[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 août 1789.] 433 Un de MM. les secrétaires a présenté à l’Assemblée un livre de M. l'abbé Fauchet, intitulé : De la religion naturelle. M. le Président a dit qu’il s’était rendu chez le Roi pour savoir l’heure où Sa Majesté voudrait bien recevoir l’Assemblée, et la prier d’assister au Te Deum qui devait être chanté en exécution de l’arrêté du 4 août; que Sa Majesté lui avait fait l'honneur de lui répondre qu’elle recevrait l’Assemblée aujourd’hui à midi, et qu’elle assisterait immédiatement après au Te Deum qui serait chanté dans sa chapelle. M. le Président a dit ensuite qu’hier matin, peu après la séance levée, la milice bourgeoise de Sève lui avait remis un paquet de lettres adressées à M. l’évêque de Beauvais, qui avaient été saisies dans une charrette; que M. l’évêque de Beauvais ayant ouvert ces lettres en sa présence et devant deux membres de l’Assemblée qui se trouvaient là, on n’y avait remarqué que des affaires relatives au bureau de charité de Beauvais. M. de La Rochefoucauld-Bayers , évêque de Saintes, a demandé que le Président fût autorisé à signer avec les deux membres de l’Assemblée qui s’étaient trouvés présents à l’ouverture de ces lettres, un procès-verbal contenant la vérité des faits; ce qui a été ordonné par l’Assemblée. M. le Président a fait lire une adresse de la ville de Louviers, qui rend compte à l’Assemblée de l’exécution de ses ordres en rendant la liberté au sieur Guilbert d’Elbœuf. Le sieur Cousin, citoyen de Brie-Gomte-Robert, au nom de cette ville, a présenté un bouquet d’épis de blé et en a fait hommage à l’Assemblée nationale. M. le chevalier de Boufflers, au nom du comité des rapports , rend compte d’une plainte du procureur du roi de Falaise. Cet officier, poursuivi par le parlement de Rouen pour avoir rédigé le cahier dans lequel son bailliage demandait la suppression de la vénalité des charges de juridi-cature, et même des parlements, s’est adressé depuis trois mois au Conseil pour obtenir la cessation des poursuites vexatoires faites contre lui ; il n’a pu encore obtenir la justice qu’il réclame, et il a dénoncé à l’Assemblée nationale la conduite du parlement de Pmuen comme attentatoire à la liberté nationale. Le rapporteur observe que le comité a pensé, qu’attendu que l’Assemblée n’étant instruite de cette affaire que par une seule partie, elle ne pouvait rien statuer sans avoir entendu l’autre; et que d’ailleurs le conseil étant déjà saisi juridiquement de cette affaire, étant muni de toutes les pièces nécessaires, elle devait être renvoyée à M. le garde des sceaux. M. Regnauld de Saint - Jean - d’Angely demande que le procureur général du parlement de Rouen soit mandé par l’Assemblée pour lui rendre compte de sa conduite. Cette proposition est appuyée par plusieurs membres. M. Hébrard dit que l’Assemblée ne peut dans ce moment rien décider à cet égard; qu’il fallait avant tout qu’elle s’assurât de la vérité des faits lre Série, T. VIII. en vérifiant la procédure; que sans cela elle courrait risque de se tromper et de se compromettre. M. l’abbé de Montesquiou dit que dans les affaires de cette sorte, il y a une route tracée, de laquelle il ne fallait pas s’écarter; qu’il fallait faire ce que fait le Conseil lorsqu’on lui dénonce des arrêts attentatoires aux lois, c’est-à-dire demander au parlement les motifs de sa conduite. M. Garat pense que l’Assemblée ne doit rien faire, rien préjuger avant d’avoir connaissance de la procédure qui lui était dénoncée, et dont elle pouvait demander communication parM. le garde des sceaux. M. le duc de Mortemart. Prenons garde, Messieurs, d’usurper un pouvoir qui ne nous ap-tient pas. Nous sommes un corps purement législatif; nos fonctions doivent se borner à faire des lois; ainsi nous n’avons pas le droit de juger. Je pense donc que l’avis du comité doit être adopté. M. de Fermond propose le renvoi de cette affaire au comité d’instruction. On demande à aller aux voix sur la proposition