LCoaveution nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. j « 17'.)3 329 conduite, si vous la jugez avantageuse à la République. Je n’ai pu me conformer au décret qui enjoint aux députés en commission de rendre compte tous les huit jours au comité de Salut public. Ma vie active, des voyages continuels dans un pays très sauvage, ne me l’ont pas permis. « Salut et fraternité. « Le délégué du peuple, « Lanot. » La Société populaire de la commune de Mende département de la Lozère, fait part à la Conven¬ tion nationale qu’informés de la défaite des ar¬ mées espagnoles, et en même temps du dénue¬ ment ou se trouvaient les braves défenseurs de la patrie, les membres de la Société se sont em¬ pressés de couvrir l’autel de la patrie de dons en effets ou argent. La Société envoie aussi le procès-verbal conte¬ nant les détails de la fête civique et fraternelle qui a été célébrée dans la commune de Mende, lors du mariage du citoyen Saulhac, prêtre, avec la citoyenne Foutibers, ci-devant religieuse. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (1). Suit le texte du procès-verbal de la séance tenue le vingt et un brumaire par la Société popu¬ laire de Mende, d’après l’original gui existe aux Archives nationales (2). Extrait du registre des délibérations de la So¬ ciété populaire séant à la ville de Mende. Séance du vingt et unième jour du mois brumaire. L’ordre du jour amène l’examen d’un projet de marche pour la cérémonie du mariage du prêtre Paulhac, qui doit se célébrer demain. Ce projet, soumis à la discussion, est adopté, après avoir reçu quelques amendements. Le secrétaire général du département obtient la parole. Il fait connaître le regret que les administrateurs éprouvent de ne pouvoir pas assister à une séance où se prépare le triomphe de la philosophie sur les préjugés. Il lit ensuite une lettre du citoyen Gaston, représentant du peuple près l’armée des Pyrénées-Orientales qui, en nous annonçant la défaite des armées espagnoles, nous peint le dénuement où se trouvent nos braves défenseurs. A la joie d’apprendre la fuite des vils esclaves des rois, succède rapidement chez tous les membres de la Société, un sentiment de com¬ misération pour les peines et le froid qu’endu¬ rent nos généreux soldats. « J’ai une rouppe (3), s’écrie le général Louis, je la donne pour cou¬ vrir nos frères d’armes. — Et moi aussi, s’écrie encore le commissaire des guerres, je donne la mienne, et la voilà. » A ces mots, plusieurs pa¬ triotes imitent ces exemples, se dépouillent de leurs rouppes, et les déposent sur le bureau. (1) Procès verbaux de la Convention, t. 28, p. 108. (2) Archives nationales, carton C 287, dossier 865, pièce 108. (3) La roupe (et non rouppe) est une sorte de blouse en drap grossier à l’usage des bergers dans la Drôme. Ceux qui n’en ont pas s’empressent de donner de l’argent. Dans un instant l’autel de la patrie est couvert d’offrandes; de jeunes enfants mêmes viennent y porter le produit de leurs petites épargnes. La Société arrête que les noms de tous ces bons citoyens seront mentionnés civiquement sur le procès-verbal. Au milieu de ce saint enthousiasme, le ci¬ toyen Louis annonce qu’il veut changer de nom. « Celui que je porte, dit-il, rappelle la mémoire d’un fanatique et d’un tyran; il ne peut convenir à un bon républicain, et je me fais gloire de l’être. » Un membre propose que la Société elle-même donne un nom à cet excel¬ lent citoyen. On propose celui de Vrai, et tout le monde applaudit, parce que chacun sait combien il caractérise celui qui doit le porter. « Je l’accepte, répond le citoyen Louis, et déjà je signerais Vrai, mais je ne le puis que lorsque la Convention et le ministre en seront ins¬ truits. » Un membre rappelle à la Société que le nom du commissaire des guerres retrace le souvenir des distinctions féodales, et qu’il faut lui