358 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 65 [Le cn F. Augarde , à la Conv .; 16 flor. II] (1). Législateurs, Je fis ma soumission à l’administration de l’habillement, équipement et campement des troupes pour la fourniture de bêches aux armées de la république : le défaut d’ouvriers m’obligea de confier la fabrication de six cent de ces bêches à Laubry, qui avoit travaillé pour moi, et à la veuve Conin, associés, exerçant la profession de tallandier à Verberie : voici l’engagement que Laubry prit avec moi : « Moi » soussigné Laubry m’oblige à fournir au Ci-» toyen Augarde 600 bêches à raison de 2 liv. » 8 s. la pièce toutes emmanchées en bois de » frêne, où en orme et reçues à saint-Denis, » signé Laubry. » En exécution de cet engagement, Laubry, versa, pour mon compte, dans les magazins à Saint-Denis, une première fourniture de 200 bêches qu’il avoit fabriqué. Ces bêches, ayant été visitées par les inspecteurs des magazins, furent reconnues bonnes et reçues : lorsque j’en fus payé, j’en remis le montant à Laubry, suivant ses deux quittances des 10 février et 11 mars 1798, tout va bien jusque là, mais il n’en fut pas de même pour les 400 qui restoient à fournir; il étoit cependant bien facile à l’Aubry de bien faire, il n’avoit qu’à continuer comme il avoit commencé, qu’à se conformer dans sa dernière fabrication aux premières fournitures qu’il avoit faites, et il ne se seroit point rendu coupable. Le 30 avril 1793, la veuve Conin et Laubry déposèrent dans le magazin à Saint-Denis 333 bêches sur 400 : lors de la visite de ces pièces, l’inspecteur fit sa déclaration en ces termes. « Je reconnois que les 333 bêches sont trop » foibles et ne peuvent être propres au service. » signé Michelet, inspecteur. » Voilà donc un fournisseur qui livre d’abord 200 bêches qui sont trouvées d’une force suffisante et propre au service, et qui ensuite en fabrique et livre 333 trop faibles, et qui ne peuvent être propres au service. La loi du 9 avril 1793, prononce, article premier, la confiscation des fournitures pour l’armée, pour les objets dont les défectuosités, quoique de facile apparence, seroient cependant telles que l’objet ne pourroit servir à l’usage auquel il est destiné. Et l’article 4 de la même loi porte que ses dispositions sont applicables à toutes les soumissions faites jusqu’à ce jour quelles que soient les clauses y portées. D’après les dispositions de cette loi les dernières fournitures faites par l’Aubry et la veuve Conin se trouvoient bien dans le cas de la confiscation qu’elle prononce attendu que les objets sont trop foibles et ne peuvent être propre au service, suivant le rapport de l’inspecteur. Laubry et la veuve Conin ont cherché à tromper l’administration et la république en faisant d’abord de bonnes fournitures et ensuite de (1) D III 241 (doss. A). mauvaises qu’ils espéroient faire passer à la faveur des premières. Si celui qui trompe est le vrai coupable, et si le vrai coupable est celui qui doit subir la peine prononcée par la loi, certainement Laubry et la veuve Conin devraient supporter la peine de leur dol : c’est ce que je pensois et ce que je devois penser quand je vis que leurs bêches avoient été refusées comme mauvaises : eh bien ? c’est ce qui n’est pas, car je suis la seule victime et le seul puni du dol d’autrui, et la peine est prononcée contre moi sur la demande et en faveur de ceux qui ont commis le dol ! c’est ce qui ne peut se tolérer. Comme je l’ai dit, n’ayant pu me procurer d’ouvriers pour remplir ma soumission dans le temps prescrit, j’en cédai une partie à Laubry et à la veuve Conin; ils fabriquèrent d’abord bien et ensuite mal, mais leurs objets étoient déposés par eux directement dans les magazins à Saint-Denis, de manière que ne passant point par mes mains, je ne pouvois les refuser ni les admettre. Cependant je suis condamné à payer des fournitures que je n’ai reçu ni pu recevoir, des fournitures faites par des trompeurs; et dont la confiscation est prononcée par la loi, et à récompenser des frippons qui ont trompé la République en lui fournissant de mauvaises