[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 juin 1791.] dats à 10 ans de peine de chaîne, de gêne, de détention, voilà, Messieurs, ce qui n’est pas convenable; voilà ce qui est impraticable dans l’exécution, et voilà ce qui est dans tous les cas souverainement injuste. Si vous adoptez l’article, vous mettez le soldat dans le cas de dire : « Pourquoi me fahes-vous marcher par là? » Je demande donc que l’on retranche de tous les articles du Code pénal tout ce qui concerne les soldais. M. d’André. Excepté contre le Corps législatif. M. ISartlnean.Ce cas-là esttellementcontraire à la li erté, qu’il n’est pas un soldat qui s'y prête. (L’Assemblée, consultée, décrète le retranchement du second paragraphe de l’article.) En conséquence, l’article est mis aux voix dans les termes suivants : Art. 1er. « Tout agent du pouvoir exécutif, ou fonctionnaire public quelconque, qui aura employé ou requis l’action de la force publique, dont la disposition lui est confiée, pour empêcher l’exéca-cution d’une loi ou la perception d’une contribution légitimement établie, sera puni de la peine de la gêne pendant 10 années. » (Cet article est adopté.) Art. 2. « Tout agent du pouvoir exécutif, tout fonctionnaire public quelconque, qui aura employé ou requis l’action de la force publique, dont la disposition lui est confiée, pour empêcher l’exécution d’un jugement, mandat ou ordonnance de justice, ou d’un ordre émané d’officiers municipaux, de police ou de corps administratifs, ou pour empêcher l’action du pouvoir légitime, sera puni de la peine de 6 années de détection. « Le supérieur qui, le premier, aura donné les-dits ordres en sera seul responsable, et subira la peine portée au présent article. Art. 3. « Si, par suite, et à l’occasion de la résistance mentionnée aux deux précédents articles, il survient un attroupement séditieux, l’agent du pouvoir exécutif, ou le fonctionnaire public, désigné auxdits articles, en sera responsable, ainsi que des meurtres, violences et pillages auxquels cette résistance aura donné lieu, et il sera puni des peines prononcées contre L s instigateurs des attroup ments séditieux et les auteurs des meurtres, violences et pillages. Art. 4. « Tout dépositaire ou agent de la force publique qui, amès en avoir été requis légitimement aura refusé de faire agir ladite force, sera puni de la peine de 3 années de détention. » (Ces différents articles sont successivement mis aux voix et adoptés.) M. Le Pelletler-Saint-Fargeau , rapporteur, donne lecture de l’article 5, ainsi conçu : « iVut fonctionnaire public qui, sous prétexte de mandements ou de prédications, exciterait les citoyens par des discours prononcés dans des assemblées, on par des exhortations rendues publiques par la voie de l’impression, à désobéir aux lois et aux autorités légitimes, ou les provoquerait à des meurtres ou à des crimes, sera puni de la peine de la dégradation civique. 29o « Si, par suite et à l’occasion desdites exhortations prononcés ou imprimées, il survient quelque émeute, sédition, rébellion, meurtres, pillages ou autres crimes, le fonctionnaire public désigné au present article en sera responsable et subira les peines portées contre chacun desdits crimes. » M. liai omet. L’intention de l’article est de déclarer coupables, et de qualifier le délit de tous ceux dont les écrits ouïes discours auront excité des crimes. M. Barnave. Des fonctionnaires publics seulement. M. llalouet. La rédaction de l’article supposerait qu’on ne peut se rendre coup b le d’un pareil délit que par des mandements ou des prédications; et vous ne pouvez pas nier, Messieurs, qu’il y ait quelque autre manière de commettre les mêmes crimes, et consé imminent d’encourir les mêmes peines. Il faut donc spécifier toutes les autres manières dont on peut se rendre coupable du même crime. Je vous propose donc de dire : « sous prétexte de religion ou de patriotisme »; car ces deux choses, éga'ement sacrées aux yeux de tous les hommes, fournissent également matière aux excitations les plus dangereuses et les plus répréhensibles. Voilà à quoi se réduit mon observation sur la première partie de l’article ; quant à la seconde, il me paraît indispensable que vous en changiez la rédaction. Je propose de retrancher spécialement les termes : « mandement et prédication » ; car je vous prie, Messieurs, d’examiner ce qui en arriverait (Rires ironiques à gauche.) si, en supposant un ministre protestant, qui, dans ses sermons, aurait déclaré superstitieuses nos cérémonies catholiques. Je suppose qu’à la sa te de cette piédica-tion ses auditeurs échauffés attaquassent une procession ; certainement vous ne regarderiez pas comme coupable le ministre prote-tant qui, suivant les dogmes de sa religion, n’aurait fait que condamner un rite ou une formule catholique J’ai proposé de retrancher les mots de mandement et de prédication , car ils paraissent évidemment applicables aux circonstances; et une loi, un Code pénal ne doit pas être environné de circonstances. Je connais assurément des formules de mandement très coupables; ne fût-ce que celui adressé aux mulâtres de Saint-Domingue, par lequel ou déclare qu'Ogé a été assassiné légalement, par lequel on annonce l’affranchissement prochain des nèures. Je regarde comme très cou-pab'e une pareille lettre pastorale ; et je crois fort que, s’il y a des suites dangereuses, des suites sanguinaires, les colonies en rendront responsable l’auteur de cette lettre p asto raie. Par le pouvoir qui est confié au juré, vous l’avez spécialement chargé de juger la moralité de l’accué, et de vérité r