[28 juillet 1791.] 769 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] leur sont interdites, si ce n’est au cas de i’arli-cle 11 du présent titre. Art. 38. Tout magasin ou entrepôt de marchandises manufacturées, ou dont le droit d’entrée excède 12 livres par quintal, ou, enfin, dont la sortie est prohibée, ou assujettie à des droits par le nouveau tarif, est défendu dans la distance des deux lieues des frontières de terre, à l’exception des lieux dont la population sera au moins de 2,000 âmes. Art. 39. Seront réputées en entrepôt toutes celles desdites marchandises qui seront en balles ou ballots, autres cependant que du cru du pays, et pour lesquelles on ne pourra pas représenter d’expéditions d’un bureau de douanes, délivrées dans le jour pour le transport desdites marchandises. Art. 40. Les marchandises et denrées ainsi entreposées seront saisies et confisquées, avec amende de 100 livres contre ceux qui les auront reçues en entrepôt, à l’effet de quoi les préposés-de la régie pourront faire leurs recherches dans les maisons où les entrepôts seront formés, en se faisant assister d’un officier municipal du lieu. Art. 41. S’il n’est point constaté qu’il y ait entrepôt ni motif de saisie, il sera payé la somme de 24 livres pour dommages et intérêts à celui au domicile duquel les recherches auront été faites, sauf à lui à disposer de ladite somme ainsi qu’il avisera. Art. 42. Il ne pourra être formé, dans la même étendue des deux lieues des frontières, à l’exception des villes, aucune nouvelle clouterie, papeterie ou autre grande manufacture ou fabrique, sans une permission expresse du directoire de département ; et en cas d’abus ladite permission sera révoquée. Art. 43. L’étendue des deux lieues des frontières de l’étranger sera fixée par les directoires de département, sur le pied de la lieue commune de France, et autant que la position des villes, bourgs, villages et hameaux, les rivières, bois et montagnes pourront le permettre, sans que, dans aucun cas, la distance puisse être moindre de deux lieues, sauf en cas d’impossibilité, relativement au service des préposés de la régie, de tracer la ligne à cette distance précise de 2 lieues, à reculer jusqu’à celle tde deux lieues et demie, ou de trois lieues au plus, cette ligne du côté de l’intérieur; la fixation des distances entre le territoire étranger et la ligne sera faite, sans égard aux sinuosités des routes, en prenant la mesure la plus droite et à vol d’oiseau. Art. 44. La ligne sera marquée par la désignation que chaque directoire de département fera des territoires sur lesquels elle devra passer, et dont l’état sera imprimé et affiché dans tous les lieux de la frontière qu’enveloppera ladite ligne; il sera en outre planté, sur cette ligne, des poteaux à la distance de 200 toises les uns des autres, et qui porteront cette inscription: Territoire des deux lieues de T étranger. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DEFERMON. Séance du jeudi 28 juillet 1791, au soir (1). La séance est ouverte à six heures du soir. M. le Président fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, des adresses suivantes : Adresses des administrateurs composant les directoires des départements de l’Isère et de l’Eure , des districts d'Etampes, de Mortain et de Douai , des corps administratifs et judiciaires de Josselin, du tribunal du district de Joinville, de la commune de Montargis et des citoyens actifs de la ville de Blois , réunis en assemblée primaire , qui adhèrent avec reconnaissance aux décrets rendus sur les événements des 21 et 22 juin dernier, et renouvellent à l’Assemblée l’hommage de leur admiration et de leur dévouement. Les corps administratifs et judiciaires de la ville de Josselin et les amis de la Constitution réunis expriment la plus vive indignation contre la pétition présentée par une poignée d’individus se qualifiant du nom glorieux de la nation. « Non, jamais, disent-ils, nous ne reconnaîtrons pour nos frères ceux qui, séduits par les ennemis de la chose publique, méditent notre ruine, sous le spécieux prétexte d’un crime qui n’existe pas, et, en anéantissant la royauté, veulent détruire l’Empire français ; qu’ils reviennent de leurs erreurs, ces malheureux, égarés et trompés par des monstres qui croient trouver leur bonheur dans l’anarchie; qu’ils tombent à vos pieds, qu'ils dénoncent leurs chefs et reconnaissent leurs fautes ; ils seront alors nos frères et se joindront à nous pour louer votre fermeté et vous supplier d’achever, avec votre courage ordinaire, une