296 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 janvier 1790.] entre les troupes de ligne et les gardes citoyennes, je me permettrai de vous développer mon opinion particulière. « Je crois, Monsieur, que les municipalités et les gardes nationales, représentant l’ensemble de la nation, doivent avoir toute préséance, toutes les fois qu’elles sont assemblées dans leurs villes, soit pour quelque cérémonie, soit autrement, et alors les gardes citoyennes doivent prendre la droite sur les troupes de ligne, qui ne forment qu’un corps particulier dans la nation. Mais je pense aussi que toutes les fois que les gardes nationales sont employées hors de l'enceinte de leurs foyers, conjointement avec des troupes de ligne, elles doivent, comme toute autre troupe, prendre rang avec celles de ligne, suivant la date de leur création. « Si vous pensez comme moi, Monsieur, je crois qu’il convient que vous écriviez dans cet esprit à MM. les officiers des gardes nationales de Tours ; de mon côté, j’envoie copie de cette lettre au commandant du régiment d’Anjou, en l’invitant à se conformer à l’opinion que j’y établis. « J’ai l’honneur d’être, etc. Signé LatoüR-du -Pin. » Divers membres de l’Assemblée ont ensuite rempli les missions particulières qu’ils avaient reçues pour des offres de dons patriotiques. M. Pison du Galland offre, au nom de treize communautés composant l’arrondissement de La Mure en Dauphiné, une somme de 8,365 livres, 16 sous, 6 deniers, provenant d’une créance sur le Trésor Royal, montant autrefois à la somme d’environ 21,000 livres et réduite, par contrat du 18 juin 1766, sur l’Hôtel-de-Ville de Paris, à cette somme de 8,365 livres, 16 sous, 6 deniers avec les arrérages depuis 1783, sans que ce don puisse libérer ceux qui en font l’hommage de la contribution patriotique du quart de leurs revenus, qu’ils s’obligent d’acquitter avec exactitude. M. Dubois-Maurïn, au nom de la ville de Villeneuve-de-Berg en Vivarais, fait l’hommage d'une créance sur le trésor public de 4,400 livres au principal, et qui, avec les accessoires aussi abandonnés, s’élève à un capital de plus de 8,000 livres. L’Assemblée nationale agréé aussi l’offrande faite par de jeunes élèves français aux écoles de Rome, d’une somme d’argent, et de quelques médailles d’or obtenues pour prix de leurs efforts et de leurs talents Un membre offre une médaille d’or du poids de 25 louis, donnée à M. de Retz, médecin du Roi, dans les hôpitaux militaires, par l’Impératrice Marie-Thérèse, d’après le jugement de l’Académie des Sciences de Bruxelles. L’Assemblée ordonne qu’il serait écrit par son président à M. de Retz, une lettre contenant les témoignages de la satisfaction de l’Assemblée. Les villes de Lude en Anjou et de de Saint-Just-sur-Loire en Forez, offrent les six mois d’impositions extraordinaires, levées sur leurs ci-devant privilégiés. La communauté de Gielge, près de Château-ThierrL a fait l’offre de 2,000 livres sur le montant d’une coupe de bois dont elle sollicite Vagrément ; et cette offre a été refusée par l’Assemblée comme portant une condition. M. Ilébrard, membre du comité des rapports, rend compte à l’Assemblée d’une difficulté élevée dans la ville deBrives, par quelques citoyens, ci-devant privilégiés, qui refusent de se soumettre à la charge du logement des gens de guerre avant que l’Assemblée ait expressément prononcé sur cet article. Le rapporteur, en présentant les motifs du projet de décret du comité, parle de la nécessité de prévenir de pareilles difficultés dans toutes villes, bourgs et villages du royaume dans lesquels il n’y a point de caserne. M. Malès a pris ensuite la parole. Il rappelé que, malgré les décrets de l’Assemblée nationale , sanctionnés par le Roi, qui rendent toutes les charges communes et proportionnelles entre tous les citoyens, il est encore des villes où certains ci-devant privilégiés refusent de se soumettre au logement des gens de guerre, comme les autres citoyens et fondent leurs refus sur un défaut d’expression littérale dans les décrets ; il en propose un qu’il croit