I Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]26 juillet 1790.] S47 pour le mois d’août, jusqu’à ce que la sortie de l’escadre soit décidée. Mais, d’après le retard qu’éprouve l’examen général des dépenses de la marine, votre comité a pensé qu’il ne devait pas perdre une occasion de vous proposer la réduction d’une de celles qui avait déjà fixé votre attention : c’est le traitement pour la table des officiers généraux et particuliers commandant les hâtim-mts de guerre. L’intention de l’Assemblée nationale n’est probablement pas que la marine de France ait un traitement inférieur à celui des autres puissances de l’Europe; mais si nous vous présentions, Messieurs, pour toute mesure, ce ferme de comparaison, il n’y aurait rien à réduire, car le traitement des officiers généraux et capitaines de vaisseaux commandant les vaisseaux anglais, espagnols, russes et hollandais, est égal ou supérieur à celui de nos officiers. Nous avons donc puisé, Messieurs, dans les circonstances actuelles, dans les besoins de l’Etat, le motif des sacrifices que le patriotisme des officiers de la marine leur imposait volontairement ; car il n’est point de bons citoyens dont les privations ne se convertisent en jouissances, lorsqu’elles contribuent à la restauration de la chose publique. En nous attachant, dans la fixation des traitements de mer, aux principes d’économie qui déterminent vos décisions sur toutes les dépenses, votre comité n’a pas dû oublier ce qu’exigeait aussi la dignité du commandement et les inconvénients qu’il y aurait à effacer tout à fait la représentation. Les officiers généraux de la marine sont tenus à des dépenses inévitables non seulement dans les rades étrangères, mais dans leur propre escadre. Ils ne peuvent se dispenser de réunir souvent sur leur bord les commandants des bâtiments de leur escadre ; et dans leur traitement se trouve compris la nourriture de leurs capitaines du pavillon, majors, aides-majors et commissaires de l’escadre. Les commandants particuliers sont proportionnellement susceptibles des mêmes égards. D’après ces considérations , Messieurs , et la comparaison que je vais vous présenter des traitements de la marine anglaise, votre comité a cru devoir adopter les termes de réduction provisoire dont il va vous rendre compte. - De toutes les marines de l’Europe, celle dont les officiers, commandant les vaisseaux, sont les mieux traités, ce sont les officiers hollandais. ils sont chargés de la nourriture de leurs équipages, moyennant un prix fixe pour chaque homme; et il n’est pas rare qu’une campagne de douze mois produise à un capitaine de vaisseau hollandais, depuis 30,000 jusqu’à 50,000 francs. Quoique cet arrangement soit économiquement calculé pour les finances de l’Etat, qui n’a plus à supporter les frais de magasin, de commission et de régie des vivres, votre comité est loin de vous le proposer : car il est aussi dangereux qu'impolitique de convertir en une spéculation de fortune la noble fonction d’un commandement militaire. La marine russe est, pour les grades et le traitement, à l’instar de celle d’Angleterre ; la ma-, rine espagnole comme celle de France. Voici le traitement des officiers anglais lorsqu’ils commandent. Oa sait qu’à terre ils ne jouissent que d’une demi-solde, mais aussi ils ne sont tenus à aucune espèce de service, et résident où bon leur semble. L’amiral commandant en chef a 6 livres sterlings par jour, et cinquante domestiques (1) payés à 19 schellings par mois, un secrétaire paye à 300 livres sterlinas par an. L’amiral-commandant de division, 3 livres ster-linss, 10 schelbngs et trente domestiques payés. Le vice-amral, 2 livres sterlings, 10 schellings et vingt domestiques. ... Le contre-amiral , 1 livre sterling, 15 schellings et 20 domestiques. Le premier capitaine, sous le commandant en chef, 1 livre sterling, 15 schellings et quatre domestiques par cent hommes d’équipage. Seconds capitaines sous les amiraux, 1 livre sterling et quatre domestiques par cent hommes d’équipage. Sons les vice-amiraux et contre-amiraux, 16 schellings et quatre domestiques parcent hommes d’équipage. Si l’équipage n’est point au-dessus de soixante hommes, les quatre domestiques sont également payés. Les proportions ont été à peu près suivies par votre comité dans la réduction qu’il a adoptée ; mais cette réduction sera encore plus rigoureuse pendant le séjour des bâtiments dans les rades, la totalité du traitement n’étant allouée que du jour où les vaisseaux mettent à la voile. Les dispositions soumises à votre décision n’élant que provisoires et se trouvant déterminées par la demande d’un fonds extraordinaire pour les dépenses de l’armement ordonné à Brest, le même décret assignera 1 million pour la dépense extraordinaire du mois d’août et la fixation des traitements des officiers commandant les vaisseaux et autres bâtiments de l'escadre. En voici le projet : Projet de décret. Art. 1er. L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité de marine, a provisoirement décrété qu’il serait mis à la disposition du ministre de la marine, pour la dépense extraordinaire qui aura lieu pendant le mois d’août, pour l’armement ordonné, une somme de 1 million, et d’après le compte qui lui a été rendu des différents objets qui composent les dépenses d’armement, l’Assemblée nationale a décrété qu’à compter du premier août prochan, les traitements accordés pour la table des officiers généraux, capitaines de vaisseaux et autres officiers commandant les bâtiments de guerre, seraient réduits et demeureraient provisoirement fixés ainsi qu’il suit : (1) Oa ne paye point de domestique* à no* officiers généraux et commandants. 