(Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (5 avril 1791. J 559 artiste de la Révolution, et la tombe dévore celui qui dévora le despotisme! Frappé à mort presque subitement, sous le poids d’une maladie affreuse, il a vu se dissoudre et s’écrouler son existence, d’un regard aussi ferme qu’il avait vu tomber le gouvernement. Ses dernières pensées ont été des considérations publiques et un bienfait national. Les mouvements d’un peuple alarmé qui entourait sa maison et consacrait d’avance sa mémoire calmaient ses souffrances et agrandissaient encore ses esprits agonisants. Nulle idée pusillanime n’a dégradé son âme au bord de l’éternité; et deux majestueuses images remplissaient sa vaste imagination, la postérité et i’Assemblée nationale. 11 a désiré encore être entendu de la dernière, après qu’il ne serait plus. Il lui a légué le dernier trésor de ses méditations. Le pontife patriote et ami, qui a recueilli son âme expirante et ses restes législatifs, a porté, au milieu des législateurs, le tribut sacré, i’of-frande funéraire du génie. L’admiration et la douleur ont écouté eu silence et applaudi en gémissant. Le trône s’est ému en apprenant la chute de son rempart. Accourant au bruit de cette catastrophe imprévue, le peuple consterné se montrait, tantôt immobile de désespoir, tantôt tumultuaire de désolation. Chaque front semblait empreint de l’image du passé. Chaque regard paraissait noirci du spectacle de l’avenir ; et la France, en perdant cet appui, chancelait en quelque sorte sur sa base. Citoyens français ! rassurez-vous. Quoique non complet encore, l’œuvre national est indestructible. L’esprit public, grâce à nos législateurs, grâce à nos philosophes, grâce à celui qui fut et l’un et l’autre, l’esprit public a jeté dans les têtes de si fortes racines, qu’il a besoin d’être culrivé, mais qu’il n’a plus besoin d’être soutenu. L’arbre vivifiant couvre la France. Son immensité fait sa stabilité. Les talents qui l’entourent peuvent périr: ce sont des ornements, ce sont des branches productives qu’il perd; mais sa tige est immortelle, et sa sève, inépuisable. Le rameau le plus fécond de cet arbre est rompu ! Mirabeau a succombé 1 Approchez de son cercueil, jeunes élèves de la nation ! Les soldats aiguisaient leur fer sur la pierre qui enferme le vainqueur de Fontenoy ; des patriotes viendront exalter leur esprit auprès du mausolée où sera placé le vainqueur du despotisme. Brutus et Cas-sius furent nommés les derniers Romains : Mirabeau sera nommé le premier Français. Hélas ! vous ne l’entendrez plus tonner dans la tribune; mais il tonne encore dans ses ouvrages. Ses lèvres sont glacées ; mais que de pages brûlantes dans ses écrits ! Son cœur est inanimé ; mais il respire dans nos lois. L’aristocratie, peut-être, ou l’anarchie, insultent dans leur pensée un cadavre impuissant; mais son nom sera pins formidable pour elles que ne l’eût été, peut-être, le reste de sa vie. Enfin, il est réduit au néant du cercueil; mais ce cercueil, agrandi par l’enthousiasme, sera visité par les peuples, et il sera doué, par son apothéose, d’une puissance miraculeuse. Tout esclave tremblant qui en approchera recouvrera soudain la force de briser ses fers. Braves citoyens, dont j’ai l’honneur d’être l’organe, pardonnez au style abattu d’un écrit sorti avec tant de précipitation de ma plume troublée. Et toi, que je célèbre sans art et sans affectation, si ma voix pénètre au sein des morts, compte parmi les singularités de ta vie, et cet hommage que tu n’attendais pas de moi, et celui de ta section, qui a disputé tes cendres aux 41 rivales de son admiration. Ces guerriers en deuil t’ont possédé au milieu d’eux un moment. Ils accompagnent ta dépouille à sa demeure éternelle. Ils viennent avec une religieuse confiance te recommander aux prières de ces pontifes, médiateurs de l’Etre suprême. Te voilà devant lui I Te voilà rejoint aux principes de l’univers ! Les pages de notre Constitution, faites de ta main, toucheront en ta faveur le père des mortels. Ah! combien tu dois dédaigner en ce moment ces vanités humaines que tu avais la faiblesse humaine de rechercher ! Combien tu dois gémir ne n’avoir pas séparé tant d’actions magnanimes de quelques actions moins pures!... Mais je ne suis chargé dans ce jour de deuil que de montrer la plus noble partie de toi-même. Que le voile de l’oubli, plus épais et plus sombre que le voile de la mort, couvre les égarements ou les lacunes de ta gloire! Ombre fameuse! repose en paix dans le sein de la Renommée 1 Entretiens ton immortalité d’une pensée, qui seule vaut un siècle de bonheur. Un législateur romain disait en mourant: « J’avais trouvé Rome construite en boue et en argile, je la laisse bâtie en marbre et en métal. » En expirant, tu as pu dire : « J’avais trouvé la France chargée de bastilles, de parlements, de satellites, de préjugés, de chaînes ; je la laisse avec’ une législature tutélaire, une armée patriote, des tribunaux réglés, des temples refaits, un trône raffermi et immuable, une Constitution régénérante et incorruptible. » ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE JESSÉ, EX-PRÉSIDENT. Séance du mardi 5 avril 1791, au matin (1). La séance est ouverte à midi. Un membre du comité de vérification propose d’accorder un congé pour raison de santé à M. Hernoux, député de la Côte-d’Or. (Ce congé est adopté.) M. Roissy-d’Anglas, secrétaire , fait lecture des procès-verbaux des séances de samedi au soir et d’hier, qui sont adoptés. M. tue Pelletier Saint-Fargeau . Messieurs, vous avez rendu hier un décret concernant les honneurs qui doivent être décernés aux grands hommes; je vous proposerai, Messieurs, de joindre à ce décret une idée qui me paraît y ajouter quelque grandeur. Voici les mots que je désirerais joindre au décret : « Cet honneur pourra être pareillement décerné à la mémoire d’un roi après la fin du règne de sou successeur. » Plusieurs membres appuient la motion. Plusieurs membres : A l’ordre du jour! M. Goupil-Préfeln. J’appuie la motion ; c’est (1) Cetio séance est incomplète au Moniteur.