[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [13 mai 1790,] ayant demandé dans une précédente séance, si la ville de Paris serait tenue d'effectuer le cautionnement de 70 millions proposé par elle, cette question a été ajournée à ce matin. J’ai l’honneur d’observer encore que l'Assemblée avait demandé que le comité présentât les formes de cautionnement. J’étais alors président, et je n’ai pu suivre les opérations de ce comité, dont je suis membre. Je dois dire, en mon propre et privé nom, que plusieurs personnes, que je ne nommerai pas, sont venues me prier de ne pas m’opposer au cautionnement qui serait proposé, en m’offrant de participer au bénélice. {La, salle retentit d’ applaudissements. )Je n’avais pas besoin de cês( offres pour avoir une opinion bien prononcée et bien a-sorée sur ce cautionnement. Je pense que si l’opération est bonne, la municipalité pourra payer chaque année 10 millions, et dans sept ans, les 70 millions que ce cautionnement aurait pour objet d’assurer si l’opération est mauvaise. Les capitalistes ne fourniront assurément pas des fonds ; en outre, j’avais pensé -que les capitalistes qui cautionneront pourront être en même temps cautionneurs, vendeurs et acheteurs : ainsi donc le cautionnement me paraît immoral et dangereux. J’abandoune ces observations à la sagesse de l’Assemblée. M. le duc de l*a Rochefoucauld. Quand la ville de Paris a proposé un cautionnement, vous avez cru qu’il était nécessaire de l’accepter pour assurer le crédit des assignats, et par la raison que les biens dont la municipalité fera l’acquisition se vendront plus difficilement que des biens ruraux. C’est sur ces motifs que, par votre decret du 9 avril, vous avez chargé votre comité de s’occuper des formes de ce cautionnement, Il n’a pu se livrer encore à ce travail, parce que le règlement sur les ventes a employé tous ses •moments. Il attend que vous décidiez si votre décret du 9 doit être mis à exécution. M. Alexandre de I�ameth. Le cautionnement n’a d’utilité que pour les capitalistes, auxquels il donnera à partager 3,500,000 livres; il est nuisible à la chose publique. La ville de Paris renferme dans ses mursetdans sa banlieue lés bi<*ns les plus précieux, les plu3 à la portée des particuliers riches; comment peut-on supposer qu’elle ne vendra pas pour 10 millions par an, pour 70 millions en sept ans? Si elle a besoin de 3 ou 4 millions, elle trouvera aisément à les emprunter au moment de sou besoin. Si ce cautionnement était exigé de la ville de Paris, il faudrait en exiger un de toutes les municipalitésdu royaume, ce qui serait pour l’Etat une perte de 20 millions. On s’est trompé quand on a cru que le cautionnement des capitalistes était nécessaire au crédit des assignats; les capitalistes nuiraient plutôt aux assignats, s’ils se mêlaient de cette opération. Le cautionnement aurait été honteux sous le règne de M. de Galonné : l’Assemblée nationale ne souffrira pas cette opération sous ses yeux. M. le Président consulte l’Assemblée sur la proposition ; elle est adoptée et le décret suivant est rendu: « L’Assemblée nationale décrète qu’il ne sera point donné suite au cautionnement à former par la municipalité de Paris pour l’acquisition ae s domaines nationaux. » M. le Président annonce qu’il vient de recevoir de M, le ministre de la marine une lettre qui annonce des évènements fâcheux arrivés d Toulon. Le roi désire que ces faits soient mis sous les yeux de l’Assemblée. La lettre est ainsi conçue : « Monsieur le président, « Le roi, vivement touché de ce qui s’est passé à Toulon, m’ordonne d’en instruire l’Assemblée nationale. « Par les lettres que j’ai reçues de ce port, il paraît que le 3 de mai, à deux heures après-midi, il s’est formé un nombreux attroupement d’ouvriers et de peuple devant la porte de l’arsenal, qui venait (Têtre fermée sans ordre. « Gel attroupement se porta chez le comman ¬ dant de la marine qui dînait ; on lui fit des demandes, dont aucune ne fut refusée. « La liberté de trois canonniers matelots, qui étaient détenus en prison pour cause d’insurrection à bord de la frégate l’Alceste, fut la première de ces demandes. « M. le commandant de Glandèves répondit, comme il était vrai, qu’ilm’en avait écrit, qu’il avait peu d’instants auparavant reçu les ordres du roi pour faire mettre ces hommes en liberté et les congédier; que leur cartouche venait d’être signée. Il chargea même publiquement M. Boyer, aide-major de division, de faire délivrer ces trois prisonniers. « On insista pour avoir des armes et des' gibernes : ce chef militaire annonça, que ne dou-_ tant pas que la municipalité ne lui fit la même demande, il les accordait d’avance. « On affecta de ne pas ajouter foi à ses promesses. Il fut entraîné avec violence de l’hôtel du commandement. M. le baron de Glandèves, son frère, ancien capitaine de vaisseau, retiré du service, qui dînait chez lui et ne voulut pas s’en séparer, fut arraché de ses bras. M. de Gholet, lieutenant de vaisseau, reçut trois coups de sabre et deux de baïonnette : il a été sauvé par quelques volontaires de. la milice nationale, quî survinrent en ce moment. «Mile commandant de Glandèves lui-même m’écrit qu’il doit beaucoup à l’assistance de M. Saurin, major, et de M. Pélissier, aide-major de la garde nationale, qui firent envain tout ce qui était en leur pouvoir pour empêcher qu’on ne l’entraînât à l’hôtel de ville. « Pendant ce trajet il fut sans cesse menacé de perdre la vie par les cris d’une partie du peuple; d’autres l’entouraient et ont veillé à sa sûreté : ceux-ci l’ont garanti de plusieurs coups de sabre et de baïonnette et ont empêché qu’il ne fût mis dans les prisons du Palais. « A peu de distance de l’hôtel de ville, il rencontra le maire qui en était sorti en chaperon et venait au devant de lui sur l’avis qu’il avait reçu de ce désordre subit, par quelques officiers de la marine. « M. le commandant de Glandèves me mande que depuis qu’il est détenu à l’hôtel de ville, il a été traité avec la plus grande humanité et qu’il n’est point d’attention qu’on n’ait pour lui. « Mais il me fait sentir, en même temps, que MM. les officiers municipaux ne peuvent, dans celte circonstance, se dispenser de lui faire encore beaucoup de demandes pour rétablir la tranquillité et qu’il lui est impossible de ne pas accéder. « Tels sont les détails contenus dans les lettres qui m’ont été adressées le 3 de ce mois: celle du 4, matin, annonce que quoi qu’il eût été distri-