[23 février 1791.J 451 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] Et Saint-Hippolyte est en France. (Murmures.) M. l-avie. Je réponds à M. Voidel que le fait est véritable, que lesieurGhâlonabienété transféré de prisons de Saint-Hippolyte sur le Doubs, à Belfort; mais je sais qn’it a été pris sur le territoire de Porentruy, dans un village qu’on nomme Davant. Je dis que je le sais, non pas officiellement, parce que l’on ne m’envoie pas de nouvelles officielles; mais j'ai quaire lettres de Belfort, de personnes notables qui, toutes, m’ont instruit de ce fait à deux postes différentes. Or, je demande que le comité vérifie ce fait; et ce fait reconnu exact, je demande la relaxation de M. Ghâlon. Un membre : Une lettre, qui m’a été écrite par un parent de M. Ghâlon, m’en atteste la vérité. M. de Mirabeau. Il faut que le fait soit éclairci; le procès-verbal d’arrestation lui-même lie suffirait pas, car ce ne serait pas la première fois qu’un procès-verbal d’arrestation aurait été faux. Je demande qu’on ne prenne aucune mesure ultérieure avant de s’être procuré des éclaircis-semems authentiques et certains. (Applaudissements.) M. de JVoailles. L’Assemblée doit reconnaître que si le fait est constaté, M. Ghâlon sera remis en liberté. M. de Digolnc. Je demande que, si le fait est éclairci et qu’il soit prouvé que l’arrestation a été opérée sur les terres de Porentruy, M. Ghâlon soit réintégré sur les terres de Porentruy. Plusieurs membres : Oui 1 oui ! (L’Assemblée charge son comité des recherches de vérifier les circonstances de l’arrestation de M. Ghâlon et ajourne toute mesure ultérieure jusqu’après le résultat de cette enquête.) L’ordre du jour est un rapport du comité des rapports sur les troubles excités à Uzès et dans le département du Gard. M. Muguet de JVanthou, rapporteur. Messieurs, if est arrivé hier un courrier du département du Gard, qui vous a apporté des détails sur les événements arrivés dans ce département. La lecture des pièces dont le courrier était chargé vous a été faite; et vous avez ordonné à votre comité des rapports de vous présenter à cet égard un projet de décret. Je n’aurai donc qu’à vous rapporter succinctement les faits, afin que vous puissiez les comparer aux mesures que votre comité a cru nécessaire de prendre. Le 14 février, une querelle survenue dans un cabaret, dont les administrateurs du département ne peuvent connaître ni la cause ni l’origine, a donué lieu à un mouvement dans la ville d’Uzès. Les effets de ce mouvement ont été tels qu’une partie des citoyens se sont portés vers la cathédrale et ont sonné le tocsin. Le procureur-syndic du district a cru que, dans une pareille circonstance, il devait prévenir des malheurs en déployant la force publique. Il a requis la proclamation de la loi martiale : la proclamation a été faite, et au moment où les cavaliers se rendaient au quartier, deux d’entre eux ont été blessés. Cependant le rassemblement des troupes de ligne a été fait, et ensuite l’aiiroupement des citoyens augmentant considérablement, le procureur-syndic a requis le commandant de la garde nationale de rassembler sousles drapeaux tous les citoyens : cette convocation des citoyens a eu lieu; le commandant de la garde nationale a essuyé 3 coups de fusil, qui heureusement ne l’ont pas atteint; ce n’est pas la mauvaise volonté, mais la maladresse des citoyens, qui furent cause qu’il ne fut pas touché. Plusieurs gardes nationales, qui étaient derrière le commandant, ont aussitôt riposté par quelques coups de fusil, et le citoyen coupable a été atteint et tué ; les deux partis sont restés en présence une partie de la nuit. Le lendemain matin, les rebelles ont aperçu que leur petit nombre ne leur permettait pas d’exécuter leurs perfides complots, ils ont pris la fuite ; mais en se retirant, ils se sont permis des me aces qu’ils n’ont que trop réalisées; ils ont fui du côté du camp de Jaiès. Le département, instruit des événements arrivés à Uzès, a ordonné aussitôt à M. d’Albignac, du zèle et du patriotisme duquel il se loue, de prendre des mesures efficaces pour empêcher la mauvaise volonté des fuyards. M. d’Albiguac a envoyé à Uzès et dans les lieux circonvoisins une portion des troupes de ligne qui était à sa disposition. Le département a envoyé