(JQÆ [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES� [31 janvier 1791.] Glissement, le conseil, sur le compte qui lui sera rendu de la conduite de ce transporté, pendant son année de liberté, prononcera s’il peut ou non obtenir l’agrément de quitter l’ile. Art. 8. L’administration de la colonie donnera à chaque transporté, mis en liberté, une quantité de biens en propriété suffisante pour le faire vivre en travaillant. Si le transporté quitte la colonie, la terre cédée rentrera à l’établissement sans que le transporté en puisse disposer autrement. Art. 9. Le gouverneur n’aura aucune autorité Civile. Art. 10. Il ne pourra employer la force militaire, dans l’intérieur? que sur la réquisition de l’administration civile. Art. 11. 11 ne pourra rien entreprendre à l’extérieur contre les naturels du pays, sans l’agrément du conseil. Art. 12. Il ne pourra suspendre aucun officier civil dans ses fonctions, ni le renvoyer en France. Art. 13. A l’égard du militaire son autorité sera subordonnée à la constitution militaire de France. Art. 14. Les bannis seront directement sous l’administration civile, ainsi que les inspecteurs, commis et autres employés dans cette partie. Art. 15. Tout règlement de discipline, ordre de travail, culture, etc., seront arrêtés dans le conseil. Art. 16. L’administration sera, pour toutes ses opérations, subordonnée au conseil, et en fera exécuter les ordonnances pour le civil, comme le gouverneur fera pour le militaire. Art. 17. Le conseil sera composé du gouverneur, de son second, s’il en a, des principaux chefs de l’administration. Art. 18. Le gouverneur et l’administrateur général réunis rendront compte au ministre de toutes les décisions du conseil et de leur motif. Art. 19. Chacun d’eux en particulier rendra compte de la partie qui sera confiée à ses soins. Art. 20. Les bannis auront le droit de présenter des pétitions au conseil, qui y fera droit, et sera tenu d’y répondre, quelle que soit la demande ou la décision qui interviendra. Art. 21. L’administration se chargera de toutes les productions de l’industrie de8 bannis, sur le pied d’un tarif qui sera réglé par le conseil. Le prix de ces objets sera payé comptant aux bannis soit en argent du pays, soit en marchandises ou comestibles, selon leurs besoins. La totalité sera payée à ceux qui auront obtenu leur liberté, sous la condition des impositions et droits nécessaires à l’entretien de l'établissement. Art. 22. Ces productions seront envoyées en France pour être vendues au profit de la nation. Art. 23. Lorsque le commerce et la population de la colonie seront assez étendus pour que les bannis puissent vendre eux-mêmes leurs denrées aux marchands, ils eu auront la liberté en payant la moitié du produit au gouvernement, pour indemnisation de ses avances jusqu’à leur liberté. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 31 JANVIER 1791. SEPTIÈME RAPPORT DU COMITÉ DE MENDICITÉ, OU résumé sommaire du travail qu'il a présenté à l'Assemblée. (Imprimé par ordre de l’Assemblée nationale.) Messieurs, au raDg des droits dont vous avez reconnu et déclaré l’imprescriptiblité et l’inalié-nabilité, vous avez placé les droits du malheur et de la pauvreté et la Constitution française, avant d’avoir posé aucun des principes du gouvernement qu’elle veut établir, a pris l’engageaient solennel de créer et d’organiser un établissement général de secours publics, pour élever les enfants abandonnés, soulager les pauvres infirmes, et fournir des moyens de travail aux pauvres valides qui n’auraient pu s’en procurer. Vous voici arrivés au moment d’acquitter ce vœu et ce devoir; la législation qui doit ordonner la bienfaisance publique, est, indépendamment même du soulagement de l’humanité, d'une grande importance. Si le soulagement de la pauvreté est le devoir d’une Constitution qui a posé ses fondements sur les droits imprescriptibles des hommes, elle est encore le besoin d’uQe Constitution sage qui veut assurer sa durée sur la tranquillité et le bonheur de tous les individus qu’elle gouverne. Il est de l’intérêt public de corriger, par une bienfaisance réfléchie, les maux résultant des mauvaises institutions qui ont maintenu et propagé la pauvreté; il est de l’intérêt public de prévenir les désordres et les malheurs où seraient conduits un grand nombre d’hommes sans ressources, qui, maudissant les lois dont ils n’auraient jamais senti les bienfaits, pourraient, par l’excès de leur misère, être entraînés d’un moment à l’autre à servir les entreprises des ennemis de l’ordre public. Ce n’est donc pas en hommes simplement charitables et aumôniers ; mais c’est en amis éclairés de l’humanité, c’est en politiques réfléchis que vous devez traiter et délibérer cette grande question de l'assistance de la pauvreté dans l’Empire. Dans l’entière détermination que vous avez dû prendre de satisfaire à ce grand devoir, vous avez pensé que des calculs arithmétiques ne devaient pas servir de règle unique à de sages lé-islateurs, et que les devoirs plus sacrés de la ienfaisance et de la morale devaient être avant eux consultés. Mais quelles que soient, Messieurs, vos dispositions généreuses pour l’assistance de la pauvreté, vous ne devez pas oublier que l’économie est un des caractères les plus essentiels de la bienfaisance publique ; non cette épargne vile et impolitique qui lésinerait sur les dépenses nécessaires au soulagement des malheurenx, mais cette économie sage et juste qui, se rappelant sans cesse qu’elle n’assiste le malheur qu’avec les deniers des peuples, ne doit ordonner que leur indispensable emploi. La bienfaisance publique, retenue dans les bornes strictes de la justice, doit encore, dans les moyens qu’elle emploie, considérer l’intérêt général : différente de l’aumône qui, dans les se-cours qu’elle donne, peut ne voir que le malheureux qu’elle soulage, la bienfaisance publique doit chercher sans doute dans l’assistance des pauvres le soulagement de ceux qui en sont l’objet, mais considérer, avant tout, l’intérêt de tous les infortunés, l’intérêt général de la société. Ceux qui sont plus près d’elle, ne sont pas plus à ses yeux que ceux qu’elle ignore ; cette bienfaisance DV st pas l’effet d’une sensibilité irréfléchie ; elle n’est pas même une vertu compatissante ; elle est un devoir, elle est la justice ; elle doit en avoir tous les caractères et se prémunir contre les mouvements si naturels qui pourraient les altérer. Elle doit, dans son exécution, être réfléchie; c’est une science politiquequi veutêtre soigneusement étudiée ; car, si ses moyens ne s’accordent pas avec les 607 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 janvier 1791. J grandes vues de l’intérêt public, elle peut aggraver les maux qu’elle veut soulager, en aggravant les causes qui les produisent. Ainsi cette partie de législation, qui semble au premier coup d’œil facile Là régler, est néanmoins une des plus difficiles à établir de manière à parvenir au but qu’elle doit se proposer; car de la sagesse ou de l’erreur des principes sur lesquels cette législation sera établie, doit résulter l’amélioration sensible ou l’altération inévitable de la fortune publique. Le travail que nous vous présentons, est le résumé succinct des 6 rapports qui vous ont été distribués, et nous avons réduit à un très petit nombre d’articles le décret que nous vous proposons ; ils sont la base des lois que vous laisserez àvos successeurs le soin honorable d’achever. Mais, avant d’entrer dans cette question, le comité croit devoir vous mettre sous les yeux l’état des hôpitaux du royaume, tel qu’il résulte des différents décrets que vous avez reudus. Bien qu’ils n’assistent qu'une très petite partie de l’Empire, et qu’ils laissent sans secours presque tous les habitants des campagnes, ces hôpitaux et quelques fonds de charité sont les seuls moyens par lesquels la pauvreté est secourue en France. La connaissance de leur situation actuelle ne vous paraîtra peut-être pas même sans utilité pour déterminer le parti général que vous croirez devoir prendre. Les hôpitaux et fonds de charité du royaume avaient, avant la Révolution, environ 29 à 30 millions de revenu. Les divers décrets portant suppression des droits et privilèges dont ils ont joui jusqu’en 1790, les ont réduits de 19 à 20 millions. Si cette évaluation n’est pas entièrement exacte, elle est de la plus grande probabilité. Nous devons à l’Assemblée de lui faire connaître de quelle manière nous l’avons obtenue. Des états trouvés au contrôle général ne donnent connaissance que de 947 hôpitaux, dont ils ne portent les revenus qu’à 14,017,045 livres. Nous nous sommes facilement persuadés que ces renseignemenis étaient incomplets ; et d’après les lettres que nous avons écrites à tous les départements, d’après les relevésdes déclarations déposées au comité ecclésiastique, nous avons acquis la connaissance de 2,185 hôpitaux, sans comprendre les dotations particulières de charité. Nous avons alors demandé aux municipalités des lieux où ces hôpitaux sont situés, de nous faire connaître la portion de leurs revenus supprimée par les décrets. Tous ces états ne sont pas parvenus aussi corrects et aussi explicatifs que nous les avions demandés. 