694 lAssetüLlée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [H avril 1791.] M. Brillat-Savarin. Je demande que l’article soit ainsi rédigé : « Le ministre de la justice aura le droit de rappeler aux tribunaux les lois qu’ils ignoreraient ou les dispositions de ces lois qu’ils n’auraient pas aperçues. >. M. de llenou. Rien n’est si facile, moyennant un léger amendement que de faire disparaître les difficultés. Il ne s’agit que d’ajouter à l’article après ces mots : « De les éclairer sur les doutes et difficultés qui peuvent s’élever dans l’application de la loi, » ceux-ci : « sans que jamais son avis puisse être obligatoire. » M. Delavigne. Je propose à l’Assemblée une résolution, qui, vraisemblablement, conciliera les avis, la voici : « De répondre aux questions qui leur seront proposées sur l’existence et l’application de la loi, mais sans pouvoir, dans aucun cas, l’interpréter. » Un membre ; Je demande l’ajournement à demain. M. Alexandre de Lametli. Je m’oppose à l’ajournement : Nous avons discuté cette question depuis une heure, il sera impossible demain de jeter de nouvelles lumières sur cette discussion; il me semble que l’article 3 est entièrement suffisant; que, en disant que le ministre pourra entretenir une correspondance, il est clair que si on lui demande si une loi existe, il répondra qu’elle existe; il n’est donc pas besoin de faire un autre article. On a présenté différentes rédactions. Je crois que, de quelque manière que l’on tourne la rédaction, il s’ensuivra que le ministre donnera une interprétation, un avis, et que cet avis sera prépondérant. De là je conclus que tel article n’est bon à rien, qu’ii est extrêmement dangereux et qu’il est nécessaire de l’écarter par la question préalable. M. Démeunicr, rapporteur. Je soutiens que ne pas décréter cet article, ou toute autre disposition équivalente, c’est vouloir paralyser les tribunaux dans tout le royaume. Je conclus à l'ajournement. Un membre demande la question préalable sur l’ajournement. (L’Assemblée déciète qu’il y a lieu à délibérer sur l’ajournement et renvoie" ensuite la discussion à la séance de demain.) M. le S*résîdcnt lève la séance à trois heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CIIABROUD. Séance du lundi 11 avril 1791, au matin. La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance do samedi 9 avril au soir, qui est adopté. M. Bouche, au nom du comité de vérification . Messieurs, votre comité de vérification est d’avis que les congés demandés par MM. Charrier, évêque du déparlement de la Seine-Inférieure, et Gausserand, évêque du département du Tarn, doivent être accordés. (Ces congés sont accordés.) M. Bouche, rapporteur. Nous avons dû également examiner une nouvelle demande de congé faite par M. Delage, curé de Saint-Christoly-en-Blayois et député du département de la Gironde. Ce prêtre, non assermenté, s’est muni, cette fois, d’une petite consultation de M. Guillotin, qui constate que M. Delage a un petit rhume et de l’enflure à la cheville. Le comité de vérification pense que l’on peut aussi bien guérir de ces maux-là à Paris qu’en province, et qu’ils n’exigent point que l’on aille respirer l’air natal; il propose, en conséquence, l'ajournement de la demande de M. Delage. (L’ajournement est décrété.) M. Goulard, curé de Roanne , député du département de Rhône-et-Loire, qui était absent par congé, annonce soii retour. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du dimanche 10 avril, qui est adoplé. M. Alquier, au nom du comité des rapports . Messieurs, vous avez rendu, le 19 mars dernier, un décret qui ordonne l 'arrestation de la municipalité de Douai; ce décret n’a pas pu être exécuté, parce que les officiers municipaux de Douai ont pris très prudemment le parti de se retirer dans les Pays-Bas autrichiens. Mais le sieur Piquet, l’un d’entre eux, est revenu à l’expiration de son congé, a présenté à l’Assemblée nationale un mémoire tendant à prouver qu’il n’avait point assisté aux séances de la municipalité qui ont attiré le décret que vous avez rendu contre elle. L’alibi est très bien prouvé; il est reconnu que, chargé alors d’une mission particulière comme commissaire des travaux publics hors des murs, il a rendu le service important de retenir dans lus ateliers une foule d’ouvriers qu’il eût été très dangereux de laisser entrer dans un moment de fermentation. En conséquence, votre comité vous propose le projet de decret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, considérant que le sieur Antoine Piquet, officier municipal de la ville de Douai, a justifié qu’il n’avait point assisté aux séances de la municipalité dans la journée du 16 mars et qu’il était, à cette