490 [Assemblée nationale.] plus que les créances, qui repoussent les uns, écartent les autres, et préfèrent ceux-ci sans consulter strictement les règles de la justice. Quand les décrets de l’Assemblée ont ordonné la libération de la dette exigible, y a-t-il eu des exceptions prononcées? La créance de M. d’Orléans est-elle dans l’ordre de ces exceptions? Non. La créance de M. d’Orléans est exigible par sa nature, et indépendamment des décrets de l’Assemblée. Elle fait partie de l’arriéré liquide, et à moins qu’il n’y eût un décret déjà rendu, qui suspendît le remboursement de la dette exigible, et portant intérêt, la dette de la dot de la reine d’Espagne est remboursable actuellement. Ainsi le veut l’équité, ainsi le veut l’intérêt de l’Etat. L’équité, en ce que la dot de la reine d’Espagne constituée en 1721 est certainement l’une des plus anciennes en hypothèque, et il n’y a que l’ancienneté de l’hypodièque qui puisse être un titre de préférence entre des créanciers tous égaux aux yeux de la raison et de la loi. Monsieur d’Orléans n’invoque ici que la justice distributive due à tous les citoyens. L’intérêt de la nation n’est-il pas encore d’accord avec sa justice pour faire rembourser, avec des capitaux qui ne produisent pas d’intérêts, un capital qui coûte chaque année 207,000 livres au Trésor public? En réclamant le pay< ment légitime d’une créance exigible depuis 1724, en désirant d’en faire mettre le capital en circulation, ce qui ne pourra qu’être avantageux au public, Monsieur d’Orléans et ses cessionnaires ne demandent point de grâces particulières, et ils espèrent seulement que les objections et les sophismes de M. l’abbé Maury n’enchaîneront point la justice de l'Assemblée nationale et ne lui arracheront pas une exception à ses décrets, qui serait injuste pourMonsn ur d’Orléans, fâcheuse pour ses créanciers, et très alarmante pour tous les créanciers de l’Etat. En nous résumant, disons donc avec confiance, avec la conviction la plus intime, en n’invoquant que la simple probité, la droite impartialité, que la créance de Monsieur d’Orléans, par lui cédée à MM. Boyd et Greffulhe, est fondée : Sur un traité politique entre la France et l’Espagne, que rien ne peut détruire; Sur une alliance qui devait être de la plus grande uiilité pour l’Etat; Sur un contrat de mariage dont l’exécution, indépendante des grands intérêts qui l’avaient dictée, a été garantie par Louis XV, en foi et parole de roi ; Sur l’usage immémorial de doter les princesses que l’intérêt de l’Etat mariait en pays étranger; Sur une convention qui subsistait depuis 250 ans entre la France et l’Espagne, pour fixer à 500,000 écus d’or sol les dots respectives de leurs princesses; Disons que Monsieur le régent, en consentant, dans le conseil de régence, à ce mariage, eût été coupable s’il eût négligé de faire renoncer sa fille à loutes successions paternelles et maternelles, pour ne pas foire passer des propriétés considérables à des souverains étrangers qui n’auraient pas été citoyens, qui aurait nt pu un jour désoler le royaume, comme il l’avait été sous le roi Jean et sous Charles YI, comme les ennemis de la France désirent peut-être qu’il le soit encore; Alfirmons que la dette de la dot de la reine d’Espagne, contractée par l’Etat pendant la Régence, n’avait pas besoin d’être ratifiée à la ma* [13 juin 1791.] jorité du roi; qu’en tous cas elle l’a été de la façon la plus sohnndle, et par des lettres dûment enregistrées, et par un pavent nt exact d’intérêts pendant 60 années de suite; Que cette < réuuce, qui n’était grevée d’aucune réversion dans la main de la reine d’Espagne, a été acquise à prix d argent par la maison d’Orléans ; Qu’elle était payable en 1724 ; Quelle n’a jamais cessé depuis d’être exigible, quoique portant intérêt, comme