594 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE représentant du peuple crier : vive la Convention, vive la liberté ! je sommai le geôlier de m’ouvrir la porte ; il s’y refusa : je la fis sauter avec un bâton et je me jetai dans les bras du représentant du peuple (On applaudit). On demande que le président donne le baiser fraternel à Esnard. Esnard monte au fauteuil et reçoit l’accolade au milieu des plus vifs applaudissements. Léonard Bourdon entre dans la salle au milieu des applaudissements. LEONARD BOURDON : Ce brave gendarme que vous voyez ne m’a pas quitté, il a tué deux des conspirateurs. (Vifs applaudissements). En sortant d’ici j’ai été chercher des forces dans les sections des Lombards, des Arcis et des Gravilliers, pour faire le siège de la maison commune; nous avons débouché sur la place par plusieurs colonnes. A notre approche les citoyens égarés ont ouvert les yeux, et les lâches ont fui. Nous avons trouvé Robespierre aîné armé d’un couteau, que ce brave gendarme lui a arraché. Il a aussi frappé Couthon, qui était aussi armé d’un couteau; Saint-Just et Lebas sont pris, Dumas et quinze ou vingt autres conspirateurs sont renfermés dans une chambre de la maison commune qui est bien gardée. Nous avons chargé trois citoyens, l’un d’amener ici les prisonniers, l’autre de veiller à la caisse, et le troisième de faire des recherches pour faire découvrir les autres conspirateurs qui pourraient s’y être cachés. Il est vraisemblable qu’Hanriot s’est échappé, car des citoyens m’ont dit qu’ils l’avaient vu fuir; mais comme ils ne connaissaient pas votre décret, ils n’ont point couru sus. Enfin, citoyens, la liberté triomphe et les conspirateurs vont bientôt paraître à votre barre. (Non, non /s’écrie-t-on de toutes parts). Voici un portefeuille et des papiers saisis sur Robespierre. Voici une lettre trouvée sur Couthon, signée Robespierre et Saint-Just; elle est conçue en ces termes : « Couthon, tous les patriotes sont proscrits, le peuple entier est levé; ce serait le trahir que de ne pas te rendre à la maison commune où nous sommes ». Je te demande que le président donne l’accolade fraternelle à ce brave gendarme. Le président la lui donne au milieu des plus vifs applaudissements. LE PRÉSIDENT : Je dois dire à la Convention ce que ce brave gendarme vient de me dire : « Je n’aime pas le sang; cependant j’aurais désiré verser celui des Prussiens et des Autrichiens; mais je ne regrette pas de n’être point à l’armée, car j’ai aujourd’hui versé le sang des traîtres ». Ce citoyen se nomme Charles-André-Médal. La Convention décrète qu’il sera fait mention honorable du dévouement civique de ce citoyen, et charge le comité de salut public de lui donner de l’avancement. LEGENDRE : En sortant de cette tribune, je me suis adressé à dix patriotes déterminés que j’ai emmenés avec moi; mon intention était d’aller brûler la cervelle à celui qui a présidé les Jacobins hier et aujourd’hui. Mon pistolet armé des deux côtés, j’arrive dans la salle; mais le malheur a voulu que ce scélérat se fût confondu dans la foule, je me suis arrêté de peur de frapper l’innocent; il se nomme Vivier. J’ai dit aux femmes des tribunes : « Vous étiez égarées; allez, la Convention punit le crime et non l’erreur ». J’ai fermé les portes des Jacobins, en voici les clefs. (On applaudit). Comme c’est la Convention en masse qui a sauvé la patrie, demain la Convention nationale en masse sera jacobine. (Nouveaux et vifs applaudissements). Ce sera la vertu qui ira ouvrir les portes de cette Société (l). LEGENDRE obtint la parole... En apprenant, dit-il, la déroute des rebelles, je me suis porté aux jacobins; j’ai fait entendre la voix de la patrie aux bons citoyens; je me suis mis à la tête de dix d’entr’eux, et le pistolet à la main, j’ai pénétré dans la salle ou s’étoient rassemblés, non pas des jacobins, mais d’infâmes usurpateurs de ce nom cher à la liberté. Mon dessein étoit de brûler la cervelle au président, nommé Viviers; mais le traître s’est soustrait par la fuite au châtiment que je lui destinois alors j’ai appellé la prudence à mon secours, et pas un innocent n’a été frappé; mais