[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [27 novembre 1790.] du royaume qui connaît déjà, par sa propre administration, quel est le zèle et l’activité que l’amour de mon devoir, plus que la satisfaction fréquente du succès, m’a inspirés sans aucun relâchement, aura la preuve de l’universalité de ce même zèle, également actif sur toutes les autres parties de ce vaste Empire. Au surplus, l’Assemblée nationale et son comité des finances ont déjà connaissance, par un nombre assez considérable de lettres que je leur ai écrites, d'une partie des faits les plus importants, à l’occasion desquels, en leur faisant connaître les soins que j’avais pris pour le retour de l’ordre, j’ai mis l’Assemblée à portée de reconnaître les causes et l’étendue des obstacles, et en même temps de déterminer et de mettre entre mes mains des moyens efficaces de les surmonter. i Je ne dirai pas cependant que tous mes efforts aient été infructueux : je rends avec plaisir hommage au zèle et au concours loyal et patriotique de Ta plupart des directoires de départements ; et plus d’un de ces directoires m’a procuré de temps en temps la satisfaction de voir des résistances surmontées ou cessées, et des perceptions rétablies, même après de longues interruptions. Je crois, Monsieur le Président, vous avoir rendu le compte qu’un des membres de l’Assemblée a désiré de moi; j’aurai évité de le rendre, pour ne pas affliger l’Assemblée de récits pénibles, que je sais lui être quelquefois désagréables, et qui au fond sont moins essentiels à mettre sous ses yeux, que les moyens de faire cesser les désordres qui tarissent le Trésor public. Ces moyens résulteront sans doute de l’établissement entier d’une organisation générale, du retour de la subordination des peuples et de l’autorité des lois, du renouvellement des forces publiques. C’est au relâchement de ces ressorts, en même temps qu’aux fléaux physiques, que tient le dépérissement des revenus publics. Il ne peuvent se rétablir ni se conserver, que lorsque l’Assemblée aura pourvu à la première de ces deux causes de nos maux, par la sagesse de ses décrets; à la seconde, par les secours de sa bienfaisance. Mon zèle ne cessera jamais de seconder ses efforts, de seconder toutes les ressources dont j’apercevrai des germes, de mettre et de tenir sans relâche en activité tous les moyens dans lesquels je trouverai quelque principe d’énergie. Je dois et j’ai voué à la chose publique, au salut de ma patrie, aux devoirs de ma place, un zèle, un travail, une persévérance infatiguables. Ma conscience, mon véritable juge, et j'ose dire le royaume entier, seront les témoins et les garants de ma fidélité à ces engagements. Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur. Signé : LAMBERT. M. d’Ailly, membre du comité des finances. Je dois garantir l’Assemblée des fausses alarmes qu’elle pourrait prendre, en l’avertissant que le zèle des administrateurs a, en grande partie, rétabli l’ordre, et qu’il a été perçu dans le mois d’octobre dernier 3 millions de plus que dans le mois précédent. Un membre annonce qu’il s’est élevé dans nlu-sieuts tribunaux de dislricidesdil'licullésdciupurt des suppléants relativement aux fonctions qu’ils croient leur être attribuées pendant l’absence des juges qui, étant membres de l’Assemblée nationale, n’ont pu être installés. Des prétentions de diverses sortes sont en outre manifestées, soit par les juges, soit par les suppléants et ce désordre est préjudiciable à la chose publique. L’orateur demande que l’Assemblée porte un décret à cet égard. (L’Assemblée charge son comité de Constitution de prendre connaissance de ces objets et de lui présenter incessamment un projet de décret.) M. ïe Président. L’ordre du jour est un rapport des comités de Constitution et de jurisprudence criminelle , concernant la loi sur la police de sûreté , la justice criminelle et l'institution des jurés (1). M. Adrien Duport, rapporteur (2). Messieurs, vous avez décrété l’établissement des jurés en matière criminelle. Dès les premiers moments de leur travail sur cet objet important, vos comités de Constitution et de jurisprudence criminelle réunis ont senti que cette institution nouvelle ne pouvait s'accorder en rien avec nos ordonnances et notre forme actuelle d’instruction ; il leur a paru nécessaire de tout refondre pour pouvoir former un système complet où tout fût d’accord, et renfermer dans une seule et unique loi tout ce qui concerne l’administration de la justice criminelle; c’est ce travail qu’ils ont l’honneur de vous soumettre en ce moment. Il est inutile de recommencer ici l’éloge d’une institution que vous avez adoptée, mais tant que l’expérience n’aura pas rendus évidents et sensibles les avantages qu’elle renferme, il faut beaucoup de méditation et d’étude pour pouvoir les apprécier avec justesse. Ce n’est que par de grands efforts que l’on parvient à réaliser dans la pensée un ordre de choses qui n’existe pas, et si l’on vient à juger ce travail, avec les premiers aperçus de l’esprit, borné à des résultats extérieurs et superficiels, l’on ne peut jamais apercevoir le tissu solide et caché qui en unit fortement toutes les parties. Aussi nous osons croire que l’on examinera avec attention notre travail avant de prononcer. Ce n’est pas le juré des anglais que nous vous proposons d’adopter, Messieurs ; nous avions devant nous le grand livre de la nature et de la raison : c’est là que nous avons cherché nos principes ; et nos yeux accoutumés à y lire depuis prés de deux ans, nous ont permis peut-être de le consulter encore avec fruit dans cette occa-(1) Le Moniteur n’a reproduit que des extraits de ce rapport. (2) AVERTISSEMENT. La loi que l’on présente ici est le fruit d’un long travail. Le rapport qui la précède a pour objet d’eu retracer en peu de mots les bases, ainsi que les questions principales qu’elle présente; savoir : la division générale en police et justice, la formation et l’organisation de ces deux institutions, le système d’accusation, la nature des preuves, les moyens d’assurer la liberté individuelle, enfin la composition des deux jurés. Ces objets mêmes sont traités avec la rapidité que nous commandent la multiplicité de nos travaux et la juste impatience de les voir bientôt se terminer. On a tâché partout d’énoncer le principe et de laisser à découvert la chaîne des idées. Si cette méthode est la moins attrayante et la plus sèche, elle est au moins la plus sûre; le lecteur peut se sentir fatigué de cette marche, mais il arrive au but, et ses dégoûts pendant la route tombent souvent sur l’auteur et rarement sur le sujet. Cet inconvénient est léger, sans doute, et quiconque y serait sensible, prouverait qu’il a moins de patriotisme que de vanité.