[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 octobre 1790.] 405 de l'eau-de-vie, remise en déduction d’un quart, en considération des frais de bouillage. « Art. 13. L’eau-de-vie fabriquée chez l’acheteur du vin nepàyera aucun droit à l’enlèvement, le droit ayant éu�payé par cet acheteur sur le vin, lors de sa sortie de chez le vigneron-propriétaire. « Art. 14. Se réserve l’Assemblée nationale d’appliquer, par un décret particulier, à la fabrication de la bière et des hydromels, les principes des articles précédents. « Art. 15. Il sera donné des licences aux débitants devin, boissons et autres liqueurs, lesquelles tiendront lieu de tout droit de détail; se réserve l’Assemblée nationale d’en déterminer le prix, selon les localités et l’importance plus ou moins grande des maisons de débit. « Art. 16. Les divers droits qui étaient perçus à la sortie du royaume sur les vins, cidres, poirés, bières, hydromels, eaux-de-vie et esprits-de-vin, seront supprimés à compter du 1er janvier prochain. Il sera établi, à la sortie, un simple droit commémoratif fixé à 1 sou par muid de vin, 6 deniers par muid de cidre, poiré, bière ou hydromel, 5 sous par muid d’esprit-de-vin, qui passeront à l’étranger par les frontières des départements du Doubs, du Jura, de l’Ain, de l’Isère, des Hautes-Alpes, des Basses-Alpes, du Var, des Bouches-du-Rhône, de l’Hérault, de l’Aude, des Pyrénées-Orientales, del’Ariège, des Landes, de la Gironde, de la Charente-Inférieure, de la Vendée, de la Loire-Inférieure, du Morbihan, du Finistère, des Côtes-du-Nord, de l’Ille-et-Vilaine, delà Manche, du Calvados, de l’Eure, de la Seine-Inférieure, de la Somme, du Pas-de-Calais, du Nord, de l’Aisne et des Ardennes, et il sera donné une prime de 40 sous par muid de vin, de 20 sous par muid de cidre, poiré, bière ou hydromel, de 9 livres par muid d’eau-de-vie et 15 livres par muid d’es-prit-de-vin, qui passeront à l’étranger par les frontières des départements de la Meuse, de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. » M. Gillet de La Jacqucminière. Je demande l’ajournement du projet qui vous est présenté au nom du comité d’imposition. Je demanderais môme la question préalable si le comité n’avait point reçu les ordres de l’Assemblée, et voici comme j’appuierais le motif de ma demande. L’impôt qu’il vous présente comme indirect est, au contraire, direct et très direct. Après la gabelle, il n’y avait pas d’impôt plus onéreux que les aides; les peuples auraient bien de la peine à le voir rétablir. M. Brùlard de Sillery. On nous a distribué ce main un mémoire, contenant les observations de M. Didelot sur les droits d’aides. Il m’a paru contenir d’excellentes vues ; je demande qu’il soit renvoyé au comité d’imposition, qui sera chargé de nous en rende compte. M. Regnaud, député de Saint-Jean-d'Angély. Je demande, non pas la question préalable sur le décret qui nous est présenté, mais un ajournement indéfini. M. Le Chapelier. Je consens à l’ajournement, attendu que le projet me paraît mauvais et contraire à la liberté; on y a conservé ce qu’il y avait de plus destructeur dans le régime des aides. L’on en verrait avec peine la prorogation dans l’ancienne province de Bretagne; mais comme il est instant de s’occuper du remplacement, je demande que la discussion soit ajournée à huitaine. (Cette proposition est adoptée.) M. de La Rochefoucauld. Votre comité d’aliénation m’a chargé de vous présenter un projet de décret pour l’aliénation des biens nationaux à la municipalité de Paris. J’en donne lecture : « L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité de l’aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite par les comissaires de la commune de Paris le 26 juin dernier, pour, en conséquence de son décret du 17 mars précédent, acquérir entre autres domaines nationaux, ceux dont l’état est ci-annexé, ensemble des estimations faites desdits biens les 3, 4, 8, 10, 12, 14, 15, 19, 20, 21, 22, 23,24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31 août, 1er, 2, 3, 4, 6, 7, 9, 11, 12, 13,15, 16, 18, 22, 23, 30 septembre derniers, et 7 de ce mois, en conformité de l’instruction décrétée le 31 mai dernier; « A déclaré et déclare vendre à la commune de Paris les biens