1,438 d’entre eux ont jusqu’ici répondu de manière à nous donner des résultats, et nous ont déclaré uu revenu de 20,874,664 livres avant la Révolution, réduit par vos décrets à 13,987,7871i-vres, sans y comprendre les impositions auxquelles la plupart de ces biens sont assujettis. Quoique le nombre des hôpitaux qui n’ont pas répondu à nos lettres soit à peu près la moitié de ceux qui nous avaient accusé leurs déclarations, nous n’avons pas cru, pour avoir un résultat probablement bon, devoir calculer leurs revenus sur cette proportion. Nous avons pris une marche que nous avons crue plus sûre. Dans le nombre des hôpitaux qui n'out point encore satisfait à la demande du comité, nous en avons choisi 40 des plus considérables (1), dont les revenus s’élevaient, par leur déclaration en 1764 à ..... . ............... 2,995,000 liv. Nous en avons également choisit 107 autres, d’uDe classe inférieure, dont les revenus, à la même époque, s’élevaient à ..... 966,276 Total ...... 3,961,276 liv. Le calcul de l’augmentation nécessaire de ces revenus, dans l’espace de 27 années, les élève à 5 millions; et noua nou3 sommes donné la preuve de la justesse de cette évaluation, en la comparant avec les revenus de certains hôpitaux qui les ont fait connaître en détail aux deux époques de 1764 et 1791 (2). On peut donc être assuré que les 147 hôpitaux dont nous venons de parler ont maintenant 5 millions de revenus, qui, joints à la première somme formeront un total de. . . 25,874,664 liv. Nous avons évalué les 600 autres hôpitaux qui ne nous avaient envoyé aucun renseignement sur le revenu commun des 107 delà classe inférieure déjà estimés; et calculant d’après les mêmes principes, nous leur avons trouvé un revenu de 2,700,000 livres; total pour les 2,185 hôpitaux, 28,574,864 livres avantlaRévolution, auxquelles il faut ajouter encore 500,000 livres de revenu pour les fonds de chanté applicables à des distributions de bouillon, de remèdes, de pain, etc., calculés pour les 83 départements, sur la connaissance positive que 57 nous en ont donnée. Ainsi nous sommes autorisés à porter, à 29,074,664 livres les revenus des hôpitaux et fonds de charité du royaume avant la Révolution, et nous devons observer que comme nous avons pris les déclarations de ces hôpitaux pour base, nos calculs sont au-dessous de la réalité; car aucunes de ces déclarations ne sont sans doute forcées, et nous sommes assurés que plusieurs sont de beaucoup inférieures à la vérité des revenus. Quant aux pertes que les hôpitaux éprouvent dans leurs revenus, nous avons estimé celles des maisons qui n’ont pas répondu à nos demandes d’après celles connues par les déclarations qui nous étaient parvenues, et nous nous y sommes d’autant plus facilement déterminés, que le département de Paris étant compris parmi ceux dont les hôpitaux avaient fait connaître leurs revenus et leurs pertes, le résultat de cette manière de calculer ne peut être qu’en diminution des pertes, c’est-à-dire présenter un revenu des hôpitaux au-dessous de la réalité, et c’est l'espèce d’erreur que nous avons préférée. Ges pertes montant à ......... 6,886,877 iiv. 11 y a pour les hôpitaux qui n’ont point donné d’état, ci ..... 3,443,438 En tout ...... 10,330,315 liv. (1) Ces quarante hôpitaux appartiennent aux villes de Metz, Moulins, Troyes, Narbonne, Aix, Chartres, Nimes, Toulouse, Bordeaux, Montpellier, Montauban, Angers, Valenciennes, Stasbourg, Lyon, Bayonne, Pau et Clermont-Ferrand. (2) A la première de ces époques, l’hôpital général de Rouen jouissait de 263,830 livres, et un état dressé en 1790 présentait 401,000 livres ; deux hôpitaux de Chartres n’avaient que 44,337 livres et maintenant on eu déclare pour 71,760 livres, et cette année ils l’ont été pour 160,000 livres ; l’hôpital général de Lille n’avait que 161,169 livres, et, dans un état adressé au comité le mois dernier, on voit un revenu de 466,633 livres. 008 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 janvier 1791.) 11 résulte de cette exposition que les fonds des établissements de charité et des hôpiiaux produisaient dans l’ancien régime un revenu annuel de ............................ 29,074,664 liv. Qu’ils perdent par le nouveau une somme de ................. 10,330,315 En conséquence, il ne leur reste que ......... ............ 18,744,349 liv. Nous ne vous présenterons rien de bien certain sur les dettes des hôpitaux ; nous en avons constamment sollicité les déclarations ; mais nos demandes ont été, à cet égard, très incomplètement répondues : la plupart de ces dettes sont des renies constituées ou viagères résultant d’emprunts; plusieurs résultent d’avances faites, et sont actuellement exigibles. Mais sans connaître, à beaucoup près, le détail de ces dettes, comme nous le désirerions, nous sommes fondés à croire qu’elles n’excèdent pas une année du revenu total des hôpitaux, et qu’elles sont presque toutes concentrées dans les hôpitaux les plus riches. Pour terminer tous les comptes que nous avons à rendre sur les hôpitaux, nous ajouterons que la plupart de leurs administrations, dépendant dans l’ancien ordre de choses, de certaines places supprimées, se trouvent aujourd’hui sans administrateurs légaux ; que vos décrets, à cet égard, ont été inégalement interprétés par les municipalités et par les départements, et que de cette différence d’interprétation naît une multitude de discussions, un choc continuel de prétentions, et plus que tout, des réclamations pour que l’Assemblée nationale prononce à qui doit être déléguée l’administration des secours déjà existants, et des secours qu'elle veut établir; il est donc encore nécessaire qu’avant de vous séparer vous fassiez connaître à cet égard votre intention. Cette nécessité vous paraîtra sans doute plus urgente, Messieurs, quand vous considérerez qu’un grand nombre d’hôpitaux privés des aumônes qu’ils recevaient les années précédentes, perdant, par la suppression des octrois, la plus grande partie de leurs revenus, qu’ils ne peuvent que lentement et successivement remplacer par l'imposition des sous additionnels , manquent journellement de moyens pour l’entretien des pauvres qui sont à leur charge, et que les fonds indispensables pour cet entretien sont, ou avancés par la généreuse humanité de quelques administrateurs qui y fournissent de leur fortune, ou, le plus souvent, pris sur les payements des rentes dues par ces établissements, qui ainsi ne sont pas acquittées. Enfin, Messieurs, vous avez, par des décrets provisoires, soutenu le revenu des hôpitaux au point où ils étaient avant la Révolution ; mais au mois de janvier prochain ce provisoire cesse, et les hôpitaux restent entièrement à découvert des pertes que leur font éprouver les différentes suppressions ordonnées par vos décrets. De cet état de choses, il résulte que pour rétablir les hôpitaux dans les revenus dont ils jouissaient avaut la Révolution, vous devez imposer, soit sur la totalité de l’Empire, soit sur les différents lieux où sont établis les hôpitaux, une somme de 10 millions; encore n’aura-t-on pas satisfait à la réclamation de plusieurs d’entre eux qui sollicitent une augmentation de revenus nécessaires à leurs charges. Il résulte qu’indé-pendainment de cette somme annuelle de 10 millions, nécessaire pour porter les revenus des hôpitaux au point où ils étaient avant la Révolution, vous avez encore à pourvoir aux dettes que beaucoup d’entre eux ont contractées; car leur en faire porter la charge, c’est diminuer d’autant leurs revenus, c’est diminuer d’autant les fonds que vous destinerez aux secours, et que vous ne devez leur donner que dans une exacte nécessité. Enfin, en rétablissant ainsi les hôpitaux, aujourd’hui existants, dans leurs anciens revenus, vous n’aurez fait encore qu’en faveur de quelques villes ; vous aurez laissé sans secours les campagnes qui ne participent qu’en très petit nombre aux établissements de charité existants jusqu’ici, et que vous avez cependant pris avec tant de raison l’engagement positif de secourir, quand vous avez rétabli la nation dans la possession des biens ecclésiastiques. C’est donc aii soulagement de la classe indigente dans toutes les parties de l’Empire, que vous devez pourvoir, d’après les principes que vous aurez adoptés dans votre sagesse? De cet incontestable devoir naît la première question à examiner. L’assistance des pauvres doit-elle être en France une charge nationale ou locale? Nous nous hâtons de déclarer à l’Assemblée qu’en opinant pour en faire une charge nationale, le comité ne préjuge rien sur la vente des biens des hôpitaux, et sur leur réunion dans une masse commune; les circonstances actuelles ayant paru faire penser à l’Assemblée que cette question ne devait pas être agitée dans le moment présent, nous ne la traiterons que subsidiairement, et d’une manière indépendante du travail que nous vous présentons, et qui laisse aux hôpitaux actuels la jouissance des revenus dont ils sont aujourd’hui en possession. L’opinion que l’Etat doit laisser, doit imposer à chaque municipalité le devoir d’entretenir ses pauvres, a si souvent été répétée, elle est si séduisante par sa simplicité, que nous croyons, en la combattant, devoir la faire envisager sous ses rapports principaux, à ceux qui, ne l’ayant pas examinée dans toutes ses conséquences, auraient pu la juger d’une facile application. D’abord l’assistance pour ceux qui doivent être secourus, ne serait pas partout égale; elle dépendrait du plus ou moins de richesse de la municipalité, de la facilité plus ou moins grande des corps administrants. Si les lois de i’E mpire prescrivaient un traitement égal pour tous les individus à assister, l’injustice et l’inégalité se trouveraient alors pour les citoyens qui devraient contribuer aux secours ; car la proportion des besoins n’est pas toujours celle des richesses : le pays le plus pauvre, celui où un plus grand nombre de secours est nécessaire, est presque toujours