[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 novembre 1789.] 339 MM. Le Pelletier de Saint-Fargeau, Dupont de Nemours, Dillon, de Viefville des Essarts, de Kys-poter et Ghenon de Beaumont proposent diverses additions à l’énumération de ces fonctions. MM. Target et Démeunier représentent que le comité n’a pas eu intention de faire cette énumération complète. Les détails nécessaires se trouveront naturellement dans la suite de la constitution, ou feront la matière de règlements particuliers. On oublie un peu trop que nous ne faisons pas un règlement, mais une constitution; tous ces détails ne sont pas dignes d’elle. L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer, quant à présent, sur ces additions. Voici les articles tels qu’ils sont décrétés successivement: « Art. 29. Le conseil général de la commune, composé tant des membres du corps municipal que des adjoints notables fera choix d’un secrétaire-greffier, qui prêtera serment de remplir ses fonctions avec fidélité, et qui pourra être changé lorsque le conseil général, dûment convoqué à cet effet, le jugera convenable à la majorité des voix. « Art. 30. Le conseil général de la commune pourra aussi, suivant les circonstances, nommer un trésorier, en prenant les précautions nécessaires pour la sûreté des fonds de la communauté. Le trésorier pourra être changé comme le secrétaire. « Art. 3t. Les citoyens actifs de chaque communauté nommeront, par un seul scrutin de liste, et à la pluralité relative des suffrages, un nombre de notables double de celui des membres du corps municipal. « Art. 32. Ces notables seront choisis pour deux ans, et renouvelés par moitié chaque année. Le sort déterminera ceux qui devrontsortir à l’époque de l’élection qui suivra la première. « Art. 33. Ils formeront, avec les membres du corps municipal, le conseil général de la commune, et ne seront appelés que pour les affaires importantes, ainsi qu’il sera dit ci-après. « Art. 34. Les membres du corps municipal, ainsi que les notables, ne pourront être nommés que parmi les citoyens éligibles de la commune. « Art. 35. Les assemblées annuelles d’élection se tiendront, dans tout le royaume, le dimanche d'après la Saint-Martin, sur la convocation des officiers municipaux. « Art. 36. Si la place de maire ou de procureur de la commune, ou de son substitut, devient vacante par mort, démission ou autrement, il sera convoqué une assemblée extraordinaire des citoyens actifs, pour procéder à une nouvelle élection. « Art. 37. Dans les villes où l’assemblée générale des citoyens actifs sera divisée en plusieurs sections, les scrutins seront recensés à la maison commune, le plus promptement qu’il sera possible; en sorte que les scrutins ultérieurs, s’ils se trouvent nécessaires, puissent se faire dès le jour même, et au plus tard au lendemain. « Art. 38. Lorsqu’un membre du conseil municipal viendra à mourir ou donnera sa démission, ou sera destitué ou suspendu de sa place, ou passera dans le bureau municipal, il sera remplacé de droit, pour le temps qui lui restait à remplir, par celui des notables qui aura réuni le plus de suffrages. v Art. 39. La présence des deux tiers au moins des membres du conseil municipal sera néces-prire pour recevoir les comptes du bureau; et la saésencede moitié plus un des membres du corps municipal sera nécessaire pour prendre des délibérations. « Art. 40. Les corps municipaux auront deux espèces de fonctions à remplir, les unes propres au pouvoir municipal, les autres propres à l’administration générale de l’Etat, et déléguées par elle aux municipalités. « Art. 41. Les fonctions propres au pouvoir municipal, sous la surveillance et l’inspection des assemblées administratives, sont ; « De régir les biens et revenus communs des villes, bourgs, paroisses ou communautés; « De régler et d’acquitter celles des dépenses locales qui doivent être payées des deniers communs; « De diriger et faire exécuter les travaux publics qui sont à la charge de la communauté; « D’administrer les établissements qui appartiennent à la commune, qui sont entretenus de ses deniers, ou qui sont particulièrement destinés à l’usage des citoyens dont elle est composée; « De faire jouir les habitants des avantages d’une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité dans les rues, lieux et édifices publics. » La séance est levée à trois heures