ci-dessus mentionnés, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai dernier, et pour le prix de cinq millions deux cent quatre-vingt-dix-sept mille deux cent trente-quatre livres douze sois, payable de la manière déterminée par le même décret. » M. le Président met aux voix le projet de décret. Il est adopté. M. de La Rochefoucauld, membre du comité des domaines. Un des objets les plus importants dont l’Assemblée puisse s’occuper, c’est du recu-lement des barrières. Si vous différiez encore, l’établissement des nouveaux bureaux ne pourrait se faire pendant l’hiver. M. Charles de Lameth. Il faudrait auparavant que l’Assemblée ait pris un parti sur la franchise des ports de Bayonne et de Dunkerque, et sur l’affaire d’Avignon. (L’Assemblée décide qu’elle s'occupera, dans la séance du lendemain, du reculement des barrières.) M. d’André. Nous ne pouvons continuer à sauter ainsi d’ajournement en ajournement, il faut en finir. Les impôts ne se payeront qu’après que la force publique sera organisée et que la justice sera en vigueur dans tout le royaume. En vain feriez-vous de beaux projets si vous n’avez pas pris d’avance les moyens pour les faire exécuter. Nous avons nommé un comité central pour nous présenter l’état des travaux qui nous restaient encore à faire. Si le comité ne s’en est pas occupé, c’est qu’il ne veut pas le faire ; je demande qu’on en nomme un autre. M. de Montesquieu, membre du comité des finances. Avant de faire un rapport sur la liquidation de la dette publique, je demande à entrer dans quelques détails relatifs à l’opération des assignats. M. Anisson, chef de l’imprimerie royale, se charge d’imprimer les nouveaux assignats pour 100,000 livres, c’est-à-dire dans la proportion de 36,000 livres, qu’il a déjà reçues de l’ancien premier ministre des finances, pour la fabrication des premiers. M. üidot l’aîné, qui a exécuté ce qu’il y a de plus parfait en imprimerie, ne de- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 octobre 1790.] 106 mande, au contraire, que 22,786 livres, et se propose d’en livrer la totalité au 1er janvier. Nous avons pensé qu’il méritait la préférence. Des députés du commerce de Strasbourg nous ont représenté qu’il serait nécessaire que les sommes qui sont écrites en toutes lettres sur les asssignats le soient aussi en chiffres, en faveur de ceux qui ne savent pas lire. M. Gatteaü, graveur en médailles, dont les talents sont Connus, est celui que nous avons cru devoir charger de la gravure. Tous les frais comptés, chaque assignat ne reviendra qu’à 18 deniers au moment où on le livrera à la caisse de l’extraordinaire. (M. de Montesquiou présente un projet de décret conforme aux dispositions contenues dans son rapport.) M. Charles de Lameth. La question qui nous est soumise est de la plus grande importance; elle mérite d’être discutée contradictoirement. La méfiance est au nombre de nos devoirs, et quel que soit le temps que l’on emploie à la discussion, on aurait beaucoup gagné si l’on venait à bout de rendre la contre-foçon impossible. Il est venu chez moi, ce matin, un artiste nommé M. Vouelf, qui m’a paru avoir beaucoup réfléchi sur la question de la fabrication ; il m’a communiqué un projet auquel je sais que M. de Montesquiou lui-même a donné des éloges ; il me semblé qu’il rendrait la contrefaçon impossible. M. de Montesqnfou. M. de Lameth a vu une fois l’artiste intelligent dont il vient de nous parler, et moi je l’ai vu vingt. Il se présente tous les jours environ vingt artistes ou ouvriers au comité, qui ont tous des moyens nouveaux, mais surtout inimitables ; celui dont parle M. de Lameth est à la tête d’une manufacture de polyty-page dans laquelle il imprime des gilets et des toiles. Pour voir si tous les modèles qu’on lui présentait étaient inimitables, le comité a pensé qu’il fallait essayer de les faire imiter, et il est arrivé que dans la matinée même on lésa contrefaits de manière à ce que celui qui les avait fournis ne les reconnaissait plus. M. de Mirabeau. Je ne demande la parole que pour réclamer l’ajournement. Je ferai seulement une petite observation, c’est qu’il y a à l’imprimerie royale des caractères italiques dont les poinçons et les matrices, existant depuis cent ans, ont des