[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 janvier 1791.] 210 exécutif pour vérifier, autant qu’il est en lui, ces objets et qu’il vous les renvoie de suite avec les certifications aux lins de voir s’il y a contraste ou non avec ce que vous avez décrété. M. Palasne de Champeaux. Vous avez décrété que les pensions et les gratifications ne seront accordées que sur l’avis des directoires de département; c’est donc à eux à vérifier les faits. M. de jflenou, rapporteur .Il est inutile d’ordonner une mesure qui appartient au pouvoir exécutif; c’est à lui à consulter les départements. L’Assemblée adopte le décret suivant : « L’Assemblée nationale, conformément aux articles 2, 3 et 6 de son décret surles pensions, en date des 10, 16, 23, 26 et 31 juillet dernier, décrète qu’elle renvoie au pouvoir exécutif, pour vérifier les faits relatifs aux pertes et vexations de tout genre qu’a éprouvées le sieur Joseph-Jérémie Tribert, négociant à Poitiers, et proposer ensuite une indemnité qui sera jugée convenable, et proportionnée aux dommages qu’il a essuyés; pour, sur le compte qui en sera rendu, sous quinze jours, à l’Assemblée nationale, être accordé par elle les fonds nécessaires au payement de ladite indemnité. » L’ordre du jour est un rapport du comité de Constitution sur la pétition des auteurs dramatiques. M. Le Chapelier, rapporteur. Messieurs, vous avez chargé votre comité de Constitution de vous rendre compte de la pétition des auteurs dramatiques; et, par ce renvoi, vous avez semblé préjuger la question qui vous est soumise. Elle tient réellement aux principes de la liberté et de la propriété publiques ; elle doit être décidée par ces principes. Les auteurs dramatiques demandent la destruction du privilège exclusif qui place dans la capitale un théâtre unique où sont forcés de s’adresser tous ceux qui ont composé des tragédies ou des comédies d’un genre élevé ; ils demandent que les comédiens attachés à ce théâtre ne soient plus, ni par le droit, ni par le fait, les possesseurs exclusifs des chefs-d’œuvre qui ont illustré la scène française; et, en sollicitant pour les auteurs et leurs héritiers ou cessionnaires la propriété la plus entière de leurs ouvrages pendant leur vie et cinq ans après leur mort, ils reconnaissent et même ils invoquent les droits du public, et ils n’hésitent pas à avouer qu’après le délai de cinq ans, les ouvrages des auteurs sont une propriété publique. Les comédiens, vulgairement connus sous la dénomination de comédieos français, se permettent de convenir qu’il ne peut plus exister de privilège exclusif , et ils vont jusqu’à avouer qu’il peut être établi dans la capitale un autre théâtre où pourront, comme sur le leur, être représentées les pièces qu’ils ont jusqu’à présent regardées comme leur domaine particulier. Mais ils prétendent être propriétaires sans partage des chefs-d’œuvre de Corneille, Racine, Molière, Crebillon et autres, et de tous les auteurs qui, parla disposition d’un règlement, ont, suivant les comédiens, perdu leur propriété, ou qui, sous la loi d’un privilège exclusif, ont traité a\ec eux. Tel est le début que vous devea lei miner put une loi générale sur les spectacles, sur la propriété des auteurs, et sur la durée qu’elle doit avoir ; enfin il est nécessaire, puisque la matière se présente, que vous fassiez quelques dispositions législatives sur la police des spectacles. Les auteurs dramatiques devaient, autant et plus que tous les écrivains, être libres dans le choix de ceux qui représentent leurs ouvrages et dans l’expression de leur pensée. Le public devait avoir la propriété de ces chefs-d’œuvre, qui, plus et mieux que les conquêtes de Louis XIV, ont illustré son règne; et chacun devait être maître de s’emparer des ouvrages immortels de Molière, de Corneille et de Racine, pour essayer d’en rendre les beautés et de les faire connaître. Mais le despotisme qui flétrissait tout, qui portait ses regards sur toutes les institutions pour les maîtriser, avait envahi cette propriété commune et l’avait mise en privilège exclusif. Cela n’élait pas étonnant, lorsqu’une administration vicieuse avait tout transformé en privilèges, et que son unique système semblait être de blesser les droits de tous pour servir quelques intérêts particuliers, lorsque l’inquisition de la tyrannie était placée jusqu’à côté du talent et de la pensée pour étouffer l’un et gêner l’autre. Mais ce qui doit surprendre, c’est qu’il y ait une petite aggrégation d’hommes qui se prétendent encore possesseurs d’un privilège qui leur donne la propriété exclusive des œuvres de tous les auteurs dramatiques, et qui, s’établissant les héritiers privatifs de tous les génies qui ont rendu la France célèbre, veulent qu’ils ne parviennent au public que par eux, et que tous les citoyens n’aient pas comme eux la faculté de jouer les ouvrages dramatiques dont s’honorent le dix-septième et le dix-huitième siècle. Les comédiens français soutiennnent que les pièces de Corneille, de Racine, de Molière, de Voltaire et autres sont leur propriété. Si on lisait cette phrase à un homme fort instruit des principes des gouvernements, mais ne sachant ni l’histoire de celui dont nous sommes débarrassés, ni celle de la superbe Révolution qui nous ramène aux maximes pures de l’ordre social, il regarderait comme un délire uue semblable prétention, et il ne croirait pas qu’elle fût née parmi des hommes que leur état, consacrant à l’étude des chefs-d’œuvre de l’esprit humain, aurait du rendre apôtres religieux de la maxime qui fait de ces chefs-d’œuvre une propriété publique, et qui n’admet une exception à cette règle générale, que pour l’intérêt des auteurs et la conservation du droit qu’ils ont de retirer un honorable salaire de leur glorieux travail. Les comédiens français, après avoir longtemps, à l’aide d’un privilège exclusif, subjugué les auteurs dramatiques, et par un étrange renversement dans l’ordre des choses, les avoir rendus leurs tributaires, sont devenus leurs adversaires, quand ceux-ci ont réclamé les droits que venait de leur rendre une Constitution libre; pour prendre ce rôle, ils n’ont eu qu’un changement de mots à faire, ils ont appelé propriété leur privilège. Dans le mémoire qu’ils ont donné pour essayer d’opérer cette utile métamorphose, ils ont fixé la discussion à quatre points principaux, qui réellement peuvent faire passer sous vos yeux tous les objets de la pétition des auteurs dramatiques. Ces derniers, après avoir exposé le régime tyrannique sous lequel ils ont vécu, ont demandé qu’il fut permis à tout citoyen d’établir uu tliéà -