deux commissaires, à Uzès, pour s’informer des auteurs des troubles el se concerter avec le directoire de district pour les prévenir. La tranquillité paraissait rétablie dans la ville ; la fuite des malveillants l’assurait; mais le département a été instruit que ceux qui avaient fui du côté du camp de Jalès se sont réunis à un très grand nombre d’hommes; le département estime que ce rassemblement pouvait être de 8,000 hommes: 1,700 se sont portés vers la ville de Saint-Ambroise ; les citoyens, s’y trouvant en infériorité de nombre, ont été obligés de l’abandonner. On n’a pas de nouvelles s’il s’y est commis des excès ; on sait seulement que les citoyens qui ont pris la fuite, ont été obligés de remettre leurs armes. Telle est, Messieurs, la situation du département du Gard; les gardes nationales, qui ont manifesté jusqu’à présent le plus grand paHolisme, ne peuvent pas fournir tous les secours qu’on peut désirer; la plupart sont retenus chez eux par cette considération-ci : c’est que, suffisant pour arrêter les troubles intérieurs, ils craignent que leur absence n’augmente l’audace des malintentionnés, et qu’ils ne profitent de cette absence pour se livrer à des excès, de sorte qu’aucun n’ose abandonner ses foyers, et que tous sont retenus chez eux, sans pouvoir porter du secours à leurs voisins. Votre comité n’a pas méconnu la main malveillante qui dirigeait tous ces mouvements. Il ne les a point attribués au peuple, qu’on peut égarer un seul instant, mais qu’on ne trompera jamais. Il a senti que ceux qui jusqu’à présent ontieoté d’inutiles efforts pour le soulever contre une Constitution, qui, en assurant ses droits, assure également son bonheur, avaient pensé qu’ils devaient se servir d’une circonstance, où, sous le voile de la religion, on pourrait impunément secouer la torche du fanatisme et exciter peut-être un incendie dont ils profiteront pour exécuter enfin les complots que leur criminelle audace leur suggérera ; mais leurs efforts seront ARCHIVES PARLEMENTAIRES (23 février 1791. J 452 (Assemblée nationale.] impuissants; leurs espérances seront déjouées. Dans les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, ils avaient tenté les mêmes efforts ; et des nouvelles consolantes, arrivées de ces départements, nous font espérer que bientôt nous pourrons calmer nos inquiétudes. Ils avaient excité des troubles dans le Morbihan ; et les habitants de ce département, aujourd’hui honteux d’avoir été trompés, manifestent le plus vif regret d’avoir calomnié la Constitution et d’avoir voulu la compromettre. Nous espérons que les mêmes efforts auront le même succès dans le département du Gard. Cette considération nous a conduit nécessairement à vous proposer les mesures que vous avez adoptées efficacement dans les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, et que vous avez employées naguère pour le département du Morbihan. (Murmures.) Malgré les marques d’improbation qu’on donne déjà au projet que je vais proposer, et malgré les plaisanteries sur les commissaires, le comité a pensé que vous deviez envoyer des commissaires dans le département do Gard, parce que quelque louable que soit la eondube des corps administratifs, des commissaires pouvant se transporter rapidement dans tous les lieux où leur présence est nécessaire, n’étant pas condamnés comme un corps délibérant à des lenteurs, peuvent plus efficacement apporter un remède aussi prompt que le mal. Cette considération a déterminé votre comité à vous proposer d’adopter cette voie, il a pensé d’ailleurs que les administrateurs pourraient être retenus par des considérations personnelles qu’entraînerait l’habitude de vivre avec des concitoyens ; que des étrangers ayant une autorité extraordinaire en imposeraient davantage aux malveillants, et présenteraient plus de moyens aux citoyens qui défendent la Con-titution. Il a pensé aussi que ces commissaires» chargés de requérir dans les départements voisins les se-coursdes gardes nationales etdes troupes deligne, pourraient agir plus efficacement. Voilà quels sont les motifs qui ont déterminé le comité à vous proposer la mesure des commissaires; et dans cette mesure, Messieurs, il a pensé que vous devez étendre les pouvoirs des commissaires non seulement dans le département du