(Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 137 février 1789 ; et qu’enfia en mars 1790, il ne s’en trouvait que quatre qui ne perdissent pas sur mars 1789. Le 17 juin j’ai encore écrit à M. le président du comité des finances, et j’ai mis de nouveau sous ses yeux les progrès du mal, résultant du retard de la délibération de l’Assemblée nationale sur cette branche de revenus -, je lui ai rappelé l’état progressif de la dégradation en janvier, février et mars, et l’ai informé qu’en avril il n’y avait plus aucune direction qui ne fût en perte sur avril 1789 ; quant au montant des produits, la perte qui, en janvier, était de 247,320 livres de tabac sur janvier 1789, en février de 291,305 livres de tabac sur février 1789, et en mars de 340,168 livres de tabac sur mars 1789, avait été eu avril de 432,179 livres de tabac sur avril 1789. Je priais le comité de juger par ce tableau où conduiraient les délais toujours prolongés de la déc sion de cet objet, dont l’abandon semblait annoncé par ces retards indéfinis, et aurait bientôt causé la destruction du produit le moins à charge aux contribuables qui puisse être imaginé, et à laquelle il ne resterait bientôt plus qu’à pourvoir par un remplacement forcéde29 mllions de livres. Depuis le mois d’avril, trois mois et demi se sont écoulés, et de mois en mois la progression décroissante des produits a continué. Je désire et j’ose encore espérer le rétablissement si précieux de cette partie de revenus, quelque difficile que le rende de plus en plus une aussi longue insurrection ; mais je ne puis me dispenser, d’un côté, de vous représenter que chaque instant porte coup, et peut en porter d’irréparables; d’une autre part, de vous observer que la vente exclusive du tabac est le seul moyen de conserver au Trésor public, sur cette consommation, un revenu égal ou comparable à celui qui a été perçu jusqu’à présent, et qu’il est impossible de l’espérer par le seul établissement de droits à l’entrée du royaume sur le tabac étranger. Un droit de traites sur cette marchandise, capable de produire 29 millions même, une somme beaucoup moindre, serait un véritable droit prohibitif, et par conséquent ne produirait rien, et ne profiterait qu’aux fraudeurs et aux assureurs de fraude. Il est également impossible d’espérer ni 29 millions, ni même un produit beaucoup inférieur de la vente du tabac au profit de la nation, en concurrence avec le commerce; et l’expérience acquise depuis six mois à l’égard de la vente du sel, prouve déjà combien est illusoire une telle spéculation ; il s’en faut du tout au tout que le produit de cette vente au profit du Trésor public réponde aux espérances conçues. Les causes morales, les causes de circonstances ne sont peut être pas assez entrées dans la combinaison de ces espérances; mais elles gouvernent les résultats plus impérieusement que tous les calculs commerciaux. Il en sera de même à l’égard du tabac ; mais il est un calcul commercial et simple qui démontre évidemment jusqu’où peut se porter au plus haut période le produit de la vente du tabac, ouverte au profit du Trésor public, en concurrence avec le commerce libre. La consommation annuelle de la France est dans l’état actuel d’environ 15 millions de livres de tabac fabriqué par la ferme générale; les frais d’achat et de fabrication sont calculés dans les dépenses du bail actuel des fermes, sur le pied de 11 mi'üons de livres; ils ont même excédé dans plusieurs années antérieures. IIfautajouteràcesl5 millions de livres l’approvisionnement des provinces franches, fait par le commerce libre, que j’évalue à 2 millions de [18 août 1790.] livres. Ainsi, la consommation totale du royaume est de 17 millions de livres ; et l’on peut évaluer à 12,500,000 livres le prix intrinsèque de cette quantité de tabac, en ne le composant que des frais d’achat et de fabrication. On ne peut guère douter que la concurrence à laquelle donnera lieu l’ouverture du commerce libre, n’augmente en Amérique, en Hollande et partout ailleurs le prix des achats; et nous sommes peu fondés à espérer que la qualité de nos tabacs indigènes et leur abondance combinées nous dispensent d’en tirer une grande partie des pays étrangers: on peut donc partir d’une mise à