[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 mai 1790.] 532 de celui du 23 février dernier, qui leur enjoint d’employer tous les moyens que la confiance publique met à leur disposition pour la protection efficace des personnes et des propriétés; de ceux des 22, 23 et 28 avril suivant, qui défendent à toutes personnes de chasser et de détruire aucune espece de gibier dans les forêts du roi, dans les parcs attenant aux maisons royales, et généralement sur le terrain d’autrui; enfin, de celui du 10 août 1789 qui, en chargeant expressément les municipalités de veiller au maintien de la tranquillité générale, ordonne que, sur leur simple réquisition, les milices nationales, ainsi que les maréchaussées, seront assistées de troupes, à l’eff°t de poursuivre et d’arrêter les perturbateurs du repos public. » M. Merlin expose ensuite, au nom du même comité féodal, que le parlement de Toulouse vient d’accorder uu retrait féodal contre la teneur des décrets de l’Assemblée nationale qui détruisent le régime féodal. Pour annuler un pareil acte, il propose un projet de décret qui est adopté en ces termes : « L'Assemblée nationale, considérant qu’il importe à la tranquillité des citoyens d’arrêter les poursuites en retrait féodal et censuel, qui depuis, et nonobstant la sanction du décret du 15 mars dernier, continuent de s’exercer dans plusieurs tribunaux, sous prétexte qu’elles avaient été commencées avant cette époque ; » Déclare, conformément à l’article 34 du titre II dudit décret, que toute demande en retrait féodal ou censuel qui n’a pas été adjugée avant la publication des lettres-patentes du 3 novembre 1789, par un jugement en dernier ressort, est et doit demeurer sans effet, sauf à faire droit sur les dépens des procédures à cette époque ; et seront déclarés nuis tous jugements et arrêts qui auraient été ou seraient ci-après rendus au contraire. » M. le Président. L’Assemblée va passer à son ordre du jour qui est la suite de la discussion sur le droit de faire la paix et la guerre. Le tour de la parole est à M. le marquis de Sillery. M. le marquis Brûlart de Genlis de Sillery. Messieurs, le roi aura-t-il le droit de faire la paix ou la guerre, sans l’aveu et le consentement de la nation ? En déclarant que la souveraineté appartenait à lamation, vous avez également décrété que l’on ne pourrait lever aucun impôt ni accorder aucun subside sans son consentement. D’aprè3 ces deux principes, la question me paraît décidée et il suffit de les développer pour en montrer l’évidence : en effet, Messieurs, si vous accordez au roi le droit de faire la guerre sans le consentement de la nation, et qu’elle ait celui de refuser les subsides dont il aura besoin, ce droit me paraît entièrement illusoire. Et, d’un autre côté, si la nation ne peut refuser au roi les subsides qu’il demandera pour soutenir une guerre entreprise sans son aveu, le droit que la nation possède de s’établir l’impôt que de son consentement, devient également illusoire pour elle. (1) Nous empruntons le discours de M. le marquis de Sillery au journal le Point du Jour. Tome 6, page 89. — Cette version est plus complète que celle du Moniteur. Qu’il me soit permis de dire qu’il existe un grand nombre de membres dans cette assemblée qui croient, en combattant mon opinion, défendre la dignité royale, qu’ils se figurent compromise, si le roi n’est pas investi du terrible pouvoir qui fait, dans ce moment, l’objet de votre discussion. Je leur répondrai que la nation ne peut restreindre ou augmenter le pouvoir dont le monarque doit être revêtu. Elle a décrété qu’en ses mains résidait le pouvoir exécutif suprême; par conséquent, tout ce qui est exécuiion lui appartient, lui seul en est chargé ; mais il ne peut agir avant que la nation, qui seule est souveraine, ait donné ses ordres. Comme il est chargé de veiller à la sûreté publique, on ne peut mettre en doute qu’il a le pouvoir de prendre toutes les précautions qu’il croira nécessaires, pour être en mesure vis-à-vis des nations, dont il aurait lieu de craindre quelques infractions aux traités; mais ces premières dispositions une fois faites, il doit compte à la nation des motifs qui ont déterminé les précautions et pour lors c’est à elle seule à elle seule à décidersur le parti ultérieur qu’elle doit prendre. — C’est précisément le cas où nous nous trouvons présentement. Le roi a commencé par donner ses ordres pour l’armement de plusieurs vaisseaux et il a rendu compte à l’Assemblée nationale de ses prévoyantes dispositions : maintenant c'est à elle à délibérer sur le plan qu’elle adoptera. Je ne vous répéterai point, Messieurs, la distinction exacte que vous a fait hier un des préopinants sur la justice d’une guerre défensive, et sur le crime d’une guerre offensive. Une grande nation qui se régénère doit, premièrement, être juste ; elle doit proscrire de sa Constitution tout ce qui est contre le droit sacré des hommes et des nations; il est donc inutile qu’elle s’occupe du cas extraordinaire d’une guerre offensive, puisque jamais elle ne doit la permettre. Je pourrais ici vous répéter, Messieurs, plusieurs vérités que je vous ai déjà dites dans mon opinion sur la sanction royale; car les mêmes raisons, qui m’ont fait voter pour le veto suspensif, détermine encore aujourd'hui mon opinion; je me borne à une seule que je me plais à redire ; vous avez le bonheur d’avoir un bon roi, mais vous en avez eu debien pervers, et vous tenez dans vos mains la destinée des races futures. Si vous cédiez à vos rois cette grande prérogative, avez-vous calculé tous les malheurs qui pourraient en résulter ? Avez-vous oublié tous les obstacles que vous avez éprouvés depuis un an? Ignorez-vous les écrits incendiaires dont toutes les provinces sont infestées? N’est-ce pas à votre courage et à votre énergie que les peuples devront cette Constitution si désirée ? Et sans désigner ici personne, croyez-vous qu’il n’existe pas un parti formidable qui cherche à la détruire? Il serait le premier à animer les peuples contre un pareil décret, et vous perdriez en un moment leur confiance, que vous avez si justement méritée. Ecoutez, Messieurs, les reproches de la nation entière. Elle serait en droit de vous dire : « Nous vous avons envoyés pour faire une nouvelle Constitution ; nous avons voulu sortir de i’esclavage, et vous nous y avez replongés, après nous avoir bercés d’espérances. Vous avez décrété que la souveraineté résidait dans la nation, et la nation est obligée d’obéir à la volonté d’un seul homme. Vous avez décrété que les impôts