au contraire celui où il existe moins de ressources. Ainsi, ou assistance insuffisante pour les pauvres, ou charge insupportable pour les citoyens qui doivent contribuer à cette assistance. Si l’on ajoute à ces premières raisons, déjà déterminantes pour rejeter cette idée, celle qu’il faudrait alors que chaque municipalité eût un établissement propre a secourir toutes les inflrmités de la vie, qui toutes pourraient assaillir quelques-uns de leurs habitants, on en trouvera l’execution déjà plus difficile; mais les conséquences funestes de ce mode d’assistance seront plus évidentes encore, si l’on réfléchit à la difficulté qui en naîtrait des changements de domicile, et à l’obstacle pernicieux mis par cette difficulté au mouvement de l’industrie, et même au libre usage de la propriété. En effet, toute entreprise d'industrie, soit ma- [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (31 janvier 1791.J 6(# nufacturière, soit de culture, de défrichemeut, de dessèchement, ne pouvant se faire en grand qu’avec des bras appelés du dehors, les municipalités qui prévoiraient que ces entreprises pourraient ou mal tourner, ou se ralentir, ou arriver plus ou moins promptement à leur fin, s’opposeraient, par une prévoyance sans doute mal entendue, mais non moins probable, à ces établissements qui peupleraient leurs pays d’hommes sans propriétés, qui bientôt pourraient devenir à la charge commune ; elles nuiraient ainsi d’une manière fuoeste à leur véritable richesse, à la prospérité nationale qui ne peut réellement résulter que du plus grand accroissement des productions de la terre et des résultats de l’industrie. Les municipalités, toujours en contestation pour ne pas admettre ces hommes sans domicile, les rejetteraient sur les municipalités voisines. De là, l’avilissement de ces malheureux, qui, rejetés de tous les lieux, ne pouvant trouver de travail, avilis par le refus, par les repoussements de toutes les municipalités,* deviendraient entre toutes une source de haine, de procès et de frais énormes. Mais une autre considération rend plus impraticable encore l’idée de charger les municipalités du soin de leurs pauvres, c’est que ce système entraîne la nécessité d’une taxe locale particulièrement appliquée au soulagement des pauvres. Ce projet, dont l’expérience de nos voisins démontre tous les vices, a cependant encore des partisans; et, comme il pourrait se reproduire sous des formes différentes et qu'il est plein de dangers, le comité croit devoir encore donner quelques développements aux motifs qui lui en ont fait rejeter même l’idée; il ne s’attachera qu’aux principaux. Cette taxe sera inégale dans tous les lieux, en raison des besoins auxquels elle devra faire face; alors elle rendra inégale la valeur des propriétés. Cette augmentation de charges sur les propriétés ne fera pas augmenter en proportion leur valeur, comme on pourrait le dire, si elle était égale dans tout le royaume : ainsi les propriétaires, sans avoir l’espérance d’augmenter leur revenu, courront le danger de voir leur fonds tomber de valeur, et la conséquence de cet ordre de choses sera ruineuse pour l’Etat et pour les pauvres; car les propriétaires, au lieu de chercher à attirer et à favoriser l’industrie pour améliorer leurs propriétés, s’entendront, au contraire, pour la repousser, parce qu’ils la regarderont comme une cause de charge pour eux. Ainsi le principe de toute amélioration se tarira dans sa source, et l’accroissement considérable des charges dont le propriétaire craindra d’être grevé, repoussera fortement la tendance au travail, que la liberté favoriserait en vain. Cette inégalité de taxes, impolitique pour le bien du royaume, peut donc encore être dite généralement injuste; mais elle aurait de plus le vice moral de porter un grand obstacle à l’établissement des secours que l’Assemblée nationale projette pour les pauvres. Les propriétaires, les domiciliés, les fermiers qui, par la nature de l’irrégularité de la taxe, se trouveraient exposés à des augmentations qu’ils n’auraient pas pu calculer, se refuseraient, autant qu’ils pourraient, à la contribution de ces secours, auxquels cependant la loi les obligerait. Tous les moyens de ruse, de force, seraient employés par les divers départements, pour se renvoyer réciproquement les familles qu’ils devraient nourrir, ou auxquelles ils prévoiraient devoir un jour donner des lra Série. T. XXII. secours. Cette dureté pour le malheureux, vice presque contre nature, ou au moins contre toute société, serait cependant, en quelque sorte, excusable par la prodigieuse inégalité de secours à leur donner; et cependant elle ne diminuerait pas les charges ; car il est de la nature de toute taxe individuelle, et dont le secours des pauvres est l’objet désigné, de s’augmenter même malgré l’opposition des contribuables. En vain ceux qui payeront la taxe se raidiront-ils, de concert avec les administrateurs eux-mêmes, contre son aug mentation; il n’en résultera qu’une lutte perpétuelle, qu’une plus grande incurie sur l’emploi de la taxe, et peu de soulagement profitable ; mais la taxe augmentera. Lebesoin, l'importunité, l’intérêt personnel des pauvres, le sentiment de pitié que l’exposition de leur besoin, même exagéré, inspire, seront toujours plus forts que ne pourrait jamais l’être la constance des administrateurs à refuser. Des ambitieux, des intrigants disposés à flatter la multitude, et à gagner une popularité du moment, détermineront celte augmentation, que les administrations suivantes n’oseront baisser, et qui peut-être s’étendrasur les districts, sur lesdépar-tements voisins, et c’est particulièrement encore ici que l’exemple de l’Angleterre est une grande leçon. La taxe des pauvres n’y était portée, au commencement du siècle, qu’à quinze millions ; elle excède aujourd’hui soixante ; et les contribuables, luttant sanscesse contre son poids énorme, sentant l’impossibilité de la diminuer, se bornent aujourd’hui à chercher à l’empêcher de s’étendre davantage, sans oser espérer pouvoir s’opposer efficacement à son accroissement. Get exemple est une grande et importante leçon pour nous ; car, indépendamment des vices qu’elle nous présente, et d’une dépense monstrueuse, et d’un encouragement certain à la fainéantise, elle nous découvre la plaie politique de l’Angleterre, la plus dévorante, qu’il est également dangereux pour sa tranquillité et son bonheur de détruire et de laisser subsister. Nous trouvons même en France l’exemple de la cherté et du danger de cette taxe pour les pauvres. On sait que dans la ci-devant province de Flandre, les pauvres sont entretenus par leurs paroisses, et le mode de les adjuger par an au rabais, prouve que l’on veut mettre à profit l’esprit de charité des habitants de cette ancienne province, pour les nourrir à un plus bas prix. Gependant la taxe pour les maintenir, inégale dans toutes les paroisses, s’élève dans quelques-unes à 14 livres par arpent, et est encore indépendante des hôpitaux. Tous ces inconvénients, dont le comité a reconnu la réalité, lui fait rejeter toute idée, même éloignée, de taxes pour les pauvres, et avec elle, celle de charger les municipalités du soin particulier de leurs pauvres. Les inconvénients seraient les mêmes pour le système qui tendrait à mettre les pauvres à la charge des départements ; et il aurait de plus le vice, qu'il faut dans notre Constitution le plus soigneusement écarter, d’isoler les départements entre eux, et de les rendre indépendants d’un centre commun auquel on ne peut trop le3 ramener pour l’intérêt de tous. Aucuns de ces inconvénients, si funestes dans le système de mettre l’assistance des pauvres à la charge particulière des municipalités ou des départements, ne se trouvent dans celui qui fait de cette assistance une charge nationale. D�abord, point de taxe particulière pour l’imposition nécessaire à cette œuvre de devoir. Les revenus 39 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [31 janvier 1731.] qui y sont affectés, se confondant avec les autres revenus ou impositions de la nation. L’assistance de la classe infortunée est une charge de l’Etat, comme le payement des fonctionnaires publics, comme les irais du culte, comme toute autre Charge nationale. Le citoyen en acquittant ses impositions ne distingue pas plus la partie qui va soulager la pauvreté, que celle qui doit entretenir les routes ou payer l’armée; et le malheureux, mis ainsi sous la providence unique de l’Etat, échappe aux reproches, aux regrets de celui qui est exprès-sèment imposé pour le secourir, reçoit une assistance plus noble, plus généreuse, plus digne du respect qui est dû au malheur, et de la grandeur de la nation qui le secoure. Les sommes nécessaires à l’assistance publique, votées à l’Assemblée nationale sur le calcul des besoins, d’après des bases générales et certaines, ne peuvent recevoir d’accroissement par l’intrigue d’aucun ambitieux ; car ce ne serait plus pour sa municipalité et pour son département qu’il agirait, ce serait pour le royaume entier, dont toutes les parties recevraient une part de l’augmentation des seeours qu’il aurait provoquée. Ainsi cette augmentation n’aura lieu que sur la connaissance entière des besoins; ce qui sans doute est un grand avantage. Cette impossibilité d'augmenter ainsi, pour les vues particulières d’un intrigant, la taxe des pauvres, donnant même les moyens de diminuer la masse des secours sur la connaissance de la diminution des besoins, les tenant dans la juste proportion de la pauvreté, portera encore obstacle à l’accroissement de la