peu près de quinze sous par livre de tabac, pour établir la base de ce commerce. Qu’on suppose que la ferme générale partagera par moitié avec le commerce libre l’approvisionnement du royaume, ce dont il ne faut pas se flatter, il s’ensuivrait que le Trésor public vendrait environ huit à neuf millions de livres de tabac par an, et y mettrait 6,250,000 de livres d’avances. Le bénéfice ordinaire du commerce, le seul que la ferme générale pût faire pour se conserver la concurrence, est de dix pour cent : le Trésor public ne pourrait donc retirer qu’envirou 600,000 livres de revenus de la vente du tabac. Quelque calcul hypothétique qu’on pût faire, soit sur la quantité de tabac à vendre, soit sur le prix, et par conséquent sur le tarif du bénéfice, à quelle somme, en partant des bases que je viens de poser, pourra-t-on arvenir? Vous voyez, M. le Président, que les 9 millions livres que le tabac produit actuellement au Trésor public, sont, on peut le dire, anéantis absolument, si la vente non exclusive était seule conservée à la ferme générale. J’ai cru devoir ces observations à l’Assemblée nationale, au bien du service dont je suis chargé, à l’intérêt des peuples, qui auront à supporter un remplacement tout autrement onéreux que ne l’était l’impôt du tabac, remplacement inévitable, puisque la balance des finances publiques ne peut pas permettre la moindre diminution des revenus de l’État. Je remets à votre zèle pour le bien public, et à la sagesse de l’Assemblée nationale de peser toutes ces considérations. « Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre, etc. « Signé : LAMBERT. » ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DUPONT (DE NEMOURS). Séance du mercredi 18 août 1790 (l). La séance est ouverte à neuf heures du matin* M. SMntevilIe de Cernon, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier au matin. 11 est adopté. M. Le Chapelier. Messieurs, votre décret du 12 décembre 1789, relatif à la continuation de la régie sur les boissons , reçoit une fausse interprétation dans le département du Finistère, ce qui nuit à la perception des droits. Afin de remédier à un état de chose fort préjudiciable aux villes (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 138 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. de l’ancienne Bretagne, j’ai l’honneur de vous prier de vouloir bien rendre le décret suivant : « L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait des fausses interprétations données à son décret du 12 décembre 1789, concernant la continuation de la régie pendant l’année 1790, des droits établis dans l’ancienne province de Bretagne, sur les boissons, considérant qu’il est nécessaire d’arrêter l’effet de ces mauvaises interprétations, qui préjudicient à la perception des droits et mettent beaucoup de difficulté dans la régie, « Déclare : 1° Que lorsque, par son décret du 12 décembre, elle a, d’une part, fixé à 50 sous pour tous les citoyens indistinctement le prix de l’eau-de-vie exclusivement vendue et distribuée dans l’ancienne province de Bretagne par les régisseurs des droits établis sur les boissons, et que de l’autre elle a autorisé les municipalités à continuer de percevoir les octrois établis, elle n’a point entendu que celles des municipalités qui sont en possession de lever des octrois sur la vente des eaux-de-vie, puissent prendre les-dits octrois sur les 50 sous que perçoivent les régisseurs, et qui doivent tourner en entier au profit du Trésor public. « En conséquence, l’Assemblée nationale décrète que les municipalités, qui, en vertu de l’autorisation qui leur a été donnée par le decret du 12 décembre, voudront continuer de lever les octrois établis sur la vente des eaux-de-vie, les feront lever en sus des 50 sous perçus par les régisseurs , de manière que cette somme soit reçue par eux en entier et sans aucune diminution. A cet effet, lesdites municipalités seront tenues de faire, aux régisseurs, leur déclaration de vouloir continuer la perception des octrois sur l’eau-de-vie et de requérir cette perception, auquel cas lesdits régisseurs feront ladite perception en sus de 50 sous, et ils en tiendront compte aux municipalités; « 2° Déclare nuis et comme non-avenus les arrêts mis entre les