[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. jpno™mbre lTo” " 417 Une adresse brûlante va les faire passer dans le cœur des marins de nos escadres sur l’Océan. Nous leur annoncerons qne vous avez retran¬ ché les monstres de la famille des hommes li¬ bres, et nous leur déclarerons qu’ils ne seront admis dans notre sein, qu’ après avoir rougi du sang des ennemis le pavillon blanc, qui doit de¬ venir pour tous les traîtres le crêpe de la mort. « Punir le crime, c’est croire à la vertu. Écar¬ tez donc, législateurs, déchirez l’absurde tissu des calomnies dirigées contre nous. Auriez-vous oublié ce que nous avons fait pour la liberté, pour l’égalité, pour la République? Notre sang a scellé nos serments, il fume encore sous vos yeux, il a purifié l’enceinte où vous siégez, jadis le repaire du tyran; et si ce n’est pas assez, et si nos détracteurs écoutent encore une inquiète sollicitude, qu’ils apprennent que nous avons sucé avec le lait l’horreur du nom anglais ; qu’ils apprennent qu’une haine éternelle existe entre ce peuple et nous. Elle fut quelque temps as¬ soupie par des principes de fraternité univer¬ selle, fruit d’une douce mais chimérique philan¬ thropie : elle s’est réveillée plus terrible, quand nos espérances ont été déchues; elle s’est tour¬ née en rage, depuis que nous sommes menacés du fléau de la royauté. Des Français recevoir un roi ! et le recevoir de la main des Anglais ! Quel monstre privé de tout sentiment d’hon¬ neur et d’intérêt a pu concevoir un pareil soup¬ çon? Qu’il conduise sous nos murs ses hordes scélérates, il ne les ramènera pas entières. Vous verriez alors les habitants des campagnes réu¬ nis enfin à ceux des villes, se précipiter eh masse sur ces ennemis nés abhorrés par nos pères, exécrés par nous, et déjà détestés par nos en¬ fants. Le fanatisme, il est vrai, désola nos cam¬ pagnes, le cultivateur s’éloigne encore de nous : mais à l’approche des Anglais, confondus dans un seul sentiment, pressés par l’intérêt commun, ils marcheraient à la victoire ou à la mort. « Législateurs, la nature et l’éducation, voilà nos garants : affections, habitudes, besoins, ca¬ ractère, tout devient pour nous autant de gages de nos serments. N’en doutez pas, les ] décombres de Brest, les cadavres de ses habitants pourront combler son port, mais jamais les Anglais n’y entreront. Pour copie conforme : « Signé : Bel val, commissaire; Thomas Raby commissaire ; J. -B. Mériennes, commis¬ saire ; Amable Castelnau, commis¬ saire. » Aujourd’hui sept août mil sept cent quatre-vint -treize, l’an II de la République française. Sur le compte qui nous a été rendu ce matin par le citoyen Jacques Malezac, maître d’équi¬ page du vaisseau de l’Etat le Northumberland, commandé par le citoyen Thomas, capitaine de vaisseau, qu’une partie des manœuvres du vais¬ seau avait été coupée pendant la nuit dernière; Nous capitaine commandant, officiers de l’é¬ tat-major, et officiers composant la maistrance dudit vaisseau, nous sommes transportés de suite sur le gaillard d’avant, pour y vérifier les dégâts annoncés par ledit maître d’équipage, où nous avons unanimement reconnu que toutes les rides des haubans de misaine, une grande partie des rides des galhaubans de petit mât de hune, les garants deiealiorne de bas de mi¬ saine, les drisses du petit hunier, un galhauban du petit perroquet à bâbord, les haubans de bout lre SÉRIE, T. LXXYIII dehors, les écoutes du grand foc, la drisse du perroquet de fougue, et un des bâtards de racage du perroquet de fougue, ont été coupés en plu¬ sieurs endroits; qu’un pareil défit n’ayant pu être commis par un seul homme, nous avons fait des perquisitions pour tâcher de découvrir les coupables, mais qu’aucun d’eux n’est point encore parvenu à notre connaissance. Que néanmoins le citoyen Bazile, timonier, a rapporté avoir entendu dire au nommé Jean Guenezan, matelot de Croisic, à la paye de 33 li¬ vres, que si le vaisseau mettait sous voiles de¬ main, l’équipage serait des sots, et que le même Guenezan a été accusé par Pierre-François Mai-nier, matelot de Rouen, à 27 livres, d’avoir dit le 1er août, jour où nous découvrîmes 26 voiles, « que si nous allions nous fourrer parmi eux, nous étions foutus; que l’armée était trop fai¬ ble »; et qu’il avait aussi témoigné les mêmes craintes en présence de Pierre Duflocq, matelot de Rouen, à 23 