j’ai voulu que le lieu qui a si long-tems servi d’asyle aux patriotes ne fut plus ouvert au crime; j’en ai donc moi-même fermé les portes, et je vous en apporte les clefs. En revenant, j’ai rencontré un nombreux détachement de force armée; pour qui marchez-vous, me suis-je écrié ? Pour la liberté, pour la convention, m’a-t-il répondu; cependant j’y ai reconnu un traître qui servit de garde du corps à Robespierre, et il a été conduit aux comités de salut public et de sûreté générale. Durant le reste de ma route, je n’ai cessé de parler au peuple le langage de la liberté; je lui ai dit que la convention avoit sauvé la patrie ; que, loin d’attaquer les jacobins, elle seroit elle-même toute entière jacobine; je lui a dit qu’il n’y avoit plus de marais dans la convention, que ceux-là seuls en étoient qui se cachoient dans les dangers, mais qu’aujourd’hui tout le monde étoit à son poste. Quelques débats s’élèvent ensuite sur l’usage que l’on doit faire des clefs de la salle des jacobins; ils se terminent par leur renvoi aux deux comités de salut public et de sûreté générale]. [ROVÈRE annonce que Fleuriot est arrêté (2)]. THIRION : Je demande qu’il soit pris des mesures contre le scélérat Vivier. Cet homme, dévoué à Robespierre, qui a présidé les Jacobins cette nuit, était en rébellion contre la Convention; car il a présidé pour soutenir des gens en rébellion. La Convention met Vivien hors la loi (Applaudissements). [Les représentans du peuple qui occupent la maison commune (3) viennent déposer un paquet d’arrêtés liberticides pris par les conjurés cette nuit; ils apportent les registres de la commune et le cachet des conspirateurs sur lequel a été gravée tout nouvellement une fleur de lys. Ce cachet étoit sur le bureau de la commune. Ils ajoutent (l) Débats, n°677. (2) Rép., n°221. (3) « Une députation des commissaires des sections » (J-Fr., n° 672); «des citoyens de la section des Gravilliers» (Mess. Soir, n°708); «Un juge de paix, chargé par les représentans de faire perquisition dans la maison commune... » (C. Eg., n° 709; Rép., n° 22l). 594 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE représentant du peuple crier : vive la Convention, vive la liberté ! je sommai le geôlier de m’ouvrir la porte ; il s’y refusa : je la fis sauter avec un bâton et je me jetai dans les bras du représentant du peuple (On applaudit). On demande que le président donne le baiser fraternel à Esnard. Esnard monte au fauteuil et reçoit l’accolade au milieu des plus vifs applaudissements. Léonard Bourdon entre dans la salle au milieu des applaudissements. LEONARD BOURDON : Ce brave gendarme que vous voyez ne m’a pas quitté, il a tué deux des conspirateurs. (Vifs applaudissements). En sortant d’ici j’ai été chercher des forces dans les sections des Lombards, des Arcis et des Gravilliers, pour faire le siège de la maison commune; nous avons débouché sur la place par plusieurs colonnes. A notre approche les citoyens égarés ont ouvert les yeux, et les lâches ont fui. Nous avons trouvé Robespierre aîné armé d’un couteau, que ce brave gendarme lui a arraché. Il a aussi frappé Couthon, qui était aussi armé d’un couteau; Saint-Just et Lebas sont pris, Dumas et quinze ou vingt autres conspirateurs sont renfermés dans une chambre de la maison commune qui est bien gardée. Nous avons chargé trois citoyens, l’un d’amener ici les prisonniers, l’autre de veiller à la caisse, et le troisième de faire des recherches pour faire découvrir les autres conspirateurs qui pourraient s’y être cachés. Il est vraisemblable qu’Hanriot s’est échappé, car des citoyens m’ont dit qu’ils l’avaient vu fuir; mais comme ils ne connaissaient pas votre décret, ils n’ont point couru sus. Enfin, citoyens, la liberté triomphe et les conspirateurs vont bientôt paraître à votre barre. (Non, non /s’écrie-t-on de toutes parts). Voici un portefeuille et des papiers saisis sur Robespierre. Voici une lettre trouvée sur Couthon, signée Robespierre et Saint-Just; elle est conçue en ces termes : « Couthon, tous les patriotes sont proscrits, le peuple entier est levé; ce serait le trahir que de ne pas te rendre à la maison commune où