[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.] 53 RAPPORT A FAIRE A L'ASSEMBLÉE NATIONALE AU NOM DU COMITÉ D’AGRICULTURE ET DE COMMERCE, SUR L’ADMINISTRATION Dü COMMERCE, Par M. V,%*\Ti:it DE VACSSENAY, Député de Laval. Messieurs, Libre dans l’expression de ses sentiments, le Français ne portera désormais son hommage qu’aux talents et à la vertu. Les services utiles à la société auront des droits à sa gratitude. L’oisiveté ne sera plus décorée du nom de bourgeoisie. Les rangs cesseront d’être assignés par les seuls hasards de la naissance, et les distinctions ne seront chez un peuple libre que le prix légitime du civisme et du travail. Les lois que votre sagesse a prononcées vont préparer les conquêtes du génie et de l’industrie. Les riches ne trouvant plus leur vanité dans leur repos, appliqueront leurs soins et leurs capitaux aux secours que tout individu doit à l’humanité; et l’aisance doit renaître dans vos champs, vos ateliers et vos ports. La nature avait tout fait pour la France ; mais il était temps, Messieurs, que votre courage vînt déchirer le voile de l’illusion et honorer les professions utiles que la corruption et l’ignorance avaient avilies. Qu’il nous soit permis de le dire ici : c’est un malheur pour l’Etat que les hommes laborieux aient été aussi longtemps éloignés de l’administration. Nourris par le peuple qui partageait leurs travaux, ils en connaissaient la misère et la force. Leur goût pour l’ordre et l’économie eût prévenu le marasme désolant qui vous a coûté tant de veilles et de sollicitudes. Voilà ce qu’ont ignoré des courtisans élevés loin des détails, dans le luxe et l’opulence. Il est temps, Messieurs, de porter aujourd’hui vos regards sur l’industrie nationale ; elle conserve une grande population, multiplie les consommateurs de vos denrées, récompense vos cultivateurs et devient le principe de votre richesse et de vos forces. Colbert, dont le génie ouvrit les grandes sources de notre richesse industrielle, institua une administration commerciale. Elle fut utile pendant qu’on y appela des négociants et des fabricants expérimentés. Ses succès disparurent au moment où, confondant sa législation avec sa pratique, on y introduisit des magistrats sans expérience. Bientôt parurent des systèmes et des traités négligés ou mal conçus. Les ressources tarirent, l’emprunt éleva l’intérêt de l’argent; nos fabriques ne purent soutenir la concurrence et se paralysèrent; un agiotage criminel vint remplacer les échanges utiles, et la moitié des ouvriers ne trouva sa subsistance que dans la mendicité. Tel fut, Messieurs, l’état d’une nation laborieuse sur un sol qui produit avec fécondité des matières premières et dont la température permet continuellement le travail et la fatigue. Avant de vous proposer le plan d’une nouvelle administration du commerce, nous commencerons par examiner si elle est essentiellement utile; et si la législature ne pourrait pas y suppléer absolument ; Surveiller, de concert avec les départements, la police des manufactures, pour y maintenir la fidélité dans le contrat entre le vendeur et l’ache« teur; Proposer les encouragements moraux ou pécuniaires qui pourraient être nécessaires ; Tenir un état exact de la balance de nos échanges ; Critiquer l’administration des douanes, si son relâchement favorisait l’affluence des marchandises étrangères qui rivaliseraient avec les nôtres dans le royaume; Surveiller leur introduction dans nos colonies; Préparer les stipulations commerciales dans tous les traités avec les autres puissances ; Correspondre avec tous les agents de la France U [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.] chez les autres nations, sur l’intérêt particulier du commerce; Chercher les moyens d’étendre nos pêches et notre navigation; Préparer les lois sur tous ces objets; Et enfin instruire la législature des progrès ou du dépérissement général ou partiel du commerce en lui proposant, dans ce dernier cas, les moyens d’y remédier. Voilà, Messieurs, les travaux qui doivent occuper cette administration particulière, votre comité vous proposera les décrets d’exécution qui y sont relatifs, lorsque votre intention sera manifestée. Le comité est resté convaincu que les législateurs ne peuvent embrasser d’aussi grands détails et que l’ensemble doit en être préparé. Les meilleurs esprits ne sont pas familiers avec tous ces rapports. Les erreurs sur des intérêts aussi précieux pourraient altérer la confiance que l’on doit au corps politique et le temps que l’Assemblée serait obligée d’y consumer occasionnerait une bien plus grande dépense à la nation que celle que nous allons lui proposer et qui se réduit à peu de chose, comparativement à son utilité. Le désir d’économiser votre temps, Messieurs, ne peut nous dispenser de donner quelque latitude aux observations que nous avons faites sur les travaux de cette administration, dans l’ordre où nous les avons conçus. Police des manufactures. Les municipalités, districts et départements auront le plus grand intérêt aux progrès de l’industrie. Elle amènera dans leur territoire l’abondance et l’aisance nécessaires à l’acquit des contributions, Ces administrations se trouvant composées d’hommes de tous les états, les lumières qui en sortiront, seront le fruit des connaissances locales, de l’expérienceet delaraison. Unecorres-pondance entre ces administrations particulières et l’administration centrale produira leur instruction réciproque. Votre comité a pensé que les corps administratifs devaient avoir seuls la surveillance de. leur commerce, et vous proposera la suppression des inspecteurs et sous-inspecteurs des manufactures, dont l’utilité est reconnue dans presque tous les cahiers des pays de fabriques, en les dédommageant de la perte de leur état, proportionnellement à leur grade et au temps de leurs services. Par votre décret du 2 mars 1791, vous avez supprimé les droits de marque; leur produit faisait une partie des fonds de la caisse du commerce. En supprimant ce droit, ou plutôt en le cumulant dans celui des patentes, votre comité a pensé que vous ne dispenseriez pas le fabricant pour l’intérêt de