toutes les dots en général, parce que l’abus de la force ne peut pas faire un titre, et que le refus de se libérer pendant 60 ans de la part du roi qui ri’est point contraignable, ne peut pas opérer une libération ; Affirmons enfin, que l’antériorité de l’hypothèque est le seul titre de préférence que Monsieur d’Orléans invoque, et que si cette antériorité était méi risée, que si une créance aussi légitime, aussi exigible, placée, comme toutes les autres dettes cie l’Etat, sous la sauvegarde de la loyauté française pouvait n’être pas remboursée, que si les efforts de M. l’abbé Maury pouvaient obtenir ce triomphe désastreux sur la justice des représentants de la naiion, ce qui est impossible, il n’y aurait pas une seule créan-e sur l’Etat en sûreté, pas un seul créancier qui pût se flatter d'être remboursé; et ce fléau épouvantable, dont le nom seul fan horreur, dont l’Assemblée et le roi veulent garantir la France, la banqueroute SERAIT COMMENCÉE. TROISIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU LUNDI 13 MAI 1791. Réfutation de la réponse de Monsieur d'Orléans (1) à l'opinion de M. l’abbé Maury, dans l'affaire de la dot de la reine d’Espagne. Monsieur d’Orléans demande à la nation une somme de 4 millions qui ne lui est pas due. Si l’Assemblée nationale avait adopté les conclusions de M. Camus, elle en aurait fait expédier le mandat dès le mois de janvier dernier, à l’ouverture d’une séance, sans avoir di-cuté cette importante pétition. La quesiion fut ajournée. Bientôt après, M. Camus fit attribuer au comité central les opérations du comité de liquidation. Plusieurs de mes collègues craignirent que M. Camus ne fît allouer 4 millions à Monsieur d'Orb ans, par un ordre de notre comité central, et m’invitèrent à prévenir la clandestinité de cette décision. Je fis donc une motion, pour demander que la prétendue créance de M. d'Orléans ne pût être acquittée, qu’après avoir été solennellement discutée à la tribune, et ma motion fut adoptée par un décret. L’écrivain de Monsieur d’Orléans, qui répond à tout excepté aux raisons victorieuses que je lui ai opposées, dit, à cet occasion, que j’ai demandé avec une impatience également partiale et passionnée que l’affaire de Monsieur d'Orléans fût mise à l’ordre du jour, et que je n'ai pas pu en attendre le rapport pour exhaler mon opinion. (1) Voy. ci-dessus, page 180, la réponse de Monsieur d’Orléans. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 191 Le vrai est que j’avais étudié l’affaire de Monsieur d’Orléans avec le désir de trouver sa demande juste, le savais qu’une partie considérable de l’Assemblée doutait infiniment de la légitimité de cette créance. Il me paraissait très piquant de défendre Monsieur d’Orléans à la tribune, et je n’en aurais pas laissé échapper l’occasion, si j’avais pu lui prouver ainsi mon impartialité sans blesser les droits de la justice. J’examinai donc les causes, et je compris bientôt qu’il fallait renoncer à mon premier projet. Les prétentions de Monsieur d’Orléans ne peuvent pas soutenir la confrontation avec les témoignages de l’hi-toire et les principes du droit public. Quand je me fus ainsi convaincu moi-même, je crus qu’il était de mon devoir d’offrir à l’Assemblée nationale l’hommage des moüfs qui déterminaient mon opinion. En conséquence, je dictai à l’avance, contre mon usage, le discours que j’avais à prononcer; je le lis imprimer. J’annonçai à Monsieur d’Orléans que mon ouvrage paraîtrait au moment où je descendrais de la tribune, et que je conclurais moi-même à un ajournement suffisant pour donner aux conseils de Monsieur d'Orléans le temps de me répondre s’ils le jugeaient à propos, en me réservant simplement la réplique. Monsieur d’Orléans sut bientôt que mon opinion était imprimée. J’en avais confié 