[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [22 août 1791.] 629 core un homme pour des rixes et des petits délits de police correctionnelle; c’est le premier degré qui précède l’état d’arrestatiou. Nous avons donc distingué trois cas : la saisie, la mise en état d’arrestation et la détention. Voici notre premier article : De la liberté individuelle. « Art. 1er. Nul homme ne peut être saisi que pour être conduit devant l’officier de police, et nul ne peut être mis en état d’arrestation ou détenu qu’en vertu d’un mandat des officiers de police, d’une ordonnance de prise de corps d’un tribunal, ou d’un jugement de condamnation à prison, ou détention correctionnelle. » M. Guillaume. J’ai demandé la parole pour proposer une légère addition. Vous savez, Messieurs, qu’en madère de crime de lèse-nadon et de responsabilité des ministres, le Corps législatif fait fonctions de juré; vous savez encore que le décret du Corps législatif, portant qu’il y a lieu à accusation, vaut un décret de prise de corps. Je demanderai donc que, dans la nomenclature des actes en vertu desquels un citoyen peut être arrêté, soit compris le décret du Corps législatif, portant qu’il y a lieu à accusation, soiten matière de crime de lèse-nation, soit en matière de responsabilité des ministres. M. Thouret, rapporteur. Je ne mets pas d’opposition, dans les cas où le Corps législatif est autorisé à le rendre: cela est juste. M. Moreau {de Tours). Je crois qu’il est nécessaire de sauver sans aucune réserve la contrainte par corps en matière civile ; car dire qu’on ne peut être arrêté que dans les cas exprimés dans l’article, c’est bien dire que, pour tout autre cas, on ne pourra être arrêté. Ainsi la contrainte par corps, résultant d’un acte civil, ne pourrait être exécutée. M. Thouret, rapporteur. L’article ne change rien à cet objet. L’Assemblée sentira d’ailleurs que nous avons déjà rencontré la difficulté de rendre constitutionnelle la contrainte par corps au civil; c’est cette difficulté qui a fait supprimer, d’un décret de complément du Gorps législatif, une disposition qui maintenait cette contrainte. Cependant, il y a un moyen de calmer les inquiétudes du préopinant, c’estde faire mention dans le procès-verbal que l'article ne change rien à la contrainte par corps au civil tant qu’elle subsistera. M. Moreau {de Tours). Votre procès-verbal ne fait pas loi. {Rires et exclamations.) (L’Assemblée, consultée, adopte la motion de M. Thouret.) M. Thouret, rapporteur. Voici, avec l’amendement de M. Guillaume, la rédaction de l’article premier : Art. 1er. « Nul homme ne peut être saisi que pour être conduit devant l’officier de police, et nul ne peut être mis en arrestation ou détenu qu’en vertu d’un décret d’accusation du Gorps législatif, d’un mandat des officiers de police, d’une ordonnance de prise de corps d’un tribunal, ou d’un jugement de condamnation à prison ou détention correctionnelle. » {Adopté.) Art. 2. « Tout homme saisi et conduit devant l’officier de police sera examiné sur-le-champ, ou au plus tard dans les 24 heures. « S’il résulte de l’examen qu’il n’y a aucun sujet d’inculpation contre lui, il sera remis aussitôt en liberté ; ou, s’il y a lieu de l’envoyer à la maison d’arrêt, il y sera conduit dans le plus bref délai, qui, en aucun cas, ne pourra excéder 3 jours. » M. Guillaume. Je voudrais vous proposer deux observations. La première porte sur le mot « examiné » ; il me semble que le mot « interrogé » serait mieux et aurait plus de sens ; on ne dit pas examiner un homme, mais l’interroger. Ma seconde observation porte sur la fin du second alinéa : je ne conçois pas ce que deviendra un homme conduit devant l’officier de police et qui ne sera envoyé à la maison d’arrêt qu’au bout de 3 jours. M. Thouret, rapporteur. Je réponds d’abord que l’expression « examiné », qui est dans l’article, est l’expression que vous avez décrétée. L'expression « interrogé » ne pourrait pas convenir là, quand même vous l’auriez adoptée pour la procédure criminelle ; parce qu’il ne s’agit ici que des faits de police correctionnelle, qui n’emportent pas l’interrogatoire. Je réponds ensuite que le délai de 3 jours qui est donné là est nécessaire constitutionnellement pour le maximum' du délai, dans les cas extraordinaires où l’on a besoin de ce délai pour remplir le principe constitutionnel que vous établissez. 