en donner un plus conforme à ses sentiments pour la Révolution. Il est nommé Sincère. « Je n’ai gardé ce nom, répond le citoyen Baron, que par égard pour un père que je chéris; mais je suis si disposé à faire tout ce qui peut plaire à la Société, que j’accepte sans hésiter celui qu’elle veut bien, me donner. » On applaudit, et la Société, d’après l’obser¬ vation faite par le général, devenue commune au commissaire des guerres, arrête, qu’en adres¬ sant à la Convention et au ministre un extrait de son procès-verbal, elle leur demandera d’au¬ toriser le changement de ces deux noms. « Quant à moi, dit encore un membre, j’ai nom Le Chevalier. Les nobles donnaient ce titre à leurs enfants; je ne veux plus avoir rien de commun avec cette caste proscrite; j’ai déjà défendu ma patrie sous le nom de Bien Aimé,- et j : veux être, par mon patrio¬ tisme, le Bien Aimé de la Société. C’est sous ce nom que je demande à être inscrit, dès aujourd’hui, sufr la liste de ses membres. » Sa pétition est accueillie au milieu des applau¬ dissements. La séance est levée, après avoir été délibéré qu’on enverrait à la Convention et aux Sociétés populaires l’extrait du présent procès-verbal et de la cérémonie qui doit avoir lieu demain pour le mariage du citoyen Paulhac. Liste des citoyens qui ont contribué à l'équipe¬ ment des volontaires de l’armée des Pyrénées. Le général Levrai, une rouppe; Grilliat, neveu, une rouppe; Sincère, commissaire des guerres, une rouppe.; Tarteron, une rouppe; Malafosse, inspecteur, une rouppe; Polvère, négociant, une pièce d’étoffe; Salley aîné, une rouppe; Loubeirac, une rouppe; Victor Randon, une rouppe; Bonacier, contrôleur, une rouppe; Becamel aîné, une rouppe; Croze, conseiller municipal, une paire de bas de laine ; Fontibus aîné, une rouppe; * 3S0 [Convention nationale.] Fabre, garde-magasin, une rouppe; Ferrand, une rouppe; Bourrillon aîné, une redingote; Pancrassi, adjoint à l’état-major général de l’armée ...... . ..................... 50 liv. Le commandant en second du 3e ba¬ taillon de la Drôme ................ 50 Sciau, adjoint à l’état-major ....... 25 Barbot .......................... 40 Salaville, administrateur du district. 15 Boissonnade cadet .............. . . 10 Domergue cadet ................. 50 Solignac, négociant ............... 25 Bon ............................. 10 Tome ........................... 5 Robert, négociant ................ 30 Broca ........................... 5 Baptiste Chaptal ................. 10 André Chaptal ................... » Rouvière ........................ 5 Laget, cordonnier ................. 10 Pouget, tondeur .................. 5 Toquebeuf, juge .................. 25 Hebrard, officier municipal ........ 10 Prost, officier municipal .......... 10 Enjelvin, notaire public ........... 25 Lacoste, juge .................... 25 Bonnel cadet, maire .............. 25 Vayron, vicaire. . . ............... 25 Liger, lieutenant de la gendarmerie. 15 Bonnel, président du département. . 25 Guyot, président du département . . 25 Boissonnade aîné ................. 25 Teissonnjère ..................... 10 Chabert, de la Drôme ............. 60 Delmas, avoué ................... 5 Valeton ......................... 5 Alexandre Creis .................. 5 Aubijou, vicaire .................. 10 Colson .......................... 10 Malaval, receveur ................ 25 Favet, négociant ................. 10 Levrault ........................ 20 Dorville ......................... 15 Fabre, garde-magasin ............. 10 Beaucourt, capitaine de la gendar¬ merie ............................. 10 Dibon, président du club .......... 5 Jeanneton Randon ............... 5 Victor Randon jeune ............. 5 Bonnicel, dit L’Hermet ........... 25 Daudé aîné ...................... 25 Fontibus aîné .................... 5 Hilaire Eimar, secrétaire .......... 