Constitution que nous jurons de maintenir tant qu’il nous restera un souffle de vie. » Les juges et commissaire du roi réunis du district de Joinville offrent à la patrie une somme annuelle de 60Ü livres à prendre sur leurs indemnités, pour servir à l’entretien de 2 volontaires nationaux, tant que le besoin de l’Etat l’exigera. La même main, dit la commune de Montargis, qui a su briser le sceptre de l’ancien despotisme, n’a point permis que nos têtes fussent flétries par le sceptre de fer des tyrans républicains. Les citoyens actifs de la ville de Blois supplient l’Assemblée de n’abandonner sa carrière qu’après avoir mis la dernière main au grand oeuvre de la Constitution. Adresses des sociétés des amis delà Constitution , séant à la Bochelle, à Aire , au Port-Saint-Marie , à Agen, à Lorient , à Poitiers, à Bourbon-l' Archambault, à Coutances, et de la garde nationale de Cherbourg, qui s’empressent d’applaudir avec respect au décret concernant l’état du roi : ils jurent de nouveau un dévouement sans bornes pour le maintien de la Constitution. Adresse de la municipalité de Goujonac , district lre Série. T. XXVIII. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur . AU CH 1 V i: s PARLE Al EJN TA1 U ES . ig« juillet 1791.] 770 [Assemblée nationale. j deCahors, qui s’élève avec force contre la'décla-ti on des 290 membres de l’Assemblée. Adresse des officiers municipaux de Sainte-Me - nehould et de ta communauté de Gardudeilk , qui annoncent qu’ils ont célébré l’anniversaire de la fédération du Champ-de-Mars. Adresse des sous-of/ïeiers et soldats composant le 33e régiment d'infanterie , ci-devant Touraine , qui improuvent avec indignation la protestation d’un nombre considérable des membres de l’Assemblée contre quelques-uns de ses décrets. Ils renouvellent l'hommage de l’adhésion la plus entière à toutes les lois sanctionnées ou non sanctionnées. Adresse des administrateurs du directoire cle Rocrotj , qui annoncent que le 98° régiment, ci-devant Bouillon, en garnison en cette ville, y donne des preuves éclatantes de patriotisme : quoique plus d’un tiers de ce régiment soit détaché dans plusieurs lieux, il fournit journellement 50 hommes pour les travaux de la défense de cette place, et le plus souvent les oi liciers se mettent eux-mêmes au rang des travailleurs. M. ï�official fait lecture à l’Assemblée de deux pièces contenant les plaintes et réclamations du directoire de district et de plusieurs citoyens et curés de La Chûteigneraie, département de la Vendée, au sujet des troubles excités par les ecclésiastiques non conformistes. « Les prêtres non conformistes, disent-ils, au remplacement desquels on n’a pas pourvu encore, ne cessent de soulever le peuple par des assertions mensongères, des libelles clandestins et des bulles sans autorité qui nous frappent d’excommunication et d'anathème. Iis les publient de famille en famille. Ils épouvantent les hommes simples, ils découragent les citoyens les plus fermes, et alimentent les projets des aristocrates. « Malgré la surveillance des municipalités, des accusateurs publics et des tribunaux, on ne peut leur imposer silence. Ils se coalisent, ils se rassemblent dans certaines maisons; ils y forment des factions, desatiroupements, des hordes de prétendus dévots et dévotes. Ils mettent la division entre le père et le (ils, l’époux et l’épouse, le maître et le serviteur, le maire et la municipalité, et les nouveaux curés ne sont pas en sûreté : quelques-uns n’osent prendre possession; ce ne sont que séditions et menaces. Nos efforts sont impuissants sans vos décrets. La voie de persécution n’est pas dans notre caractère. « La liberté des cultes est décrétée; mais on veut la faire dégénérer en licence effrénée. Les amis de la Constitution veulent sacrifier la paix publique à leur intérêt personnel. Ils interprètent mal vos luis, établissent des oratoires dans des lieux secrets; ils attroupent les mécontents pour leur prêcher l’intolérance et la révolte. Un décret devait leur interdire tout ralliement sans la permission de la police. Nos bons villageois sont toujours eu proie à la tyrannie des fanatiques. La confession, ce tribunal de paix et de justice, est la voie dangereuse par laquelle ils propagent leur doctrine empoisonnée. L’absolution devient le prix d’un serment sacrilège. Ils font jurer de, ne pas assister à notre messe, de ne pas révéler même ce perfide conseil à la réquisition ces juges. Nos temples sont déserts, les lois civiles et morales mal publiées, les solennités religieuses profanées. On