559 [Convention nationale.] ARCHIVES du 21e régiment d’infanterie; Basse, au nom du 2e bataillon du 21e régiment d’infanterie; Chevalier, au nom du 55e régiment d’infanterie; Dechaud, au nom du 2e bataillon de l’Ailier; Ville-neuve, au nom du 3e bataillon de la Corrèze; Perrin, pour le bataillon de la Haute-Saône; Champion, au nom du 2e bataillon des Côtes-du-Nord; Leroux, pour le bataillon de Seine-et-Marne; Erard, au nom du bataillon de la Mon¬ tagne; Dormet, au nom du 22e régiment de cavalerie; Chabrier, au nom de la gendarmerie nationale; J. -B. Lemonon, au nom des dragons du 16e régiment; et Cadet, au nom de l’artillerie. J’avais bien raison d’appeler vos regards sur la garnison et sur les citoyens de la ville de Landau : elle a résisté au bombardement avec une énergie qui mérite d’être écrite dans l’his¬ toire. Landau a reçu 25,000 bombes; il y a trois semaines que la garnison a vécu de chevaux et de chats. Elle a mangé du pain de seigle et de pois. Un pain de munition s’est vendu jusqu’à 143 livres, le sucre 80 livres la livre, une oie 100 livres. Ils nous racontaient ces faits ce matin, à leur arrivée, ces braves républicains que vous voyez à la barre : Vous êtes une garnison bien étonnante, leur dis-je. Bien étonnante, ont-ils répondu avec énergie, d’avoir fait notre devoir! j’ai cru devoir vous transmettre cette réponse; elle peint le soldat français. Mais Landau n’est pas la borne posée à nos succès; l’armée républicaine pour¬ suit les esclaves, elle est peut-être à Spire et à Guermesheim dans ce moment ; il faut enfin que Vienne et Berlin retentissent de nos victoires, en attendant que les cris du peuple allemand et prussien, massacré dans cette horrible guerre faite à la liberté, retentissent autour de ces trônes usurpateurs et accusent les tyrans pour les juger comme le dernier des Capets. Encore une réflexion inspirée par les circons¬ tances. La manie des rois, c’est la conquête; l’intérêt d’une grande République, c’est la con¬ servation. Les pays immenses unis au corps de l’empire augmentèrent le spectaele de la magni¬ ficence romaine. Mais l’expulsion des hordes étrangères, l’abat¬ tement des trônes, la conservation du territoire de la République française, voilà la vraie puis¬ sance : La République est, parce qu’elle existe. C’est à nous de raviver, de soutenir cet orgueil national, cet esprit conservateur des Répu¬ bliques qui veut établir la liberté sur notre grand territoire, la liberté dans toute sa lati¬ tude, et ne la donner aux autres peuples que par le spectacle de notre bonheur et du main¬ tien des Droits de l’homme et du citoyen. Je vais terminer ce rapport par un trait de géné¬ rosité républicaine. Pendant le bombardement, un citoyen de Landau ( I ) avait été requis pour éteindre le feu à l’arsenal : au moment même qu’il travaillait à l’éteindre, une bombe met le feu à sa maison; [on vient l’avertir; il répond sans se déranger de ses travaux : « Ma maison (1) C’est un garde-clocher nommé Georges-Jacques Klée, qui, selon la lettre des officiers municipaux de Landau, est demeuré à son poste et n’a pas même montré des regrets que l’intérêt sait rarement déguiser. CRLEMENTA1RES. j ja nivôse a» n n’est qu’une propriété particulière, je me dois tout entier à la République, et je ne quitterai pas mon poste; je dois défendre les propriétés de la nation. » Combien une telle réponse accuse les citadins, les propriétaires de Valenciennes et les égoïstes avares de nos cités. D’où sortent cependant ees exemples? Du peuple seul, des artisans, de ces hommes qui aiment la liberté, comme ils la défendent avec dévouement et pour elle-même. C’est aux représentants du peuple à récompen¬ ser cette belle action avec la monnaie de l’opi¬ nion, en attendant que la République indem¬ nise ce citoyen ainsi que tous ceux de Landau qui ont éprouvé des pertes dans cet horrible bombardement