3Q [Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [il mars 1791.] ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE NOAILLES. Séance du vendredi 11 mars 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture des procès-verbaux des séances des lundi et mercredi, 7 et 9 mars, au soir, qui sont adoptés. M. le Président. Voici, Messieurs, le bulletin du roi de ce jour : «Vendredi 11 mars 1791, 8 heures du matin. « L’état modéré de la fièvre nous a déterminés hier matin à donner un grain de tartre émétique en lavage, lequel a procuré dns évacuatious copieuses par le vomissement et les selles ; elles ont été faciles et ont beaucoup soulagé. Le reste de la journée a été assez calme. Il n’y a point eu de toux âcre, ni de sang dans les crachais. Le redoublement a commencé à 9 heures. La nuit a été tranquille : au réveil, le pouls est encore fréquent, mais il est souple. Les urines sont toujours foncées et peu abondantes. « Signé : Le Monnier, La Servolle, Vicq-d’Azyr, Andouüié, Loustoneau. » (. Applaudissements .) M. d’Estagniol. Messieurs, par les décrets que vous avez rendus sur les engagements et les dégagements, vous avez accordé des congés de grâce. Cet avantage deviendrait illusoire si vous ne prenez pas des précautions ; et voici l’hypothèse. Un soldat engagé depuis deux ans vient à perdre sou père, négociant ou fermier; il a besoin d’alier au secours de sa famille; il se fait inscrire pour avoir son congé, et cependant, pendant les six autres années, il s’eu trouve de plus anciens que lui ; conséquemment il ne peut obtenir son con-é. Je propose donc d’adopter les deux articles additionnels tendant : 1° A ce qu’un soldat n’ayant que deux années de service et forcé de se re'irer par la perte d’un père, fermier ou négociant, ne soit pas rejeté à l’époque de scn congé absolu, , ar les demandas successives d’autres soldats plus anciens que lui; 2° A ce qu’il soit lorrmq chaque année, une lis'edes soldats qui vou iront obtenir des congés de grâce qui seront accordés aux plus anciens, sans qa’on puisse cependant en accorder à ceux de la seconde liste, avant que tous les soldats inscrits dans la précédente en aient obtenu. (L’ Assemblée renvoie ces deux articles à son comité militaire.) M. Bouche. Messieurs, votre loi du 14 octobre dernier porte l’abolition des costumes religieux, mais avec la clause expresse que d’ailleurs les religieux pourront se costumer comme ils le jugeront convenable. Cette loi a été mal interprétée par plusieurs directoires, qui ont obligé les religieux de se vêtir comme les ecclésiastiques séculiers, qui ont même exercé des poursuites contre ceux qui voulaient user leurs anciens habits, parce qu’ils n’avaient pas les moyens d’en avoir de nouveaux. J’ai sous les yeux plusieurs de ces procédures contraires à l’esprit et à la lettre de votre loi. Comme il n’est ni dans votre intention, ni dans la lettre de votre loi que ces religieux soient ainsi tourmentes, je vous propose de vouloir bien expliquer votre intention en adoptant le décret suivant : « L’Assemblée nationale, s’étant fait représenter l’article 33 du titre Ier de la loi du 14 octobre 1790 et l’article 29 du titre II de la même loi, déclare qu’en abolissant les costumes particuliers de tous les ordres religieux, elle a entendu n’abo-lirque l’obligation de ne se vêtir que suivant ces costumes. » M. Merlin. La proposition que vous fait dans ce moment M. Bouche vous a déjà été faite, et cela, quelques jours après que le décret a été rendu. Vous avez trouve cette proposition inutile, parce que votre intention, qui est très bien expliquée par le texte même de la loi, est conforme à cette proposition et que rien n’est plus impolitique que de faire des lois inutiles. Faites attention que ce décret qu’on vous propose va coûter 1,000 à 1,200 livres à la nation. D’après cela, je propose d’insérer dans le procès-verbal un décret ainsi conçu : « L’Assemblée nationale, considérant que, par l’article 33 du titre Ier de la loi du 14 octobre 1790 et l’article 29 du titre 11 de la même loi, elle n’a pas entendu priver les religieux et religieuses de la faculté de continuer à porter leur costume, si bon leur semble, déclare qu’elle passe à l’ordre du jour. » M. Bouche. Volontiers; j’accepte la proposition de M. Merlin. M. Durand - Maillane. Vous voyez. Messieurs, par ce qu’il vient de vous être dit, que les directoires se regardent aujourd’hui comme des législateurs, comme des représentants de la nation; ils empiètent sur tous les pouvoirs; ils prononcent des amendes, ils font des lois pénales; ils commencent à vexer les citoyens à l’ombre même de vos lois, sous prétexte de leur exécution. Vous avez déjà chargé votre comité de Constitution de vous présenter un projet de loi pour limiter le pouvoir des corps administratifs, en ce qui concerne l’exécution des lois ; il est donc instant que le comité nous présente au plus tôt ses vues à cet égard. ( Applaudissements .) M. Begnaud (de Saint-Jean-d' Angély). Dans vos décrets sur les corps administratifs, vous avez dit que, lorsqu’un direc oire de district s’écarterait du texte de la loi, c’était au departement à l’y rappeler et que, quand le département ne le ferait pas, le pouvoir exécutif avait le droit de remplir cetie partie de son attribution. Ab si, Messieurs, de deux choses l’une : ou on a mis à exécution une loi sanctionnée ; ou on a donné à une loi sanctionnée un sens qu’elle n’avait pas. Dans l’un et l’autre cas, c’est au ministre, seul comptable vis-à-vis de vous du maintien de l’ordre public, que vous devez renvoyer les plaintes qui vous sont adressées. Ce ne serait que dans le cas où le ministre serait négligent défaire son devoir que vous auriez à vous en occuper. Je demande donc que, pour que l’attention du ministre suit éveillée, on insère l’observation de M. Bouche dans le procès-verbal et qu’on la fasse suivre du renvoi au pouvoir exécutif. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.