mains des receveurs, par quelques municipalités, qui, n’ayant point requis la perception de leurs octrois sur l’eau-de-vie distribuée par les préposés des régisseurs, ont' prétendu qu’il devait leur en être compté sur le prix dé 2 livres 10 sous par pot; « 3° La municipalité de Morlaix continuera de jouir, provisoirement, de l'impôt et billot qui lui ont été concédés pour des charges particulières, parce qu’elle sera tenue de justifier de son titre, par devant les commissaires nommés par tous les départements de l’ancienne province de Bretagne pour, sur leur avis et celui de l’administration du déparlement de Finistère, être statué définitivement par l’Assemblée nationale; « 4° Le droit de bouteillage, ci-devant attribué à quelque terre, et tous autres de cette nature, demeurent supprimés, ainsi que celui de Banc et Etanche l’a été par le décret du 12 décembre 1789, sauf indemnité, s’il est justifié en être dû aucun en exécution des précédents décrets de l'Assemblée. » (Ce projet de décret est adopté sans opposition.) M. le Président. J’ai reçu de M. Lambert, contrôleur général des finances, une lettre, concernant les difficultés croissantes qu'éprouve la perception des impôts indirects et la rentrée des revenus publics. (Voyez ce document annexé à la séance de ce jour). (Cette lettreest renvoyée au comité des finances.) 118 août 1790.] M. Antoine Portai, médecin, membre de l’Académie des sciences, et des principales Académies de l’Europe, offre à l’Assemblée un ouvrage intitulé : Observations sur les effets de vapeurs méphitiques dans l'homme , sur les nausées, sur les enfants qui paraissent morts en naissant et sur la rage. Dans une adresse qui est jointe à cet ouvrage, M. Portai annonce qu’il a fait en 1788, à l’ouvrage ci-dessus cité , l’addition d’un précis sur l’effet des poisons sur l’homme, ou sur la manière de les combattre; que l’éditiou en a été faite au Louvre; que la distribution de cet ouvrage, dans les départements, pourrait être infiniment utile, et que c’est d’après cette considération qu’il en fait hommage à l’Assemblée. M. Portai offre d’aider de ses conseils, de sa méthode et de son expérience, les établissements de secours que formeront les départements. L’Assemblée reçoit avec intérêt cette proposition, faite par un citoyen qui a depuis longtemps des droits à la reconnaissance publique, et elle renvoie l’adresse et l’ouvrage qui lui sont présentés, à son comité de secours et de mendicité. L’ordre du jour est la suite de la discussion sur le placement des tribunaux dans les districts. Les députés de Gharleville et de Mézières proposent une nouvelle division pour le département des Ardennes. Après une discussion assez longue, l’article proposé par le comité est maintenu. M. Alquler, secrétaire, donne lecture de la lettre suivante, adressée à M. le président par le ministre de la guerre. « Paris, le 18 août 1790. « Monsieur le Président, j’ai l’honneur de vous prier d’informer l’Assemblée nationale, qu’instruit de l’arrivce à Paris de dix-huit soldats du régiment du roi, d’après le décret du 16 de ce mois, relatif à l’insurrection de la garnison de Nancy, j’ai donné l’ordre de les faire arrêter, afin que l’Assemblée nationale pût déterminer les mesures qu’elle jugera devoir être prises à leur égard. « Je suis avec respect, etc. « Signé : La-Tour-dü-Pin. » (Cette lettre est renvoyée aux comités réunis : militaire, des rapports et des recherches.) M. de Menou. Le comité d’aliénation des domaines nationaux me charge de vous proposer un décret pour autoriser la vente à la municipalité d’Orléans d’un moulin situé sur le Loiret. Gette vente aurait lieu aux clauses et conditions déterminées par votre décret du 14 mai dernier, au prix d’estimation, qui est de 8,000 livres. M. de Vautrée. J’en offre 10,000 livres, certain de faire encore une excellente affaire. Je vois, par ce qui se passe, que les municipalités dilapident la moitié des domaines nationaux. M. lia Jouet. Je demande que la formalité des enchères soit également applicable aux municipalités. Le décret rendu a souffert dans le temps de grandes difficultés. L’addition que je propose est nécessaire afin que des villages ne s’emparent pas des grands bois et des grandes abbayes.