pièces lorsqu’elle en avoit besoin de bonnes, le tout par la prévarication d’un arbitre qui a fait un rapport partial pour opérer ce payement, et par l’inattention et la légèreté des jusges du tribunal de commerce de Paris qui ont adopté ce rapport dans tout son contenu. En effet, au mois de mai 1793, Laubry et la veuve Conin me firent assigner au tribunal de commerce, en condamnation du montant des fournitures faites par eux pour mon compte à Saint-Denis, je me défendis en disant que les premières fournitures avient été payées suivant les quittances que je représentai, que quand aux dernières, je ne les devois pas, puisque les pièces avoient été rejettées comme mauvaises par les inspecteurs. Sur ces défenses le tribunal a ordonné, par jugement du 8 mai, que les parties se retireroient devant Düfray, marchand épicier à St-Denis, arbitre qu’il a nommé d’office à l’effet de constater si l’administration a reçu ou refusé les bêches en question. Nous parûmes devant l’arbitre, qui fit ensuite son rapport en ces termes : « Pour remplir ma mission, écrit-il aux juges, je me suis transporté au magazin de l’administration, où étant, j’ai su de l’adminstrateur et de l’inspecteur que les bêches avoient été refusées parce qu’elles n’ étoient conformes à celles que le citoyen Augarde s’étoit soumis de fournir. J’ai ensuite entendu les parties et leurs demandes en défense, il résulte que Laubry et veuve Conin ont livrés à Saint-Denis au citoyen Augarde une première foi 200 bêches qui ont été payées, et la dernière fois 400, que l’inspecteur ne s’étant pas trouvé présent, les bêches ont été déposées dans la cour, et ont été ensuite refusées par lui. Que cette dernière livraison était semblable à la première, et que ni pour l’une, ni pour l’autre Augarde n’avoit donné ni modèle, ni proportion, que Laubry n’a traité directement ni indirectement avec l’administration, mais avec Augarde seul, et attendu qu’ Augarde a reçu et payé la première livraison de 200 bêches, qu’il n’a donné 358 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 65 [Le cn F. Augarde , à la Conv .; 16 flor. II] (1). Législateurs, Je fis ma soumission à l’administration de l’habillement, équipement et campement des troupes pour la fourniture de bêches aux armées de la république : le défaut d’ouvriers m’obligea de confier la fabrication de six cent de ces bêches à Laubry, qui avoit travaillé pour moi, et à la veuve Conin, associés, exerçant la profession de tallandier à Verberie : voici l’engagement que Laubry prit avec moi : « Moi » soussigné Laubry m’oblige à fournir au Ci-» toyen Augarde 600 bêches à raison de 2 liv. » 8 s. la pièce toutes emmanchées en bois de » frêne, où en orme et reçues à saint-Denis, » signé Laubry. » En exécution de cet engagement, Laubry, versa, pour mon compte, dans les magazins à Saint-Denis, une première fourniture de 200 bêches qu’il avoit fabriqué. Ces bêches, ayant été visitées par les inspecteurs des magazins, furent reconnues bonnes et reçues : lorsque j’en fus payé, j’en remis le montant à Laubry, suivant ses deux quittances des 10 février et 11 mars 1798, tout va bien jusque là, mais il n’en fut pas de même pour les 400 qui restoient à fournir; il étoit cependant bien facile à l’Aubry de bien faire, il n’avoit qu’à continuer comme il avoit commencé, qu’à se conformer dans sa dernière fabrication aux premières fournitures qu’il avoit faites, et il ne se seroit point rendu coupable. Le 30 avril 1793, la veuve Conin et Laubry déposèrent dans le magazin à Saint-Denis 333 bêches sur 400 : lors de la visite de ces pièces, l’inspecteur fit sa déclaration en ces termes. « Je reconnois que les 333 bêches sont trop » foibles et ne peuvent être propres au service. » signé Michelet, inspecteur. » Voilà donc un fournisseur qui livre d’abord 200 bêches qui sont trouvées d’une force suffisante et propre au service, et qui ensuite en fabrique et livre 333 trop faibles, et qui ne peuvent être propres au service. La loi du 9 avril 1793, prononce, article premier, la confiscation des fournitures pour l’armée, pour les objets dont les