11 ne faut pas voir simplement le cas de la saisie dans les villes ; il faut voir aussi le cas dans les districts : le saisi peut être conduit devant un juge de paix, devant un officier de gendarmerie nationale, distant de 5 à 6 lieues de l’endroit ou siège l’officier de police.' L’article porte : « Il y sera conduit dans le plus bref délai. » En sorte que la Constitution fait une nécessité de renvoyer l’homme aussitôt qu’il pourra être renvoyé, et fixe comme maximum possible que le délai ne pourra jamais excéder 3 jours. M. Pison du Galand. Je jtrouve quelque inconvénient à stipuler dans la première partie de l’article que tout homme arrêté sera examiné au plus tard dans les 24 heures ; je proposerai d’y substituer cette expression : « sera incessamment examiné ». M. Thouret, rapporteur. Avec une semblable disposition, il peut se présenter certains cas où la loi ne pourrait pas être exécutée, dans le cas, par exemple, où le juge de paix ou l’officier de police, chargés d’interroger, se trouveraient absents. Votre loi sera incomplète si, à côté de la stipulation que le détenu sera examiné sur-le-champ, vous ne prévoyez pas de cas d’exception. M. Fréteau-Saint-Jnst. J’admets le délai de 24 heures proposé pour faire examiner un citoyen arrêté, mais je demande que ce délai ne puisse être légitimé que par l’absence seule du juge du lieu de la résidence. Je demanderai, d’un autre côté, le retranchement des mots : * qui, en aucun cas, ne pourra 630 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [22 août 1791.] excéder 3 jours », qui finissent le deuxième paragraphe de l'article. Cette disposition aurait été fort sage dans l’ancien ordre de choses; comme le ressort du parlement était fort étendu, il est simple que l’on donnât 3 jours pour transporter un accusé du lieu de son arrestation dans la prison du tribunal. Mais j’observe que c’est laisser beaucoup à l’arbitraire, c’est prolonger une charte privée indéfiniment, que le délai de 3 jours accordé à la prison d’un district qui ne peut jamais en être à une demi-journée de distance. {Murmures.) (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur les amendements et adopte l’article 2.) Art. 3. « Nul homme arrêté ne pourra être retenu s?il donne caution suffisante, dans tous les cas où la loi permet de rester libre sous cautionnement. » M. Guillaume. Je crois que cet article a de grands inconvénients. Un homme détenu peut avoir des affaires étrangères à celle pour laquelle il est détenu, et alors dans ce cas la détention nuirait à un tiers, ce qui n’est pas certainement votre intention.. (L’article 3 est mis aux voix et adopté.) Art. 4. « Nul homme, dans les cas où la détention est autorisée par la loi, ne peut être conduit et détenu que dans les lieux légalement et publiquement désignés pour servir de maison d’arrêt, de maison de justice ou de prison. » {Adopté.) M. Thouret, rapporteur, donne lecture de l’article 5, ainsi conçu : « Du moment qu’un homme sera arrêté, il est défendu à qui que ce soit de rien imprimer et publier contre lui ; la loi doit établir contre les contrevenants une punition infamante. » M. Guillaume. Un homme détenu a la liberté lui-même d’écrire et d’imprimer contre son accusateur. Il peut le taxer de calomnies, et certes votre intention n’est pas encore que son accusateur ne puisse pas repousser les calomnies publiées. Je pense qu’il faut retrancher cet article. M. Fanjuinais. Si vous adoptez cet article , vous ouvrez au détenu lé plus vaste champ à la calomnie. 