4 exemplaires à des personnes infiniment sûres, qui les ont encore entre les mains, et j’en avais envoyé quelques exemplaires en pays étrangers, à des correspondants qui m’avaient demandé avis sur le fond de l’affaire et qui n’ont certainement aucune relation avec Monsieur d'Orléans. Dès que ce prince fut assuré de l’impression de mon ouvrage, il en eut bientôt, je ne sais et ne veux savoir comment, 2 exemplaires à sa disposition. J’en fus averti par M. de Limon lui-même, et cette étrange nouvelle ne me causa pas le moindre regret. J’avais écrit mon opinion sans passion et sans partialité. J’avais jugé si sévèrement mes moyens, que j’étais convaincu de l’impossibilité de me répondre avec quelque bonne foi, et je ne me trompais point. La répliqué de Monsieur d’Orléans vient de paraître. Ses conseils ont absolument laissé à l’écart, je ne dirai pas les raisonnements, mais les démonstrations qui les accablent. Ils ne me réfutent point; ils affectent de ne pas m’entendre; ils paraissent même ne m’avoir pas bien lu; et sans répéter ici ce que j’ai dit dans mon opinion, je vais discuter rapidement leurs déplorables et derniers moyens, en faveur d’une cause désespérée. Je veux répondre à tout, excepté à des déclamations qui ne signifient rien, et à des injures qu’il me serait si facile de rendre, s’il ne me convenait pas infiniment mieux de les mépriser. Monsieur d’Orléans avait dit dans ses faits décisifs que l'intérêt de l’Etat , et non l'amour paternel avait réglé le mariage de la tille de Monsieur le régent avec le prince des Asturies. J’ai démontré invinciblement le contraire. Monsieur d’Orléans demande à présent ce qu’importe l’utilité de cette alliance. Il imponait de détruire une asseriion fausse et d’affranchir la nation de toute dette de reconnaissance pour une intrigue odieuse. Monsieur d’Orléans dit ensuite, que l’utilité de ce mariage est démontrée , puisqu'elle est attestée par le traité solennellement conclu à Bal-sain, en Espagne , le S octobre 1721, et par l'acte de mariage lui-même , à moins qu'on ne prenne , contre ces deux actes, la voie de l'inscription en faux. Je ne connaissais point cette nouvelle théo-[13 juiu lt9l.J rie diplomatique. Je ne savais pas qu’une simple rédaction d’articles de mariage dût s'appeler un traité solennel. Je ne savais pas surtout qu’un fait historique, démontré jusqu’à l’évidence, contre la mémoire de Monsieur le régent, pût être anéanti par des clauses de pu r style qu’on trouve dans un acte dicté par les fondés de procuration de Monsieur le régent lui-même. La question dont il s’agit n’est point là, mais j’ai cru devoir prouver que ce mariage, allégué par Monsieur d’Orléans comme une affaire d’Etat, n’intéressait réellement que son bisaïeul. L’alliance d' Louis XV avec la fille de Philippe V était un lien plus puissant entre la France et l’E-pagne que le mariage de Mademoiselle d’Orléans avec le prince des Àsturb s. Le second mariage fut, comme je l’ai déjà dit, la récompense et non la comlfiou du premier, par lequel Monsieur le régent promettait le main de Louis XV à une princesse de 3 ans, pour prolonger l’espoir qu’il avait lui-même de monter sur le trône, si l’hériiier immédiat de Louis XIV était mort sans î osiérité. Monsieur d’Orléans avait délié, dans ses faits décisifs, de citer depuis deux siècles un seul exemple d’une princesse mariée par un roi de France à l’héritier présomptif d’une couronne étrangère, sans avoir été dotée par le Trésor public. 