce De sont peut-être pas les propres termes de la note, mais c’en est le sens. D’après cela, Messieurs, vous sentez qu’il me serait impossible, sans un décret formel de l’Assemblée, d’employer le sceau de l’Etat. M. d’André. C’était là ma motion. Plusieurs membres demandent la parole. M. le Président. Sur l’avis qui est donné par M. le ministre de la justice et qui a été donné précédemment par M. d’André, un grand nombre de membres me demandent la parole. Je crois devoir interrompre la discussion pour commnui-quer à l’Assemblée une lettre écrite par M. de Montmorin à M. Delessart. M. le Président donne lecture de cette lettre qui porte en substance ; « Je ne puis pas sortir de chez moi : on y amis des gardes qui ne laissent sortir personne. S’il y a quelques démarches, quelques affaires auprès de l’Assemblée, je vous prie de vouloir bien demander qu’on envoie l’ordre de me laisser passer. Je ne demande pas mieux qu’on examine toute ma conduite, et je désire qu’on l’examine avec toute la sévérité possible. Peut-être serez-vous plus libre que moi. Dans ce cas, je vous prie de songer à moi, et de m’envoyer chercher si vous allez à l’Assemblée; car il paraît sans doute extraordinaire que je n’y fusse pas. Vous connaissez mon inviolable attachement à la Constitution. Mandez-moi, je vous prie, s’il y a quelque chose à faire. » M. le Président. J’ajoute, Messieurs, à cette annonce, qu’un chef de division de la garde nationale vient de me remettre une lettre adressée à la reine. Elle a été trouvée entre les mains du peuple qui Pavait trouvée lui-même dans l’appartement du rez-de-chaussée de la reine. Il y a sur l’adresse : A la reine; elle est cachetée avec un pain à chanter. Voix diverses ; Ouvrez! ouvrez! — Non! non! Un membre : Il ne faut pas la décacheter .'L’Assemblée doit donner l’exemple de l’inviolabilité du secret des lettres. M. d’André. En attendant, avec toutes ces motions incidentes, nous n’avançons à rien; tout cela n’est que secondaire. Je supplie l’Assemblée de ne pas détourner ses idées de la motion que je lui ait faite et de réfléchir combien il est intéressant que les 3 décrets que nous avons rendus ce matin, qui peuvent rétablir d’une manière sûre la tranquillité dans Paris, qui peuvent nous mettre à même de délibérer tranquillement, paisiblement sur les mesures qu’il y a à prendre, combien, dis-je, il est important que ces décrets soient mis à exécution. Tout le reste, comme j’ai eu l’honneur de le dire à l’Assemblée, n’est que secondaire, tout le reste ne peut venir qu’après; il faut que nos décrets soient connus. Je supplie instamment l’Assemblée d’aller aux voix sur la proposition que j’ai faite, qui n’a point de contradicteur, et qui tend à la plus grande, à la plus prompte exécution de tous les décrets par le moyen des ministres qui sont ici. Ajoutons seulement à la motion ce qu’a demandé M. le ministre de la justice, qui