nécessaire pour faire cesser toutes ces contestations, ce décret porte : « Que dans toutes les villes et villages du royaume où il n’y a point de caserne, aucun habitant de ces villes et villages ne pourra se prétendre exempt de loger dans sa maison, ou ailleurs à ses frais , les officiers ou soldats qui leur seront envoyés par les officiers municipaux, et de fournir à ces officiers ou soldats tout ce qu’il est d’usage de leur fournir, et ce nonobstant toute ordonnance, chartes et privilèges auxquels l’Assemblée nationale déroge. » M. Dubois de Crancé propose un décret portant : « Que nul citoyen dans l’empire ne pourra se prétendre exempt du logement des gens de guerre, soit en nature, soit en argent. » M. le comte de Mirabeau. Je suis loin de donner mon assentiment à ce principe, que nul citoyen ne peut se prétendre exempt du logement des gens de guerre; je prétends, au contraire, que nul citoyen dans l’empire français ne doit v être astreint et que toutes les troupes doivent êt 70 casernées. M. le marquis d’Ambly pense que les troupes doivent toujours camper, même à l’intérieur. M. le vicomte de üoailles dit que cette question ne doit être réglée que lorsque l’Assemblée statuera sur le militaire. M. le marquis d’Ambly ajoute que rien n’est plus conforme que le campement au véritable esprit militaire; en ce que, d’une part, il s’accorde avec la permanence des garnisons, et de l’autre, avec l’utilité d’accoutumer, en tout temps, les soldats à la fatigue et au genre de vie auxquels ils sont destinés. M. Alexandre de Lameth observe qu’il ne croit pas que ce soit le moment ni de développer le principe de M. le comte de Mirabeau, ni de discuter des questions relatives à. l’organisation future de l’armée; que lorsqu’elles seront discutées, on décidera quelles devront être les mesures à prendre pour la marche des toupes; mais que dans ce moment il s’agit d’un décret provisoire ; que des régiments ont changé de [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 janvier 1790.J 297 garnison et qu’en arrivant dans différentes villes, quelques ci-devant privilégiés avaient refusé de loger des officiers ou des soldats ; qu’il était instant pour établir l’égalité que l’Assemblée nationale avait consacrée, de déclarer que tous les citoyens indistinctement participeraient à cette charge publique. M. le baron de Menou propose ensuite un projet de décret qui est adopté en ces termes : « L’Assemblée nationale ayant , par ses précé-« dents décrets , ordonné l’égale répartition de « toutes les charges publiques, déclare que tous « les citoyens , saüs exception, sont et devront « être soumis au logement des gens de guerre , « jusqu’à ce qu’il ai tété pourvu à un nouvel ordre « de choses. » L’ordre du jour appelle ensuite le rapport de l’affaire de Marseille. M. l’abbé Maury, rapporteur, monte à la tribune. M. Blin. Je demande que M. le Président annoncela censure prononcée hier contre M. l’abbé Maury et que ce dernier descende à la barre pour y faire son rapport. M. le Président allait mettre cette proposition aux voix lorsque les membres siégeant à droite ont tous crié qu’il excédait ses pouvoirs et queM. l’abbé Maury ne devait pas descendre de la tribune. — Beaucoup se sont levés et se sont répandus avec emportement au milieu de la salle. M. l’abbé Maury a voulu parler. Les membres siégeant à gauche ont crié qu’il ne serait entendu qu’à la barre. (L’Assemblée est dans un grand tumulte pendant plus d’un quart d’heure), M. le Président ayant obtenu un moment de silence dit qu’il va lire le décret de censure. Un membre du côté droit dit que la censure est insérée au procès-verbal et que la chose est faite. M. l’abbé Maury qui est resté à la tribune, avec un grand calme, demande par l’organe de M. Lavie, que lecture lui soit faite de son décret. M. le Président demande à l’Assemblée s’il fera cette lecture; l’affirmative est décidée et elle a lieu au milieu d’un désordre général. L’Assemblée étant devenue plus calme, M. l’abbé Maury fait son rapport ainsi qu'il suit : M. L’abbé Manry lit le rapport