11 peut attaquer l’honneur de tous les citoyens de l’Empire, le plus iniquement, pendant le temps de sa détention. D’ailleurs, cet article là ne sera jamais observé. L’amour-proprp blessé dans ce qu’il a de plus cher, l’honneur offensé, ne se contiendra pas et méprisera la loi ; elle sera sans cesse violée, et il s’agit de punir le prétendu infracteur qui n’aura fait qu’user du droit naturel; alors, Messieurs, vous ne trouverez pas de jurés qui le condamnppt. Je demande la question préalable. M. Thouret, rappor leur. Les comités vous ont représenté cet aràcle qui vous avait déjà été soumis et sur lequel vous avez différé à prononcer, parce qu’ils l’ont regardé comme l’hommage le plus étendu que vous puissiez rendre à la liberté individuelle, qui a pour appendice nécessaire le respect de la condition du détenu. Le seul inconvénient qu’on objecte est que, si le détenu imprime, il peut calomnier impunément puisqu’on ne pourra pas repousser la calomnie ; je réponds : il dit vrai, ou il dit faux. S’il dit vrai, il n’a pas calomnié. S’il dit faux, les preuves du jugement constatent qu’il a calomnié (Mur-mures.) puisqu’il succombe dans ses accusations. {Murmures.) L’Assemblée peut maintenant juger nos motifs, et si elle n’adopte pas l’article, nqps n'insisterons pas d’avantage. M. Barnave, au nom des comités. Nous retirons l’article. M. Thouret, rapporteur. Je passe à l’article suivant : Art. 5 {art. 6 du projet). « Nul gardien ou geôlier ne peut recevoir pi retenir aucun homme qu’en vertu des mandats, ordonnances de prise de corps, ou jugements mentionnés dans l'article 1er ci-dessus, et sans que la transcription en ait été faite sur son registre. » M. Féraud. Je demande qu’on retranche le mot « homme » pour y substituer celui de « personne », parce que les femmes ne sont pas impeccables. {Rires.) (L’article 5 (article 6 du projet) est mis aux voix et adopté sans changement.) Art. 6 {art. 7 du projet). « Tout gardien ou geôlier est tenu, sans qu’aucun ordre puisse l’en dispenser, de représenter la personne du détenu à l’officier civil ayant la police de la maison de Rétention, toutes les fois qu’il en sera requis par lui. « La représentation de la personne du détenu ne pourra de même être refusée à ses parents et amis, porteurs de l’ordre de l’officier civil, qui sera toujours tenu de l’accorder, à moins que le gardien ou geôlier ne représente qne ordonnance du juge, transcrite sur son registre, pour tenir l’arrêté au secret. » {Adopté.) M. Thouret, rapporteur , donne lecture de l’article 8 du projet, ainsi conçu : « Tout homme, quelle que soit sa place op son emploi, autre que ceux à gui la loi donne le droit d’arrestation, qui donnera, signera, exécutera, ou fera exécuter l’ordre d’arrêter un citoyen; ou quiconque, même dans les cas d’arrestation autorisés par la loi, conduira, recevra ou retiendra un citoyen dans un lieu de détention non publiquement et légalement désigné ; et tout gardien ou geôlier qui contreviendra aux dispositions des articles 5 et 6 seront coupables du crime de détention arbitraire. L’action pour la recherche et la punition de ce crimq est imprescriptible. » M. Duport. Je demande la radiation du dernier paragraphe : non assurément que la liberté individuelle ne doive être mise à couvert, par tous les moyens possibles, des attaques qu’on peut lui porter. (Cette motion est adoptée.) En conséquence, l’article modifié est mis aux voix dans les termes suivants : Art. 7 (art. 8 du projet). « Tout homme, quelle que soit sa place ou son emploi, antre que ceux à qui la loi donne le droit d’arrestation, qui donnera, signera, exécutera ou fera exécuter l’ordre d’arrêter un citoyen ; ou