livres, et de Pierre Gérard, ma¬ telot du Croisic, à 30 livres en disant « qu’il avait déjà vu plusieurs combats, et qu’il crai¬ gnait d’avoir la gueule cassée ». Que le citoyen Sauvage, aspirant, a accusé avoir entendu dire aussi au nommé Jacques Mes-fin, matelot de Granville à 33 livres, a qu’il n’était pas nécessaire de se battre pour les grosses têtes qui sont à terre; que l’on n’est pas mieux traité actuellement qu’on ne l’était ci-devant; que l’on donnait de la viande salée à l’équipage, au fieu de la soupe qu’il mangeait en place »; et qu’il avait été applaudi dans ses propos par le nommé Jean Devaux, dit Pichon de la Teste ; que le citoyen Jean Lenoir, matelot voilier du département des Vosges à 24 livres, nous a aussi rapporté avoir entendu dire à Jean-Baptiste-Nicolas Hedou, aide-canonnier des classes de Dieppe à 30 livres, le jour que l’on aperçut les 26 voiles : « qu’il voudrait qu’il y eût autant de vaisseaux dans l’escadre anglaise, qu’il y a d’étoiles dans le ciel, pour nous prendre. » Le citoyen Nicolas Marc, soldat du 1er régi¬ ment du détachement de la marine, est venu déposer que le nommé Jean Guenezan (premier accusé), étant attroupé avec cinq ou six autres de l’équipage sur le gaillard d’avant, le 6 août, environ les 8 heures du soir, a dit à un autre qui voulait entrer dans le cercle : « Si vous êtes un mouchard pour rapporter ce que l’on dit, vous allez le savoir. » Le citoyen Joseph Guenec, matelot d’Auray à 27 livres, dépose aussi avoir entendu, le 6 de ce mois, environ les - 7 heures et demie du soir, les nommés Nicolas Lemerle, de Fécamp, à 27 livres, et Jean Dumesnil, timonier de Rouen à 36 livres, faire la conversation le long de la fisse du passe-avant où ils étaient, et que l’un d’eux, nommé Lemerle, avait dit, entre autres choses, « que le capitaine était un bougre; qu’il n’était pas patriote, et que si nous étions sortis sans les ordres du commandant, il aurait refusé l’ouvrage ». Le citoyen Jean-Marie Godec, de Roscoff, à 27 livres, a également déposé avoir vu ensemble les nommés Nicolas Lemerle et Jean Dumesnil, et entendu par le premier (Lemerle) le même propos dont l’a accusé Joseph Guenec; et dire par le second (Jean Dumesnil), que si le bâti¬ ment sortait sans le commandant de l’escadre, il ne ferait pas d’ouvrage; qu’il y avait un gabier qui avait déjà fait campagne avec le capitaine; qu’il était dans le cas de dire qu’il était trop 27 418 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { J�ovembS wJ' dur envers l’équipage; que le déposant Godec témoin de la conversation des deux accusés, se mit à dire, en continuant son ouvrage, sans s’adresser directement aux accusés, qu’il avait fait aussi campagne avec le capitaine sur la fré¬ gate VAglaé, commandée par M. de Paroy, et qu’il l’avait dès ce moment connu pour se faire aimer de tout le monde. Que les discours desdits Guenezan, Merlin, Hedou, Lemerle et Dumesnil, nous ayant paru de nature à les faire soupçonner ou d’être les auteurs du délit ci-devant exposé, ou d’y avoir participé, nous les avons fait mettre aux fers jusqu’à nouvel ordre, et qu’il ait été fait un rapport par un jury établi à cet effet. De tout quoi nous avons dressé le présent pro¬ cès-verbal, que nous avons signé et fait signer par les déposants, pour servir au besoin. Fait à bord du Northumberland, mouillé avec l’armée de la République, en rade de Belle-Ile, les jour et an .ci-dessus. Suivent les signatures en grand nombre. Et ledit jour 7 août 1793, d’après les diverses dépositions énoncées dans le procès-verbal de l’autre part rapporté, Les soussignés réclament l’établissement d’un ou plusieurs jurys, à l’effet de prendre de nou¬ velles informations contre les nommés Jean Guenezan, Jacques Merlin, Jean-Baptiste-Nico¬ las Hedou, Nicolas Lemerle et Jean Dumesnil, pour, d’après le rapport desdits jurys, être sta¬ tué ce qu’il appartiendra. Signé : Durand, officier de quart ; Malejacque. Soit fait ainsi qu’il est requis. Le capitaine de vaisseau commandant le Nor-thumberland, Signé : Thomas. « A bord du Terrible, en rade de Quiberon, le 15 septembre 1793, l’an II de la République une et indivisible, « Citoyen ministre, « J’ai l’honneur de vous rendre compte que la frégate la Sémillante, commandée par le capi¬ taine Larmel, est rentrée aujourd’hui pour me faire le rapport de ce qu’il avait appris par