fainéantise et des vices qui en résultent. Enfin, nul germe de procès par cet ordre de choses, nul obstacle à l’accroissement de l’iudustrie, du commerce, de la richesse publique, au niveau si nécessaire à établir dans le prix de la main-d’œuvre ; et cependant possibilité entière d’intéresser les départements à surveiller dans leur enceinte l’accroissement du nombre des pauvres, comme nous nous proposons de le démontrer. Ainsi le comité a pensé que l’expérience des peuples voisins, les réflexions les plus saines devaient le déterminer à proposer à l’Assemblée de décréter, que l’assistance des pauvres, dans les diverses circonstances de la vie où l’Etat leur doit assistance, devait être une charge nationale. Après avoir admis la vérité politique, incontestable pour nous , que l’assistance des pauvres doit être une charge nationale, il s’agit d’examiner quelle doit être la masse de cette charge, et quels sout les moyens d’y satisfaire. Nous avons développé dans le cinquième rapport, comment les divers renseignements que nous avions reçus, soit des pays étrangers, soit des diverses parties du royaume (1), nous avaient (1) La connaissance de la proportion du nombre des pauvres étant le premier but et le plus essentiel de ces lecherches, c’est d’elle que nous avons dù d’abord nous occuper. On trouve chez les différentes nations peu de connaissances acquises sur cette grande base politique; en Angleterre elle a été l’objet de différentes recherches; et quoiqu’elle y soit diversement évaluée, le vingtième est le terme moyen dont les différents calculs élémentaires la rapprochent plus ou moins. Le produit de la taxe des pauvres, pris à une époque assez récente, sur trois années consécutives (en 1783, 1784 et 1785) ayaut été évalué à une somme moyenne, ainsi que la dépense par individu, dans les différentes classes des pauvres, on a trouvé que la somme entière de la taxe indiquait environ 400,000 pauvres, qui, pour une population do portés à croire que la proportion des pauvres est, dans les temps ordinaires , du vingtième à peu près de la population totale ; et nous entendons ici par pauvres ceux qui, manquant absolument de ressources personnelles, ne pouvant pas s’en 7 à 8 millions d’habitants, en portait la proportion dans tout ce royaume, au vingtième ou vingt-cinquième de la population. Des listes particulières des pauvres, faites dans différentes villes, ont paru confirmer ce calcul général; le nombre des pauvres s’y trouvant dans la proportion du vingtième ae la population, et la dépense moyenne ou commune pour tous y étant exactement évaluée, il en résultait qu'en calculant de même le nombre des pauvres et leur dépense pour toute l’Angleterre, leur proportion devait répondre à celle indiquée par le montant de la taxe. Tels sont les résultats offerts par les listes des pauvres de Bristol et de Birmingham. En France, où cette proportion a été si diversement calculée par des écrivains qui l’ont portée du cinquième au centième et même au deux centième de la population, tout semble devoir faire croiro que c’est également au vingtième qu’elle doit être évaluée; des recherches faites, il y a quelques années, sur un certain nombre de feux dans le Soissonnais, paraissaient indiquer qu’elle devait être estimée environ au soixantième. Une observation curieuse, faite d’après des rapports constants et multipliés, ayant appris que, dans les villes, le nombre des pauvres libres et existant au dehors était à peu près égal à celui que renferment les hôpitaux généraux, on s’est assuré dans deux villes d’un ordre très différent, telles que Lille et Soissons, que ce nombre total de pauvres répond au vingtième de la population : à Paris cette remarque se trouve d’une justesse frappante. Un aperçu non moins curieux ayant porté à rechercher sur quelle mesure de besoins est établi le service des hôtels-Dieu, on a cru apercevoir, en calculant d’après ceux qui sont les plus anciens et les plus complets, qu’elle indiquait la même proportion des pauvres. Ainsi un résultat presque uniforme partout, faisant reconnaître que, sur un nombre d’individus, sur une classe d’hommes, sur une population déterminée, la proportion la plus habituelle de malades est d’un vingtième effectif; qu’elle peut s’élover pour le plus haut terme au dixième, on a trouvé que le service est établi, dans ces hôpitaux, d’après cette proportion d’un vingtième ou d’un dixième de malades, sur un nombre de pauvres qui répondrait au vingtième de la population, et qui même, dans les temps des plus grandes calamités, pourrait s’élover au dixième. Enfin des recherches faites dans quelques villes où se sont établis, avec le plus de succès, des bureaux de charité, ayant appris que sur les listes des pauvres, on ne trouvait inscrit aucun des citoyens à qui la Constitution accorda le droit de citoyens actifs, la proportion la plus habituelle des pauvres se trouve, par ce calcul, indiquée encore du dixième au vingtième. En effet, la proportion de citoyens actifs ayant été estimée, par le comité de Constitution, au sixième, et s’étant élovée même au cinquième dans plusieurs assemblées primaires, ce serait près de 200 individus par 1,000 qui déjà ne seraient pas à la charge des secours publics ; mais les citoyens assez aisés pour être considérés comme chefs de ménages, soit comme pères de famille, soit comme ayant des domestiques qu’ils fout subsister, étaut calculés comme représentants de 4 à 5 individus, que donne le nombre le plus constant des ménages ou des feux, il résulte encore que c’est dans la latilude du dixième au vingtième au plus, que se trouve le nombre de ceux qui peuvent être à la charge publique. Les renseignements que le comité s’est particulièrement procurés lui ont paru confirmer ces premiers aperçus; tels sont ceux qui lui sont parvenus du petit nombre des anciennes généralités, dont il a reçu des états des pauvres; tels sont encore les résultats de quelques recherches plus particulièrement faites, d’après ses vues, dans un des départements les plus voisins de la capitale, par un des associés externes à ses travaux, nommé commissaire à la formation des départements, et ceux des états qui ont été remplis, à son invitation, dans les divers districts et départements du royaume. 611 (Assemblé® nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |3l janvier 1791.) procurer suffisamment par le travail, réclament ! àvec nécessité l’assistance publique dans les temps de maladie, de vieillesse , d’infirmités ou dans les cas de calamités particulières; et comme le travail est le devoir de tous les hommes, comme l’assistance publique est une imposition Sur les revenus de l’Etat, nécessaire quand elle est bien placée, mais onéreuse pour celui qui la supporte, et pour l’intérêt public, quand celui qui la reçoit peut s’en passer, nous avons même calculé cette proportion avec la plus grande sévérité. Ce calcul, résultant de tous les renseignements fournis ou recueillis depuis plusieurs années* a été confirmé par les informations que nous avons reçues des départements, et qui exagérées pour la plupart, malgré les mesures que nous avions recommandées, avouent cependant toutes que la crise actuelle, où l’industrie est presque en totalité suspendue, double le nombre des pauvres, ce qui le porte du neuvième au dixième dans des temps ordinaires. Nous nous persuadons, Messieurs, que quand vous jetterez les yeux sur le tableau où nous avons réuni le résumé succinct des renseignements fournis par les départements, vous penserez que ces corps administratifs méritent des éloges et des remerciements, des soins utiles qu’ils ont donnés à ces recherches. Après avoir ainsi tenté de rapporter à une proportion générale le nombre le plus vraisemblablement existant en France d’individus à secourir, nous avons dû chercher à apprécier la nature de leurs besoins, et quelle dépense ils devaient occasionner. Ici la recherche devient plus embarrassante et plus compliquée. S’il n’existait dans le royaume qu'une seule classe de pauvres, ou si elles n’avaient toutes que les mêmes besoins, alors le problème étant simple, la solution en serait facile. En effet, en cherchant (ce qui n’offrirait pas de grandes diificultês) quelle devrait être la somme nécessaire pour la subsistance du pauvre, on aurait bientôt, par la connaissance du nombre des individus, celle du moulant de la dépense générale. Mais les choses n’en sont point à ce degré de simplicité; la dépense des pauvres varie sous un grand nombre ae rapports ; elle diffère à raison du sexe et de l’âge ; elle u’est pas la même pour les hommes et pour les femmes; elle l’est encore moins pour les enfants, et en Angleterre on n’a point méconnu ces utiles combinaisons. La somme des besoins varie encore plus sous d’autres rapports. Ainsi le pauvre valide, le pauvre dans la force de l’âge et de la vigueur, ne devant être secouru que par des moyeus de travail, et d’un travail productif, le genre d’assistance qui le concerne ne doit guère exiger, en santé, que de simples avances : le pauvre malade, au contraire, a droit à des secours complets, certains, assurés ; et les soins qu’entraîne l’état de maladie, ne pouvant être que dispendieux, ils seraient tes plus considérables de tous, si l’on n’observait pas qu’ils ne sont que momentanés. Il n’en est pas de même de ceux dus aux infirmes, aux enfants, aux vieillards, qui pour la durée doivent être fixes, permanents ou habituels, et dont la somme, considérée à raison de la dépense par jour, paraît devoir tenir le milieu entre celles des deux autres classes, évaluées de