du comité; elle est adoptée. M. le vicomte de Hoailles représente à l’Assemblée que la discipline militaire commence à se relâcher; que les désertions sont devenues très-fréquentes ; qu’il peut en résulter les inconvénients les plus graves pour la nation. En conséquence, il propose l’établissement d’un comité qui serait chargé de préparer une nouvelle constitution de l’armée, d’examiner, de concert avec le ministre de la guerre, l’étendue et la force du corps militaire, de déterminer les sommes que la nation pourrait fournir à son entretien, de faire en un mot tout ce qui serait nécessaire pour préparer une prompte organisation pour tout le corps de l’armée. M. de Virieu dit que l’entretien de l’armée doit être une dépense nationale, soumise à des circonstances variées, qu’il est par cela même im� possible de fixer invariablement; qu’elle doit être fixée non pas seulement sur les revenus de l’Etat, mais d’après des circonstances qui tantôt exigent plus et tantôt moins. Il relève une erreur qui s’est glissée dans le décret qui a ordonné que les troupes prêteraient serment à la nation. Le décret, dit-il, porte que les troupes prêteront serment dans les mains des officiers municipaux ; sans doute l’intenlion de l’Assemblée a été que ce serment fut prêté, non pas dans les mains , mais en présence des officiers municipaux. Je demande donc que l’on corrige cette erreur. M de Clermont-Tonnerre demande à l’Assemblée si son intention dans le même décret a été de dire que les troupes pourraient être appelées à la réquisition des officiers civils ou municipaux, ou bien des officiers civils et municipaux. Il dit qu’il importe que cette équivoque soit levée, et qu’on mette à la réquisition' des officiers civils et municipaux. Il s’engage une discussion assez longue. M. le comte de Mirabeau. Le rédacteur de 28 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 août 1789.[ AH la formule n’est pas plus pur en principe qu’heureux en rédaction . Jamais les forces militaires ne doivent être subordonnées aux forces civiles, ou bientôt il n’y aurait plus d’armée, surtout si dans le régime actuel elles étaient soumises à la volonté des municipalités, qui ne sont que des établissements monstrueux de despotisme. J’ai bien entendu parler de l’aristocratie militaire, judiciaire, de i’aristocratiede l’église ; mais je n’ai jamais connu une plus cruelle, une plus tyrannique autorité que celle usurpée par les officiers municipaux, et ce serait la porter à son comble que de mettre encore dans leurs mains le dernier moyen de l’oppression. Les citoyens seraient sans cesse sous le joug de leur pouvoir, si le mépris dont sont couvertes les municipalités ne servait quelquefois à les en affranchir. Je le prouverai, moi qui appartiens à une province dont le chef municipal a fan tirer le premier coup de fusil sur le peuple, ce qui a allumé le leu de la guerre; j’en entretiendrai l’Assemblée en temps et lieu. Maintenant revenons au comité militaire. Tout ce qui a rapport à l’armée appartient incontestablement à l’Assemblée; elle en a le droit, et elle doit en connaître. Je ferai une distinction. Si l’auteur eût voulu fixer votre attention sur des détails qui vous auraient éloignés de la Constitution, il faudrait rejeter sa motion ; elle eût été prématurée. S’il ne fait que porter vos regards sur le rapport que l’armée peut avoir avec le corps social, elle n’est pas prématurée, et l’on doit délibérer. 