nous sommes ». Je te demande que le président donne l’accolade fraternelle à ce brave gendarme. Le président la lui donne au milieu des plus vifs applaudissements. LE PRÉSIDENT : Je dois dire à la Convention ce que ce brave gendarme vient de me dire : « Je n’aime pas le sang; cependant j’aurais désiré verser celui des Prussiens et des Autrichiens; mais je ne regrette pas de n’être point à l’armée, car j’ai aujourd’hui versé le sang des traîtres ». Ce citoyen se nomme Charles-André-Médal. La Convention décrète qu’il sera fait mention honorable du dévouement civique de ce citoyen, et charge le comité de salut public de lui donner de l’avancement. LEGENDRE : En sortant de cette tribune, je me suis adressé à dix patriotes déterminés que j’ai emmenés avec moi; mon intention était d’aller brûler la cervelle à celui qui a présidé les Jacobins hier et aujourd’hui. Mon pistolet armé des deux côtés, j’arrive dans la salle; mais le malheur a voulu que ce scélérat se fût confondu dans la foule, je me suis arrêté de peur de frapper l’innocent; il se nomme Vivier. J’ai dit aux femmes des tribunes : « Vous étiez égarées; allez, la Convention punit le crime et non l’erreur ». J’ai fermé les portes des Jacobins, en voici les clefs. (On applaudit). Comme c’est la Convention en masse qui a sauvé la patrie, demain la Convention nationale en masse sera jacobine. (Nouveaux et vifs applaudissements). Ce sera la vertu qui ira ouvrir les portes de cette Société (l). LEGENDRE obtint la parole... En apprenant, dit-il, la déroute des rebelles, je me suis porté aux jacobins; j’ai fait entendre la voix de la patrie aux bons citoyens; je me suis mis à la tête de dix d’entr’eux, et le pistolet à la main, j’ai pénétré dans la salle ou s’étoient rassemblés, non pas des jacobins, mais d’infâmes usurpateurs de ce nom cher à la liberté. Mon dessein étoit de brûler la cervelle au président, nommé Viviers; mais le traître s’est soustrait par la fuite au châtiment que je lui destinois alors j’ai appellé la prudence à mon secours, et pas un innocent n’a été frappé; mais j’ai voulu que le lieu qui a si long-tems servi d’asyle aux patriotes ne fut plus ouvert au crime; j’en ai donc moi-même fermé les portes, et je vous en apporte les clefs. En revenant, j’ai rencontré un nombreux détachement de force armée; pour qui marchez-vous, me suis-je écrié ? Pour la liberté, pour la convention, m’a-t-il répondu; cependant j’y ai reconnu un traître qui servit de garde du corps à Robespierre, et il a été conduit aux comités de salut public et de sûreté générale. Durant le reste de ma route, je n’ai cessé de parler au peuple le langage de la liberté; je lui ai dit que la convention avoit sauvé la patrie ; que, loin d’attaquer les jacobins, elle seroit elle-même toute entière jacobine; je lui a dit qu’il n’y avoit plus de marais dans la convention, que ceux-là seuls en étoient qui se cachoient dans les dangers, mais qu’aujourd’hui tout le monde étoit à son poste. Quelques débats s’élèvent ensuite sur l’usage que l’on doit faire des clefs de la salle des jacobins; ils se terminent par leur renvoi aux deux comités de salut public et de sûreté générale]. [ROVÈRE annonce que Fleuriot est arrêté (2)]. THIRION : Je demande qu’il soit pris des mesures contre le scélérat Vivier. Cet homme, dévoué à Robespierre, qui a présidé les Jacobins cette nuit, était en rébellion contre la Convention; car il a présidé pour soutenir des gens en rébellion. La Convention met Vivien hors la loi (Applaudissements). [Les représentans du peuple qui occupent la maison commune (3) viennent déposer un paquet d’arrêtés liberticides pris par les conjurés cette nuit; ils apportent les registres de la commune et le cachet des conspirateurs sur lequel a été gravée tout nouvellement une fleur de lys. Ce cachet étoit sur le bureau de la commune. Ils ajoutent (l) Débats, n°677. (2) Rép., n°221. (3) « Une députation des commissaires des sections » (J-Fr., n° 672); «des citoyens de la section des Gravilliers» (Mess. Soir, n°708); «Un juge de paix, chargé par les représentans de faire perquisition dans la maison commune... » (C. Eg., n° 709; Rép., n° 22l).