défectuosités, quoique de facile apparence, seroient cependant telles que l’objet ne pourroit servir à l’usage auquel il est destiné. Et l’article 4 de la même loi porte que ses dispositions sont applicables à toutes les soumissions faites jusqu’à ce jour quelles que soient les clauses y portées. D’après les dispositions de cette loi les dernières fournitures faites par l’Aubry et la veuve Conin se trouvoient bien dans le cas de la confiscation qu’elle prononce attendu que les objets sont trop foibles et ne peuvent être propre au service, suivant le rapport de l’inspecteur. Laubry et la veuve Conin ont cherché à tromper l’administration et la république en faisant d’abord de bonnes fournitures et ensuite de (1) D III 241 (doss. A). mauvaises qu’ils espéroient faire passer à la faveur des premières. Si celui qui trompe est le vrai coupable, et si le vrai coupable est celui qui doit subir la peine prononcée par la loi, certainement Laubry et la veuve Conin devraient supporter la peine de leur dol : c’est ce que je pensois et ce que je devois penser quand je vis que leurs bêches avoient été refusées comme mauvaises : eh bien ? c’est ce qui n’est pas, car je suis la seule victime et le seul puni du dol d’autrui, et la peine est prononcée contre moi sur la demande et en faveur de ceux qui ont commis le dol ! c’est ce qui ne peut se tolérer. Comme je l’ai dit, n’ayant pu me procurer d’ouvriers pour remplir ma soumission dans le temps prescrit, j’en cédai une partie à Laubry et à la veuve Conin; ils fabriquèrent d’abord bien et ensuite mal, mais leurs objets étoient déposés par eux directement dans les magazins à Saint-Denis, de manière que ne passant point par mes mains, je ne pouvois les refuser ni les admettre. Cependant je suis condamné à payer des fournitures que je n’ai reçu ni pu recevoir, des fournitures faites par des trompeurs; et dont la confiscation est prononcée par la loi, et à récompenser des frippons qui ont trompé la République en lui fournissant de mauvaises pièces lorsqu’elle en avoit besoin de bonnes, le tout par la prévarication d’un arbitre qui a fait un rapport partial pour opérer ce payement, et par l’inattention et la légèreté des jusges du tribunal de commerce de Paris qui ont adopté ce rapport dans tout son contenu. En effet, au mois de mai 1793, Laubry et la veuve Conin me firent assigner au tribunal de commerce, en condamnation du montant des fournitures faites par eux pour mon compte à Saint-Denis, je me défendis en disant que les premières fournitures avient été payées suivant les quittances que je représentai, que quand aux dernières, je ne les devois pas, puisque les pièces avoient été rejettées comme mauvaises par les inspecteurs. Sur ces défenses le tribunal a ordonné, par jugement du 8 mai, que les parties se retireroient devant Düfray, marchand épicier à St-Denis, arbitre qu’il a nommé d’office à l’effet de constater si l’administration a reçu ou refusé les bêches en question. Nous parûmes devant l’arbitre, qui fit ensuite son rapport en ces termes : « Pour remplir ma mission, écrit-il aux juges, je me suis transporté au magazin de l’administration, où étant, j’ai su de l’adminstrateur et de l’inspecteur que les bêches avoient été refusées parce qu’elles n’ étoient conformes à celles que le citoyen Augarde s’étoit soumis de fournir. J’ai ensuite entendu les parties et leurs demandes en défense, il résulte que Laubry et veuve Conin ont livrés à Saint-Denis au citoyen Augarde une première foi 200 bêches qui ont été payées, et la dernière fois 400, que l’inspecteur ne s’étant pas trouvé présent, les bêches ont été déposées dans la cour, et ont été ensuite refusées par lui. Que cette dernière livraison était semblable à la première, et que ni pour l’une, ni pour l’autre Augarde n’avoit donné ni modèle, ni proportion, que Laubry n’a traité directement ni indirectement avec l’administration, mais avec Augarde seul, et attendu qu’ Augarde a reçu et payé la première livraison de 200 bêches, qu’il n’a donné SÉANCE DU 26 FLORÉAL AN II (15 MAI 1794) - N° 65 359 aucun modèle de proportion, que les demandans, (Laubry