si dans le délit qui lui est imputé il a eu l’intention de le commettre. D’après cela, comment pourriez-vous rendre un homme responsable de toutes les suites possibles, si son discours, sa prédication ne sont pas une excitation positive au crime et à la sédition ? La prédication, le discours sont très coupables lorsqu’il y a excitation positive au crime, encore plus au meurtre et à l’incendie, c’est-à-dire excitation positive et désobéissance aux lois et, en un mot, à tout ce qui est criminel. Je demande 296 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 juin 1791.] le retranchement de la seconde partie de l’article. M. lie Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. Voici une nouvelle rédaction que je propose. « Tout fonctionnaire public qui provoquerait directement les ciioyens, par des discours prononcés dans les assemblées, ou rendus publics par la voie de l’impression, à désobéir à la loi ou aux autorités légitimes, ou les provoquerait à des meurtres ou à des crimes, sera puni de la peine de la dégradation civique. . . Un membre : Ce n’est pas assez. M. Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. « ..... Si, par suite et à l'occasion de ces discours prononcés ou imprimés, il survient quelque, attroupement séditieux, meurtre, violence ou pillage, le fonctionnaire public désigné au présent article en sera responsable, et subira Us peines portées contre les instigateurs des attroupements séditieux et les auteurs des meurtres, pillages et violences. » M. Malouet. Une loi ne saurait être trop précise Je demande qu’à la suite de ce paragraphe : « Si, par suite, etc ..... », on mette les mots : excitation à la désobéissance et à l'insubordination. M. Legrand. Votre dernière rédaction ne remplit pas notre objet. Je voudrais mettre : « Tout fonctionnaire public qui, sous le prétexte d’exercer ses fonctions, par des discours, des paroles, des actions ou des écrits, exciterait, etc ..... » Alors vous renfermez positivement l’article dans son sens. Je ne crois pas ensuite que la peine soit proportionnée au délit, car on s’embarrassera peu, lorsqu’on sera conduit par de mauvais esprits ou par de mauvaises intentions, de la dégradation civique. Je voudrais y joindre 3 ans de prison. Un membre : Non, 2 ans. M. Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. J'adopte la première proposition de M. Legrand. Ce n’est pas précisément parce que c’est un fonctionnaire public, mais c’est parce qu’il abuse des fonctions qui lui sont confiées qu’il se rend coupable. Voici la rédaction définitive que je propose : Art. 5. « Tout fonctionnaire public qui, par abus de ses fonctions, et sous quelque prétexte que ce soit, provoquerait direciement les citoyens, par des discours prononcés dans des assemblées, ou rendus publics par la voie de l’impression, à désobéir à la loi ou aux autorités légitimes, ou les provoquerait à des meurtres ou à d’autres crimes, sera puni de la peine de la dégradation civique. « Et si, par suite et à l’occasion rde tels discours prononcés ou imprimés, il survient quelque attroupement séditieux, meurtre ou autre crime, le fonctionnaire public désigné au présent article, en sera responsable, et subira les peines portées contre les instigateurs des attroupements séditieux et les auteurs de meurtres et autres crimes qui auront été commis. » (Cet article est mis aux voix et adopté.) M. Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur, donne lecture de l’article 6, ainsi conçu : « Tout fonciionnaire public révoqué ou destitué légitimement, tout fonctionnaire public électif et temporaire, après l’expiration de ses pouvoirs, qui persévérerait à exercer des fonctions, sera puni de la peiae de la dégradation civique. « Si, par suite et à l’occasion de sa résistance, il survient quelque attroupement séditieux, il en sera responsable et puni des peines prononcées contre les auteurs et instigateurs desdits attroupements. » Un membre : Il me parait que, dans cet article, il y aurait quelque chose à changer, à savoir les mots : « qui persévérerait à exe cer des fonctions ». C’est là un terme trop vague; je crois qu’il faudrait dire : « les fonctions qui sont attachées à ces pouvoirs ». Je demande encore que la peine soit augmentée. Un fonciionnaire public, qui persisterait à continuer ses fonctions, est un criminel de lèse-nation, qu’il faut sévèrement, punir. C’est ainsi que Cé-ar s’est perpétué dans le consulat. Je demande que tout fonctionnaire public qui persisterait un moment, après le temps écoulé, à continuer ses fonctions, soit déclaré criminel de lèse-nation, et soit puni de la peine qui suit immédiatement la peine de mort. M. Legrand. Je ne crois pas que votre article punisse ceux qui prendraient le prétexte d’anciennes fonctions pour ameuter le peuple, pour le séduire, pour le tromper. M. Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. Je répomis au préopinant que je peux bien entrer dans l’Eglise, mais je ne peux pas entrer dans le confessionnal. M. Legrand. Je suppose qu’un ci-devant évêque, qu’un c -dt vaut curé fasse un mandement en sa qualité d’évêque. M. Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. Je vous ai répondu, je ne peux pas vous dire autre chose. M. Gaultier-Bianzat. Je ne vois d’autre mesure pour empêcher un fonctionnaire public de continuer ses fonctions, que de changer la peine de dégradation en peine de détention pour un temps. M. Régnier. On veut vous faire envisager la pei e de la dégradation civique comme une peine trop légère. Je crois que le législateur doit y mettre la plus grande importance