et dans les dévastations com¬ mises par les brigands royalistes du No.rd de l’Europe. Laissons à la royauté le fléau dos destructions et des bombardements. Ce n’est qu’à la Répu¬ blique de féconder et de construire. Les tyrans sont les torrents dévastateurs du monde; ils n’ont que des ruines, des tombeaux et des crimes à présenter à l’histoire. Les Républiques sont les rivières vivifiantes de la politique ; elles ue présentent que des campagnes fertiles, des cités prospères et des terres cultivées. Il n’appartient qu’à la liberté et à l’égalité de changer la face du monde et de rendre heureuse l’espèce humaine. « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Salut publie, décrète : Art. 1er. « Les armées de la Moselle et du Rhin, la garnison et les citoyens de Landau ont bien mérité de la patrie. Art. 2. « Les représentants du peuple envoyés près les armées de la Moselle et du Rhin, sont char¬ gés de recueillir les traits de courage et de bravoure qui ont signalé cette victoire et de les transmettre incessamment à la Convention nationale. Art. 3. « Ils sont autorisés à décerner des récom¬ penses civiques, au nom de la République, aux braves républicains qui sè sont distingués dans cette campagne par des actions éclatantes. Art. 4. « Les représentants du peuple sont chargés do faire, sans délai, le tableau des pertes qu’ont essuyées les patriotes, soit dans le bombarde¬ ment de Landau, soit par l’entrée des brigands royalistes de l’Autriche et de la Prusse, sur le territoire de la République. Art. 5. « Ils enverront à la Convention le nom du citoyen de Landau qui a vu brûler sa maison sans abandonner son poste à l’arsenal, ainsi que le nom du soldat qui a coupé la tête du canon¬ nier prussien, et s’est emparé du canon. Art. 6. « Le présent décret sera envoyé par des 560 | Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. I 12 nivôse an II ( l,r janvier 1794 courriers extraordinaires dans les départements et aux armées de la République. » Compte rendit du Moniteur universel (1). Barère, au nom, du Comité de Scdut publie. Citoyens, le cri de la victoire a retenti des bords du Var aux bords du Rbin, etc. (Suit avec quelques légères variantes le texte du rapport que nous avons inséré ci-dessus d’après le document imprimé). Le projet de décret est adopté au milieu des applaudissements. La Convention ordonne l’impression du rap¬ port de Barère et l’envoi aux armées. Barère que les applaudissements de l’Assem¬ blée avaient conduit à la tribune, en redescend au bruit de nouvelles acclamations et des témoignages répétés de la satisfaction de lAs-semblée. Barère-Les citoyens qui ont apporté les dépêches de Landau vous demandent la parole. Un officier. Ce sont des soldats de la garnison de Landau qui, honorés de la confiance des représentants du peuple, ont été députés vers vous pour vous apporter les heureuses nou¬ velles que vous venez d’entendre. La ville de Landau est absolument délivrée, les esclaves ont fui comme des lâches aussitôt qu’ils ont été attaqués avec la vigueur qui est ordinaire aux soldats de la République; ils ont lâché pied sans tirer un seul coup de canon, ils ont abandonné leurs redoutes et leurs pièces d’artillerie. Nos braves les poursuivent, la baïonnette dans les reins, et leur prouvent que les machines des rois doivent fléchir devant les soldats de la liberté. Nos armées seront toujours victorieuses; nous marchons sur Spire, dans peu nous serons dans cette ville; nous pousserons nos conquêtes jusqu’au delà de Mayence; nous nous emparerons de tous les magasins; nous enlèverons toutes les subsis¬ tances, et nous reviendrons nous fortifier du côté de Spire. Je dis que nos armées seront toujours victorieuses car en passant à Wissem-bourg, on nous rapporta que Condé avait dit : La France n’est plus trahie, nous sommes f... (On applaudit.) Je n’ai rien à ajouter à