et veuve Conin) n’ont point contracté l’obligation de remplir envers Augarde l’obligation que ce dernier a contracté envers l’administration. Mon avis est qu’il doit être condamné à payer. Il résulte de ce rapport que la dernière livraison faite par Laubry et la veuve Conin a été refusée par l’inspecteur du magasin; l’arbitre les excuse sur ce que je ne leur ai pas donné de modèle, ni de proportion, mais l’administration ne m’en avoit pas donné non plus; d’ailleurs ce modèle et ces proportions existoient dans les 200 qu’ils avoient fabriquées, il falloit qu’ils sy conformassent. L’arbitre voyant ensuite que ces livraisons étoient dans le cas de la confiscation prononcée par la loi, il a cherché à m’en faire supporter le poids, en annonçant aux juges un fait faux, c’est que les dernières fournitures étoient semblables aux premières, quoique les inspecteurs eussent décidé le contraire, et en leur présentant une subtilité de Laubry et veuve Conin, n’ont point contracté l’obligation de remplir envers moi la même obligation que j’ai contracté envers l’administration. Mais que veut dire ceci ! Laubry ne s’est-il pas engagé par son écrit, mis sous les yeux de l’arbitre, de fournir 600 bêches toutes emmanchées, en orme et en frêne, de manière à ce qu’elles soient reçues à St-Denis ? Je n’avois point moi-même d’autres obligations envers l’administration que de fournir des bêches qui seroient visitées et reçues par les inspecteurs; d’après l’arbitre Laubry et veuve Conin pou-voient impunément infecter les magazins de la République de 600 bêches de rebuts et confis-quables et me les faire payer comme si elles eûssent été bonnes. Si la partalité du rapport de l’arbitre Dufrayer est bien constante maintenant, l’inattention et la légèreté des juges de commerce ne l’est pas moins. Je fus traduit de nouveau au tribunal de commerce pour être présent à l’ouverture et à la lecture du rapport de Dufrayer. Il en fut fait une lecture si rapide à l’audience, que je n’eus pas le temps de la réflexion : je demandai la remise de la cause et de la communication du rapport pour proposer ma défense : cette communication me fut refusé et les juges par jugement du 3 juillet 1793 déclarant que sans égard à mon réquisitoire, ils entérinaient le rapport dans tous son contenu. Ce jugement étant rendu par défaut, faute de défendre au fonds j’y formai opposition, et je soutins, à l’audience, mes adversaires non recevables dans leur demande, attendu que leurs fournitures ont été refusés par les inspecteurs du magazin à Saint-Denis; que leur engagement n’étoit point rempli puisqu’ils faloit non seulement que leurs fournitures fussent faites mais encore reçues à S. -Denis, aux termes de l’écrit de Laubry que je représen-tois aux juges, et qu’alors il ne pouvoient prétendre aucun payement. Les juges n’eurent pas plus d’égard a ces défenses, toutes justes qu’elles étoient, ils me déboutèrent de mon opposition et ordonnèrent l’exécution de leur 1er jugement. Ils ont adopté sans examen l’avis de l’arbitre Dufrayer et sans faire attention à sa partialité, à mes observations, sans considérer les dispositions de la loi du 9 avril 1793, dont ils a voient ordonné la publication et l’enregistrement, lesquels prononcent la confiscation des objets qui ne peuvent servir à l’usage pour lequel Us sont destinés et les fournitures de mes adversaires ont été rejettés comme n’étant pas propre au service. La conséquence naturelle qu’on peut tirer de ce jugement inique, c’est que je suis condamné à payer des fournitures qui n’ont point été faites, puisqu’elles n’ont pas été acceptées. C’est que je suis condamné à exécuter un marché qui n’a pas été rempli, c’est encore que je suis condamné à payer des objets dont la confiscation est prononcée par la loi : la confiscation est la peine que doit supporter le fournisseur qui trompe : or comme toute peine est personnelle, elle devroit donc tomber sur la veuve Conin et Laubry; ici c’est moi qui suis la partie innocente, que les juges punissent en me contraignant à payer des fournitures confisquées et mes adversaires qui sont