5 Le commandant en chef du 3 e ba¬ taillon de la Drôme ................ 25 Monteil, marchand ............... 5 Blanc, dit la Rose ................ 5 Jalïard, négociant ................ 10 Montjaloux, huissier au tribunal cri¬ minel ............................. 5 Dumas, dit Culture ............... 30 Hercule Randon ................. 20 Collationné : Dibon, président; Tome et Lacoste fils, secrétaires. Séance du vingt-deuxième jour de brumaire. Narré de la cérémonie du mariage du citoyen Paulbac,, prêtre, avec la citoyenne Fontibus, 6 nivôse an II 26 décembre 1793 ci-devant religieuse, célébré dans la ville de Mende. La Société populaire, qui regardait ce ma¬ riage comme le triomphe de la raison et de la philosophie sur l’erreur et les préjugés, avait délibéré de mettre à sa célébration toute la pompe possible. C’était porter le dernier coup au fanatisme dans un pays où la religion pou¬ vait encore servir de prétexte aux mal inten¬ tionnés pour y semer la discorde et y rallumer la guerre civile. A neuf heures du matin, les amis de la liberté et de l’égalité furent prendre les futurs époux. La marche était ouverte par douze jeunes répu¬ blicains, armés d’une pique surmontée du bon¬ net de la liberté; autant de jeunes républicaines portaient à la main des épis, signes de l’abon¬ dance que doivent bientôt ramener parmi nous la victoire et la paix. Toutes les autorités constituées, le délégué des représentants du peuple se joignirent au cortège, ainsi qu’une foule de braves militaires et d’aimables citoyennes. Il était beau sans doute de voir figurer une fière moustache à côté des lys et des roses, un grenadier près d’un juge de paix. Ce contraste intéressant était inconnu jadis aux Français esclaves ; mais la liberté rapproche les états comme les cœurs; un peuple libre ne connaît que des citoyens. Plus de deux cents jeunes enfants, de l’un et de l’autre sexe, placés autour des époux, ani¬ maient encore le tableau par leur naïve gaieté. Quel homme sensible n’eut partagé la riante satisfaction de ces tendres enfants, l’espoir de la patrie ! Formés à la liberté par une sage édu¬ cation, ils seront républicains sans effort; ils n’auront à combattre ni le fanatisme, ni la tyrannie. Ce sont eux qui doivent jouir du fruit de nos travaux et de nos sacrifices ; leur bonheur doit être notre récompense. Parvenus dans la maison de leur culte, les nouveaux époux se jurèrent, aux pieds des autels, une foi mutuelle; mais le philosophe y vit avec plaisir un évêque en habits pontificaux au milieu des bustes de l’immortel Jean-Jacques Rousseau et du célèbre Le Peletier, qui cimenta de son sang les bases de notre liberté. De l’église, on se rendit à la maison com¬ mune. Dès que l’acte civil de leur mariage fut dressé, les nouveaux époux furent embrasser l’arbre sacré de la patrie. Là, ils reçurent la cou¬ ronne civique des mains du président de la Société, et furent ensuite reconduits chez eux, dans le même ordre et avec les mêmes applau¬ dissements. Malgré le scrutin épuratoire fait depuis trois jours dans la Société populaire, le concours des citoyens était cependant prodi¬ gieux; les candidats surtout, par leur empres¬ sement à embellir cette fête, manifestaient leur désir d’augmenter le nombre des vrais amis de l’égalité. Pendant toute la marche, plus de trois mille personnes avaient fait retentir toutes les rues de l’hymne sublime de la Liberté; ils chantaient aussi des couplets analogues aux circonstances, qui, de temps en temps, étaient interrompus par le bruit majestueux du canon. Un banquet devait terminer cette belle jour¬ née. Il fut, comme le reste de la fête, un mé¬ lange de patriotisme et de gaieté. La même salle contenait tous les convives. Là chacun s’em¬ pressait de couvrir des longues tables (sic J. ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j