[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 mars 1791.) 389 Plusieurs membres : La question préalable! M. Te Bois -Besguays. Il serait dangereux d’autoriser par une loi le rassemblement de la famille royale, dans un moment où elle pourrait prendre des décisions funestes à l’Etat; en conséquence, je demande la question préalable sur la proposition de M. Martineau. M. Tuaut de la Bonverie. Je propose, par amendement, que te roi, de son vivant, ait le droit de désigner celui à qui il entend que la garde de son fils soit confiée. Personne n’y est plus intéressé que lui. M. Blin. J’appuie celte proposition. Il est impossible de faire un meilleur choix que celui qui sera éclairé par la tendresse paternelle. M. Thouret, rapporteur. C’est un malheur de n’envisager la question que sous une face. Mais qui Ile confiance mérite l’acte d’un roi qui peut êlre fait peu de moments avant sa mort et quand il sera entouré de séductions et d’intrigues ? (. Applaudissements .) Est-il bien sûr que, dans la position où le roi se trouve alors, cet acte soit dicté parla prudence et le discernement? Je trouve qu’il y aurait de très grands inconvénients à l’adoption de cette proposition. M. de Cazalès. Si M. Thouret n’a pas de plus forte objection à faire à l’amendement, il est aisé d’y répondre. Je sens qu’il est très dangereux que l’on entoure le lit d’un roi mourant et que peut-être on ferait parler les morts; mais l’Assemblée nationale peut prendre une autre forme qui évitera cet inconvénient. Il lui suffit de déclarer que Pacte qui nommera le gardien du roi mineur devra avoir été fait 6 mois avant la mort du roi. M. Rewbell. Je demande que, si le roi doit nommer le gardien de son enfant, il ne puisse le faire sans que les médecins aient déclaré qu’il se porte bien. (Rires.) M. Barnave. Monsieur le Président, il n’y a qu’un mot à dire sur la question actuelle. Il est évident que l’enfant royal appartient à la nation (Murmures à droite)-, que, conséquemment, sous ce point de vue, sa garde appartient à la nation. 11 est encore une autre maxime générale qu’il faut déclarer, c’est que nous ne connaissons plus detestaments politiques, que nous ne connaissons plus de volonté politique après la mort. A présent, il me semble que le comité n’a pas assez exprimé que le régent ne peut pas avoir la garde du roi. Il a dit, à la vérité, dans le premier article, que la régence ne donnait aucun droit à cette garde; mais il doit être dit : La régence et la garde sont incompatibles, et il doit ê're ajouté à l’article que Pacte, par lequel le Corps législatif nommera, ne sera pas soumis à la sanction. Avec ces additions, il me paraît qu'il n’y a pas une seule objection à faire au plan proposé par le comité. M. Thouret, rapporteur. J’observe à M. Barnave que ces deux dispositions trouveront leur place dans la suite du plan. (L’Assemblée, consultée, décrète la rédaction proposée par le comité pour la deuxième partie de l’article 2.) M. Thouret, rapporteur. Maintenant que vous venez de décréter que la garde esc élective parle Corps législatif, l’ordredesidéesvousamène nécessairement à statuer sur l’intervalle qui s’écoulera depuis la mort du roi jusqu’à l’élection du Corps législatif; et je crois qu’il faut placer à l’article qui vient d’être décrété, et comme partie du même article, celte disposition-ci : « Et provisoirement le ministre de la j ustice sera tenu de pourvoir à la conservation delà personne du roi mineur et il en demeurera personnellement responsable. » (Cette disposition est décrétée.) En conséquence, l’article 2 est conçu dans les termes suivants : Art. 2. « La garde de la personne du roi mineur sera confiée à sa mère. « A défaut de la mère, la garde sera déférée par élection du Corps législatif; provisoirement le ministre de la justice sera tenu de pourvoir à la conservation de la personne du roi mineur, et il en demeurera personnellement