et demie. ANNEXE à la séance de l'Assemblée nationale du 30 novembre 1789. Compte rendu à l'assemblée générale des représentants de la Commune de Paris, au nom de son comité des recherches (1), par M. Agler (2) (Imprimé par ordre des représentants de la commune de Paris. Distribué aux membres de l’Assemblée nationale). Messieurs, arrivés à un point remarquable de la carrière que nous avons à parcourir, nous (1) Le comité des recherches de la Commune de Paris tenait ses séances à l’Hôtel-de-Ville. H avait été créé par un arrêté des représentants de fa Commune, du 22 octobre 1789, ainsi conçu : « L’Assemblée des représentants de la Commune, vivement affligée de voir que, malgré ses invitations à tous les habitants de la capitale, pour les engager à ne plus troubler la tranquillité publique par des insurrections aussi préjudiciables au repos des bons citoyens qu’au bonheur de la ville entière, de nouveaux actes de violence et des meurtres mêmes se commettent encore pendant le séjour du Roi dans sa bonne ville de Paris, et pendant la tenue des séances de l’Assemblée nationale ; considérant qu’il est de son devoir de chercher à découvrir les manœuvres odieuses que des gens malintentionnés emploient pour dénaturer le caractère doux et humain du peuple français, et pour l’exciter à . des troubles qui ne tendent qu’à tourner contre ses propres intérêts, a unanimement arrêté qu’il serait établi un comité des recherches, composé de membres pris dans son sein, qui se borneraient, et sans avoir aucun autre pouvoir administratif, à recevoir les dénonciations et les dépositions sur les trames, complots et conspirations qui pourraient être découverts; s’assureraient en cas de besoin, des personnes dénoncées, les interrogeraient et rassembleraient les pièces et preuves qu’ils pourraient acquérir pour former un corps d’instruction; en conséquence elle a nommé, par la voie du scrutin, les commissaires chargés de remplir les fonctions ci-dessus énoncées. » (2) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. 340 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 130 novembre 1789.] croyons devoir à l’Assemblée un compte succinct de nos travaux; et il est satisfaisant pour nous que ce compte, rendu dans votre première séance publique, apprenne d’abord à nos concitoyens ce que vous avez fait, ce que vous ne cessez de faire pour remplir une de vos principales obligations. Chargé par vous de la fonction honorable, mais délicate, de rechercher les trames formées contre cette ville et contre l’Etat, votre comité a pensé qu’il était de son devoir indispensable de les scruter, de les démasquer toutes, sans distinction ni réserve, quels qu’en pussent être les auteurs. Et, en suivant cette conduite, il a cru apercevoir clairement trois natures différentes de complots : L’une, qu’il faut attribuer à un parti aristocrate ; et dans cette classe on doit ranger, soit le rassemblement de l’armée autour de Paris et de Versailles, qui a déterminé l’heureuse insurrection du mois de juillet, soit le projet qui paraît avoir été formé depuis, de conduire ou d’emmener le Roi à Metz, en levant, pour cet effet, un corps de troupes considérable, sous le nom de gardes du Roi surnuméraires, que l’on prétendait opposer à la garde nationale. La seconde espèce de complots appartient à un autre parti; et, jusqu’à ce qu’une information juridique les ait pleinement dévoilés, il convient de tirer le rideau sur les attentats qui devaient en être le terme; vous pouvez seulement en juger par les abominables excès commis au château de Versailles, dans la matinée du 6 octobre, et que le comité de recherches s’est cru obligé de dénoncer. La troisième espèce de complots paraît appartenir à tous les partis à la fois, et elle comprend tous les genres de manœuvres successivement employées pour émouvoir ou inquiéter le peuple, tels que le marquage des maisons, les faux bruits, les écrits séditieux, les motions incendiaires, et surtout les trames relatives à nos subsistances, tant à Paris qu’au dehors. Tels sont les divers complots qui ont dû fixer l’attention de votre comité; et puissent ses efforts avoir répondu à votre attente! Nous avons été secondés dans nos travaux par les membres de cette Assemblée, par tous les bons citoyens, par les comités et officiers de plusieurs districts; les renseignements nous sont venus, pour ainsi