[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 août 1789.] 357 Celte délibération se passe au milieu du tumulte et du désordre le plus grand. M. le Président rappelle inutilement à l’ordre. H demande ensuite à un des commissaires du bureau des douze, s’il n’y aucune accusation contre M. le duc de la Vauguyon. Le bureau assure qu’il n’y a aucun indice contre lui. Plusieurs membres continuent cependant à demander avec chaleur son arrestation. M. le comte de Mirabeau. Je prie l’Assemblée d’observer que, s’il est un cas où l’opinion d’un petit nombre de membres doit l’emporter sur celle du plus grand, c’est lorsque le petit nombre déclare n’être pas assez instruit pour donner un avis réfléchi, lorsqu’il demande à s’éclairer par l’avis des autres; or, je suis de ce petit nombre. M. de la Vauguyon est arrêté , ou pour une simple contravention de police et alors il est assez puni par plusieurs jours d’alarmes et de détention, ou pour cause de conspiration, et alors il doit être gardé dans une prison sûre. Mais jusqu’ici rien n’est moins prouvé que le délit quelconque pour lequel il est détenu. S’il est ici quelqu’un qui connaisse un crime à la charge de M. de la Vauguyon, qu’il l’allègue, et alors nous ordonnerons qu’il soit transféré sous sûre garde. Nous nommerons le tribunal qui doit le juger et les commaissaires qui devront procédera l’accusation. Mais si personne n’accuse le citoyen qui réclame sa liberté, je vous le demande, Messieurs, pouvons-nous le retenir un instant dans les fers sans blesser Injustice ? Mon avis est que M. le président soit chargé d’écrire à la municipalité du Havre que nous ne connaissons pas de motifs pour que la détention deM. de la Vauguyon soit continuée, et que nous laissons au pouvoir exécutif la décision entière sur ce qui concerne cet ex-ministre. L'avis de M. le comte de Mirabeau est adopté. L’Assemblée prononce l'arrêté suivant : « Sur le compte rendu à l’Assemblée nationale de la détention de M. le duc de la Vauguyon, faite par la milice bourgeoise du Havre, l’Assemblée arrête de ren voyer cette affaire au pouvoir exé-cutif, et charge M. le président d’écrire à la municipalité du Havre pour lui faire connaître la délibération de l’Assemblée et lui faire passer copie de sa lettre au ministre. » il a aussi été rendu compte de l’emprisonnement illégal de M. Helle, lieutenant-bailli seigneurial de Landeser en Haute-Alsace : l’Assemblée a décrété que cette affaire serait également renvoyée au pouvoir exécutif, et elle a rendu son arrêté général, en l’étendant à toutes les affaires de nature semblable. M. le Président a annoncé à l’Assemblée que les deux premiers articles du projet d’arrêté ayant été décidés irrévocablement dans la séance du matin et fondus dans un seul, on allait discuter le troisième. On propose un premier amendement ainsi conçu : « Que les ordonnances qui ordonnent la fermeture des colombiers pendant les semailles auront leur effet, à moins que le propriétaire n’ait cent arpents. » Ce projet, qui était contradictoire à l’arrêté, est rejeté. Un autre membre observe qu’il est des provinces où le droit de colombier est universel ; d’autres où les pigeons ne font aucun tort, soit parce que les terres ne sont pas cultivées pour les blés, soit pour d’autres causes ; qu’il ne convient pas de les détruire dans ces provinces, et qu’il faut renvoyer cet objet aux Assemblées provinciales. M. l’abbé Sieyès présente un projet qui paraît fort peu accueilli. Le voici : « Tout propriétaire aura le droit de tuer les pigeons sur ses terres. » Un membre y substitue le suivant : Les colombiers ouverts seront supprimés, et les laboureurs seront autorisés à tuer les pigeons dans les temps de semailles, lorsqu’ils se trouveront vagants sur leurs terres. M. Target réclame ici l’exécution de son cahier, qui porte la destruction des pigeons. Cependant, comme cette destruction intéresse toutes les provinces, il propose de renvoyer aux Assemblées provinciales. Un député d’Auvergne expose ce qui se passe dans sa province. Tout vigneron, tout laboureur a des colombiers, le droit n’en est pas exclusif, et il n’en résulte, en Auvergne, aucun inconvénient. M. ***, cultivateur. Je crois devoir reprocher ici à l’Assemblée cette variation dans scs décrets : vous avez anéanti les colombiers; comment peut-on agiter aujourd’hui la question de les conserver ? Si cette fluctuation dans les idées subsiste encore, ce ne sont pas les Etats généraux, mais les Etats éternels. (Les murmures et le tumulte augmentent. Les colloques, les disputes particulières recommencent ; l’ordre est longtemps interrompu.) M. le Président est forcé de dire qu’il va rompre la séance. Inutilement réclame-t-il le respect que l’Assemblée se doit à elle-même ; l’agitation dure toujours, et le calme ne se rétablit que quand le président paraît vouloir effectivement se retirer. M. de Clermont-Tonnerre reprend la parole. Il observe que le point de discussion est bien simple: ou adopter le projet présenté par le comité de rédaction, ou dire que les colombiers demeureront supprimés. M. EEabaud de Saint-Etienne donnelecture d’un arrêté que l’on met en délibération, et qui passe à la grande majorité. Le voici : « Le droit exclusif des fuies et colombiers est aboli. Les pigeons seront renfermés aux époques fixées par les communautés, durant lequel temps ils seront regardés comme gibier, et chacun aura le droit" de les tuer sur son terrain.» A dix heures la séance est levée et remise au lendemain 9 heures.