[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 janvier 1790.] France devenue libre, nous serons distingués par l’esclavage. Si nous pouvons Vous proposer un parti qui, loin de compromettre vos décrets et vos principes, les cimente et les consacre; s’il n’a d'autre effet que de fortifier vos décrets et de vous assurer de plus en plus la confiance et l’amour de la nation, quelle objection pourrez-vous faire? M. de Robespierre propose le décret suivant ( 1 ) : « L’Assemblée nationale, considérant que les contributions publiques, établies dans les différentes parties du royaume, ne sont ni assez uniformes, ni assez sagement combinées, pour permettre, daus le moment actuel, une juste application des conditions qui auraient pu être exigées pour l’exercice des droits de citoyen actif; voulant maintenir l’égalité politique entre les habitants de toutes les parties de l’Empire, dont elle a reconnu la nécessité par quelques-uns de ses précédents décrets, et pénétrée surtout d’un respect religieux pour les droits inviolables de l’humanité, qu’eile a solennellement déclarés; » Décrète que l’exécution des dispositions concernant la nature et la quotité de la contribution requise comme condition de la qualité de citoyen actif, sera différée jusqu’à l’époqu - on elle aura réformé le système actuel des impositions, et combiné les rapports de celui qu’elle doit établir avec l’exercice des droits politiques; décrète, en conséquence, que, jusqu’à ladite époque, tous les Français, c’est-à*dire tous les hommes nés et domiciliés en France ou naturalisé-, continueront d’être habiles à exercer la plénitude des droits politiques, et d’être admissibles à tous les emplois publics, sans autre distinction que celle des vertus et des tab-nts, sans toutefois déroger aux autres motifs d’incompatibilité ou d'exclusion portés par les autres décrets de l’Assemblée nationale. > MM. d’Estonrmel, de Bonviile, d’Ambly et quelques autres demandent avec chaleur la question préalable. Après une longue et tumultueuse agitation clans une partie de l’Assemblée, M. Ouquesnoy parvient à se faire entendre. — Sans doute, dit il, vous n’avez pas eu l’intention d’exclure du rang de citoyens actifs les Français qui habitent dans des villes autrefois priviligiées ..... (MM. Digoine, Duval d’Ësprémênil, Pison du Galand, de Rochebrune, interrompent. On demande qu'ils soient rappelés à l’ordre.). M. Duqnesnoy. Les trois plus grandes villes de ma province sont dans cette position. Des citoyens qui ont une grande propriété industrielle, qui jouissent d’un revenu très-considérable.... (Nouvelle interruption.) des privilégiés qui doivent payer et qui ne paient pas d’imposition en ce moment, parce que les rôles ne sont pas faits encore... (On interrompt de nouveau.) Mon opinion n’est pas équivoque; j’ai voté pour le marc d’argent; je voterai toujours de même. (Il se fait un grand silence.) Je propose d’arrêter que, jusqu’à ce que l’Assemblée ait décrété un mode général d’imposition dans les villes, bourgs et villages où les contributions directes ne sont pas en usage, il suffira (1) Ce projet de décret est extrait du procès-verbal 4e l’Assemblée nationale. 319 pour être citoyen actif, de n’être pas à la charge de la commune. Si ce décret ne vous convient pas, j’en propose un autre: Que les officiers municipaux, avec un certain nombre de notables, fassent un rôle des citoyens qui dans un autre ordre de choses pourront, conformément à vos décrets, exercer les droits de citoyens actifs. Ce décret présente encore des inconvénients. Je préférerai le premier. M. f tharles de Eameth. Je reconnais dans la motion de M. de Robespierre le courage et le zèle qui l’ont toujours caractérisé, et avec lesquels il a défendu les intérêts des classes les moins heureuses de la société; cette question est sans doute la plus importante de toutes celles sur lesquelles l’Assemblée a pu et pourra délibérer.,.. (. Murmures du côté droit.) M. le Président propose de lever la séance. Une partie de l’Assemblée quitte les bancs et se répand dans la salle; l’autre partie est immobile et calme. M. le Président. Vous avez ordonné, pour la ville de Saint-Quentin, que l’imposition pour la garde soldée serait considérée comme contribution directe. En cela, vous avez fait une exception à vos décrets; il n’y a donc rien qui puisse s’opposer à ce que vous preniez en considération l’ex� ception nouvelle qui vous est présentée. Cette discussion, qui doit être longue, commençait à trois heures un quart; j’ai, non levé la séance, mais proposé de mettre aux voix si elle serait levée. J’entends demander en ce moment que la motion de M. de Robespierre soit renvoyée au comité de constitution, pour le rapport en être fait demain à une heure. M. Charles de Lameth. J’avais la parole ; M. le président ne pouvait proposer de lever la séance. Je voulais engager à ajourner la question, et appuyer cette opinion sur l’importance de la matière et sur l’heure qui commençait à être avancée ; mais je demandais l’ajournement pour une séance entière, authentique, solennelle. On a accordé deux séances à la misérable aventure de quelques magistrats, et on en refuserait une seule quand il s’agit des droits et de la liberté de plusieurs millions de citoyens français ! M. d’Estourmel soutient qu’il ne faut renvoyer au comité de constitution que les exceptions proposées, et non la partie générale de la motion, sur laquelle il croit qu’il n’y pas lieu à délibérer. Sur la proposition de M. lioulevillc-Bumetï, la motion entière est renvoyée au comité de constitution. M. le Président fait lecture d’une lettre par laquelle M. le comte de Mirabeau demande à M. l’abbé Maury la communication des différentes pièces relatives à l’affaire de Marseille, dont M. Maury a fait le rapport dans la séance d’hier. L’ Assemblée décide que ces pièces demeureront au comité des rapports où tous les membres rie l’Assemblée pourront les examiner, sans les déplacer. La séance est levée à 5 heures du soir.