(Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j �novembre 261 Suit la demande d'admission à la barre du citoyen Molin (1). François-Joseph Molin, de la viUe de Beaucaire, au Président de la Convention nationale. « Citoyen Président, « Maire de Beaucaire dans un moment où une faction ennemie du peuple la dominait, mes efforts furent impuissants pour ramener aux vrais principes et mes concitoyens, et une muni¬ cipalité égarée, et pour prévenir les malheurs qui ont affligé cette ville. L’Assemblée nationale, dans sa justice, ne m’a point confondu avec ceux qui en furent les auteurs ; mais ma qualité de maire à cette époque a été un titTe funeste qui m’a fait mander pour rendre compte de ma conduite. Elle est pure comme mes intentions, aussi me suis-je empressé d’obéir au décret dès qu’il m’a été notifié. Veuillez bien, citoyen Prési¬ dent, obtenir de l’Assemblée nationale ma prompte admission à la barre, afin qu’aucun soupçon d’incivisme ne pèse pas sur la tête d’un véritable sans-culotte à qui sa conscience ne reproche rien. « Molin. » Suit le texte du discours prononcé à la barre par le citoyen Molin (2). Je comparais à la barre pour obéir à votre décret. Je ne sms point coupable, j’avais le témoignage de ma conscience, mais cela ne suffit point, je vous apporte celui des sans-culottes de Beaucaire que j’ai sauvés : je n’ai pas pu les sauver tous, mais je l’ai voulu. Je ne demande point grâce devant le peuple à la Convention, c’est à un coupable à tenir ce langage, mais je vous demande justice et qu’un sage décret dissipe les soupçons qui ne doivent plus errer autour de moi. La Société populaire des sans-culottes de Beaucaire n’attend plus que ce moment pour me recevoir dans son sein et me compter parmi les membres qui la composent. En qualité de fonctionnaire pubbc dans un moment de péril pour la chose publique quel était mon devoir! C’était sans doute de faire tous mes efforts pour le salut du peuple, de rester à mon poste et de mourir plutôt que de l’aban¬ donner. Je l’ai fait, et si je ne suis point mort dans la journée du 1er avril, il n’y a pas de ma faute; revêtu de mon écharpe j’ai été à tra¬ vers la mousqueterie, au-devant des canons pour empêcher qu’on fît feu : mes ordres et mes prières ont été inutiles, les sans-culottes qui ont été tués sont tombés à mes côtés, la mort semblait me fuir et toutes les oreilles semblaient se fermer à ma voix. Que pouvais-je faire, que je n’ aie point fait, citoyens représentants, je vous dis la vérité toute nue, parce que je n’ai pas les talents de l’embellir, mais pour votre entière conviction j’invoque le témoignage des sans-culottes de Beaucaire, de plus ou moins ils seront tous conformes à ce que je viens de vous dire, pas un ne le contredira. Que faut-il de plus? un décret qui m’acquitte honorablement et peut-être que, plus heureux à l’avenir, je pourrai, par quelque acte éclatant de patrio¬ tisme, vous prouver que je l’ai mérité. Molin. (1) Archives nationales . carton C 280, "dossier 764. (2) Ibid. Compte rendu du Moniteur imiversel (1). Le maire de Beaucaire, mandé à la barre de la Convention, se présente pour obéir au décret. « Si le sang a coulé, dit-il, si mes concitoyens sont tombés autour de moi, je n’en suis pas coupable. J’ai porté partout des paroles de paix; j’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour arrêter le désordre et ramener les esprits égarés. J’ai le bonheur d’être investi de la confiance et de l’amitié des sans-culottes de Beaucaire. J’ai toujours servi avec le plus grand zèle la cause de la liberté et de l’égalité. » Le maire de Beaucaire est admis aux hon¬ neurs de la séance. Julien (de Toulouse). Lorsque j’étais mem¬ bre du comité de sûreté générale, je fus chargé de faire un rapport sur les troubles arrivés à Beaucaire (2); je ne fis point au maire de cette ville des reproches positifs; on F accusait seulement d’avoir manqué d’énergie; mais quand les faits ont été reconnus, il a été démon¬ tré que le maire avait fait les plus puissants efforts pour s’opposer aux désordres; s’ils