11 avait affirmé que Louis XIV avait ainsi doté la fille de Monsieur, en la mariant, le 30 août 1679, à Charles II, roi d’Espagne. J’ai accepté le défi. J’ai démontré que l’exemple allégué prouvait précisément le contraire. J’ai discuté toutes les conventions matrimoniales des sœurs et des filles de Monsieur le regent. Les exemples domestiques qui renversent de fond en comble le nouveau système, et qui chargent la la mémoire de Monsieur le régent de plusieurs autres prévaricaiions très graves, sont totalement oubliées par les conseils de ce prince. On ne répond rien à ma discussion, on n’en parle même pas; et ce prudent oubli est la seule réfutation que l’on m’oppose. Il est pourtant démontré, dans mon opinion imprimée, que jamais nos rois n’ont doté les princesses collatérales de leur maison. Monsieur d’Orléans m’avait défié de citer un seul exemple contraire à son assertion. J’en ai cité un très grand nombre, j’ai fait plus encore, j’ai défié à mon tour Monsieur d’O léans, d’indiquer un seul exemple d’une princesse en ligne collatérale de la maison de France, qui ait été dotée par nos rois. Au lieu d’un exemple que je lui demandais, M. d’Orléans en cite deux. Quoique ces deux nouveaux exemples ne détruisent pas les faits contraires dont je me sois prévalu pour repousser de fausses allégations, il faut discuter ces deux nouveaux actes qui paraissent si triomphants à mes adversaires. On nous dit qu’en 1612, Louis XIII maria Ëli-beth de France au prince d’Espagne, et lui constitua une dot de 506,000 écus d’or, au soleil. Mais, Elisabeth étaii-elle une princesse en ligne collatérale? Elle était fi de de Henri IV, elle était fille de France, elle était sœur de Louis XIII, qui la mariait ; et il faut être étrangement dépourvu de moyens, pour oser assimiler en droits la fille de Henri IV, à la fille de Monsieur le régent. J’ai dit moi-même, dans mun opinion, que les filles et les sœurs de nos rois, que les filles de France devaient être dotées par te Trésor public. Gomment ose-t-on m’opposer un principe inapplicable à l’espèce, un principe que j’ai reconnu, et dont les 192 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 113 juin 1791.] conséquences repoussent victorieusement les prétentions de M. d’Orléans? Je n’ai trouvé dans aucun recueil diplomatique ce contrat de mariage; mais je n’ai pas besoin de le lire pour savoir qu’on ne peut en tirer aucune induction raisonnable, dans la cause de Monsieur d’Orléans. Elisabeth de France, fille de Henri IV, n’avait pas même besoin de la munificence de Louis XIII, son frère, pour avoir, en se mariant, une somme très considérable. Outre la dot que lui devait l’Etat, il lui suffisait, pour être elle-même très opulente, de participer aux riches domaines apportés par son aïeule dans la maison de Bourbon, tels que le duché d’Albret, le comté de Foix, le comté de Limoges et la principauté de Béarn. La dot que lui assigna Louis XIII, son frère, n’était qu’un faible dédommagement de ces biens patrimoniaux. On m’oppose encore le mariage de Marguerite-Louise, fille de Gaston d’Orléans, avec Cosme de Médicis, prince de Toscane. Ou dit que Louis XIV, en mariant sa cousine germaine, lui constitua en dot la somme de 900,000 livres, et que cette princesse était bien manifestement en ligne collatérale de la maison de France. Monsieur d’Orléans allègue dans ce moment, pour la première lois, ce mariage de la fille de Gaston. Cette princesse jouissait d’une fortune privée, d’autant plus considérable que Gaston d’Orléans, son père, n’avait point laissé d’enfants mâles. On peut juger de l’importance des droits ou des propriétés de cette filie de Gaston, par l’immense fortune de Mademoiselle de Montpensier. Quelle est d’ailleurs l’autorité d’un exemple qui, étant manifestement unique, ne peut certainement pas établir un usage national? Les conseils de Monsieur d’Orl ans am aient dû faire imprimer en entier ce contrat de mariage dont ils invoquent les dispositions; mais ils ont eu la perfide. prudence de ne pas divulguer un acte qui aurait renversé leur système. Je n’ai pu trouver ce contrat