dire, de toutes mains ; mais, au milieu de cette espèce d’abondance , nous avons été obligés, plus d’une fois, de reconnaître que nos moyens étaient insuffisants, particuliérement en deux points : L’un , est le manque d'observateurs , espèce d’armée qui était aux ordres de l’ancienne police et dont elle faisait un si grand usage. Si tous les districts étaient bien organisés, si leurs comités étaient bien choisis et peu nombreux, nous n’aurions vraisemblablement aucun sujet de regretter la privation d’une ressource odieuse, que nos oppresseurs ont si longtemps employée contre nous. Mais il s’en faut de beaucoup que les districts et leurs comités soient parvenus à cet état d’une organisation parfaite; et, en rendant sur cet objet à plusieurs la justice qui leur est due, nous sommes fâchés de ne pouvoir pas étendre ce témoignage à un plus grand nombre. Le second obstacle que nous avons rencontré dans nos travaux vient de cette mauvaise délicatesse, reste de nos anciennes mœurs, qui fait qu’on rougit de déclarer ce que l’on sait, même lorsqu’il est question du salut de la patrie; et cette fausse pudeur (pourquoi faut-il que je l’avoue?) nous l’avons trouvée jusque dans des hommes respectables, que leurs fonctions semblent dévouer plus particulièrement au bien public. Qu’il soit permis de le dire, Messieurs; il est temps de déposer ces préjugés qui ne conviennent qu’à des esclaves, et sont indignes d’un peuple libre. Autrefois on abhorrait le personnage de délateur, et l’on avait raison; car à quoi aboutissaient les délations? A faire connaître des actions souvent très-innocentes , quelquefois même vertueuses, et à livrer le prétendu coupable, ou au pouvoir arbitraire, ou à une justice presque aussi redoutable aux gens de bien, partiale dans son instruction , cruelle dans ses moyens, secrète et impénétrable dans sa marche. Aujourd’hui tout est changé. Ce ne sont plus des actes de vertu ou des démarches indifférentes qu’il sagit de dénoncer, mais des complots funestes à la patrie; et le but des dénonciations, quel est-il? ce n’est point de perdre obscurément la personne dénoncée, ou de compromettre son existence, mais de l’amener devant ses pairs, pour y être examinée sur-le-champ; renvoyée, si elle se trouve innocente, ou, dans le cas contraire, livrée à la justice; mais à une justice humaine, publique, impartiale, qui ne peut être terrible qu’aux malfaiteurs. Cessons donc d’appliquer, par une fatale prévention, au temps actuel ce qui n’appartenait qu’à l’ancien régime, et ne déshonorons pas le règne de la liberté, par les flétrissures de l’esclavage. Le silence, en matière de délation, est vertu sous le despotisme; c’est un crime, oui, c’en est un, sous l’empire de la liberté. Ces obstacles ont nécessairement ralenti les opérations de votre comité de recherches : mais il en a triomphé par sa persévérance ; et, malgré son défaut de moyens, il croit, en ce moment, tenir les principaux fils des conspirations tramées contre la tranquillité publique. Voici l’état de tous les procès actuellement soumis au tribunal national (1) et dénoncés par M. le procureur-syndic, au nom de la Commune: Le 1er est celui du prince de Lambesc, dénoncé par ordre exprès de l’Assemblée. Vous avez su la mauvaise direction que prenait d’abord cette affaire. 15 témoins oculaires avaient été entendus, qui tous déposaient de l’assassinat commis dans les Tuileries, par le prince de Lambesc; mais aucun ne disait le connaître personnellement, et tous se bornaient à déclarer qu’on leur avait dit que le particulier, auteur du crime, était le prince de Lambesc. De là, le 1er décret décerné, il y a 3 semaines, contre un quidam qu’on dit être le prince de Lambesc. Votre comité a été informé de cette indétermination, et de sa cause; il a craint que le public ne fut privé d’un exemple utile. Aussitôt il a multiplié les recherches ; et, grâce au zèle des citoyens, il est parvenu à en découvrir un fort grand nombre qui, connaissant antérieurement le prince de Lambesc, lui avaient vu commettre le délit dont il est accusé. 25 de ces nouveaux témoins ont déjà été entendus ; et, sur leurs dépositions, il a été rendu, il y a 8 jours, un décret de prise de corps, décerné nominativement contre le prince de Lambesc. 25 autres témoins sont encore à entendre : on nous en indique (1) Le Châtelet de Paris, juge suprême des crimes de lèse-nalion. