121 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 août 1790.} une somme de deux millions pour être réparties en gratifications extraordinaires. Cette somme, vous la destinez, et aux récompenses des services rendus, et aux indemnités des dommages soufferts, et au soulagement des personnes qui peuvent être dans le besoin; mais on ne voit pas comment une limite fixe et positive peut être appliquée également et aux actes de justice et aux dispositions de bienfaisance. Vous voulez, de plus, qu’aucune partie des gratifications ne puisse être accordée sans le consentement des législatures; mais une telle condition, établie et maintenue dans toute l’étendue de sa restriction, achèverait d’affaiblir le gouvernement, puisqu’on le verrait dans l’impuissanced’ac-corder de son chef le plus petit encouragement aux agents de tout genre qu’il est obligé d’employer pour le service public. Un article du décret autorise, à la vérité, le pouvoir exécutif à donner provisoirement quelques gratifications dans les cas urgents; mais un encouragement utile et même nécessaire ne peut pas toujours être compris visiblement dans les cas urgents , et ce serait au moins un sujet continuel de doute et de controverse . D’ailleurs, vous ajoutez pour condition, que si les motifs d’une gratification accordée ne sont pas approuvés par la législature, le ministre qui aura contresigné la décision sera tenu d'en verser le môjitant au Trésor public. Une telle condition, qui faitllépendre le bien de l’Etat de la disposition d’un ministre à compromettre sa fortune, présente sûrement des inconvénients; je ne sais même quel homme délicat voudrait accepter une récompense. Il est des biens utiles et raisonnables, il en est d’autres qui arrêtent toute espèce d action, et c’est d’uné juste mesure que dépend le mouvement régulier de l’administration publique. Je croirais donc que sans déroger ni à la loi générale de responsabilité des ministres, ni à la disposition qui oblige de rendre compte de toutes les dépenses sans distinction, une distribution annuelle en gratifications d’une somme précise divisée entre les divers départements, devrait être remise à la sagesse du roi. Toutes les précautions que peut inspirer à l’Assemblée nationale un esprit de prudence, paraîtraient de cette manière exactement remplies, en même temps que la dignité d’une loi nationale serait parfaitement conservée. En général, Messieurs, oserais-je le dire? vous laissez le roi trop à l’écart dans la distribution des récompenses. Sans doute, celles décernées à Marlborough et à Ghatham par les représentants du peuple anglais, reçurent de ce vœu national un plus grand éclat; car une munificence rare et splendide, dont chaque siècle donne à peine un ou deux exemples, est une pompe de plus ajoutée aux grandes actions; mais de modiques gratifications accordées le plus souvent à des travaux obscurs, et néanmoins utiles, ne doivent pas être dispensées par une assemblée nombreuse ; car les récompenses attribuées à de pareils services, ne peuvent jamais être déterminées par un mouvement général, et dès que leur distribution devrait être constamment précédée d’une discussion publique, d’une discussion qui, dans son libre cours, atteint également et les actions et les personnes, ceux qui auraient droit à ces récompenses hésiteraient peut-être à les rechercher; cependant, il faut qu’il existe des encouragements, il faut qu'on la désire, et il importe à l’Etat que leur concession soit réglée de la manière la plus propre à en maintenir la valeur ; et peut-être que, par ce motif, il est des grâces dont la nation doit confier la distribution à son représentant héréditaire, à celui qui par sa haute dignité, son rang unique et son élévation suprême, ajoute un prix d’opinion aux moindres dons pécuniaires, quand il en est le dispensateur. Cette dernière idée que je viens de tracer, ce n’est point au nom du roi que je la présente; mais Sa Majesté m’a ordonné expressément de vous faire connaître qu’elle a éprouvé un moment de peine, en voyant réunie, dans un même article de votre décret, l’interdiction aux pensionnaires de l’Etat de recevoir une pension des puissances étrangères et la défense d’en