la même manière. Mais si la dépense varie à raison des différentes espèces de pauvres, ce n’est donc pas seulement à rechercher quel doit être le montant par individu pour chaque classe, qu’on doit se borner; il est évident qu’il faut encore connaître quelle est la proportion respective d’individus que contient chacune de ces classes, puisque le résultat défi titif, ou le total général de la dépense, doit varier, suivant que la classe qui exige la dépense la plus faible ou la plus forte dominera. C’est d’après ce principe que nous avons dû chercher à connaître quelles sont les proportions des pauvres pour chacune de leurs classes ou de leurs espèces, et nous avons encore appelé à cet égard les observations de l’expérience, qui nous faisant voir qu’une des lois éternelles et invariables de la nature, est l’uniformité de sa marche, nous prouve que, dans de grandes masses d’hommes égales, tous les événements, tous les accidents, toutes les chances se trouvent semblables ; et avec ce guide certain, nous avons trouvé que sur de grandes masses de pauvres, telles qu'eu présentent de grandes populations le nombre de ceux qu’on peut appeler valides, ou qui sont eu état de pourvoir, par le travail, à leur subsistance, paraît devoir être évalué au moins à la moitié. Cette masse prélevée, il reste en pauvres vraiment nécessiteux, et qui, exigeant, comme les enfants, les vieillards et les infirmes, des secours permanents et durables, peuvent être appelés des pauvres habituels, un nombre que l’expérience indique être la moitié, et parmi lesquels toutefois il s’en trouve encore une proportion quelconque en état de faire quelque travail, et de contribuer ainsi à une partie de la dépense qu’ils occasionnent. Toute masse de pauvres peut donc être considérée comme partagée en deux classes : une moitié de valides, qui, ne devant exiger que des secours momentanés, dans les temps de cessation de travail, peuvent être considérés comme des pauvres accidentels, et une moitié de pauvres habituels, les vieillards, les infirmes et les enfants ; mais les pauvres valides, qui, eu santé et avec des moyens de travail, peuvent paraître hors de l’état d’indigence, devant avoir des besoins, s’ils sont attaqués de maladies, et les pauvres habituels devenus malades, demandant alors un supplément de secours, il faut évaluer la proportion commune de pauvres malades sur les deux classes réunies, ou, ce qui est la même chose, sur la totalité du nombre des pauvres, et l’expérience la plus constante a appris qu’elle était du vingtième sur un nombre d’hommes déterminé. Il résulte de toutes ces données, que sur le nombre d’un million de pauvres, présumé eu France dans les temps ordinaires, il faut eu compter 500,000 au moins de valides; dès lors 500,000 de pauvres habituels, et 50,000 de malades sur la totalité des deux classes. Nous avons dit que cette première classe devant recevoir des moyens de travail, des lois protectrices de l’industrie et du commerce, les secours que devait leur fournir la société, devraient se borner à des ateliers formés dans les mortes saisons, à l’assistance donnée à leur famille, quand elle est trop nombreuse-, et il est d’autant plus juste de les borner ainsi, qu’il ne reste alors au pauvre valide d’autre application du salaire qu’il gagne, que celle à laquelle il peut suffire. Quant aux secours en maladie, une expérience très certaine et très connue ayant appris que, dans Paris même, le prix des journées de malades convenablement soignés, soit à domicile, soit dans des hospices, ne doit s’élever que de 17 à 18 sous; il n’est sans aucun doute que, dans la plupart des provinces, où tous les objets 612 (Assemblée national®.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 131 janvier 1791.] de consommation, la valeur des emplacements, les salaires des employés sont d’un prix beaucoup moindre, la journée du malade ne devra pas excéder 12 sous. De nombreux exemples appuient cette vérité, et nous avons ainsi évalué le prix commun dans toutes les parties du royaume à 15 sous, moyenne proportionnelle entre ces deux sommes réduites. L’estimation de la dépense pour chaque classe des pauvres habituels est moins simple et plus difficile à fixer. Cette classe comprend diverses espèces d’individus, pour lesquels la dépense doit varier ; selon que l’àge, le sexe et les infirmités plus ou moins grandes apportent quelque différence dans les soins qu’ils exigent; il faut donc chercher à déterminer quelle est la proportion d’individus dans chacune de ces classes. Ces différences respectives, portant sur des masses moins grandes et liées à des proportions plus fugitives, à des causes moins constantes, sont d’autant plus difficiles à saisir, que l’observation prête peu de secours à cet égard. Nous avons bien trouvé qu’en France, on évalue à 40,000 le nombre des enfants trouvés à secourir; mais ce nombre, dont rien ne confirme l’exacte vérité, est variable par mille circonstances différentes ; aucune recherche d’ailleurs, dans aucun pays du monde, ne nous a semblé avoir été faite pour déterminer la proportion des vieillards et infirmes dans la totalité de la masse des pauvres. Toutefois, les faits présentent quelques bases certaines dont nous avons cru devoir profiter. Ainsi on trouve que, dans une masse de pauvres, les enfants, occasionnant une dépense beaucoup moindre, forment une proportion beaucoup plus forte. Les femmes donnent, à un degré moins marqué, un semblable résultat. La dépense des individus de ces différentes classes, pris en commun, devant être estimée d’après une mesure moyenne, nous avons d’abord dû chercher, si, comme on l’évalue le plus ordinairement en Angleterre et dans la plupart des hôpitaux de France, elle devait surpasser une somme annuelle de 100 livres par individu, et nous avons reconnu, d'après les résultats d’un nombre considérable d’essais, faits daus diverses parties du royaume avec soin, intelligence et économie, qu’elle devait être évaluée fort au-dessous de cette somme : nous ne balançons pas même à croire, d’après la moindre dépense des enfants, et leur proportion plus forte dans la masse des pauvres, d’après le calcul qui nous porte à évaluer les quatre cinquièmes de cette quantité de pauvres dans les campagnes, et un cinquième seulement dans les villes, d’après la différence des prix dans les provinces et dans la capitale, dans les campagnes et dans les villes, que la dépense moyenne des pauvres doit être de 55 à 60 livres par individu, ce qui donnerait 40 livres à peu près par enfant, et 70 à 80 livres pour les vieux et infirmes. Cette évaluation est confirmée par les renseignements pris dans un grand nombre de villes, soit françaises, soit étrangères, Paris excepté, qui montrent que la dépense moyenne des pauvres n’y est estimée que de 72 à 80 livres, et qui nous ont appris même que c’était à cette somme que les projets de réforme faits en Angleterre, sur l’administration des pauvres, estimaient que devait être réduite la dépense de chacun dans les villes. Les mêmes considérations et la différence des prix pour les objets de nécessité première, de province à province, doivent nous faire penser que le prix moyen de 55 à 60 livres doit suffire pour les pauvres de la campagne, et nous sommes confirmés dans cette idée par les demandes d’un grand nombre de municipalités et de districts qui, répondant aux diverses questions que nous leur avions adressées, relatives à notre travail, sollicitaient, pour le soutien des familles dans l’indigence, des sommes beaucoup moins fortes. Quant aux dépenses relatives aux enfants, quoique les divers exemples que nous avons réunis, nous fassent voir que les secours annuels qu’ils reçoivent, ne sont nulle part au-dessous de 40 livres, nous avons lieu dépenser que le prix moyen comporte une évaluation moindre, parce que ces secours de 40 livres ne sont estimes que sur les dépenses des villes, et que d’ailleurs ils ont tous pour objet les enfants trouvés. Un enfant abandonné, en faveur duquel ni le sang, ni la nature n’intéressent aucun être, ne peut être considéré que comme une charge pour la famille qui le reçoit; alors tous les soins qui lui sont donnés doivent être payés en entier : mais au milieu de ses parents, au sein de ses proches, de moindres secours seront nécessaires; il ne s’agit que de remplacer ce que la famille ne peut absolument faire, ce qu’à regret elle ne peut donner. Quant aux soins, ceux de la tendresse maternelle ne voudraient pas être payés ; ce sentiment est plus fort que tous les malheurs, il n’est méconnu d’aucune classe, d’aucune position de la vie. L’absolu nécessaire en secours pour les enfants dans leur famille, est donc entièrement suffisant. Tel est, nous le répétons, l’avantage des secours à domicile. En aidant le malheur dans le sein des familles, tant de soins que l’intérêt calcule dans les hôpitaux ne sont point comptés par le sentiment. La bienfaisance, l’assistance particulière des voisins, des âmes sensibles et bonnes, qui forment aussi une famille, complètent les secours dont elles reconnaissent le besoin, et perfectionnent ainsi la bienfaisance publique. Telles sont les bases les moins incomplètes que le temps et le peu de progrès de l’économie politique parmi nous, nous ont permis de rassembler; nous les croyons suffisantes pour nous autoriser à proposer les calculs suivants de dépense. La proportion de malades que doit donner le nombre des pauvres dans le royaume, étant d’environ 50,000 habituellement, à raison de 12 à 15 sous, prix moyen de la journée, la dépense des médecins ou chirurgiens des pauvres comprise, ce qui donnerait 200 à 250 livres à peu près de dépense par malade, pour l’année, ce genre de secours peut être évalué à... 12,000,000 liv. La dépense en secours habituels, relatifs à l’entretien des enfants, infirmes et vieillards, étant fixée de 50 à 60 livres, pour mesure commune, à raison de 500,000 pauvres ou individus de cette classe, c’est .............. 