348 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 juillet 1790.; Au même, comman-Art. 3. Les traitements ci-dessus fixés, tant pour les officiers généraux et particuliers commandant les bâtiments de guerre que pour la nourriture des personnes qu’ils sont obligés d’admettre à leur table, ne seront susceptibles d’aucun supplément, et seront réduits d’un quart pendant le séjour des vaisseaux et autres bâtiments de guerre dans les rades de France, après l’armement seulement, ladite réduction ne pouvant avoir lieu pour le désarmement dont la durée ne pourra excéder le nombre de jours fixé par l’ordonnance. Plusieurs membres demandent à aller aux voix. M. Gaultier de Biauzat. Nous ne connaissons point encore assez cette matière pour pouvoir prendre un parti. Il y a actuellement sous presse un ouvrage dans lequel on se propose de prouver que les dépenses de la marine sont beaucoup trop considérables. Sans connaître cette partie, je trouve très surprenant de voir le traitement des officiers des différents grades se répéter à chaque article. J’avais cru d’abord qu’on ne donnait, par exemple, au vice-amiral commandant en chef, que 120 livres de traitement, que parce qu’il était chargé de nourrir les autres officiers ; mais je vois ensuite le lieutenant-général commandant en chef avoir 90 livres, et j’avoue que cette somme me paraît exorbitante ; peut-être ne ferais-je pas ces réflexions, si je connaissais mieux cette partie, et c’est encore un des motifs qui prouvent que l’ajournement est nécessaire. Je suis d’autant plus fondé à demander qu’on mette de l’évidence dans ces détails, que, de tous les fonctionnaires publics, il n’en est point qui s’enrichissent plus vite que ceux employés dans la marine. J’en connais qui ont fait acquisition de maisons de campagne superbes, et particulièrement aux environs de Toulon. Je persiste donc à demander l’ajournement et l’impression du projet de décret. M. Malonet. Le préopinant n’avait pas besoin de nous dire qu’il De connaissait rien au service de la marine. Il a fait plusieurs questions auxquelles je me crois dispensé de répondre. Je ne conteste pas qu’il soit possible de faire des réductions dans cette partie. Quant à la surprise du préopinant sur ce qu’il voit tous les officiers, dans le même état, pour des sommes qu’il appelle considérables, j’observe ce que tout le monde sait bien, que ce ne sont pas les officiers du même bord. M. Martineau. Puisque le projet de décret ne renferme que des réductions, je crois qu’il faut s’empresser de l’adopter. M. d’Estourmel. H est d’autant plus important de statuer sur le décret proposé par le comité de la marine, notamment sur la partie qui concerne la réduction provisoire des tables des officiers employés, que ces officiers sont au moment de s’embarquer, et qu’il est de toute justice qu’ils connaissent le montant de leurs traitements avant de partir. M. Regnaud ( député de Saint-Jean-d'Angêly). D’après les observations d’un des préopinants, on pourrait croire qu’on donne un traitement à un lieutenant-général et ensuite à un capitaine; c’est qu’il y a un vaisseau commandé par un lieutenant-général, et l’autre par un capitaine, l’un a plus et l’autre moins, suivant son grade. M. le Président met aux voix les trois articles du projet de décret. Ils sont successivement adoptés sans changement. M. le Président. L’Assemblée devait s’occuper vendredi dernier d’un rapport des trois comités réunis, de la marine , des pensions et militaire, sur le mode de rétablissement des pensions supprimées; des circonstances particulières n’ont pas permis que ce rapport vînt en discussion; peut-être l’Assemblée sera-t-elle déterminée, par l’intérêt qu’il présente, à l’entendre aujourd’hui. (L’Assemblée décide que M. Camus, rapporteur, aura la parole.) M. Camus , rapporteur. Vos trois comités delà guerre, de la marine et des pensions réunis, ont eu la satisfaction d’être unanimes sur les principes qui ont déterminé le projet de décret dont je vais vous faire lecture. Pensions de rigueur, pensions d’équité et secours de pure grâce, telles sont les bases sur lesquelles il repose. Voici les articles que nous vous proposons de décréter : Art. 1er. Les personnes qui, ayant servi l’Etat, se trouveront dans les cas déjà déterminés par les décrets de l’Assemblée, des 10 et 16 du présent mois, ou dans les cas qui restent à déterminer d'après les rapports particuliers relatifs à chaque nature de service, obtiendront une pension de la valeur réglée par lesdits décrets ; s’ils avaient déjà une pension, mais de moindre valeur que celle que lesdits décrets leur assurent, la pension dont ils jouissaient demeurera supprimée, et elle sera remplacée par la pension plus considérable qu’ils obtiendront. Art. 2. Les officiers généraux qui, par la nouvelle organisation de l’armée, ne seront pas conservés en activité, seront regardés comme retirés; et il sera établi une pension en faveur de ceux de ces officiers qui, ayant fait deux campagnes de guerre, en quelque grade et en quelque lieu que ce soit, avaient précédemment obtenu une pension. La pension rétablie ne sera jamais plus forte que celle dont on jouissait. Si la pension dont on jouissait était de 2,000 livres ou plus, la nouvelle pension sera de 2,000 livres pour l’officier général qui aura fait deux campagnes de guerre; elle croîtra de 500 livres, à raison de chaque campagne de guerre, au delà des deux premières ; mais cet accroissement ne pourra porter le total au delà de la somme de 6,000 livres qui est le maximum fixé pour les pensions mentionnées au présent article. Art. 3. Les officiers des troupes de ligne et des troupes de mer qui avaient servi pendant vingt