recevoir aucune sur la liste civile (1). Ce rapprochement aura sûrement échappé à votre attention, car votre sentiment vous dira toujours que c’est avec les bienfaits de la patrie que ceux du roi doivent être confondus. Enfin, Messieurs, le roi n’a pas vu avec indifférence, qu’après l’avoir engagé à fixer lui-même les fonds nécessaires à la dépense de sa maison, après avoir donné à sa proposition un acquiescement de tout ce qui pouvait le rendre affectueux et touchant, vous mettiez cependant à la charge de la liste civile une somme considérable d’anciennes pensions. Le roi se bornera toujours dans tout ce qui lui est personnel à l’expression d’un simple sentiment : ainsi j’obéis aux ordres de Sa Majesté, en n’insistant pas sur l’observation que je viens de faire; mais elle m’a autorisé à vous informer ou à vous rappeler qu’une grande partie des pensions dont jouissent les personnes qui ont rempli des places dans sa maison, ou dans celle de son aïeul, ont été accordées pour des services politiques ou militaires, et pour d’autres encore rendus en qualité de commandants des provinces, ou de commissaires aux assemblées des pays d’Etats; ainsi même dans la rigueur du principe" établi par votre décret, et en rejetant sur la liste civile toutes les pensions inscrites sous le titre de Maison du roi , il y aurait encore un examen à faire et de justes distinctions à déterminer. Le roi, Messieurs, vous invite à prendre en considération les diverses réflexions contenues dans ce mémoire. Divers membres demandent à passer à l’ordre du jour. M. l�e Déist de Botidoux. Rien n’oblige à entendre ces insolences ministérielles. M. le Président. L’Assemblée doit toujours entendre les mémoires des ministres du roi. M. Gaultier de Biauzat. Ce mémoire n’est pas signé, il doit être renvoyé à celui qui l’a adressé à l’Assemblée. M. le Président. La lettre d’envoi et le mémoire lui -môme portent la signature du premier ministre des finances. M. lie Déist de Botidoux. 11 faut le renvoyer au ministre, pour qu’il sépare ses observations particulières de celles qu’il présente au nom du roi. (1) Article 12. Un pensionnaire de l’Etat ne pourra recevoir de pension, ni sur la liste civile, ni d’aucune puissance étrangère. l$jj {Assemblée natidllàle.j ARCHIVES PAÜLËÀÈINTAlRÈS. [17 août 1790.] M. üatijtil. Il résulte deS dbservatibns c{iïi vien-neht d’être lUes, qtie l’Assemblée doit décréter unë Seconde liste civile, qui serait à la disposition des ministres. (On applaudit.) (Une partie de l’Assemblée demande à passer à l’ordbe dü jour, quelques membres demandent le renvoi au comité des pensions.) (L’Assemblée est consultée.) M. le Président pronobce que l’Assémblée a décidé de renvoyer le mémoire du Comité, et de passer à l’ordre du jolir. Un grand nombre de membres réclament contre le reüvdi au comité, et disent que M. le Président a prononcé ce renvoi, tandis que l’Assemblée n’a délibéré que sur la question de savoir si l’on passerait à l’ordre du jour. M. Rewbell. Je demande (Jue le Président soit mis à l’ordre. L’Assemblée est longtemps agitée. M. Muguet va au bureau demander la parole : il l’obtient. M. Mtigüet. Il a été fait une'iUotion pure et simple de passer à l’ordre du jour; üne partie de l’Assemblée vient d’être instruite que le Président a prononcé qüe l’Assemblée avait ordonné le renvoi au comité des pensions. Gomme l’intention de M. le Président d’est pas de surprendre à l’Assemblée un décret, je demande qu’il recommence là délibération, en prenant séparément les voix sut deux propositions qui ont été faites. Plusieurs membres voisins du bureau m’observënt que quand M. le Président a parlé du renvoi au comité, ils ont voulu l’arrêter, et qu’il a toujours Continué. M. lé Président. Deux motions ont été faites; l’une avait pour objet de passer à l’ordre du jour, l’autre de passer à l’ordre du joUr en renvoyant le rapport au comité des pensions ; la partie de l’Assemblée qui désirait qu’elles fussent ainsi mises conjointement aux voix, m’a paru ia plus nombreuse ; c’est ainsi que j’ai consulté l’Assemblée. Plusieurs voix : On ne vous a pas entendu. M. le Président. J’ai mis la question aux voix d’une manière si claire que je l’ai répétée