qu’eu manuscrit, à la bibliothèque du roi. Il est du 18 avril 1661, souscrit par deux secrétaires d’E'at, MM. Guenégaud et deLoménïe; on y trouve des cessions qui valent infiniment mieux que la dot constituée par le roi : Marguerite-Louise d’Orléans se constitue à elle-même en dot, dai s ce contrat, tous les biens meubles et immeubles qui pourront lui échoir à titre successif, en ligue directe ou collatérale, par donation, par legs, ou par toute autre disposition. C’est avec cette réserve qu’elle contracte, sous l’autorité de son tuteur, le célèbre Guillaume de Lamoignon, premier prési i en t du Parlement de Paris. Louis XIV lui donna 900,000 livres, et à cette condition, Marguerite-Louise d’Orléans, fille de Gaston, renonce au profit de Sa Majesté , aux droits successifs à elle échus, par le décès du duc d'Orléans son père. La cession de la princesse étau infiniment supérieure au don du roi. Ce nou' el exemple, cité par Monsieur le duc d’Orléans, pour prouver que les princesses collaterales de la maison de France ont été dotées par nos rois, ne prouve donc rien, ou plutôt, il prouve démonstrativement contre lui. Quand Monsieur d’Orléans ajoute que Monsieur le régent cédait à une nécessité politique qui exigeait le mariage de sa fille, et qu’il ne pouvait ni ne devait empêcher le conseil de régence de donner à sa hile une dot de plus de 4 millions, Monsieur d’Orléans oublie très volontairement que le conseil de régence n’était que le conseil purement consultatif de Monsieur le régent; qu’aucun des membres qui le composaient n’avait voix délibérative en sa présence, et que ce n’était point le conseil, mais uniquement Monsieur le régent seul qui gouvernait ie royaume. C’est donc à Monsieur le régent que l’Assemblée nationale doit demander compte aujourd’hui de cette donation qu’il s’est faite à lui-même eu mariant sa fille. Parlons maintenant de l’autorité qui appartient au régent du royaume, en vertu de notre ancien droit public. D’abord, l’écrivain de Monsieur d’Orléans s’exprime en ce s termes : Le mot de régent du royaume , consacré par les lois et par l'usage, contrarie le système de M. l'abbé Maury, page 6 et page 51 ; il l'appelle le régent du roi , dénomination de collège qui heurte le bon goût, l'histoire et les lois. J’avoue franchement que je ne comprends pas comment cette expression : le régent du roi , pourrait heurter l’histoire et les luis. L’écrivain de Monsieur d’Orléans, qui me donne ici une leçon de goût, écrit lui-même d’un te es mauvais goût. Mais le service qu’il me rend en relevant une faute de style, ne me permet aucune chicane qui puisse excuser mon amour-propre. Pour lui en témoigner ma reconnaissance, je veux lui apprendre autre chose qu’à bien écrire; je veux d’abord lui apprendre à lire, car cette expression : le régent du roi , ne se trouve ni à la page 6 ni à la page 51 démon opinion. J’ai appelé Monsieur le régent, a la page 6, le régent de Louis XV, et cette expression est très reçue; mais quand ou fait imprimer en lettres majuscules, comme une citation : le régent du roi, quand on me la reproche comme une citation de collège, quand on me l'impute comme une adresse insidieuse imaginée par moi pour ne pas appeler Monsieur le regent le régent du royaume, on fait bien pis que de manquer de goût, on manque à la vérité, et c’est une très grande maladresse en affaires. Je me suis servi cent fois dans mon opinion de l’expression : le régent du royaume, et la pédanterie qu’on me reproche appartient entièrement à l’écrivain plus que maladroitde Monsieur d’Orléans. J’ai dit nettement dans mon opinion que l’autorité d’un régent de royaume était la même que Celle du rai, dans tout ce qui ne l'intéressait pas personnellement. L< sconseilsdeMon-ieurd’Orléans ont totalement oub ié cette