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. tous les jours; et nous n’en négligeons aucun, pour rassembler dans cette affaire, toute la masse de preuve dont elle est susceptible. On a sursis, pour le moment, à l’audition de ces derniers témoins, afin de ne pas retarder le cours de la procédure; lorsque la contumace sera instruite, ces témoins seront entendus dans une addition d’information . Nous devons, à ce sujet, observer que nos recherches nous ont fait voir le prince de Lambesc plus coupable qu’on ne le croyait. La voix publique n’avait désigné qu’un particulier assassiné dans les Tuileries, par le prince de Lambesc (le sieur Chauvel, maître de pension, âgé de 64 ans, demeurant rue Montmartre, passage du Saumon). Mais ce citoyen n’est pas le seul qui ait ressenti les effets de la férocité du prince de Lambesc., il en a sabré également plusieurs autres; il a déchargé sur d’autres ses pistolets; ses cavaliers, en sa présence et par ses ordres, se sont livrés à des excès semblables. 11 y a plus, et nous avons appris que le prince de Lambesc, en fuyant avec sa troupe, après la prise de la Bastille, a commis, dans une ville voisine, un autre acte de barbarie, qui suffirait seul pour fonder une plainte en assassinat. Nous avons envoyé sur les lieux, pour vérifier le fait; nous attendons incessamment le résultat de cette recherche. Par cet exposé, Messieurs, vous voyez qu’il est difficile que le coupable échappe à la vengeance des lois. Le second procès poursuivi devant le tribunal national, sur la dénonciation de la Commune, est celui du baron de Bésenval. Quoique l’Assemblée eût manifesté , depuis longtemps, le vœu que le baron de Bésenval fût conduit à Paris, il y a été amené, pour ainsi dire, à l’improviste, et sans que le comité en Tût prévenu. 11 a fallu préparer à la hâte les matériaux de l’instruction, et rien n’a été omis pour les rassembler. Vous nous avez autorisés à compulser les papiers recueillis en grand nombre par les électeurs, et nous y avons trouvé beaucoup de renseignements utiles. En même temps nous nous sommes adressés au ministre de la guerre, pour avoir communication des ordres donnés par son prédécesseur, et nous l’avons obtenue du moins en partie. Nous nous sommes fait délivrer des expéditions des deux lettres originales de M. de Bésenval , interceptées par le district de Saint-Gervais. Nous avons cherché à tirer un résultat de tous ces documents. Mais, en les combinant, il nous a semblé qu’on envisageait l’affaire d’une manière bien imparfaite, si l’on ne voulait y voir que le baron de Bésenval , et ses deux lettres relatives à la Bastille. Nous y avons aperçu la preuve générale d’un complot formé contre Paris et contre l’Assemblée nationale, dont le rassemblement des troupes et les différents ordres donnés n’étaient que l’exécution; et c’est sous ce point de vue, plus étendu, que nous avons présenté l’affaire. En l’envisageant ainsi, nous avons été conduits à dénoncer, non-seulement le baron de Bésenval, mais M. Barentin , ci-devant garde des sceaux; le comte de Puységur, ci-devant secrétaire d’Etat au département de la guerre; le maréchal de Broglie , commandant général , et le marquis d’Aulichamp, major général de l’armée, tous comme ayant eu une part, plus ou moins directe, à la conspiration dont nous avons failli être les victimes. Au sujet du comte de Puységur, nous devons [30 novembre 1789.) 344 dire quelque chose à l’Assemblée, d’une lettre de cet ex -ministre, qu’elle nous a renvoyée pour lui en rendre compte. M. de Puységur n’est probablement pas le plus coupable, entre les cinq personnes qui ont été dénoncées. Non-seulement il n’était pas ce qu’on appelle proprement ministre, c’est-à-dire qu’il n’entrait pas au Conseil d’Etat; mais, quelles qu’aient été ses vues, il paraît ne s’être prêté qu’avec une sorte de répugnance à l’exécution des dernières résolutions qui ont été prises ; ce qui avait déterminé sa retraite, dès l’époque du 11 juillet. Sur la nouvelle qu’il était dénoncé, il a quitté aussitôt son gouvernement, quoique malade, et s’est empressé de venir à Paris, pour y rendre compte de sa conduite; il a informé M. le maire de son arrivée ; ce procédé franc et loyal est propre, sans doute, à lui concilier l’esprit de ses juges, et même de ses dénonciateurs. Il reste contre le comte de Puységur le fait constant des ordres