responsable. » M. Thouret, rapporteur. C’est maintenant le moment de placer la disposition sur l’inéligibilité des personnes que vous voulez exclure. Voici la rédaction que nous vous proposons : Art. 3. « Le régent et ses descendants ne pourront avoir la garde du roi; et le décret du Corps législatif, qui la déférera, n’aura pas besoin de sanction. » (Adopté.) M. Thouret, rapporteur, donne lecture de l'article 4 qui est ainsi conçu : Art. 4. « Si la mère est remariée au temps de l’avènement de son fils mineur au trône, ou si elle se marie pendant la durée de la minorité, la garde du roi sera déférée ainsi qu’il est dit dans la seconde partie de l’article 2 ci-dessus. » M. Faydei. Dans ce cas-là, permettez-moi de vous dire’que la deuxième partie de l’article 4 suffit : « si la reine se remarie pendant la durée de la minorité, etc. >> Pourquoi parler de son nouveau mariage avant l’avènement de son fils au trône. Il me semble qu’il serait plus court de dire : « La reine mère perdra la garde du roi, lorsqu’elle se remariera pendant la minorité. » M. Thouret, rapporteur. Il y a deux cas de mères : l’un de reine mère et l’autre de mère qui n’a jamais été reine. Ainsi la rédaction comprend ces deux cas. M. Goupil-Préfeln. La duchesse d’Angou-lême, mère de François Ier, n’était pas la reine mère. (L’Assemblée décrète l’article 4 du comité.) M. Thouret, rapporteur. Voici, Messieurs, la nouvelle rédaction que nous vous proposons pour l’article 5 : Art. 5. « Celui qui, au défaut de la mère, sera chargé de la garde du roi, prêtera à la nation, entre les mains du Corps législatif, le serment de veiller 390 126 mars 1791.) [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. religieusement à la conservation de la vie et de la santé du roi. » Vous sentez que par cette nouvelle rédaction l’obligation du serment n’est pas explicitenumt dans la loi pour la reine mère : nous avons fait l’observation que la marâtre, qui serait enétat de sacrifier son fils, ne respecterait pas la religion d’un serment et qu’il ne fallait jamais multiplier les serments inutiles. Au surplus, c’est un grand Hommage rendu au respect du droit naturel que de ne pas prévoir ce cas dans l’article. (L’article 5 est décrété.) Art. 6. « L’Assemblée nationale se réserve de régler, par une loi particulière, ce qui est relatif à l’éducation du roi mineur, ou de l’héritier présomptif du trône. » (Adopté.) M. Thouret, rapporteur. (1 nous reste maintenant à fixer la majorité que devra avoir le régent, point important à déterminer. Nous avons pensé qu’elle ne devait pas être anticipée comme celle qui est accordée au roi individuellement, mais qu’elle devait être la majorité civile ordinaire. Toutefois, pour que cette majorité n’essuie pas les variations possibles d’après les lois des différentes législatures, nous pouvons ne pas employer dans noire rédaction le terme de majeur , qui donnerait la relation avec la majorité ordinaire, et dire tout simplement que le régent devra être âgé de 25 ans accomplis. Je propose en conséquence la motion suivante : « L’âge nécessaire pour être régent sera de 25 ans accomplis. » (Adopté.) L’ordre du jour est la discussion du projet de décret sur la résidence des fonctionnaires publics. M. Thouret, rapporteur. Nous voici parvenus, Messieurs, au projet sur la résidence des fonctionnaires publics. En voici les termes : « Art. 1er. Les fonctionnaires publics sont tenus de résider, pendant toute la durée de leurs fonctions, dans les lieux où ils les exercent, s’ils n’en sont dispensés pour causes approuvées. « Art. 2. Les causes ne pourront être approuvées et les dispenses leur être accordées que par le corps dont ils sont membres ou par leurs supérieurs, s’ils ne tiennent pas à un corps, ou par les directoires administratifs dans les cas spécifiés par la loi. « Art. 3. Le roi, premier fonctionnaire public, doit avoir sa résidence à portée