dernière restriction, queje F. s délie de combattre, à moins que l’irres-ponsabili'é u’un régent ne l’autorise à dilapider à son profit le Trésor public et les biens de son pupille. Je ne les suivrai point dans toutes leurs divagations relatives à l’autorité des régents du royaume. Je suis entièrement de leur avis, sous la simple réserve de ce qui iniéresse personnellement les régents. C’est la, c’est à ce peint essentiel de la cause que je les ramène et que je les invite à me combattre. Tant qu’ils n’auront pas prouvé qu’un régent a le droit d’exerc r une puissance ab-ome, pour ses avantages personnels, et qu’il peut doter ses enfants aux dépens de l’Etat, je dénoncerai, sans autre discussion, à l’Assemblée nationale, toutes ces déclamations insignifiantes; elles conseils de Monsieur d’Orléans auront beau dire qu’ils m’ont réfuté, ils ne m’auront pas même répondu, ou plutôt ils auront fait semblant de ne pas m’entendre. En effet, il ne s’agit pas de savoir si Monsieur le régent devait einpêctn r un de ses enfants ou l'Etat de doter sa fille. Il s’agit de décider nettement si Monsieur le régent était autorisé à doter ses filles aux dépens de l’Etat, sous le nom du roi, dont il était le tuteur. Cette question embarrassante n’a pas même été abordée par l’écrivain de Monsieur [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 juin 1791. J d’Orléans. La convention préparatoire de Balsain étaitune stipulation d’articles et non pas un traité solennel , commeonom le dire.Getteconvention ne change rien d’ailleurs au contrat de mariage que nous examinons. Monsieur d’Orléans réclame, ensafaveur, les lois qui déterminent le délai, dans lequel un mineur, devenu majeur, peut réclamer contre les actes de sa minorité. 11 dit que, dans le droit romain, ce terme n’excédaitjamais 5 ans et qu’en vertu de l’article 134 de l’ordonnance de 1539, après Vâge de 35 ans accomplis , il n'y a plus lieu, de la part des mineurs, à la rescision des contrats, soit par nullité, aliénation de leurs biens, lésion, déception ou cir convention. Cette fin de non-recevoir ne peut pas être invoquée dans la cause ; car il est de principe qu’on ne prescrit jamais en France contre le roi et contre la nation. L’A;semblée nationale a exercé ses droits à cet égard, avec trop de constance et de rigueur, pour que l’on puisse couvrir, à ses yeux, d’aucun prétexte de laps de temps, un droit ou un acte vicieux et abusif dans son origine. Je pourrais m’en tenir à cette seule réponse qui oppose à une simple lin de non-recevoir bien plus incontestable. Mais l’écrivain de Monsieur d’Orléans y a-t-il réfléchi, ennous opposant ce moyen de prescription, appliqué par la loi aux mineurs devenus majeurs? Ne sait-il donc pas que les rois de France sont toujours mineurs, quand ils éprouvent la moindre lésion des droits de la couronne ou de la nation? Dans l’espèce présente, Louis XV et son successeur qui le représente doivent être considérés comme mineurs, et les délais fixés par la loi, pour réclamer après la majorité, ne peuvent jamais expirer pour eux. L’action du roi, et à plus forte raison celle de la nation est donc toujours ouverte et il est évident que l’argument de la prescription, si souvent repoussée dans cette Assemblée, peut encore moins y être admis dans cette circonstance. L’écrivain de Monsieur d’Orléans ajoute que les lois veulent qu’un mineur qui a eu « agréable >■, comme s'exprime la loi romaine, la disposition faite par son tuteur (ratum ha huit), ne puisse plus demander la rescision de l'acte. C’est ainsi qu’il traduit ces mots : ratum habuit, qui signifient ratifier, par cette périphrase a eu agréable, comme si dans le texte de la loi, au lieu de ratum habuit, il y avait gratum habuit. Traduire ainsi, pour la commodité de sa cause, ce n’est point