par lui signés, en sa qualité de secrétaire d’Etat, pour le rassemblement des troupes ; et c’est au Châtelet de décider jusqu’à quel point ces signatures l’ont rendu répréhensible. En deux mots, vous voyez à quoi cette affaire se réduit; elle présente un point de fait et un point de droit : Le point de fait est notoire. On a tenté, dans la séance du 3 juin, de renverser tous les droits de la nation; et, pour assurer l’effet de cette violence, on a rassemblé une armée autour de Versailles et de Paris, afin d’en imposer tout à la fois et aux représentants de la nation et aux habitants de la capitale. On s’est servi de cette armée contre l’Assemblée nationale, en la tenant captive dans le lieu de ses séances, dont on lui avait ôté jusqu’à la police, afin d’en interdire l’utile publicité, et d’empêcher la réunion des trois ordres ; on s’est servi de cette armée contre Paris, témoin l’irruption violente dans les Tuileries et le siège meurtrier de la Bastille. Voilà des faits qui ne peuvent pas être déniés, et assurément ils sont condamnables. Mais peut-on en faire un crime aux agents du pouvoir, lorsque le décret qui les déclare responsables n’a été rendu que le 13 juillet et n’a pas même été publié dans la forme légale? Voilà le point de droit. Nous croyons que, malgré la date du décret, et le manque de solennité dans sa publication, les agents du pouvoir n’en sont pas moins coupables d’avoir exécuté les ordres rigoureux qu’ils avaient reçus ; que la responsabilité n’a été que déclarée et non pas établie par le décret du 13 juillet; qu’elle a son fondement dans des lois antérieures et dérive de la nature même du contrat social. Les ordres de la cour n’excusaient pas les assassins qui ont commis le massacre de la Saint-Barthélemy ; ils n’ont pas excusé l’avocat générai Guérin, auteur des sanglantes exécution de Gabrièreset de Mérindol, qui, malgré des lettres patentes du roi François Ier, qu’il croyait lui servir d’égide, a porté sa tête sur l’échafaud. Pourquoi donc, dans l’affaire du mois de juillet, les agents civils et militaires de l’autorité se mettraient-ils à couvert de la poursuite des lois en prétextant les ordres qu’ils ont reçus? Voilà nos principes; voilà notre thèse. G’ est au tribunal de la nation à prononcer. Un troisième procès actuellement pendant au tribunal national, sur la poursuite de la Commune, est celui du sieur Augeard, auteur d’un projet pour conduire le Roi à Metz, 342 [Assèïhblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er décembre 1789.] Un mémoire dicté par le sieur Augeard, et corrigé de sa main, forme la base de cette accusation. Le sieur Augeard prétend que ce mémoire est sa pensée etne peut pas conséquemment servir de matière à un procès. Il aurait raison si le fait était vrai ; nemo cogitationis pœnam patitur. Mais peut-on dire que le mémoire du sieur Augeard n’ait été que sa pensée, lorsque ce mémoire même annonce qu’il avait communiqué son projet à une personne de considération, en lui remettant par écrit l’itinéraire qu’il prétendait faire suivre à Sa Majesté? Quoique ce mémoire eût pu paraître suffisant pour opérer la condamnation du sieur Augeard , on n’a pas cru devoir négliger le secours de l’information. On a fait assigner divers témoins ; ils sont éloignés ; et cette seule circonstance empêche que la procédure ne soit plus avancée. Un quatrième procès dénoncé, sous le nom de la Commune, au tribunal national, est celui des enrôlements, dans lequel se trouvent impliqués l’abbé Douglas ,' le sieur du Reynier et plusieurs autres. Il n’est que trop constant que, pour favoriser la fuite du Roi à Metz, on avait entrepris de lever un corps de troupes, sous le nom de gardes du Roi surnuméraires, probablement ainsi appelés par opposition à nos gardes nationales. L’abbé Douglas et compagnie étaient les recruteurs de cette armée; le comte d’Astorg, officier aux gardes du corps, recevait les déclarations des enrôlements. Il est en fuite, et là se rompt le 111 de cette conspiration. L’abbé Douglas , le chevalier du Reynier et deux autres ont été décrétés de prise de corps, par le Châtelet, vendredi dernier : il est à présumer que leurs interrogatoires indiqueront d’autres coupables. Le cinquième procès pendant au tribunal national, et dénoncé sous le nom de la Commune, est celui du chevalier de Rutlidge, qui, en annonçant une mission du