époque, retenu hors la ville, par une mission particulière comme [11 avril 17 Jl.] 695 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. commissaire des travaux publics , déclare que ledit sieur Antoine Piquet ne s> ra point compris dans le décret du 19 mars dernier, qui ordonne l’arrestation des officiers municipaux de la ville de Douai, et q :e ce décret n’aura aucune exécution à son égard. » (Ce decret est adopté.) M.B rostaret. Messieurs, au mois de novembre dernier, lorsque vous avez formé le tribunal de cassation, vous avez fixé au 1er avril le rassemblement des membres de ce tribunal, et vous avez dit que 1 installation en serait faite par 2 commissaires de l’Assemblée et 2 commissaires du roi. Je m'étonne qu’on n’ait pas encore nommé de cmmmiss di es à cet effet, et je crois instant de procéder à cette nomination. Le conseil, qui est actuellement dans une grande activité, a ce moment marqué pour son anéantissement, et il est temps que cette institution monstrueuse disparaisse du sein de la France libre. Je demande donc qu’il soit nommé, à l’issue de la séance, deux commissaires pour assister à l’installation du tribunal de cassation et que cette installation ait lieu le 15 de ce mois. M. Gaultlcr-Bianzat. J’observerai de plus qu’il y a quelques affaires de la plus haute importance qui se traitent maintenant au conseil et qu’on veut terminer pour eo soustraire la connaissance aux magistrats populaires. J’attends avec impatience l'installation du tribunal de cassation pour demander la suppression du conseil. M. (l’André. On ne peut pas s’occuper de rmstaliation du tribunal de cassation sans savoir si tous les membres de ce tribunal sont arrives; i! faut donc avant tout prendre des informations à cet égard auprès de M. le garde des sceaux. Je crois en outre qu’il n’est pas besoin de faire usage du scrutin pour le choix des commissaires et qu’il .-uffii de désigner les deux premiers secrétaires nommés. Un membre propose de renvoyer la motion à l’examen du comité de Constitution en le chargeant de prendre les informations nécessaires. (L’Assemblée nationale décrète qu’à l’issue de la présente séance, il sera nommé 2 commissaires p nur assister à l’installation du tribunal de cassation, et qu’à l’ouvert ire de la séance de demain, le comité de Constitution lui proposera, d’après les informations qu’il aura prise-, le jour auquel ceite installation pourra avoir lieu.) L’ordre du jour est la suite de la discussion sur l' organisation du ministère. M. Déni cuiller, rapporteur. Messieurs, le comité de Constitution s’est assemblé hier soir et il a examiné à nouveau le 4e paragraphe du projet de décret, qui a été soumis hier matin à la discussion et que vous avez ajourné. Il a reconnu que, vu la difficulté qu’il y avait de présenter sur la première partie une rédaction qui ne fût pas sujette à quelques inconvénients, il était à propos de la supprimer. Il a senti que l’explication de la loi et l’interprétation étaient deux choses bien différentes. En voici un exemple sensible. Vous avez rendu un décret où vous dites que quelques-uns des fonctionnaires publics auraient 30 ans, vous n’avez pas dit qu’ils auraient 30 ans accomplis. Si un homme s’adressait au ministre de la justice et lui disait que la loi n’est pas claire, certes le ministre de la justice lui répondrait que 30 ans signifient 30 ans accomplis. Voilà une explication ; mais si le ministre voulait, par parité de raison, transporter la règle que vous avez établie pour les juger, ce serait là une interprétation de la loi qui lui serait interdite. La première partie du paragraphe étant donc retranchée, voici maintenant à quoi il se réduit : « De soumettre au Corps législatif les questions qui lui seront proposées relativement à l’ordre judiciaire, et qui exigeront une interprétation de la loi. » (Adopté.) M. Démeimier, rapporteur. Maintenant, Messieurs, rien n’est si simple que de marcher avec rapidité à ces détails importants que vous devez réaler. J’ai entendu îles' membres qui ont para étonnés que le comité proposât que le ministre de la justice fût chargé de donner des avis nécessaires aux juges, de les surveiller, de rendre compte de leur conduite. Le comité m’a chargé expressément de rappeler à i’Assemblé de-faits que quelques personnes paraissent avoir oubliés. Dans votre organisation de l’ordre judiciaire, Messieurs, les juges ne sont soumis à personne. Si vous imaginiez de laisser 547 tribunaux sans qu’il y eût un surveillant qui examinât leur marche et leur conduite pour en rendre compte au Coi'ps législatif, il pourrait se faire qu’ils transgressassent impunément les lois que vous avez établies. D’après cela, voici le paragraphe 5 :