écarte la jeunesse de nos églises. Les marchands, à l’instigation de ces énergumènes, nous refusent le pain et aulres choses nécessaires au service divin. « Voilà votre ouvrage, prêtres réfractaires. Tout le désordre naît de votre intolérance fanatique. Serait-ce persécution, en s’opposant à leur propre persécution? En sollicitant leur éloignement? Serait-ce leur nuire, e i les mettant dans le cas de ne nuire à personne? En éloignant les ennemis publics de nos paroisses, où leurs discours imposteurs sèment la discorde et l’inimitié? Elaguez et s branches parasites ; frappez de la sévérité de vos lois ces êtres monstrueux, et, s’ils ne veulent pas faire le bien, forcez-les à ne pas faire le mal. S’il s’agissait d’insultes personnelles, nous garderions le silence ; des vues plus chrétiennes nous retiendraient : mais il s’agit de la religion, du respect des lois et du salut; de tous; les expressions sont trop faibles, les termes trop modérés et la punition trop lente. » M. Delavignc. Il faut étouffer ces serpents qui rampent dans l’obscurité et qui voudraient déchirer le peuple qui les nourrit. M. ISoucSie. Ils veulent perdre la nation, ces prêtres réfractaires! Je demande qu’on les balaye de dessus le territoire français. M. L©ilieL*sS. Je propose cà l’Assemblée de charger le ministre delà justice de recommander aux commissaires envoyés dans le département de la Vendée, eu vertu du décret du 16 de ce mois, de se transporter dans le district delaChâ-taigueraie pour se concerter avec les administrateurs (le ce district. Un membre propose de renvoyer aux comités des rapports et ecclésiastique les pièces déposées par M. Lofficial afin que ces comités présentent à l’Assemblée les moyens d’éloigner les prêtres non conformistes des lieux où ils excitent des troubles. Unmembre appuie ce renvoi et demande que les comités soient tenus de rendre compte de cette affaire à l’Assemblée, le samedi 30 de ce mois. (L’Assemblée ordonne le renvoi de l’affaire à ses comités des rapports et ecclésiastique pour lui en rendre compte samedi prochain.) M. le Président fait continuer la lecture des adresses : Adresse de la société des amis de la Constitution, séant à Charleville, à laquelle se sont réunis les fonctionnaires publics ecclésiastiques, les officiers municipaux, les membres du tribunal , les administrateurs du district, les officiers et sous-officiers et soldats du 10e régiment de dragons en garnison en cette ville, Cette adresse exprime les sentiments d’adhésion de cette société pour les décrets de l’Assemblée, et notamment pour celui du 15 juillet dernier. Adresses du directoire du département du Gard, de la société des amis de la Constitution de Saint-Flour, du directoire du département de Lot-et-Garonne , de la société des amis de la Constitution de Bernai/ ; de celle de Poügny , département du Jura ; du conseil général de la commune de Gisors , [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 juillet 1791.] 771 du conseil général d’Autun, du conseil général de la commune de Valence, et de la société des amis de la Constitution de Saint-Malo, qui expriment à l’Assemblée la satisl'action de leurs concitoyens au sujet des décrets des 15 et 16 de ce mois et leur attachement inviolable à la Constitution et aux lois. Un membre fait part à l’Assemblée d’un arrêté du directoire du département des Ardennes qui, pour remédier à la rareté du numéraire, a établi, dans sou sein, sous sa surveillance et responsabilité, un bureau auquel seront reçus au pair les assignats contre des billets de 10 sols à 40 sols, et les mêmes billets échangés au pair contre des assignais. (L'Assemblée décrète qu’il sera fait une mention honorable de cet arreté dans son procès-verbal.) M. Boussioii fait part à l’Assemblée de deux demandes administratives du département de Lot-et-Garonne : La première, relative aux endroits où les tribunaux de district doivent et peuvent faire afficher les lois qui leur sont envoyées; La seconde, avant pour objet la suppression d’un bureau de" marque des étoffes et toiles, établi à Agen. (L’Assemblée renvoie la première de ces pétitions au comité de Constitution et la seconde aux comités de commerce et d’agriculture et des finances réunis.) M. Ramel-Hogaret, secrétaire. Voici, Messieurs, une pétition de plusieurs citoyens de la ville de Clermont-Ferrand : « Messieurs, « Vous avez, l’année dernière, promis à la nation, par votre décret sur les corps administratifs, de convoquer le nouveau Corps législatif à une époque très rapprochée. Le comité de Constitution a annoncé depuis peu à l’Assemblée que le 14 juillet la Constitution serait finie. Enfin, après avoir fixé définitivement au 5 juillet la convocation des assemblées électorales, vous les avez suspendues. 