deüi fois. Les mêmes voix : On ne vous a pas entendu. M. le Président. Ceux qui n’ont pas entendu dans une Assemblée ne peuvent pas faire la loi à la majorité qui à entendu. (Il s’élève de grands murmures et de vives réclamations.) La seule manière convenable de consulter l’Assemblée, c’est de savoir si elle veut recommencer la délibération. M. Madler de Hontjau. L’Assemblée â bien distingué deux choses dans le mémoire qui vient d’être lu ; les observations du-roi et les réflexions du ministre. Dans un pays où l’on aime la liberté, en Angleterre, on ne refuse point de délibérer sur les observations du roi. Un décret de passer à l’ordre du jour, quand il s’agit de les renvoyer au comité, aurait été le rejet injurieux de ces observations. Je demande que le décret qui vient d’êtfe reüdd gbit maintenu, et que l’ordrê dU jour soit continué, M. Rarnave. Le principe véritable de tout gouvernement libre, cëlui que l’Angleterre a consacré , c’est qu’aucune proposition ne peut être faite au nom du roi, parce que le respect profond des législateurs pour le chef suprême du pouvoir exécutif serait d’une influence dangereuse sur leurs délibérations. Le second principe d’un gouvernement libre, c’est l’inviolabilité dü roi et la responsabilité des ministres. Rien n’est censé fait que sur l’avis du ministre ; tout doit être contresigné par lui. De là résulte qü’on ne vous a pas présenté le vœu du roi; que les observations qu’on vous a lues ne sont que l’avis du ministre. De là résulte que renvoyer au comité, ce serait supposer qu’une loi, décrétée par vous et sanctionnée par le roi, pourrait recevoir des modifications pendant la session même où elle aurait été faite. Donc la proposition de passer â l’ordre du jour n’est pas injurieuse au roi, puisque, d’après les principes, ce qui, par un vice de forme, est supposé le vœu du roi, n’est que l’avis du ministre. Prendre un autre parti que passer à l’ordre du jour, ce serait préjuger que vous pouvez réformer, dans la même session, les lois que vous avez portées. M. de Virieu. Je demande avec autant d�ém-pressement que le préopinant le maintien des principes constitutionnels : il a dit que le GorpS législatif ayant l’initiative, les ministres, sous lé nom du roi, ne pouvaient faire aucunepropositiom (On observe que M. Barnave n’a pas dit cela.) Je ne prétends pas rapporter seS propres expressions; mais le sens de son discours était que le Corps législatif ne pouvait délibérer sur les propositions du pouvoir exécutif. Il est dans l’esprit de la Constitution que le roi puisse faire des messages à l’Assemblée, pour qu’elle prenne tels objets en considération. Le respect dû àu message du roi ne permet pas que vous passiez à l’ordre du jour comme on vous le propose. Quant à la réflexion tirée de ce que le décret est rendu et sanctionné, elle n’est pas juste, puisque ceS observations peuvent vous conduire à faire deS articles additionnels. (Il s'élève des murmures.) Il est donc nécessaire de vous rappeler vos propres principes. Vous avez rendu le 30 septembre un décret en ces termes : « Le roi peut inviter l’ÀS-semblée nationale à prendre un objet en considération; mais la proposition des lois appartient exclusivement aux représentants de la nation. » Ainsi, quand le roi fait des observations, elles doivent être communiquées et vous devez ies prendre en considération : vous entendrez les rapports dè votre comité, et vous jugerez si vous devez contrarier vos décretsou en faire de nouveaux. Je demande donc le renvoi au comité. M. de Toülongeon. Je ne citerai pas l’uSagé de l’Angleterre; cet exemple est nul poür nous : la constitution d’Angleterre n’a rien de commun avec la nôtre. Je rappellerai seulement le décret du 30 septembre. Le roi a le droit de vous envoyer des observations sur les objets mis ou a mettre en délibération. Vous ne voulez pas, ce serait une volonté de tyran, refuser la vérité, de quelque part qu’elle vous vienne. On doit renvoyer au comité pour statuer ensuite ce qü’il appartiendra. M. Duport. Nous sommes étrangement divisés d’opinion. Voüs avez décrété qüe l 'acceptation et la sanction seraient pures et simples : ce décret a été rendu au sujet d’dbsdrvàtioîis dont