signes auxquels il est impossible de se méprendre. Que M. Anisson ait fait une proposition ridicule, que M. Didot en ait fait une désintéressée, ce n'est pas là mon affaire. Je ne dirai pas même comme cet Espagnol, qui, fort laid et fort pauvre, refusait une fille fort riche et fort belle, en disant : Je n’en veux pas, il y a quelque chose là-dessous. Je me borne à dire : examinons; car c’est toujours une bonne chose que d’examiner. Je demande donc que les commissaires, nommés par l’Assemblée, soient chargés d’examiner tout ce qui est relatif à la fabrication des assignats. M. Martineau. Soit que vous adoptiez le projet du comité, soit que vous le rejetiez, dous avons dans cette Assemblée deux imprimeurs-libraires dont le mérite est connu; je demande qu’ils soient adjoints aux commissaires, pour surveiller la fabrication des assignats. (Cette proposition est adoptée.) (Le projet de décret, présenté par M* de Montesquiou, est ajourné.) On fait la lecture d’une lettre de M.LaTour-du-Pin à M. le président; elle est ainsi conçue : « J’ai l’honneur de vous adresser copie d’une. lettre qui m’a été écrite par M. de Bouillé, pour me rendre compte de la conduite extrêmement blâmable quia été tenue à Belfort par le colonel, le major, et deux officiers du régiment de Royal-Liégeois, ainsi que par un officier des hussards de Lauzun. Je m’empresse de rendre compte à l’Assemblée nationale que, d’après celui que j’ai rendu au roi de la lettre de M. de Bouillé, Sa Majesté, eu apprenant la punition provisoire que cet officier général a jugé à propos d’ordonner, d’un mois d’arrêt, a décidé que ces officiers seraient mis pour six semaines en prison, et que le colonel y resterait deux mois. J’ai déjà fait passer, en conséquence, à M. de Bouillé les ordres de Sa Majesté, et sur la demande du comité des rapports, j’y ai fait parvenir une semblable copie de la lettre de M. de Bouillé. Je suis, etc. » Lettre de M. de Bouillé. « En arrivant aujourd’hui à Belfort, j’ai été informé qu’à la suite d’un repas de corps quelques officiers des régiments de Royal-Liégeois et de Lauzun-hussards, en garnison dans cette vil te, se sont portés, sans doute dans l’ivresse, à des excès punissables, et qui sont déduits dans tin procès-verbal que la municipalité m’a communiqué. « J’ai pris sur-le-champ tous les renseignements nécessaires; il en résulte que Royai-Lié-geois est le plus coupable; mais c’est le moindre nombre. Le corps de délit consiste dans des pro-- pos qui m’ont paru assez graves pour m’engager à sévir rigoureusement. J’ai mis aux arrêts M. Latour, colonel de Royal-Liégeois; M. Grem-steins, major du même régiment et deux officiers du même corps, ainsi qu’un de Lauzun; ils resteront détenus jusqu’à ce que le roi ait prononcé sur leur sort. Je fais partir demain le régiment Royal-Liégeois pour l’envoyer momentanément à Sarrebourg, d’où il se rendra àBitche. Dans trois ou quatre jours, le régiment de Lauzun partira aussi de Belfort pour Brisach. J’ai cru devoir faire un exemple aussi sévère pour imposer aux troupes, et les empêcher désormais de contrevenir aux lois et de sortir des bornes qui leur seront prescrites. Je dois ajouter que les officiers et soldats des deux régiments se plaignent que, depuis qu’ils sont à Belfort, ils ont été provoqués par quelques habitants d’une manière insultante, et qu’on leur a notamment reproché d’avoir servi à l’expédition de Nancy. J’ajouterai encore qu’en descendant de voiture on m’a remis une lettre anonyme, très injurieuse, dans laquelle on me fait les mêmes reproches ; j’y suis insensible, parce que je n’ai agi dans cette malheureuse expédition que pour l’exécution des lois et des décrets de l’Assemblée nationale. Je ne parlerais pas de cette lettre si elle ne prouvait qu’il existe quelques mauvais esprits dans cette ville, et que les plaintes des deux régiments peuvent être fondées à certains égards » (L’Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre à à ses comités réunis de rapports et militaire.) M. le Président fait part à l’Assemblée de la mort de M. Jeannet-d’Arly, député de Troyes, négociant à Arcis-sur-Aube, décédé hier en soù domicile, rue Croix-des-Petits-Champs, hôtel du Perron, L’inhumation aura lieu aujourd’hui à