C24 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 avril 1791. M. lepelletier Saint-Fargeau. Je ne puis pas adopter le dernier avis de M. Le Chapelier, et voici l’objection que je lui fais, c’est que, si le grand juré peut être choisi par le pouvoir exécutif pour recevoir une place ou un don, alors le pouvoir exécutif aura la faculté de retirer de dessus la liste des jurés, et en quelque sorte de récuser le juré dont il craindrait la fermeté, ou la vertu, ou les lumières. M. d’André. Ces réflexions du préopinant ne peuvent influer sur ce que dit M. Le Chapelier. M. de Menonville de Villiers. Nous sommes accoutumés à être comptés pour peu, mais en vérité il est indécent que l’on tourne le dos au côté droit, quand on parle à l’Assemblée. M. d’André. Je réponds à M. de Menonville qu’il est si souvent arrivé à ces Messieurs de dire qu’ils n’avaient point de voix, que souvent l’on oublie qu’ils doivent prendre part à la délibération. (Applaudissements prolongés à gauche). Ou on aura choisi un juré susceptible de se laisser tenter par une place dans le ministère, et alors il perd sa place de juré, et il est très bon qu’il la perde, puisqu’on aurait eu un homme susceptible de corruption ; ou on a choisi un homme courageux, et alors il est très bon, puis-u’il est au-dessus de la corruption , au moyen e quoi, je conclus à la proposition de M. Le Chapelier. M. Le Chapelier. Monsieur le Président, il faut mettre aux voix la motion de M. Bouche. (L’Assemblée consultée décrète la motion de M. Bouche avec l’amendement de M. Barnave.) M. le Président donne lecture de la nouvelle rédaction des diverses motions adoptées sur cet objet ; elle est ainsi conçue : « L’Assemblée nationale décrète comme article constitutionnel, qu’aucun membre de l’Assemblée nationale actuelle, ni des législatures suivantes, les membres du tribunal de cassation, et ceux qui serviront dans le haut juré, ne pourront être promus au ministère, ni recevoir aucunes places, dons, pensions, traitements ou commission du pouvoir exécutif ou de ses agents, pendant la durée de leurs fonctions et pendant 4 ans après en avoir cessé l’exercice. « Il en sera de même pour ceux qui seront seulement inscrits sur la liste du haut juré, pendant tout le temps que durera leur inscription. » (Cette rédaction est adoptée.) Plusieurs membres : Aux voix la motion de M. Rœderer. M. loys. Je ne m’oppose à la loi qu’a proposée M. Rœderer que parce qu’elle est inexécutable. Un homme qui voudrait ne pas solliciter personnellement, aura mille moyens de solliciter. ( Murmures .) M. llalès. Je vous prie d’observer qu’il existait une ancienne loi qui défendait à tout magistrat juge de recevoir aucun don, gratification ; Eh bien, cette loi, on n’a jamais pu l’exécuter. Plusieurs membres : L’ordre du jour. M. Prieur. Je demande la priorité pour une loi formelle. La responsabilité est la seule sauvegarde de votre liberté. M. Carat aîné. Je soutiens quhl est très possible d’exécuter la loi qu’on vous propose; mais de mauvais procédés, de vilains procédés, de lâches procédés ne doivent pas être abandonnés à l’arbitraire. Je demande qu’on aille aux voix sur le décret et qu’il soit accompagné d’une peine, et que le mode d’exécution soit renvoyé au comité de Constitution. M. le Président. La motion de M. Rœderer est ainsi conçue .- « Aucun membre du Corps législatif ne pourra solliciter, ni pour autrui, ni pour lui-même, aucunes places, dons, pensions, traitements ou gratifications du pouvoir exécutif ou de ses agents. « Le comité de Constitution proposera la peine à infliger à ceux qui contreviendraient au présent article. » (L’Assemblée décrète la motion de M. Rœderer.) M. Carat aîné. Je demande que ma motion soit rappelée et mise aux voix; et je supplie l’Assemblée de me permettre de justifier la nécessité de cette motion. Plusieurs membres : L’ordre du jour! M. le Bois des Cuays. Vous voulez donc frapper de proscription toute la famille d’un membre qui sera nommé aux législatures. Plusieurs membres : Aux voix 1 aux voix 1 L’ordre du jour! (L’Assemblée décrète l’ordre du jour.) M. Boissy d’Anglas, secrétaire , fait lecture d’une lettre de M. de Montmorin, ministre des affaires étrangères, ainsi conçue ; « Paris, 7 avril 1791. « Monsieur le Président, « J’ai appris qu’on avait dénoncé hier à l’Assemblée nationale les choix que Sa Majesté a adoptés sur ma proposition pour remplir les différentes places qui étaient vacantes dans la carrière politique. Cette espèce de dénonciation, m’a-t-on dit, à la vérité, ne contenait que quelques déclamations vagues et l’Assemblée n’a paru y prendre aucune part... » (Murmures.) Plusieurs membres : Cela n’est pas vrai! M. Boissy d’Anglas. « Je pourrais donc la reléguer dans îa classe de ces moyens employés pour épouvanter les ministres, et celui-ci ne remplissant en aucune manière son objet, me regarder comme dispensé d’y répondre. Cette même dénonciation, déjà préparée ailleurs, était depuis plusieurs jours répandue dans quelques journaux, et je n’avais pas songé à rompre le silence; mais il me suffit qu’elle ait été prononcée dans le sein de l’Assemblée nationale pour prendre à mes yeux un caractère important. La confiance dont l’Assemblée m’a donné des preuves qui me sont toujours présentes, m’est trop précieuse et trop nécessaire pour que je ne m’occupe pas avec le plus grand soin d’écarter tout ce qui pourrait l’altérer et dissiper, jusqu’à l’apparence des nuages qu’on voudrait élever sur ma conduite; ce sentiment me servira d’excuse, je