27,500,000 Les secours pour le travail des valides ou les ateliers publics, à 60,000 livres par département, montent à une somme d’environ. 5,000,000 La dépense pour la répression des mendiants, les maisons de force ou de correction, n’ayant jamais excédé, dans les derniers temps, 1,500,000 livres, et à rai-A reporter 44,500,000 liv. [Assemblée nationale.) 613 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 janvier 1791.) Report ..... 44,500.000 iiv. son des mesures qui seront prises par l’Assemblée, cette dépense ne devant pas exiger une grande augmentation, nous avons pensé qu’avec celles que la transportation pourra exiger, elle ne devra pas excéder ................... 3,000,000 Enfin les fonds à faire pour la caisse de réserve et pour les frais d’administration, nous ont paru pouvoir être évalués à ......... 4,000,000 Total ............. 51,500,000 iiv. On a donc de dépense totale 50 à 52 millions, et nous prenons pour base la première somme. A quelque évaluation que se fût portée la dé-ense nécessaire au soulagement des pauvres et l’assistance que leur doit une Constitution sage, fondée sur les bases de la justice et de l’humanité, nous n’aurions pas craint de vous la proposer; nous n’aurions pas redouté qu’il s’élevât dans l’Assemblée une seule voix qui prononçât qu’il fallait retrancher un seul denier indispensable aux secours dus à l'humanité malheureuse et souffrante, à ceux que la bienfaisance publique ordonne et dont elle pose les bornes; nous n’aurions pas craint d’avoir à rappeler à qui que ce soit de cette Assemblée, qu’elle avait, par un accord unanime, par un élan commun de bienveillance et de justice, pris l’engagement solennel de secourir l’indigence, de la soutenir, de la consoler dans ses malheurs. La nature, la morale, l’intérêt public, la philosophie enfin, qui donne à toutes les idées et à tous les sentiments la justesse et l’énergie, ont trop profondément gravé ce devoir dans nos cœurs, pour qu’il puisse être méconnu de nous, et pour que son exécution n’en soit facilitée de tous nos moyens. Nous devons redouter davantage que, comparant cette somme avec celle que supporte, chez nos voisins, la taxe des pauvres avec la masse des besoins de la classe malheureuse de nos concitoyens, vous ne trouveriez trop faible la dépense que nous vous proposons de décréter, et c’est sur ce point important que les calculs que nous vous avons soumis, que les preuves dont nous les avons appuyés, doivent rassurer votre inquiétude. Nous avons même lieu de craindre que les états sur lesquels nous avons établi celte dépense, plus forte sans doute que dans aucun autre temps, ne nous aient portés à une évalua-luation trop élevée, quoique nous ayons cherché à les estimer ce qu’ils devraient être dans les circonstances ordinaires. Les dépenses de la répression et de la transportation, entre autres, que nous avons évaluées à une somme annuelle de 3 millions, doivent en très peu de temps être réduites presque à rien, si un travail bien entendu est établi dans les maisons de répression; et si le lieu de fa transportation est assez bien choisi pour vous donner lieu d’espérer que le produit de votre colonie couvrirait vos frais et d’établissement et d’entretien. Mais nous avons pensé qu’il était préférable dans Je commencement de l’établissement de ces secours publics, de ne pas courir le risque de la nécessité d’une augmentation de fonds; nous avons cru que les bornes de leur accroissement seraient plus difficiles à poser que celles de leur diminution, et nous avons vu, dans cette précaution, l’intérêt de l’Etat, composé de l’intérêt de tous et particulièrement de l’intérêt des malheureux, dont la classe s’augmenterait par la certitude d’une augmentation de secours; et c’est cette raison particulière qui nous a portés à ne pas comprendre dans l’état des dépenses fixes que nous vous proposons, les secours additionnels que la circonstance de la Révolution nécessite et nécessitera peut-être quelques années encore; mais qui n’étant que momentanés, doivent être présentés comme variables, et qui, mis dans l’état ordinaire, s’en tireraient peut-être avec difficulté. Vous y avez pourvu par votre décret du 16 décembre. Votre comité est donc persuadé que la somme de 50 millions qu’il vous propose d’attribuer au soulagement de la classe indigente, administrée avec la sagesse, l’économie que vous avez droit d’attendre, et la surveillance publique qui la rendra certaine, suffira à ses besoins et à vos devoirs. Mais quoique cette dépense devienne une dépense de l’Etat ; quoique encore une fois elle doive être faite des deniers du peuple, puisqu’elle sert évidemment l’intérêt public, le comité doit vous déclarer qu’indépendamment de la partie des biens ecclésiastiques, dite depuis longtemps de voir appartenir aux pauvres, un assez grand nombre de biens donnés aux pauvres, ou pour aumônes, ou pour hôpitaux, ou pour infirmeries destinées à la guérison de quelques maladies secrètes, ont successivement, et sous mille prétextes différents, été soustraits à l’intention qui les avait fondés, et ont passé, ou comme bénéfices simples ou comme dotations de moines, dans les revenus ecclésiastiques ; ils sont devenus les revenus de l’Etat, aussi ils sont véritablement le bien propre des pauvres. Nous en avons acquis la connaissance de l’examen des déclarations des biens du clergé, envoyées au comité ecclésiastique; et comme le plus grand nombre n’entre dans aucun détail sur l’origine et l’historique de ces biens, nous sommes fundés à croire que ce que nous avons pu recueillir de fondations ayant les pauvres pour objet, ne forme qu’une très petite partie des réclamations à faire en leur faveur; et d’après cette autorité nous mettons à ce rang : 1° Les offices claustraux des différents monastères d’hommes, connus sous le nom d 'infirmeries, aumônevies et hôpitaleries . Le revenu de ces offices, districts et séparés de la mense commune, était administré par un membre de la communauté, chargé à la fois d’en diriger l’emploi. Ces religieux appelés du nom de leurs offices, aumôniers , infirmiers , hospitaliers , devaient, ainsi que chacun de ces titres l’indique, distribuer les aumônes, soigner les malades, donner l’hospitalité aux pauvres passants. Chaque couvent de bénédictins avait un office ne cette espèce, qui s’appelait la part des pauvres. Ils étaient dotés en proportion de la richesse du monastère; plusieurs s’élevaient à 10 et 12,000 1. de revenu. La réunion de ces offices produirait des sommes considérables, en y comprenant surtout ceux appartenant à des monastères érigés en chapitres séculiers, ou unis à des évêchés, pour en former ou accroître la dotation. 2° Les maisons qui ayant pour objet de leur fondation le service et le soulagement des indigents, se sont écartées des devoirs attachés à leur institution ; tels sont l’abbaye féminine d’Essay, au département de l’Orne, à laquelle un duc d'Alençon, l’un de ses bienfaiteurs, imposa l’obligation d’exercer l’hospitalité envers les pauvres et de les soigner dans leurs maladies ; le 614 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 janvier 1791.) prieuré de Saint-Lazare de la Ferté-Milon, qui dans le principe ('tait un hôpital pour les lépreux ; le prieuré de l’hôtel-Dieu de Rouen, don' les propriétés, faisant encore, dans le siècle précédent, partie de celles de lHôtel-Dieu même, sont depuis devenues la dotation des pauvres. Cet exemple a été suivi pour beaucoup de biens de cette nature, et entre autres pour l’abbaye de Yernon. 3° Plusieurs ordres monacaux hospitaliers, que leur règle soumettait au service des indigents, tant en maladie qu’en santé ; par exemple, l’ordre des religieux de Saint-Antoine, supprimé il y a quelques années. On trouve qu’un de ces monastères situés à Saint-Marcellin, au département de l’Isère, fondé spécialement pour les malades attaqués du mal Saint-Antoine, a été uni au couvent d’hospitalières de Malte, également fondé pour le service des hôpitaux, et le revenu de ces deux maisons monte au moins à 72,000 livres. Tels sont encore les religieux hospitaliers de Saint-Augustin. La Domerie d’Aubrac, qui fait partie de cet ordre, était tenu de donner l’aumône et l’hospitalité à tous les malheureux qui se présentaient, et d’avoir des salles pour y vaquer au soin des malades ; ses revenus vont à 150,000 livres : le cardinal Mazarin dans sa toute-puissance, en a fait un bénéfice à son profit, malgré toutes les réclamations et les procès qui eurent lieu alors contre cette usurpation. 4° Les communautés d’ursulines et de la congrégation de Notre-Dame. On a vu que toutes ces maisons ont été instituées pour éduquer les enfants des pauvres et leur apprendre à travailler. 