ce qu’a dit le citoyen Barère sur Landau. Quant à ce qui est relatif à l’armée, je n’en suis pas instruit, parce que j’étais enfermé dans Landau; mais mon cama¬ rade va vous donner quelques détails. Un autre officier. Depuis la grande attaque du 6, les soldats républicains ne demandaient plus qu’à poursuivre les brigands, soutiens de la tyrannie; il n’y avait qu’un cri dans toute l’armée : Marchons, disait-on, sur des scélérats, que leurs corps fument le territoire français. L’armée n’attendait pas que les généraux eussent tracé leurs plans; elle ne voulait qu’aller à l’ennemi. Rien ne l’arrêtait, ni le mauvais temps, ni la fatigue, ni ses besoins. Tous les jours l’ennemi élevait de nouvelles redoutes; elle n’y voyait que de nouveaux lauriers à (1) Moniteur universel [n° 103 du 13 nivôse an II (jeudi 2 janvier 1794), p. 415, col. 2, et n° 104 du 14 nivôse an II (vendredi 3 janvier 1794), p. 417, col. 2]. cueillir. Les soldats n’avaient pas de souliers! les commandants leur disaient : « Nous allons en faire distribuer. — Des républicains n’ont pas besoin d’être chaussés pour se bien battre. » Barère vous a déjà dit que les soldats refu¬ sèrent du pain, lorsqu’ils marchaient sur Lan¬ dau. Ils répondirent lorsqu’on leur en offrit : « Nous sommes en chemin, marchons; nous en avons encore dans nos poches; d’ailleurs il y a des pommes de terre. » Citoyens représentants, tant que les soldats auront des sans-culottes à leur tête, ils vain¬ cront; ils observeront la discipline, on en fera tout ce qu’on voudra. En entrant dans Haguenan, les soldats ont observé le plus grand ordre. Les ennemis les accusent cependant d’être des pillards. Eh bien ! les esclaves ont eux-mêmes tout pillé, excepté les aristocrates; nous, nous avons même respecté les propriétés de ces derniers, parce que nous avons dit : « Elles appartiennent à la nation. (On applaudit.) Il faudrait tout le papier de Paris pour recueillir tous les traits d’héroïsme que je pour¬ rais vous citer. (On applaudit.) Les tirailleurs ennemis et les nôtres se bat¬ taient. Un de nos camarades blessé était tombé entre les deux feux. On en avertit un sergent du bataillon de l’Ain. Il se précipite entre les deux feux, charge le blessé sur son dos; mais, atteint lui-même d’une balle à la cuisse, il est obligé d’abandonner celui qu’il portait, et n’échappe qu’avec peine à la mort qu’il avait si courageusement bravée. On vous a parlé des redoutes de l’ennemi. L’art y avait déployé toutes les ressources. Le soldat les voyait s’élever chaque jour, et chaque jour on lui disait : « Il faut y aller, nous les délogerons; nous les f... dans le Rhin. » On attaque, et les républicains triomphent. Vingt pièces de canon restent en leur pouvoir avec 600 prisonniers. (On applaudit. ) Le président-Soldats de la République, les applaudissementc que vous a donnés la Con¬ vention ont dû vous faire connaître l’intérêt qu’elle a pris au récit que vous venez de lui faire. Les armées du Rhin et de la Moselle ont vaincu; c’est ainsi qu’elles ont prouvé qu’elles combattaient pour la liberté. Allez, soldats de la République, répétez à vos frères d’armes qu’ils ont bien mérité de la patrie. Moyse Bayle. Je demande que le président donne le baiser fraternel à ces braves gens. Cette motion est accueillie avec enthousiasme, et le baiser de la fraternité est donné au milieu des plus vifs applaudissements. Un membre [Charrier (1)] se plaint des fri¬ ponneries et des dilapidations qui se commettent dans l’habillement des troupes. Il entre à cet égard dans des détails qui donnent lieu à une assez longue discussion, à la suite de laquelle le décret suivant est rendu : « La Convention nationale décrète : « 1° Que l’adjoint du ministre de la guerre, chargé de l’administration de l’habillement des troupes, et que les administrateurs de la même (1) D'après les divers journaux de l’époque.