3 fois l’espoir de la nation a été déçu. Elle ignore le terme où son sort sera fixé; et maintenant des factieux menacent la patrie de renverser l’édifice de la liberté. Il est temps, Messieurs, que le peuple exerce sa souveraineté et vous fasse connaître sa volonté; et comme les dangers de la patrie sont pressants, il est de notre devoir de vous déclarer, Messieurs, que, si dans une quinzaine votre décret qui suspend les assemblées électorales n’est pas révoqué, nous emploierons les moyens que la loi donne à un peuple souverain et libre pour parvenir à cette convocation. « Nous sommes, Messieurs, les citoyens de Clermont-Ferrand « Suivent les signatures .» Cette lecture prouvera que l’Assemblée publie tout ce qui lui est adressé. Les mêmes citoyens libres ont le lendemain nommé un député pour présenter cette pétition à l’Assemblée. Le député s’est adressé à M. ie Président ; voici la délibération du vendredi 19 juillet 1791 à cet égard : c Les citoyens de Clermont-Ferrand, consternés du décret rendu par l’Assemblée nationale le 16 du présent mois de juillet, mais persuadés qu’un respect aveugle pour la loi est le seul moyen de préserver la France de l’anarchie et de maintenir la liberté, déclarent qu’en obéissant provisoirement à ce décret, ils ne cesseront d’en demander la révocation. Ils font ici leurs remerciements à MM. Pétion, Robespierre, Grégoire, Va-dier, Buz d, Camus et autres députés à l’Assemblée nationale, qui ont constamment soutenu les bons principes. Ils remercient pareillement la société des amis de la Constitution séant aux Jacobins, et les autres sociétés fraternelles, pour le patriotisme qu’elles ont manifesté dans cette circonstance. Ils ont député Jean-Hinri Bancal-Des-essart pour réitérer leurs remerciments et demander la révocation de ce décret; suivre l’effet de la pétition faite à l’Assemblée nationale par les citoyens de Clermont-Ferrand, le 14 de ce mois; demander et obtenir la convocation prochaine des assemblées électorales, et faire tout ce que son patriotisme lui inspirera pour le maintien de la liberté, et les droits sacrés et aliénables de la nation française. v Fait à Clermont-Ferrand, etc. » M. Gaultier -Bianzat. Comme je ne dois point souffrir qu’un pays dans lequel je connais de très honnêtes gens soit calomnié par l’écrit que l’on vient d’entendre, je vous ferai quelques observations. D’abord, il est à ma connaissance que l’intrigant qui a provoqué cette adresse est ici, qu’il désire beaucoup être entendu. Je ne m’y oppose pas, car je crois qu’en l’entendant lui-même, vous verrez plus particulièrement la vérité de ce que je dis, c’est-à-dire qu’il est véritablement un intrigant. Si vous ne voulez pas l’entendre, alors je prendrai la parole pour énoncer des faits qui attestent que tout ce qu’il y a d’honnêtes citoyens dans le pays ont improuvé cette conduite. Je demande que l’Assemblée explique , si elle veut entendre le député de Clermont. Voix diverses : Oui 1 oui! — Non! non! M. Delavïgne. Le particulier dont on parle est un nommé Bancal-Desessart, ci-devant notaire à Paris. Cet homme ne doit pas être admis à la barre, par la nature même de son pouvoir qui tend à vous proposer la révocation d’un décret et à vous intimer les dispositions les plus précises de la part de ses prétendus commettants. Il est chargé d’employer tous les pouvoirs de ce prétendu souverain pour vous forcer à faire sa volonté. {Applaudissements.) Je m’y oppose. M. GauUïer-Biauzat. L’Assemblée ne paraissant pas disposée à entendre M. Bancal-Desessart, je m’en vais vous faire part de ce que je sais. Il est intéresant pour mon pays que la vérité soit connue. Il m’a été envoyé, par le département du Puy-de-Dôme, une adresse faite conjointement avec le conseil général de la municipalité et les officiers municipaux, le directoire du district et l’évêque de Clermont. Avant de vous lire cette adresse, je vous préviendrai que les intrigants qui ont fabriqué celle que vous avez déjà entendue ont parmi eux le commandant de la garde nationale, le premier et le second juge du district, de telle sorte que l’on n’a pu prendre d’abord des moyens énergiques pour réprimer ces intrigants. Voici l’adresse : « Messieurs, j « Les circonstances nous imposent l’obligation I de renouveler à l’Assemblée nationale Fassu-J rance de notre soumission à ses décrets et le