les seuls coupables sont récompensés de leur dol. Il n’est pas indifférent pour des républicains de voir des juges qui en commettant l’injustice de sang-froid, se permettent encore d’écarter la loi qui doit régler leurs jugements et de récompenser, contre ses dispositions formelles, ceux qui trompent la République. J’ai essayé à me pourvoir contre ces juge-mens, je me suis adressé à cet effet au tribunal du 3e arrondissement, mais on m’a dit que les jugemens dont je me plaignois étant en dernier ressort, le tribunal n’y pouvoit toucher. Je vou-lois aller delà au tribunal de cassation (1) , le délai étant expiré, je n’étois plus recevable. Si toutes les voies me sont fermés, que faut-il que je fasse ? La loi n’a-t-elle d’exécution que pour un temps, ne puis-je pas encore réclamer pour provoquer la punition des fournisseurs infidelles, d’un arbitre qui les a favorisés par sa partialité, et des juges qui les ont appuyés de l’autorité publique dont ils sont dépositaire ? On me poursuit avec la dernière vigueur pour me faire payer une somme que je ne dois pas. On veut vendre mes meubles, J’invoque, représentans, votre justice contre ceux qui la méconnaissent, pour l’exemple et pour la sûreté des citoyens. Augarde. « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [OUDOT, au nom de] son Comité de législation et de la commission des marchés, sur la pétition du citoyen Augarde, serrurier à Paris, tendante à faire réformer un jugement rendu le 3 juillet 1793, qui le condamne à payer le prix des bêches qui lui avoient été fournies à Saint-Denis, conformément à son marché avec le citoyen Laubry. » Déclare qu’il n’y a pas lieu à délibérer. » Le présent décret ne sera point imprimé » (2). (1) En marge : « on m’a dit que cela ne se pouvait pas, les juges du Tribunal de commerce ayant jugé en dernier ressort, précisément contre le fond et non contre la forme et d’ailleurs que... ». (2) P.V., XXXVII, 233. Minute de la main de Oudot (C 301, pl. 1073, p. 36). Décret n° 9173. SÉANCE DU 26 FLORÉAL AN II (15 MAI 1794) - N° 65 359 aucun modèle de proportion, que les demandans, (Laubry et veuve Conin) n’ont point contracté l’obligation de remplir envers Augarde l’obligation que ce dernier a contracté envers l’administration. Mon avis est qu’il doit être condamné à payer. Il résulte de ce rapport que la dernière livraison faite par Laubry et la veuve Conin a été refusée par l’inspecteur du magasin; l’arbitre les excuse sur ce que je ne leur ai pas donné de modèle, ni de proportion, mais l’administration ne m’en avoit pas donné non plus; d’ailleurs ce modèle et ces proportions existoient dans les 200 qu’ils avoient fabriquées, il falloit qu’ils sy conformassent. L’arbitre voyant ensuite que ces livraisons étoient dans le cas de la confiscation prononcée par la loi, il a cherché à m’en faire supporter le poids, en annonçant aux juges un fait faux, c’est que les dernières fournitures étoient semblables aux premières, quoique les inspecteurs eussent décidé le contraire, et en leur présentant une subtilité de Laubry et veuve Conin, n’ont point contracté l’obligation de remplir envers moi la même obligation que j’ai contracté envers l’administration. Mais que veut dire ceci ! Laubry ne s’est-il pas engagé par son écrit, mis sous les yeux de l’arbitre, de fournir 600 bêches toutes emmanchées, en orme et en frêne, de manière à ce qu’elles soient reçues à St-Denis ? Je n’avois point moi-même d’autres obligations envers l’administration que de fournir des bêches qui seroient visitées et reçues par les inspecteurs; d’après l’arbitre Laubry et veuve Conin pou-voient impunément infecter les magazins de la République de 600 bêches de rebuts et confis-quables et me les faire payer comme si elles eûssent été bonnes. Si la partalité du rapport de l’arbitre Dufrayer est bien constante maintenant, l’inattention et la légèreté des juges de commerce ne l’est pas moins. Je fus traduit de nouveau au tribunal de commerce pour être présent à l’ouverture et à la lecture du rapport de Dufrayer. Il en fut fait une lecture si rapide à l’audience, que je n’eus pas