170 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 novembre 1789.] banqueroute, de la disette et de la famine. » (La lecture de cette lettre est suivie de vifs applaudissements.) M. Malouet a parlé encore pour sa justification en demandant que la lettre fût insérée dans le procès-verbal comme une réparation authentique. — Il n’y a, dit-il, qu’esclavage et tyrannie où l’honneur n’accompagne pas la liberté. M. Diicjnesnoy appuie la demande de M. Malouet et fait la motion de supprimer le comité des recherches aussitôt que les affaires actuellement subsistantes seront terminées. M. Glezen, qui avait parlé de la lettré, a répondu aux inculpations de M. Malouet. Il s’est défendu par la discrétion que le comité a mise dans son premier rapport, par les instances qui lui ont été faites de s’expliquer davantage, par l’opinion que le comité s’en était formée. L’ajournement a été demandé. M. Malouet s’y est opposé ; puis il a déclaré consentir que l’affaire finît là, pourvu que son innocence fût reconnue. Un membre de l'Assemblée a fait la motion de prononcer que, ouï la lecture de la lettre, M. Malouet est honorablement déchargé de toute accusation. Un autre membre a proposé, par amendement, que le décret portât qu’il n’y a lieu à inculpation. La motion, ainsi amendée, a été mise aux voix ; avant de les recueillir, la question préalable a été demandée. Un membre, qui l’avait d’abord appuyée, l’a abandonnée ensuite. Les voix ont été prises sur Itfond, et l’Assemblée a porté le décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir ouï la lecture de la lettre de M. Malouet, en date du 26 septembre dernier, déclare qu’il n’y a lieu à aucune inculpation. » L’Assemblée a été levée à près de minuit. ANNEXES à la séance de l'Assemblée nationale du 21 novembre 1789. PREMIÈRE ANNEXE. Mémoire sur les finances et sur le crédit, par M. le baron de Cormeré (imprimé par ordre de l’Assemblée nationale) adresse à l’Assemblée nationale , ou précis des éléments du plan général. Messeigneurs, livré depuis plus de vingt ans à l’étude de l’impôt, j’ai obtenu, par un travail pénible et suivi, quelques connaissances sur cette partie essentiellement liée à la prospérité de l’Etat. J’ai reconnu tous les vices du système de la fiscalité. ; j’ai senti combien il était incompatible avec l’ordre social, avec la prospérité de l’agriculture, du commerce, de l’industrie ; je me suis persuadé qu’un mode plus simple d’impositions présenterait des ressources beaucoup plus étendues, et procurant un soulagement sur la masse énorme des contributions, ferait cesser les vexations inhérentes à la perception. Dès lors, je me suis imposé l’obligation de travaillera la réforme de ces impôts ; j’ai pensé que c’était le plus sûr moyen d’acquitter la dette d’un vrai citoyen. Je ne me suis point dissimulé, Messeigneurs, les longueurs, les difficultés de cette entreprise : son succès était incertain; je ne me suis point découragé : j’ai toujours espéré qu’il viendrait un temps où le bonheur public fixerait l’attention du ministère; je n’osais alors me flatter de la convocation d’une Assemblée nationale, je ne pouvais avoir l’idée des nobles entreprises qu’elle formerait pour la prospérité de ses commettants ; que ces entreprises seraient encouragées par la bonté d’un souverain chéri, empressé de sanctionner les décrets des représentants de la nation. Il fallait, Messeigneurs, la réunion successive de ces circonstances, pour donner à la France cette nouvelle constitution qui rendra chère à la postérité la plus reculée, la mémoire de l’Assemblée nationale de 1789. 11 est bien digne des représentants de la nation de couronner cet ouvrage immortel par la destruction absolue du régime de la fiscalité. J’avais présenté mes idées à M. Necker dès 1778 : ce ministre gémissait sur le mode de l’impôt'; mais il n’était point investi de l’autorité des représentants de la nation ; il avait à craindre les préventions, les contrariétés des privilèges existants : les maux de la gabelle l’avaient particulièrement frappé ; il conçut l’idée de simplifier cet impôt, de le modérer, en respectant les franchises qui n’y étaient point assujetties ; ces vues étaient celles* d’un administrateur, ami du peuple et de l’humanité. Honoré de sa confiance pour la rédaction de ce plan de bienfaisance, je ne négligeai rien pour y répondre : mais quelque juste, quelque simple que fût ce projet, je ne fus point surpris de son irréussite; je connaissais par l’expérience l’invincible horreur de plusieurs provinces, de la Bretagne surtout, pour tout ce qui pourrait avoir quelque similitude avec l’impôt de la gabelle. Ce fut après la confection du travail sur l’impôt du sel que M. Necker voulut bien me confier celui qui concernait le plan de réforme des traités : ce ministre savait combien cette partie était essentielle sous tous les rapports. Inutilement, depuis près de deux siècles, le commerce et l’industrie sollicitaient l’abolition des droits intérieurs, l’uniformité des perceptions sur les relations de la France avec l’étranger, la facilité des exportations : inutilement cette entreprise avait été tentée; M. Trudaine avait échoué; la ferme générale avait perpétué cette foule de perceptions immorales, bizarres, et preuves vivantes du danger qu’il y a de consulter , en fait d’impôt, le génie de la fiscalité. Ces difficultés ne m’ont point rebuté : soutenu par M. Necker, encouragé par ses successeurs, je m’étais ilatté que cette opération importante serait consommée par l’Assemblée des notables de 1787 : les objections étaient résolues; le travail était achevé : s’il n’était point parfait, si le tarif était rédigé dans la vue de ne point compromettre trop essentiellement les produits, j’avais au moins cherché tous les moyens praticables de venir au secours du commerce intérieur : il eût été facile de perfectionner l’opération. Le traité de commerce avec l’Angleterre la rendait indispensable ; la ferme a trouvé le secret de la différer, et ce retard, l’inexécution des conditions sous la loi desquelles le traité de corn-