11 est décidé que les changements proposés par M. de Virieu et par M. de Clermont-Tonnerre seront faits, et qu’à la place de ces mots: ès-mains des officiers municipaux, ou mettra: à la tête de leurs troupes, en présence des officiers municipaux. La seconde correction sera faite de la manière suivante : on remplacera les mots: sur la réquisition des officiers civils et municipaux , par ceux-ci : officiers civils ou municipaux. M. le Président lève la séance à midi pour se rendre à la tête de l’Assemblée, chez le Roi, lui présenter les arrêtés du 4 août, l’adresse qui les accompagne et pour assister ensuite au Te deum. Séance du soir a sept heures. M. le Président a annoncé que le recensement des scrutins, pour la formation du nouveau comité composé de cinq membres destinés à recevoir les plans de Constitution, ayant été fait, la pluralité s’était réunie en faveur de M. Desmeuniers, de M. l’évêque de Langres, de M. Tronchet, de M. le comte de Mirabeau et de M. Rhédon. M. Tronchet a observé que le règlement ne permettait pas de nommer membre d’un comité, celui qui i’était déjà d’un autre; mais l’Assemblée ne s'est point arrêtée à l’observation, attendu que ces cinq personnes doivent finir leur travail pour lundi, jour auquel l’Assemblée demande qu’on lui soumette uiï pian choisi parmi ceux qui ont été offerts ou recueillis, et formé des différentes vues combinées et rapprochées M. le président a rendu compte de la réponse faite ce matin par le Roi à l’adresse de l’Assemblée nationale. (Voyez plus haut le texte de celle adresse — séance du 12 août). Sa il a j esté a dit: « J’accepte avec reconnaissance le titre que vous me décernez; il répond aux motifs qui m’ont guidé, lorsque j’ai rassemblé autour de moi les représentants de la nation. Mon vœu maintenant est d’assurer avec vous la liberté publique, par le retour si nécessaire de l’ordre et de la tranquillité. Vos lumières et vos intentions m’inspirent, une grande confiance dans le résultat de vos délibérations. Allons prier le ciel de nous accorder son assistance, et rendons-lui des actions de grâces des seutimcnts généreux qui régnent dans votre Assemblée. » M. le Président a ensuite soumis à l’Assemblée la décision du point de savoir comment on ferait la nomination des membres des deux comités composés de quinze membres chacun, chargés l’un des matières ecclésiastiques, et l’autre de la liquidation des offices de judicaturo. L’Assemblée a décrété qu’il serait nommé trois membres par bureau, et que les quatre-vingt-dix personnes ainsi nommées se réduiraient à trente, lesquelles se partageraient en deux bureaux de quinze chacun. M. de Clermont-Tonnerre a soumis ses doutes sur la rédaction de l’article des dîmes, qui est le cinquième de l’arrêté porté au Roi ce malin. 11 a observé que ces mots, jusqu’à ce que les anciens possesseurs fussent entrés en jouissance de leur remplacement , pourraient présenter une autre idée que celle qui a été réellement adoptée par l’Assemblée, et que plusieurs membres lui ayant communiqué la même remarque, il croyait devoir soumettre à l’Assemblée la manière d’obvier à l’incertitude que cette rédaction laissait dans l’esprit de plusieurs députés, et qu’elle pourrait occasionner dans 1 esprit des peuples. M. de Lally-Tollendal, un de MM. les secrétaires , a rendu compte de l’état de la minute qui se trouvait conforme à l’épreuve de l’imprimeur, signée par celui qui avait tenu la plume dans la séance du onze, ainsi que par M. le président. M. Tréteau, un de MM. les' secrétaires, a attesté avoir lu plusieurs fois à l’Assemblée l’art. 5 parfaitement conforme à l’imprimé, et il a produit la première minute paraphée à tous les articles et à tous les renvois, tant antérieurs que subséquents au paragraphe contesté. M. Desmeuniers et d’autres membres en grand nombre, ont déclaré se rappeler parfaitement qu’ils avaient entendu plusieurs fois la lecture de l’art. 5, conforme en tout à la rédaction des deux minutes et de l’épreuve signée. Alors la délibération a changé d’objet, et plusieurs membres ont proposé des rédactions plus claires. Messieurs du clergé ont déclaré qu’ils n’avaient jamais entendu par le mot de remplacement, ni celui de rachat de la dîme, ni celui d’équivalent, et que leur objet avait été de laisser la nation entièrement maîtresse du sort des ministres du culte qui avaient renoncé à leur possession, sauf les égards qu’il lui plairait d’avoir pour l’aisance dont ils avaient joui, pour leur âge, et pour l’ancienneté de leurs services. U a été proposé alors de décréter qu’attendu