sur laprocédure prévôtale de Marseille (1). Messieurs, des insurrections populaires, troublèrent fréquemment la tranquillité de la ville de Marseille, durant le cours de l’année dernière ; elles s’y renouvelèrent quatre fois, depuis le 23 mars jusqu’au 8 du mois de décembre. Une déclaration de Sa Majesté attribua au parlement d’Aix la connaissance immédiate des troubles qui avaient agité cette ville et une partie de la Provence. S’il faut en croire M. le comte de Mirabeau, « la Provence se soumit à (1) Le rapport de M. l’abbé Maury n’a pas inséré au Moniteur. « cette loi de sang ; mais Marseille, qui, dans les « assemblées primaires, s’était élevée contre le « parlement de Provence, contre l’intendant qui « présidait cette cour; Marseille, où le parlement <« désignait déjà ses victimes parmi les chefs de « cette milice qui défendait le peuple, et que le « peuple défendait à son tour ; Marseille, dont la « seule émotion populaire avait eu pour cause « une juste vengeance contre ses oppresseurs; « Marseille contesta l’attribution du parlement, « qui demandait une année pour entrer dans » Marseille par la brèche, comme un roi méconnu, « mais vainqueur, punit des sujets rebelles. Eh ! « qu’importait, en effet, que Marseille fût dé-« truite, si le parlement était vainqueur ? » M. le comte de Garaman, commandant pour le Roi en Provence, fut envoyé à Marseille, avec quelques régiments pour y rétablir la tranquillité. Les troubles recommencèrent le 23 du mois de juillet, et la consternation des bons citoyens fut d’autant plus générale, que la sédition s’était déjà signalée par les meurtres, par le pillage et par un incendie ; mais avant cette époque mémorable du 23 juillet, le parlement d’Aix, avait manifesté des sentiments d’humanité fort différents des projets sanguinaires que lui impute, sans pudeur, M. de Mirabeau. Ce fut, en effet, sur la demande expresse de cette compagnie que le Roi fit expédier des lettres d’amnistie générale, le premier du mois d’aoùt. Le Roi rappelle d’abord, dans cet acte solennel de clémence, qu’il avait accordé, le 16 avril précédent, des lettres-patentes par lesquelles, il attribuait à sa Cour du parlement d’Aix, la suite et le jugement, en première et dernière instance, de toutes les procédures qui auraient lieu relativement aux émotions populaires de la Provence. « Mais à peine l’instruction fut-elle commencée, « dit le Roi dans les lettres d’amnistie, que notre « parlement nous fit connaître combien ce dou-« loureux ministère répugnait à son cœur, et « combien il désirait d’arriver au moment où il « pourrait, en se livrant à son penchant naturel, « solliciter lui-même une amnistie générale; et « le 23 juillet, il a pris un arrêlépar lequel, après « l’exécution de quelques condamnations inévi-« tablement nécessaires au maintien de Tordre, « il nous supplie d’accorder des lettres de pardon « général, et délibère de surseoir à toute exécu-« tien, et même à toute instruction ultérieure, » jusqu’à ce que nous ayons pu lui faire connaî-« tre notre volonté. » M. le comte de Mirabeau conciliera difficilement cet honorable témoignage que Sa Majesté a rendu aux dispositions pacifiques de son parlement d’Aix, « dès le commencement de l’instruction », avec le projet qu’il ose imputer à ces vertueux magistrats, d’avoir voulu entrer dans Marseille par la brèche. Les lettres d’amnistie furent enregistrées au parlement d’Àix, le 11 du mois d’août 1789 ; mais a clémence du souverain, si noblement sollicitée par les ministres des lois, n’ayant pu étouffer tous les germes de la sédition que les ennemis du bien public ne cessaient de répandre à Marseille, il fallut recourir aux poursuites juridiques, pour protéger plus efficacement la tranquillité des citoyens. Les communes de Provence s’adressèrent, le 22 du mois d’août, à M, le comte de Garaman, pour obtenir, par son intervention, l’activité du prévôt général de la maréchaussée. Les maires et échevins écrivirent, le 23 du mois d’août, à M. le garde des sceaux et à M. le comte de Saint-Priest, pour demander, disent-ils dans