le temps de la réflexion : je demandai la remise de la cause et de la communication du rapport pour proposer ma défense : cette communication me fut refusé et les juges par jugement du 3 juillet 1793 déclarant que sans égard à mon réquisitoire, ils entérinaient le rapport dans tous son contenu. Ce jugement étant rendu par défaut, faute de défendre au fonds j’y formai opposition, et je soutins, à l’audience, mes adversaires non recevables dans leur demande, attendu que leurs fournitures ont été refusés par les inspecteurs du magazin à Saint-Denis; que leur engagement n’étoit point rempli puisqu’ils faloit non seulement que leurs fournitures fussent faites mais encore reçues à S. -Denis, aux termes de l’écrit de Laubry que je représen-tois aux juges, et qu’alors il ne pouvoient prétendre aucun payement. Les juges n’eurent pas plus d’égard a ces défenses, toutes justes qu’elles étoient, ils me déboutèrent de mon opposition et ordonnèrent l’exécution de leur 1er jugement. Ils ont adopté sans examen l’avis de l’arbitre Dufrayer et sans faire attention à sa partialité, à mes observations, sans considérer les dispositions de la loi du 9 avril 1793, dont ils a voient ordonné la publication et l’enregistrement, lesquels prononcent la confiscation des objets qui ne peuvent servir à l’usage pour lequel Us sont destinés et les fournitures de mes adversaires ont été rejettés comme n’étant pas propre au service. La conséquence naturelle qu’on peut tirer de ce jugement inique, c’est que je suis condamné à payer des fournitures qui n’ont point été faites, puisqu’elles n’ont pas été acceptées. C’est que je suis condamné à exécuter un marché qui n’a pas été rempli, c’est encore que je suis condamné à payer des objets dont la confiscation est prononcée par la loi : la confiscation est la peine que doit supporter le fournisseur qui trompe : or comme toute peine est personnelle, elle devroit donc tomber sur la veuve Conin et Laubry; ici c’est moi qui suis la partie innocente, que les juges punissent en me contraignant à payer des fournitures confisquées et mes adversaires qui sont les seuls coupables sont récompensés de leur dol. Il n’est pas indifférent pour des républicains de voir des juges qui en commettant l’injustice de sang-froid, se permettent encore d’écarter la loi qui doit régler leurs jugements et de récompenser, contre ses dispositions formelles, ceux qui trompent la République. J’ai essayé à me pourvoir contre ces juge-mens, je me suis adressé à cet effet au tribunal du 3e arrondissement, mais on m’a dit que les jugemens dont je me plaignois étant en dernier ressort, le tribunal n’y pouvoit toucher. Je vou-lois aller delà au tribunal de cassation (1) , le délai étant expiré, je n’étois plus recevable. Si toutes les voies me sont fermés, que faut-il que je fasse ? La loi n’a-t-elle d’exécution que pour un temps, ne puis-je pas encore réclamer pour provoquer la punition des fournisseurs infidelles, d’un arbitre qui les a favorisés par sa partialité, et des juges qui les ont appuyés de l’autorité publique dont ils sont dépositaire ? On me poursuit avec la dernière vigueur pour me faire payer une somme que je ne dois pas. On veut vendre mes meubles, J’invoque, représentans, votre justice contre ceux qui la méconnaissent, pour l’exemple et pour la sûreté des citoyens. Augarde. « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [OUDOT, au nom de] son Comité de législation et de la commission des marchés, sur la pétition du citoyen Augarde, serrurier à Paris, tendante à faire réformer un jugement rendu le 3 juillet 1793, qui le condamne à payer le prix des bêches qui lui avoient été fournies à Saint-Denis, conformément à son marché avec le citoyen Laubry. » Déclare qu’il n’y a pas lieu à délibérer. » Le présent décret ne sera point imprimé » (2). (1) En marge : « on m’a dit que cela ne se pouvait pas, les juges du Tribunal de commerce ayant jugé en dernier ressort, précisément contre le fond et non contre la forme et d’ailleurs que... ». (2) P.V., XXXVII, 233. Minute de la main de Oudot (C 301, pl. 1073, p. 36). Décret n° 9173.