5° Les aumônes ou rentes éléémosinaires, imposées à tous les bénéficiers et communautés ecclésiastiques. Il était impossible de recueillir exactement toutes ces fondations, parce qu’une très grande partie des déclarants n’en fait point mention ; mais elles tenaient ordinairement à la perception de la dîme, et tout décimateur était obligé d’en donner une partie pour les indigents des lieux où se faisait la perception.il serait plus facile d’apprécier le montant de ces redevances, si ce qui se pratiquait dans la ci-devant province du Dauphiné avait eu lieu dans tout le royaume. Là, le décimateur devait donner le 24e de sa dîme, pour être employé en secours. En portant cette branche des revenus ecclésiastiques à 120 millions, ce qui n’est pas exagéré, la part des indigents monterait à 5 millions. Les objets dont on vient de faire l’énumération, formeraient une somme de plus de 10 millions de revenus, s’ils étaient portés à leur valeur. Nous devons compter aussi au rang des biens appartenant sans contestation aux pauvres, ceux des ordres hospitaliers. Une partie de ces biens a été reunie à l’ordre d - Saint-Lazare, mais beaucoup ont été aliénés, et le plus grand nombre est devenu biens ecclésiastiques. Tels sont les ordres du Saint-Esprit, de Montpellier, de Saiut-Jacques-de-l’Epée et de Lucques, du Saint-Sépulcre, de Sainte-Christine deSomport, de Notre-Dame, dite Teutonique, de Saint-Louis-de-Bou-cheraumont. Nous ne pouvons évaluer ces biens, dont nous ne connaissons même ni l’état ni l’emplacement; mais nous nous croyons fondés à observer que leur revenu, bien véritablement patrimoine des pauvres, excéderait de beaucoup la somme nécessaire à leur entretien, et qu’un gouvernement sage doit proportionner aux vrais besoins, sans perdre un instant de vue le bien de i’Etat, la prospérité de l’industrie et la sagesse des mœurs qui sont offensés par les secours donnés outre mesure. Vous mettrez sans doute encore au nombre de vos ressources les fonds jusqu’ici consacrés par le gouvernement au soulagement des hôpitaux et à la répression de la mendicité, qui sont sur l’état de dépense de cette année. Quant à la manière de répartir les 50 millions, vous vous rappelez, Messieurs, que dans un rapport qui vous a été lu, le comité de mendicité proposait de mettre en masse commune tous le biens aujourd'hui existants d’hôpitaux de fonds de charité d'aumônes fondées, et de les répartir dans tous les départements, d’après des bases communes. Ce système parut effrayer une partie de l’Assemblée ; elle sembla craindre que les villes possédant actuellement des hôpitaux, ne vissent, dans l’exécution de ce projet, une apparence de spoliation dont le remplacement leur paraîtrait incertain; que la méfiance, que l’inquiétude résultant de cette opinion n’entretînt du trouble et ne provoquât des malheurs; et quoiqu’un grand nombre de départements nous aient témoigné le désir de voir réaliser Je projet que nous vous avons soumis, quoique nous persistions à penser que ce plan était évidemment le plus juste, le plus simple, le plus conforme à la nature de notre gou-; vernement, nous avons dû renoncer à l’exécution actuelle d’un système qui, ayant la plus utile bienfaisance pour objet, donnerait quelques inquiétudes; et nous avons dù vous en proposer un qui, plus analogue aux circonstances et à la disposition générale des esprits, mais moins complet, conserverait cependant les principes, dont nous croyons que vous ne devrez pas vous départir. Ce système consiste, en conservant les mêmes bases de répartition des secours, à laisser aux hôpitaux et charités aujourd’hui existants, l’intégralité de leu rs revenus actuels, telsqu’ils résultent de lous les décrets rendus précédemment, et portant suppression de dîmes, octrois, etc. et à compter aux villes où sont placés ces hôpitaux, les revenus dans la part que la répartition générale leur assigne, de manière que là où il y aura revenu excédant la proportion voulue par la répartition générale, le revenu total sera conservé à la charge d’acquitter les dettes, s’il en existe; et que là où il y aura revenu moindre , il y aura addition de secours jusqu’à la somme indiquée par la répartition générale, et la nation se chargera des dettes. De cette manière (aucune inquiétude des villes, puisque les revenus sont conservés, même provisoirementdansleur nature ; et cependant distribution proportionnellement égale et exempte de tout arbitraire. Nous devons à présent vous rappeler les bases que nous croyons toujours devoir servir aux secours que l’Assemblée nationale doit répandre dans les divers départements, et ces bases sont encore données par la Constitution. Ainsi la population, la contribution et l’étendue, qui servent déjà de base à la représentation de chaque département, en serviront encore pour l’assistance à laquelle ils doivent prétendre de la nation; en donnant à cette base pour premier élément la proportion des citoyens actifs avec la population de chaque departement, elle réunira toute l’équité et toute la perfection dont elle est susceptible. En effet, on ne peut nier que le département qui, toutes circonstances égales d’ailleurs, renferme une plus grande proportion de citoyens actifs, est celui dans lequel les secours doivent porter sur un moins grand [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 janvier 1791.] 618 nombre d’individus. On ne peut nier encore, cette considération étant toujours la première, qu’entre deux départements d’une étendue pareille et d’une égale population celui qui versera dans le Trésor public moins de contributions, sera dans une moins bonne situation de richesses; que celui-là aura moins de besoins, qui, avec plus de contributions , sera d’une étendue moins grande et renfermera une plus petite population; que celui qui, avec plus d’étendue, plus de population, fournira moins de contributions, aura plus besoin de secours; qu’enfin celui-là sera le plus riche de tous, qui aura moins de population, payera plus de contributions dans une moindre étendue; bien entendu toutefois que chaque département payera l’impôt dans la même proportion de ses richesses. Cette mesure équitable de la richesse et de la pauvreté le sera encore de tous les besoins qu’il faut assister; car, à quelques légères différences près, tenant à des causes particulières, qu’il est facile de connaître, la même masse d’hommes indigents amène la même quantité d’enfants à secourir, de malades à traiter, de vieillards et d’inlirmes à assister, de fainéants et de mendiants à réprimer. Mais, quelque équitable que soit la base qui fixe la proportion de la distribution des secours dans tous les départements, il a paru à votre comité que, si des sommes pareilles acquittaient les mêmes proportions de secours entre deux départements, où le prix de la-subsistance serait différent, l’égalité de proportion dans les secours serait rompue. Eu effet, il est évident qu’un département où les denrées premières seraient d’un quart moins chères que dans un autre, dont la part des secours résultant des bases constitutionnelles serait la même, recevrait, en recevant la même somme, le moyen de répandre plus de secours. Yotre comité a donc pensé que le prix commun de la journée de travail, dans le département, devait être la mesure qui fixerait les sommes par lesquelles la proportion de secours due à chacun d’eux serait acquittée et, par une conséquence nécessaire, celle qui les fixerait entre les diverses parties de chaque département. On objectera peut-être qu’il existe dans les moyens proposés, même par le plan du comité, des dépenses qui ne peuvent varier à un certain point, telles que le traitement des chirurgiens, l’achat des drogues, etc., ou qu’au moins leur variation ne peut suivre exactement le prix de la journée de travail, mesure généralement juste du prix des denrées de nécessité première. Nous répondrons que nous parons à cette difficulté en ne proposant pas de prendre cette mesure dans l’exacte rigueur et dans tous ses détails. Ainsi, en prenant pour prix le plus cher de la journée d’ouvriers le prix de 20 sous, et pour prix le plus bas celui de 16 sous, rapportant à la première mesure toutes les journées au-dessus de 16 sous, et à la seconde toutes celles au-dessous, il est évident que chaque département aura, dans l’évaluation des sommes qui acquitteront les secours auxquels il doit prétendre, une latitude avantageuse et qui suppléera suffisamment à la partie de ses dépenses, qui ne suit pas la mesure de la journée d'ouvriers. Mais en convenant de la vérité et de l’équité de ces principes, on dira peut-être encore qu’ils sont d’une exécution si compliquée, si difficile, que les départements ne pourront jamais les appliquer. Cette objection n’a pas de solidité, si l’on réfléchit que cette répartition sera faite par la législature, sur la connaissance certaine qu’elle aura de tous les éléments qui devront la diriger; et comme ces éléments seront les mêmes qui, réunis ou séparés, serviront à beaucoup d’autres calculs de l’administration, et dans ses points le* plus importants, il n’est point à craindre que la négligence ou l’intérêt les présente inexacts. Le travail des départements se réduira donc à la simple opération entre les districts, que la législature aura faite entre tous les départements, et elle ne sera ni embarrassée, ni sujette à erreur. La première partie des fonds de secours destinés aux départements aura pour objet l’assistance des malades, des enfants, des vieillards, des infirmes, la répression des mendiants, et serait augmentée du produit du travail qu’il serait possible d’exiger de ces classes différentes d’hommes à secourir. La seconde, dont l’objet serait de secourir des pauvres valides dans les saisons où ils souffrent davantage, aurait pour but particulier de donner du travail. C’est cette partie à laquelle il a paru que les départements devaient contribuer dans une proportion quelconque, afin que l’intérêt de chacun d’eux, et de chacune de leurs parties, contînt les demandes dans leur juste