de l’Assemblée nationale lorsqu’elle est réunie; et, lorsqu’elle est séparée, le roi peut résider dans toute autre partie du royaume. « Art. 4. L’héritier présomptif de la Couronne, étant en cette qualité le premier suppléant du roi, est tenu de résider auprès de sa personne. La permission du roi lui subira pour voyager dans l’intérieur de la France; mais il ne pourra sortir du royaume sans un décret de l’Assemblée nationale sanctionné par le roi. <> Art. 5. Si l’héritier présomptif est mineur, le parent majeur qui sera le premier appelé à l’exercice de la régence du royaume, s’il y avait lieu, sera assujetti à la résidence, conformément au précédent article. « Art. 6. La mère de l’héritier présomptif, tant qu’il sera mineur, et la mère du roi mineur, pendant qu’elle aura la garde du roi, seront tenues à la même résidence. « Art. 7. Les autres membres de la famille du roi ne sont point compris dans les dispositions du présent décret; ils ne sont soumis qu'aux lois communes aux autres citoyens. « Art. 8. Si le roi sortait du royaume et si, après avoir été invité par une proclamation du Corps législatif, il ne rentrait pas en France, il serait censé avoir abdiqué la royauté. « Art. 9. Dans le même cas, l’héritier présomptif et, s’il est mineur, le parent majeur premier appelé à l’exercice de la régence, seront censés avoir renoncé personnellement et sans retour, le premier, à lasucessionau trône et le second, à la régence, si, après avoir été pareillement invités par une proclamation du Corps législatif, ils ne rentrent pas en France. « Art. 10. La mère du roi mineur sera censée avoir renoncé sans retour à la garde par le seul fait de sa sortie du royaume sans l’autorisation du Corps législatif. v Art. 11. La mère de l’héritier présomptif mineur, qui serait sortie du royaume, ne pourra, même après qu’elle y serait rentrée, obtenir la garde de son fils devenu roi, que par un décret du Corps législatif. « Art. 12. Les fonctionnaires publics dont il est parlé dans les deux premiers articles ci-dessus, qui contreviendront aux dispositions de ces deux articles, seront censés, par le seul fait de leur contravention, avoir renoncé sans retour à leurs fonctions et devront être remplacés. » M. Duval d’Eprémesnil. Je demande à proposer deux motions d’ordre avant qu’on passe à la discussion sur les fonctionnaires publics. Je monte à la tribune, mais c’est à la condition que ceux qui l’entourent voudront bien ne pas interrompre comme ils font toujours. Une observation qui, certes, n’a pas échappé à l’Assemblée, c’est que les articles imprimés depuis fort longtemps ont trois objets: La régence, la garde du roi mineur et la résidence des fonctionnaires publics, et que nous n’avons eu de rapport imprimé au nom du comité, que sur la régence et la garde du roi mineur; en sorte que le comité a bien voulu présenter ses principes sur ces deux objets, mais qu’il n’a pas voulu ou osé établir sa théorie sur les articles qui concernent la résidence des fonctionnaires publics. (Murmures.) Et en effet tous ces articles ne sont que des conséquences, plus ou moins artificieusement déguisées, de ce principe, qu’il est impossible d’admettre ou même de traiter, que le roi peut, dans un cas déterminé, être puni ou déposé. Ma première motion d’ordre consiste donc à demander que le comité de Constitution, qui ne déguise pas ses projets de loi, n’en déguise pas les principes fondamentaux, afin que l’horreur qui naîtra à la lecture de sa théorie. (Rires et murmures)... Je n’ai pas sans doute employé une expression assez forte et je crois que les murmures de l’Assemblée n’ont rapport qu’à cette faiblesse. (Rires.) ... Afin, dis-je, que l’horreur dont tous les fidèles sujets du roi seront pénétrés... (Murmures prolongés.) Plusieurs membres : A l’ordre du jour! M. Duval d’Eprémesnil. Est-ce que nous ne sommes plus les sujets du roi ? ( Murmures prolongés.)