gouvernement, qu’il n’avait pas, faisait venir les boulangers, recevait leurs soumissions, et leur promettait un prêt de 2 à 3 millions pour acheter des grains; prêt bien plus avantageux, disait-il, que celui offert aux mêmes boulangers par la Commune, sous caution, suivant lui, et à gros intérêt. Le chevalier de Rutlidge est encore auteur ou coopérateur de différents mémoires, imprimés sous le nom de la communauté des boulangers, qui ont causé le plus grand scandale; il a été question de lui plus d’une fois dans cette Assemblée. Son procès avait d’abord été porté devant le juge ordinaire, qui est le lieutenant criminel du Châtelet; mais il a paru tenir au crime de lèse-nation ; et, en conséquence, il vient d’être renvoyé devant le tribunal national, c’est-à-dire le Châtelet même, tous les services assemblés, et présidé par le lieutenant civil. Un sixième procès, également pendant à ce tribunal, sur la dénonciation dr> la Commune, est celui du nommé Deschamps, prévenu d’être allé chez les fermiers pour les engager à ne pas battre leurs grains et à ne point les porter au marché. Ce délit avait encore été déféré au tribunal ordinaire; mais il vient d’être renvoyé, comme le précédent, au tribunal national. Le dernier procès pendant au tribunal national, sur la poursuite de la Commune, est celui relatif aux attentats commis dans le château de Versailles, le 6 octobre. La dénonciation vient d’en être formée; vous avez entre les mains l’avis du comité qui en détermine l’objet; et, quant aux détails, il h’est pas encore temps de les dévoiler au public. Je me contenterai de dire que, si les autres délits portaient atteinte à notre sûreté, celui-ci a compromis un autre intérêt qui nous est plus précieux encore, celui de notre honneur, l’honneur de cette capitale, indignement calomniée dans les provinces, et jusque dans les nations étrangères. Il importe qu’on sache à qui l’on doit imputer les attentats commis à Versailles dans la matinée dû 6 octobre, quel en était le but, et principalement combien ils sont étrangers aux bons habitants d’üne ville renommée dans tout l’univers par son respect pour ses rois et qui, après avoir manifesté ce sentiment dans tous les âges de la monarchie, n’aurait garde de l’affaiblir sous le règne d’un prince si digne de sa soumission, de sa reconnaissance et de son amour. Tels sont, Messieurs, les objets dont nous avions à vous entretenir. Après avoir préparé par nos recherches l’instruction des procès soumis au tribunal national, nous nous proposons de suivre cette instruction. On doit nous donner des copies de tous les interrogatoires, de toutes les informations qui ont été faites, et de celles qui sont à faire; nous assisterons, autant qu’il nous sera possible, à toutes les séances publiques de la procédure ; en un mot nous ne négligerons aucun moyen pour tâcher d’opérer la conviction des coupables, et procurer à la justice un triomphe éclatant. Heureux si, par nos travaux, nous pouvons contribuer à rétablir l’ordre public, et à assurer le repos de nos concitoyens ! Nous n’ignorons pas que nos fonctions, désagréables pour nous-mêmes, ne sont pas vues de bon œil par ceux qui peuvent les redouter; nous savons qu’elles nous exposent à des haines et à des inimitiés puissantes, dont l’obscurité d’une vie privée semblait devoir nous garantir. Mais à Dieu ne plaise qu’une pareille crainte nous fasse jamais oublier nos devoirs! Vous nous avez conlié vos plus chers intérêts, votre sûreté, l’honneur de cette capitale, le salut de la patrie, voilà les grands objets qui nous occupent ; et, quoi qu’il puisse arriver, ce seront toujours les seuls que nous appréhendions de compromettre. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE BOISGELIN, ARCHEVÊQUE D’AIX. Séance du mardi 1er décembre 1789, au matin (1). M. Salomon de ha Saugerie, l’un des MM. les secrétaires , donne lecture des adresses de diverses villes et communautés dont suit la teneur : Adresse des habitants de la ville de Mortemart en Limousin; ils expriment leurs respects pour l’Assemblée nationale, et leur adhésion à tous ses décrets ; ils demandent la conservation du collège et de l’hôpital établis dans le lieu , et administrés par des Augustins et des Carmes. Adresses des communautés de Gaujac, Goep-penne, Morrin, Castaudet, la Mainsans, Claussun, (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.