Gard, mais encore dans les départements voisins, parce qu’en effet il y a eu des troubles dans le département de l’Ardèche. Ces troubles heureusement sont terminés; mais ils pourraient renaître : on pourrait craindre que dans quelques parties des départements voisins les ennemis de la chose publique ne tentent de nouveaux efforts. Votre comité est instruit d’ailleurs que dans le département de l’Aveyron, le district de..., avait tenté quelques efforts qui heureusement ont été réprimés par le département de l’Aveyron, qui a pris les mesures les plus efficaces pour le faire rentrer dans l’ordre. Mais il a cru que pour envoyer des commissaires il fallait, dans le cas où il arriverait des événements fâcheux, avoir sur les lieux un moyen capable de les réprimer. Votre comité vous proposera, en conséquence, de prier le roi d’envoyer des troupes dans ces départements, et voici les motifs sur lesquels il se fonde; c’e-t que dans ces départements il existe non seulement une rivalité d’opinions politiques, mais encore une rivalité d’opinions religieuses, et qu’on ne peut attendre des gardes nationales tous les secours qu’on pourrait en espérer dans d’autres départements où les mêmes circonstances n’existeraient pas. Certainement le parti patriote a la majorité dans tous les lieux; mais s’ils s’abstenaient il est à craindre que les ennemis ne se portent à de coupables excès. La plupart des gardes nationales sont donc retenus chez eux; on ne peut que les extrain-en petite partie pour porter du secours aux lieux où il en est besoin. Par conséquent, la force publique doit être composée de troupes de ligne. Telles sont donc les mesures que votre comité croit devoir vous proposer. Il a pensé que dans ce moment-ci ondevaituuiquements’occuper de prévenir le mal, et que le résultat des informations pourrait peut-être vous procurer des éclaircissements sur les auteurs coupables de ces désordres ; il a cru qu’il ne devait pas vous parler de ces lettres incendiaires, de ces mandements, auxquels seuls, je ne crains pas de le dire, on doit attribuer la cause des malheurs momentanés au reste, qui affligent en cet instant la patrie. Voici le projet du décret: « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports sur les événements arrivés dans le département du Gard, « Approuve la eondube des administrateurs du département du Gard et du district d’Uzès, ainsi que celle de M. d’Alb gnac, commandant des troupes de ligne de ce département. « Considérant que l’activité qu’exigent les mesures à prenire nécessite l’envoi des commissaires qui puissent rapidement se porter partout où les circonstances exigeront leur présence; décrète: « Que le roi sera prié d’envoyer dans le département du Gard et dans les départements voisins un nombre de troupes de ligne suffisant pour rétablir la tranquillité publique; « Que le roi sera également prié d’envoyer, dans le département du Gard et dans les départements voisins, 3 commissaires qui seront autorisés à se concerter avec les corps administratifs de ces départements, sur les moyens les plus efficaces d’a»surer l’exécution des lois, arrêter les désordres, et en faire poursuivre les auteurs devant les tribunaux, requérir les secours des gardes nationales et celui des troupes de ligne et faire toutes proclamations et réquisitions qu’ils jugeront convenables. » M. Barnave. Il faut toujours dans les pouvoirs de commissaires une clause générale qui les autorise à faire toutes choses nécessaires au rétablissement de l’ordre et à l’exécution des décrets de l’Assemblée nationale. M. Muguet de Hanthou, rapporteur. J’adopte l'amendement et je propose de rédiger le décret comme ?uit; « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son tombé des rapports sur les événements arrivés dans le département du Gard, « Approuve la conduite des administrateurs du département du Gard et du district d’Uzès, ainsi que celle de M. d’Albignac, commandant des troupes de ligne dans ce département. « Considérant que l’activité qu’exigent les mesures à prendre dans ce département, nécessite l’envoi de cummissaires qui puissent se porter partout où les circonstances exigeront leur présence, décrète ce qui suit : * Le roi sera prié de faire passer dans le département du Gard et dans les départements voi-