n’ont pas suffi, c’est à l’activité de la malveillance qu’il faut l’attribuer. Le maire de Beaucaire n’a pas cessé d’être bon citoyen. Les sans-culottes de cette ville et nos collègues qui se trouvent dans ce département en rendent les témoi¬ gnages les plus avantageux. (F) Moniteur universel [n° 46 du 16 brumaire an II (mercredi 6 novembre 1793), p. 187, col. 1]. D’autre part, le Journal des Débats et des Décrets (brumaire an II, n° 412, p. 196) rend compte de l’admission à la barre du maire de Beaucaire dans les termes suivants : « Le maire de Beaucaire se présente à la barre pour obéir au décret qui le mande. « Il demande justice. Il se déclare investi de la confiance et de l’amitié de tous les sans-culottes de Beaucaire, et rappelle avec modestie qu’il a toif-jours servi avec le plus grand zèle la cause de la liberté et de l’égalité. Le Président lui accorde les honneurs de la séance. « Julien (de Toulouse). Lorsque j’étais membre du comité de sûreté générale, je fus chargé de faire un rapport sur les faits qui se sont passés à Beau¬ caire. On n’accusait le maire que d’avoir manqué ù l’énergie nécessaire pour réprimer les mouvements contre-révolutionftaires. Quand les faits ont été re¬ connus, il a été démontré que, quoique le maire eût fait des efforts impuissants, il n’avait pas moins opposé toute la résistance possible : si cette résis¬ tance n’a pas suffi, c’est à l’activité de la malveil¬ lance qu’il faut l’attribuer. Le maire qui vient de se présenter devant vous, n’a pas cessé d’être un bon citoyen. Les sans-culottes de Beaucaire en ren¬ dent les témoignages les plus avantageux, et des lettres de nos collègues attestent que cette com¬ mune lui a les plus grandes obligations. * Voulland appuie et développe les observations de Julien; il y ajoute seulement que les sans-culottes de Beaucaire, réunis aux sociétésfpopulaires, n’at¬ tendent que le renvoi de leur ancien mairè dans ses foyers, pour le recevoir dans leur sein. Voulland propose de lever le décret rendu sur le maire de Beaucaire et de lui accorder la faculté de retourner librement chez lui. Ces propositions sont décrétées au milieu des applaudissements. » (2) Voy. Archives parlementaires, lre série, t. LXVIII, séance du 6 juillet 1793, p. 298, le rap¬ port de Julien (de Toulouse) sur les troubles de Beaucaire. 262 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j l4novembrl 17931 Voulland. Je n’ajouterai, citoyens, qu’une seule observation à toutes celles que vient de vous présenter le citoyen Julien notre collègue, qui avait été chargé, par le comité de sûreté générale dont il était membre, du rapport de la malheureuse affaire de Beaucaire. J’étais avec le citoyen Bonnier, notre collègue, sur les lieux en qualité de délégués de la Conven¬ tion, lorsque le sang des braves sans-culottes y fut répandu. Je pense, comme Julien, que le maire, mandé à la barre, aurait pu et dû sans doute, dans cette circonstance, déployer plus d’énergie; et si, malgré tous les efforts qu’il a faits pour sauver les patriotes, on est forcé de convenir qu’il n’est pas à l’abri de tout reproche, il faut avouer aussi que beaucoup de patriotes auraient été sacrifiés dans cette cruelle journée si le maire ne leur avait fait un rempart de son corps. Ceux qui ont été le plus en butte à la rage des malveillants ne peuvent se refuser, en rendant hommage à la vérité, de dire que, sans le généreux dévouement du maire, ils n’auraient pu que difficilement se soustraire au fer assassin d’une horde de malveillants. La Société des braves sans-culottes de la Montagne qui, à raison de ce titre glorieux qu’elle avait pris, avait appelé, contre tous ses membres, la fureur des fédéralistes de notre contrée qui s’annonçaient sous le nom imposant d’amis des lois, n’attend plus que le moment où le maire de Beaucaire aura satisfait à votre décret pour le recevoir au nombre de ses membres. Poultier et Rovere, nos collègues, délégués dans les départements du Midi, assurent que le maire a pour lui le témoi¬ gnage de toute la sans-culotterie de