citer une loi, c’est la créer. J’ai démontré que Louis XV n’avait jamais ratifié la donation faite en son nom par Monsieur le régent. J’ai dit qu’une simple liquidation monétaire n’était point une ratification légale. Mon argument conserve donc toute sa force. Les lettres patentes de 1725 supposent la créance, mais ne la ralitient point, et avoir pour agréable ne serait certainement point ratifier. Les 50 payements des intérêts, que Monsieur d’Orléans appelle 50 actes de ratifications successifs, ne sont point des ratifications, mais de simples successions d’erreurs, qui ne peuvent établir un droit. Je trouve dans le mémoire de Monsieur d’Orléans que ces lettres patentes sont une ratification implicite. J’ignore, et personne ne doit se soucier de savoir ce que c’est qu’une ratification implicite, si ce n’est un aveu très explicite qu’il n’y a jamais eu de ratification. J’ai assez prouvé, dans mon opinion, que cette créance, qu’on dit avoir été acquise à prix d’ar-1” Série. T. XXVII. 193 gent par la maison d’Orléans, ne lui a jamais rien coûté. Que pourrait-il donc y avoir de commun entre un titre infecté de tant de nullités et les véritables créances légalement constituées sur la nation? Loin d’alarmer les créanciers de l’Etat, comme le prétend Monsieur d’Orléans, l’Assemblée nationale les rassurera, nécessairement, en prononçant la nullité de cette dette. Quand ses conseils osent dire que la banqueroute serait commencée, si vous rejetiez sa réclamation, iis me donnent trop d’avantages sur eux pour que je doive leur répondre. Les représentants d’un mineur méritent-ils donc d’être flétris de ce nom infâme de banqueroutiers, lorsqu’ils refusent de payer, au représentant d’un tuteur, une somme de 4 millions dont celui-ci a disposé sur les biens de son pupille, pour doter sa propre fille? Monsieur d'Orléans, loin de se permettre de pareilles inculpations, doit se féliciter aujourd’hui de ce que l’Assemblée nationale est assez généreuse, pour ne pas répéter contre lui les deux dots, que Monsieur le régent puisa dans le Trésor public, en mariant deux de ses autres filles, à M. le prince de Modèneet à l’infant d’Espagne don Carlos. La responsabilité qu i la nation a le droit d’exercer soumettrait incontestab!ement Monsieur d’Orléans à cette double restitution, si les représentants du peuple français voulaient lui en demander compte, et certes nous le devrions, Messieurs, s’il est vrai, comme vous l’avez dit cent fois dans cette tribune, que nous n’avons le droit d’être généreux envers personne, et encore moins envers les dilapidateurs publics, aux dépens de l’Etat dont nous ne sommes que les mandataires. QUATRIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU LUNDI 13 JUIN 1791. Opinion de 33. de VilIesieuve-SSargemonî, prêtre, député de la ville de Marseille à l’Assemblée nationale, au sujet des 4 millions de la dot de la reine d'Espagne, fille de M. le duc d'Orléans, pelit-fils de France et régent du royaume, en faveur de M. Louis-Philippe-Joseph Capet Orléans, bourgeois de Paris, membre du Corps législatif et de la dynastie royale (1). Messieurs, Les juges ne doivent jamais partager avec le public les préventions qu’il ne prend que trop souvent et fort mal à propos. Ce sont ces sortes d’inconvénienls fâcheux qui portent quelquefois les dépositaires des lois à commettre, sa os s’en apercevoir, les plus grandes injustices. Il convient, par conséquent, à l’Assemblée nationale de ne donner aucune attention aux horreurs qa’on n’a pas craint de répandre contre M. Louis-Philippe-Joseph Capet, autrement dit Orléans, bourgeois de la rue Saint-Honoré de Paris, membre du Corps législatif et de la dynastie royale. (1) Cette opinion n’a pas été prononcée par suite du renvoi de la question à la prochaine législature. 13