deux bâtiments lubeckois, dont un, allant d’Amster¬ dam à Bordeaux, lui avait rapporté (chose que je ne crois pas) qu’il avait vu dans la baie de Ply-mouth 50 vaisseaux de guerre désarmés, faute de matelots ; qu’il y avait beaucoup de troubles en Hollande, ce qui peut être et ce que je désire qui soit vrai : l’autre bâtiment a dit n’avoir rencontré que deux frégates anglaises vers le Cap -Lézard. « La frégate la Carmagnole, également rentrée pour le même objet, m’a rendu compte avoir visité le 13 un Américain venant de Londres, d’où il était parti le 2; que le 3 ce bâtiment avait vu une flotte (celle de la Jamaïque) de 110 voiles, mouillée au-dessous de Douvres, et que le 11 il avait vu une escadre anglaise de 15 vaisseaux et 2 frégates, croisant à une lieue de l’île d’Ouessant. Ce rapport me paraît d’au¬ tant plus croyable, que les citoyens députés de File de France à la Convention nationale, étaient embarqués sur ce bâtiment, et ont con¬ firmé le rapport de ce capitaine. « La frégate la Proserpine est également ren¬ trée aujourd’hui; elle m’a fait le rapport que le 13 elle avait visité un bâtiment danois, por-tantj. de Bergues, en Norvège, à Lorient, une cargaison de rogue; que le capitaine de ce bâti¬ ment lui avait dit avoir rencontré le 9 courant, entre Plymouth et Gaudellet, 90 à 100 voiles, dont il en avait reconnu de 50 à 60 pour bâti¬ ments de guerre, tant vaisseaux que frégates, ce que son journal a constaté. Le capitaine Blavet ajoute que, ledit jour 13, il avait visité un autre bâtiment danois, allant de Christiendak à Lorient, chargé de planches; que le capitaine de ce bâtiment lui avait déclaré avoir vu en rade de Portsmouth 80 bâtiments de guerre, tant vaisseaux que frégates ou corvettes, parmi lesquels il y avait plusieurs vaisseaux à trois ponts; il a ajouté qu’il avait été visité, par le travers de Douvres, par 4 vaisseaux de ligne. « Si ces rapports étaient vrais, il résulterait d’un nombre aussi considérable de vaisseaux, que les Russes auraient effectué leur jonction; ce qui serait contradictoire avec les nouvelles d’Hambourg que vous m’avez transmises. Tout me porte à croire que le rapport fait à la Carma¬ gnole est le plus probable, d’autant qu’il est con¬ firmé par deux citoyens français, députés à la Convention nationale. « D’après les mouvements qui se sont mani¬ festés parmi les équipages de plusieurs vaisseaux, dont j’ai l’honneur de vous rendre compte par une autre dépêche en date de ce jour, et le désir bien prononcé qu’ils ont manifesté de rentrer à Brest, je crains de ne pouvoir faire exécuter les ordres que vous m’avez transmis par votre dé¬ pêche en date du 4 de ce mois, relativement au convoi hollandais qu’il est question d’intercep¬ ter; cette crainte est d’autant plus fondée, que deux des vaisseaux désignés pour cette expé¬ dition ont éprouvé les mouvements convulsifs qui se sont manifestés à bord de quelques autres, et que le vœu prononcé par la majorité des équipages est de rentrer à Brest ; ce qui vous est confirmé par une copie de la pétition de ces mêmes équipages, qui est jointe à mon autre lettre. Avec la méfiance qui s’est introduite parmi eux au moment de la séparation de cette division, ils ne manqueraient pas de crier à la trahison et de se refuser à suivre les ordres que je donnerais. Ma crainte à cet égard est d’au¬ tant plus fondée, citoyen ministre, que les in¬ surrections qui viennent d’avoir heu, prouvent évidemment que j’ai eu le malheur de perdre leur confiance, quoique je puisse affirmer avec vérité que, toujours ferme dans les principes d’un bon citoyen, je n’ai rien fait pour mériter de la perdre : c’est ce qui me détermine à vous réitérer avec instance la demande que je vous ai déjà faite plusieurs fois de quitter le comman¬ dement de l’armée navale. Les mouvements qui viennent d’avoir heu prouvent clairement que si vous persistez à me laisser au commandement de cette armée, qui a été fortement compromise, vous laisseriez aux désorganisateurs une arme de plus, qu’ils tourneront avec succès contre le bien de la patrie. « Si le hasard ne m’eût pas fait naître dans une classe qui excite la défiance, je me flatte que les malveillants n’auraient pu trouver un prétexte pour me faire perdre la confiance des équipages et même celle de quelques officiers des états-majors des vaisseaux. « Signé : Morard de Galles.