Beau-eaire. Au reste, citoyens, un rapport très étendu sur cette affaire a suffisamment éclairé votre religion et déterminé le décret que vous avez rendu. Ce rapport a été imprimé et ajourné, et vous avez, après une mûre discussion, dis¬ tingué les vrais coupables, et désigné ceux ue vous vouliez mettre sous la main vengeresse e la justice; en les envoyant en connaissance de cause au tribunal révolutionnaire, vous avez prononcé définitivement contre le maire dont le peu d’énergie vous a paru mériter la peine d’être mandé à la barre pour y rendre compte de sa conduite; il vient de s’y présenter. En lui rappelant ce qu’il a fait» vous lui avez appris ce qu’il devait faire. Il a exécuté le décret ; il y a satisfait, tout est fini pour lui. Je demande en conséquence que, sans autre examen et sans renvoi à votre comité de sûrété générale, il soit libre de se rendre dans ses foyers. Cette proposition est décrétée. TJn membre [Romme (1)], au nom du comité d’instruction publique, donne lecture des décrets rendus sur les écoles primaires. Après une dis¬ cussion sur l’ensemble des articles qui composent cette loi, et sur l’avantage d’en faire une révi¬ sion générale, la Convention rend les deux dé¬ crets suivants : « Un membre demande que le comité de Salut public soit chargé de présenter, dans la séance de demain, les listes des membres qui doivent (IJ (Qe membre est Homme, d’après les divers journaux de l’époque. composer les Commissions pour la révision du Code civil et de l’instruction publique décrétés par la Convention. « Cette proposition est adoptée. » « Sur la proposition d’un membre [Coupé (de l'Oise ) (1)], la Convention nationale décrète que le comité de Salut public présentera 6 membres de la Convention nationale qui formeront une Commission pour revoir les diverses parties du plan d’instruction publique, telles qu’elles ont été décrétées; d’en simplifier l’ensemble et d’en faire son rapport sous huit jours à la Conven¬ tion (2). » Compte rendu du Moniteur universel (3) ; Romme, au nom du comité d'instruction 'publique, relit le travail sur l’organisation des écoles primaires. Coupé (de VOise). Je demande qu’il soit nommé une Commission particulière pour revi¬ ser cette loi. (Décrété.) Clauzel. Je demande que cette Commission et celle qui doit revoir le Code civil soient nom¬ mées demain par le comité de Salut public. (Décrété.) On admet à la barre les membres du tribunal de cassation, qui viennent témoigner que leurs principes ne sont pas changés, qu’ils sont tou¬ jours attachés à la liberté et à l’égalité, et qu’ils suivent la marche de la Révolution. Ils remet¬ tent sur le bureau leurs brevets signés de Capet et une médaille de bronze représentant d’un côté la figure du dernier tyran, et de l’autre l’aboli¬ tion des privilèges sous l’Assemblée nationale constituante, à l’époque du 4 août 1789 (4). Suit la demande d'admission à la barre du président du tribunal de cassation (5) : « Citoyen Président, « Le tribunal de cassation est venu pour présenter à la Convention nationale son hom-(1) Ce membre est Coupé (de VOise), d’après la minute du décret qui se trouve aux Archives natio¬ nales, carton C 277, dossier 723. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 24, p. 316. (3) Moniteur universel [n° 46 du 16 brumaire an II (mercredi 6 novembre 1793), p. 186, col. 2]. D’autre part, l 'Auditeur national [n° 409 du 15 bru¬ maire an II (mardi 5 novembre 1793), p. 3] rend compte de la lecture du décret sur les écoles pri¬ maires dans les termes suivants : « Romme, organe du comité d’instruction publique, a fait une lecture générale des articles décrétés sur les premières écoles de l’instruction publique. « D’après la proposition de Coupé, la Convention a décrété qu’une Commission de 6 membres sera chargée de reviser cette loi. Le comité de Salut public présentera demain la liste de ces membres, ainsi que de ceux qui doivent également reviser le nouveau Code civil. » (4) Procès-verbaux de la Convention, t. 24, p. 317. (5) Archives nationales, carton C 279, dossier 750.