mesure et ne mît pas bientôt à la charge de la nation un grand nombre de familles et d’homme8 qui n’ont pas besoin d’être secourus. Quelque sévère que puisse paraître à quelques personnes cette nécessité imposée aux départe-* ments, districts et municipalités, de contribuer aux secours qu’ils requièrent pour leurs familles indigentes, il n’est pas douteux que l’extension indéfinie de secours, qui résulterait nécessairement de l’assistance gratuite et facile accordée A toutes les demandes, est le plus grand mal à éviter ; qu’il ne peut s’éviter autrement qu’en intéressant les départements par une part de contri bution pour les secourir au delà du nécessaire reconnu et ordinaire ; qu’enfin les départements qui seront par là déchargés de la part de l’impôt qui faisait Je fonds des ateliers de charité et du moins imposé, n’en recevront pas une surcharge qui puisse les appauvrir , quand surtout cette part à l’augmentation de secours sera destinée à faire des ouvrages utiles aux cantons, aux districts, aux départements. U semble alors que ce système de répartition répond à toutes les objections qui pourraient être faites d’une abondance trop grande ou d’une trop grande parcimonie de secours. D’ailleurs, c’est ici le cas de rappeler qu’un fonds de réserve restera dans une caisse commune pour secourir les malheurs accidentels, tels que les dégâts causés ou par un incendie, ou par l’intempérie des saisons, et que ces fonds distribués aux vrais malheurs le seront gratuitement et sans part de contribution. Pour terminer l’ensemble des principes généraux qui doivent guider l’administration des secours, il ne s’agit plus que d’indiquer quelles règles doivent être suivies pour l’admission sur le rôle des secours. 11 ne faut pas oublier que nous avons admis pour principe incontestable que les pauvres valides doivent être seulement aidés par les moyens de travail, et que les distributions gratuites, soit d’argent, soit de nourriture, devaient être abolies. Les pauvres valides ne sont donc autre chose que des journaliers sans propriétés. Ouvrez des travaux, ouvrez des ateliers, facilitez pour la main-d’œuvre les débouchés de la vente; ceux qui, avec le besoin du travail, ne profiteront pas de ces facilités, ne reconnaissent pas apparemment ce besoin : s’ils mendient, ils seront réprimés; s’ils ne mendieût pas, ils trou- 616 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 janvier 1791.] veront, sans doute, ailleurs des moyens de vivre, et c’est bien ce que doit désirer l’administration; elle doit encourager dans cette vue, et par tous les moyens si puissants sur cette nation, d’honneur et d’éloges publics, les hommes qui feront travailler à leurs propres frais le plus grand nombre d’ouvriers; car celui-là est vraiment, et sous plusieurs rapports, le plus utile à la patrie. Mais les hommes capables de travailler n’auront droit aux secours qu’en maladie et dans leur vieillesse; encore il semble que comme les mœurs publiques et l’économie nationale sont également intéressées à exciter l’homme dans toutes les classes à prévoir l’avenir, et préparer le moyen qui peut le dispenser de recourir à l’assistance de la société : il appartient au gou-Yernement d’exciter ces sentiments généreux et utiles. Tout homme ne payant pas pour sa contribution la valeur d’une journée d’ouvrier, a paru à votre comité devoir être mis sur le rôle des secours. Cette mesure semble être la plus juste; elle est d’ailleurs d’autant plus certaine, que tous les contribuables d’une commune ayant intérêt à porter l’imposition de chacun à sa valeur, il n'est pas à craindre que le rôle des secours soit porté au delà de ce qu’il doit être. Quelques précautions doivent en assurer l’exécution exacte, et la préserver des abus; nous croyons les avoir indiquées dans le décret. Un autre rôle comprendrait ceux qui ne payant, pour contribution, que 2 ou 3 journées d’ouvriers, touchent à l’indigence absolue, et peuvent y être réduits, au moins accidentellement, et par diverses circonstances. Ceux-là ne devront pas être habituellement secourus, mais des accidents imprévus, un grand nombre d’enfants, de longues maladies, leur donneraient droit à des secours. Les règles précises de cette assistance sont plus faciles à sentir qu’à expliquer positivement, dans tous les cas qu’elles peuvent embrasser. Elles seront sûrement connues et suivies par la justice et l’expérience des administrateurs auxquels l’exécution appartient. L’assistance des malheureux étant une partie essentielle de notre Constitution, l’administration qui dispose des fonds qui lui sont attribués, qui répartit et qui distribue ces secours, doit être conduite d’après les mêmes principes, par les mêmes moyens qui administrent toutes les autres branches de cette Constitution. La Constitution doit être une, si quelqu’une de ses parties pouvait s’en détacher sans nuire à l’ensemble, cet ensemble serait imparfait. Toute l’administration étant sous la direction des assemblées de département et de district, l’administration des secours doit donc avoir la même marche. Mais comme cette importante administration, très variée dans ses branches, exige des soins, une activité, une surveillance continuelle et que les assemblées administratives, surchargées d’affaires de toute espèce, manqueraient de temps pour se livrer à ces détails avec suite, nous avons pensé que cette administration nécessitait une agence particulière, qui, dépendant du grand corps administratif, porterait une attention de tous les moments sur ces détails. Cette agence serait placée auprès des départements; elle serait composée de 4 citoyens choisis par le directoire, et formerait le conseil et le moyen des départements dans cette branche d’administration. Indépendamment de cette agence, le directoire nommerait 4 citoyens, chargés de surveiller l’administration de chaque maison de secours, d’en régler les détails, d’en vérifier les comptes ; cette surveillance confiée à des citoyens domiciliés des lieux et cautons où seraient établis ces secours, pourrait être déléguée aux municipalités, si le directoire le jugeait convenable. Telle est l’idée que s’est faite le comité de cette grande administration qui, conduite d’après les lois générales prononcées par le Corps législatif, ou par des lois particulières approuvées par lui, et faisant partie de l’administration générale du royaume, devrait être, comme toutes les autres, supérieurement inspectée par le roi en sa qualité de chef du pouvoir exécutif, afin que, chargé de leur exécution, il puisse les rendre conformes aux lois, en rappeler toutes les branches à un centre commun de surveillance, et maintenir dans ce rapport d’exécution, comme dans tous les autres, l’unité et l’ensemble de la monarchie. C’est encore dans ces vues que nous vous proposons de composer l’administration centrale des secours de 4 commissaires nommés par le roi, qui réunis pendant la durée ordinaire des sessions du Corps législatif, seraient le conseil du ministre de l’intérieur pour la partie des secours et donneraient à l’Assemblée toutes les instructions de détail qu’elle jugerait lui être nécessaires. Le bien que le comité se propose de l’emploi de ces commissaires est: l°Les lumières à répandre dans les départements pour cette branche d’administration extrêmement importante et extrêmement inconnue dans les principes qui doiveut désormais la diriger; 2° l’unité à maintenir dans cette administration, qui ne peut avoir lieu que par l’inspection positive des moyens et des résultats. Cette administration centrale, que l’Assemblée nationale a jugée nécessaire dans presque toutes les parties du gouvernement, est indispensable dans une partie où des connaissances multipliées, profondes, et hors de la mesure commune, sont nécessaires pour en diriger l’ensemble. Enfin l’Assemblée jugera peut-être qu’en attendant que le véritable revenu des hôpitaux soit connu, et que les départements aient fait parvenir à la législature prochaine l’état des biens des ordres hospitaliers des pèlerins, des aumôneries, etc., la caisse de l’extraordinaire devra faire, pour l’année 1792, les fonds nécessaires pour ajoutera ce qui est connu des revenus destinés au soulagement de la classe indigente. Les membres du comité de mendicité : Signé : Prieur, Liancourt, Bonnefoy, Massieu, évêque du département de l'Oise, Decrêtot. TABLEAUX. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 janvier 1791.] 6] 7 N° 1. Tableau des revenus dont jouissaient , en 1764, 957 hôpitaux connus à cette époque , dressé — sur les états qui furent alors fournis au gouvernement. * Nota. — Ce* trente hôpitaux n’ont pn être classés, parce qu’ils ont été présentés sous des noms de fondateurs ou sous des vocables de saints. Les membres du comité de mendicité : Prieur, Liancourt, Bonnepoy, Massieu, éy. du départ, de l’Oise, DecrItot. 618 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [SI ]anvierl79l.[ N° 2. Tableau contenant les revenus des hôpitaux et fonds de charité , ainsi que le montant de$ — — pertes qu'ils éprouvent par la suppression de leurs droits et privilèges, dressé sur les états et mémoires fournis par les différents corps administratifs au comité de mendicité en 1791. hes membres du comité de mendicité : P R fin»; Liancourt; Bonheyoy; Massiïu, évêque du département de l’Oise; Dechêtot, État de proportion de la population et autres bases d'après les résultats fournis par les départements, N» 3 Les membres du comité de mendicité. Signé: Prieur; Liancourt; Lonnefoy ; Ha&sieu, évêque du département de l’Oise; Dkcrütot 06 H*