252 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 septembre 1791.] [Assemblée nationale.] mais, puisque vous vous bornez à des mots pour réprimer un attentat qui mène à la guerre civile, je demande au moins que l’Assemblée nationale, dans son décret, montre de l’indignation et que le décret commence par ces mots : « L’Assemblée indignée... » Voix diverses : La question préalable ! — L’ordre du jour! — Aux voix le décret 1 (L’Assemblée ferme la discussion et adopte les deux amendements de M. Bonnemant tendant : 1° à ce que les membres du département et les électeurs soient responsables des malheurs qui pourront résulter de la marche des gardes nationales qu’ils ont ordonnée ; 2° à ce que les électeurs soient obligés de restituer les sommes qu’ils se sont fait payer pour honoraires.) En conséquence, le projet de décret, modifié, est mis aux voix comme suit : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, qui lui a rendu compte des arrêtés du directoire et du conseil d’administration du département des Bouches-du-Rhône, ainsi que de la proclamation du roi, en date du 18 de ce mois, qui déclare nuis les arrêtés de ce département, des 28 juin et 7 septembre derniers, « Improuve la conduite des électeurs du département des Bouches-du-Rhône; déclare nuis et attentatoires à la Constitution et à l’ordre public les arrêtés qu’ils ont pris relativement aux troubles de la ville d’Arles, ainsi que leur délibération du 15 de ce mois, par lesquels l’assemblée électorale s’est déclarée permanente. Fait défense aux électeurs de provoquer à l’avenir, sous aucun prétexte et dans aucun cas, l’armement et la marche des gardes nationales, sous peine d’être poursuivis comme perturbateurs du repos public. Art. 1er. « L’Assemblée nationale décrète que les membres du conseil du département et ceux du corps électoral demeureront personnellement responsables des maux qui pourraient résulter de la marche des gardes nationales, qu’ils ont ordonnée ou provoquée; et que les électeurs seront tenus de restituer les sommes qui leur ont été indûment payées, dans leur qualité d’électeurs. Art. 2. « Que les gardes nationales qui ont eu ordre de marcher contre la ville d’Arles rentreront incessamment, et au premier ordre qui leur en sera donné, dans leurs municipalités respectives ; que le roi sera prié d’envoyer à Arles des commissaires chargés d’y rétablir la paix, et autorisés à requérir la force publique. Art. 3. « L’Assemblée nationale renvoie au pouvoir exécutif à statuer, s’il y a lieu, sur les arrêtés et délibérations du département des Bouches-du-Rhône. » (Ce décret est adopté.) L’ordre du jour est un rapport des comités de Constitution, de marine, d' agriculture et du commerce et des colonies sur les colonies. M. Barnave, rapporteur. Messieurs, l’Assemblée nationale ayant reçu différentes pièces sur la situation des colonies, les a renvoyées aux quatre comités qu’elle avait prédédemment chargés du travail relatif à cette partie, pour lui en être fait rapport. Les comités, avant pris une connaissance approfondie de la situation actuelle des colonies, tant par les pièces qui leur ont été renvoyées par l’Assemblée nationale, que par celles qui leur ont été adressées directement, ont pensé que ce n’était pas i ar des mesures partielles et momentanées qu’on pourrait arriver à la guérison du mal. Il leur a paru qu’il ne pouvait pas être simplement question de la suspension ou de la révocation d’un décret, mais qu’il fallait arriver à la racine même du mal par quelques articles constitutionnels sur les colonies, qui, en assurant d’une part la tranquillité de leurs habitants, et d’autre part les intérêts que la métropole trouve dans leur possession, missent un terme à des querelles dont le prolongement ne pourrait que devenir désastreux pour la France. Pour arriver, Messieurs, à une connaissance claire de la situation où nous nous trouvons, et de la question telle qu’elle vous est présentée aujourd’hui, il est nécessaire de faire un retour très rapide sur ce qui a eu lieu précédemment, et sur les notions élémentaires en ceite partie. Chacun sait dans l’Assemblée quelle est lana-ture et l’utilité de ces possessions qu’on appelle colonies. Ce sont des possessions liées à différentes nations de l’Europe, placées à une grande distance d’elles, dont l’avantage consiste principalement dans les produits do commerce qu’on fait avec elles, et qui tiennent leur sûreté, leur défense de la puissance européenne à laquelle elles sont attachées. Les différentes puissances de l’Europe ont donné à leurs colonies un régime semblable au leur, autant que les localités ont pu le supporter. En conséquence, les colonies appartenant à des Etats soumis au régime arbitraire d’un seul homme, sont elles-mêmes gouvernées par le même régime. Les colonies liées à des nations qui ont, dans leur sein, un système représentatif, sont elles-mêmes régies par un système semblable, autant que les localités peuvent le permettre, ainsi que je l’ai annoncé. En conséquence de ces principes généraux les colonies françaises, avant la Révolution qui vient de nous régénérer, étaient soumises à un gouvernement absolu. Les administrateurs, c'est-à-dire le gouverneur et l’intendant, y exerçaient, avec les conseils, un pouvoir tel que celui qu’exerçaient en France les ministres d’une part, et les grands corps judiciaires de l’autre. Lorsque la Révolution qui a eu lieu en France en 1789, s’est fait sentir dans les colonies, un mouvement général s’y est manifesté, et le vœu exprimé par tous les habitants a été de se soustraire, comme ceux de la métropole, au régime sous lequel elles avaient vécu, et d’obtenir, sous une forme quelconque, un gouvernement, ou qui fît partie, ou qui approchât par sa nature de celui auquel la France allait être soumise. C’est par ce mouvement spontané que toutes les colonies, sans provocation, ont nommé des députés qui ont été reçus dans cette Assemblée. C’est parla suite du même mouvement, qu’indé-pendamment de ces députés, elles ont aussi formé, spontanément, chacune chez elles, des assemblées coloniales, très longtemps avant que l’Assemblée nationale ait commencé à s’occuper d’elles. Ces assemblées coloniales, soit partielles dans les différentes parties de Saint-Domingue, soit générales pour chaque colonie, étaient déjà formées, et avaient déjà exercé des pouvoirs