(9 mars 1791. J 743 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : « Les adjudications d’immeubles et de baux judiciaires, soit en exécution des arrêls, jugements et sentences des ci-devant cours, tribunaux et juridictions de Paris, même des commissions établies en ladite ville; soit en vertu des jugements qui ont été ou seront rendus par la suite dans les 6 tribunaux d’arrondissement, ne seront faites en justice, dans tout le département de Paris, qu’à la seule audience des criées, établie par la loi du 9 février dernier : cette audience sera tenue, aux jours et heures accoutumés, par un des juges de chacun des 6 tribunaux, alternativement de mois en mois, et ledit juge scellera provisoirement les lettres de ratification ; les enchères continueront en conséquence d’être déposées entre les mains des greffiers nommés par ladite loi du 9 février dernier, et publiées par les huissiers de ladite audience des criées, qui sont dépositaires des doubles des enchères ; dans laquelle audience sera aussi exposé le tableau des contrats et autres titres d’acquisition des immeubles situés dans le département de Paris. » (Ce décret est adopté.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur V ornants ati on du Trésor public (1). M. Lebrun, rapporteur . Messieurs, je crois qu’il faut circonscrire la discussion que nous allons continuer. Ce n’est pas la constitution générale du ministère des finances qui a été renvoyée à votre comité des finances; c’est l’organisation pure et simple du Trésor public. Or, le Trésor public est une caisse qui reçoit les contributions publiques, où elles restent déposées, d’où elles se distribuent dans les différents départements; ensuite il faut en rendre compte. C’est donc ce dépôt dans le Trésor public, la distribution dans le département, et enfin la comptabilité, qui constituent l’organisation duTré-sor public dans tous ces objets. Je ne vois ici qu’ùne seule question constitutionnelle, la voici : La gestion du Trésor de la -nation se fera-t-elle sous la direction immédiate du pouvoir exécutif, ou se fera-t-elle sous la direction du pouvoir national? C’est à cette question qu’il faut rappeler toutes les autres. J’indique ici les principales dispositions du décret, afin que l’Assemblée connaisse ce sur quoi porte la discu-sion ; « Il continuera d’y avoir un ordonnateur général du Trésor public, nommé par le roi. « Ses fonctions seront, sous les ordres du roi, de diriger le versement dans le Trésor public des contributions directes on indirectes, et des revenus qui lui seront assignés; de diriger l’administration u u Trésor public, de régler la distribution des fonds et les divers départements et les diverses parties des dépenses, suivant les mesures déterminées par le pouvoir législatif, et en proportion des besoins de faire terminer tes comptes arriérés et de faire mettre en règle les comptes courants. « Il sera établi un comité d’administration des finances composé du ministre de la justice, du ministre de l’intérieur et de l’ordonnateur général du Trésor public. « Il sera nommé par l’Assemblée nationale et successivement par chaque législature des commissaires pour surveiller l’administration et la comptabilité du Trésor public. (1) Voyez ci-dessus, séance du 8 mars 1791, page 736, le commencement de cette discussion. M. Pétion, ci-devant de Ville?ieuve. Messieurs, votre comité des finances nous propose par son projet de faire revivre un ministre absolu des finances, sous le titre modeste d’ordonnateur du Trésor public; si vous avez lu avec attention ce projet, vous avez dù être effrayé de l’étendue et de la délicatesse des fonctions" que l’on confie à cet ordonnateur. Seulement, Messieurs, par un article de ce projet, ou le soumet à une prétendue surveillance qui : en elle-même, serait certainement plus dangereuse qu’utile à la chose publique. Cette surveillance, telle qu’elle nous est proposée, ne tiendrait à autre chose qu’à légitimer les erreurs, les malversations de cet ordonnateur public, à mettre cet ordonnateur public hors de la responsabilité. Les surveillants seraient nommés par l’Assemblée nationale, et ce serait le Corps législatif lui-même qui deviendrait en quelque sorte responsable aux yeux de la nation. de toutes les prévarications qui pourraient se commettre par le ministre des finances, ce qui certes n’est pas admissible. Une idée fort simple s’est présentée à tous les esprits, et elle dérivait de la nature des choses. Il y a le Trésor royal et le Trésor public. D’un côté, il semblait fort simple et naturel que le roi fît résir son trésor particulier à son gré, mais que le Trésor national fut dirigé par des agents qui seraient choisis par la nation. Cette idée fort simple, Messieurs, se fortifie encore lorsqu’on réfléchit aux heureuses conséquences qu’il y aura t à faire régir le travail national par des agents choisis par la nation. Nous avons des exemples si frappants, si effrayants de toutes les déprédations commises par le ministre des finances, que je ne sais pas comment: nous allons encore confier à un seul homme la gestion importante de la propriété publique. Et, Messieurs, ne vous laissez pas abuser par ces vains mots de surveillance : je ne crains pas de le dire, et l’expérience le prouve chez un peuple voisin de nous: toujours la surveillance et la responsabilité dans le ministère des finances est absolument nulle. Messieurs, nous sommes tous convaincus que M. de Calonne, par exemple, a élé certainement le ministre le plus déprédateur. Eh bien ! Messieurs, si tous ses comptes nous étaient remis, si toutes les pièces de sa gestion étaient renvoyées à un comité, vous seriez peut-être dans l’impossibilité la plus absolue de la convaincre de ses malversations. (Murmures.) Un ministre des finances, placé seul, avec un pouvoir absolu, à la tête de cette administration, lié avec les autres ministres, pourra, par le moyen ries avances de fonds, faire un préjudice considérable au Trésor public, sans que, dans cette immense comptabilité, personne n’aperçoive la prévarication. Je vous disais, Messieurs, que dans un royaurpe voisin, où la responsabilité a lieu, le ministre des finances se fait un véritable jeu de la comptabilité. A l’entrée des sessions, ie parlement d’Angleterre nomme ordinairement un comité pour vérifier ses comptes: on apporte à ce comité des monceaux de pièces; mais il est rare qu’il puisse obtenir celles qu’il lui d -mande et qui lui sont nécessaires, et presque toujours les membres de ce comité finissent par être vendus, par être stipendiés (Murmures.) Ce sont là des faits notoires et dont on ne saurait douter. Eh bien ! quoi qu’on puisse dire, nous sommes exposés à pareil inconvénient: votre comptabi-