[États gên. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Douai.] 229 tous les fruits décimables, en réglant indistinctement la quotité pour chaque espèce, et qu’en raison de ces revenus réels, les églises et les presbytères soient à la charge des décimateurs. 8° Qu’on puisse s’apaiser sur les travaux publics et ne pas être obligé de payer des gages à un directeur qui en obtient l’augmentation, sur sa simple demande, à l’insu de toutes les communautés intéressées, à qui on fait encore payer des sommes considérables, sans que leur consentement soit intervenu, pour obtenir les arrêts du conseil qui fixent ces payements, sous le motif spécial des travaux de la tractoire, lorsque tous ces ouvrages ne profitent ni à Aine ni aux communautés voisines, puisque enfin ces travaux ne sont pas éxécutés vis-à-vis leurs possessions, à raison desquelles on vient encore d’exiger tout récemment une contribution qui n’est que supplétive de celle qu’on a formée il. y a quelques années ; ce qui ne serait pas aussi accablant, si ces travaux étaient mis au rabais et exécutés à l’apaisement de toutes les communautés contribuables et décidément à beaucoup moins de frais. Ainsi fait et arrêté en l’assemblée tenue audit Aine, le 19 mars 1789, neuf heures du matin; ajoutant que la communauté est en cause contre M. de Bouvignies qui, en sa qualité de seigneur de Yar-laing, veut enlever une partie de ses marais pour tenir lieu d’indemnité d’un ancien droit de vinage pour lequel les habitants d’Alne ne lui doivent aucune garantie, ce qui occasionne des frais et une surcharge aux susdits habitants qui se réunissent pour réclamer contre une entreprise aussi injuste qu’elle est destituée de raison et de fondement. Observant enfin que M. le curé d’Hamage ne se contente pas de jouir d’une portion ménagère dans les marais d’Alne, puisqu’il jouit encore de la dîme sur tops lesdits marais, de manière que les habitants désireraient à cet égard que leur pasteur fût obligé d’opter à retenir l’une et à abandonner l’autre. Signé à l’original : G.-J.-B. Descamps, R.-J. Hannet, Philippe Du-rés, Dalloy, Philippe Lobel, P.-J. Quenoy, J.-B. enoît, Pierre Sang, Charles-Joseph Briquet, A Ha-rau, P.-L. Derobin, P.-J. Benoît Gratien Tison, M.-M. Descamps, J.-B. Broutin, Lubrez Taillez, Houdart, Matthias Tison, mayeur, J.-J. Deleme, Pothier, Loiseleur. Depuis la rédaction du cahier qui précède, lesdits habitants ayant fait de nouvelles reflexions, il fut unanimement délibéré d’ajouter : 1° Que le vœu général de la communauté était de rentrer dans ses anciens droits relativement aux marais, à l’exclusion de la communauté de Warlaing, qui n’y a acquis des droits que par la concession faite à son profit par l’abbaye de Mar-chiennes, qui n’en était pas même propriétaire. 2° Considérant que le marais de Bonté, appartenant audit Aine , a été aliéné pour une somme modique et pour quatre-vingt-quatorze ans, afin de paver des frais de procédure sans autre forme que Pautorisation de M. l’intendant, d’après le consentement seul d’un petit nombre d’habitants, l’on demande de faire annuler cet arrentement, moyennant l’offre de restituer le prix fixé par l’arrentataire qui a été suffisamment indemnisé de la somme par les fruits et profits annuels dont il a joui jusqu’à ce jour. 3° Que tous les arrentements faits jusqu’à ce jour par l’abbaye de Marchiennes, en empiétant sur les communes, soient restitués aux habitants en accordant à ces derniers l’exemption des dîmes sur toutes les parties du marais. 4° Que la planche posée sur la Scarpe, pour servir de passage à l’église paroissiale d’Hamage et pour donner communication à Waudiguier, soit à la charge de l’abbaye de Marchiennes qui en était chargée autrefois, tant pour la reconstruction que pour la réparation et l’entretien. 5° Que la province soit entièrement maintenue dans tous ses droits, ainsi qu’ils lui ont été accordés par les différents traités et capitulations depuis que la France en a fait la conquête. Signé à l’original : Jean-Baptiste Broutin, Charles-Joseph Briquet, R.-J. Hannet, Gratien Tison, P.-L. Dozoli, B. Descamps, P.-F. Benoit, J.-J. Huart, Augustin Harau, Pierre-Joseph Quénoy, Dalois, J. Duprés, N. -J. Houdart, J.-J. Lubiez, Mathias Tison, mayeur, M.-M. Descamps, P.-J. Avez, Jean-Louis Pothier, Loiseleur. CAHIER De dole'ances pour les habitants de la communauté de Warlaing. Puisque c’est au concours de ses fidèles sujets qu’un Roi bienfaisant daigne référer aujourd’hui toutes les difficultés pour établir suivant ses vœux un ordre constant et invariable dans toutes les parties du gouvernement, pour les besoins de l’Etat, la réforme des abus, la prospérité générale et le bien de tout et chacun de ses sujets, les habitants de cette communauté doivent s’empresser de répondre à ces vues, d’autant plus précieuses qu’elles intéressent tous les individus sans exception. Il y a donc une obligation étroite de dresser dans chaque endroit un cahier de doléances ; c’est un acte d’obéissance, mais un acte favorable que l’on doit au plus auguste des souverains, qui l’exige, moins à titre de soumission, que pour opérer le bonheur de son peuple dont il sera toujours assuré de la vénération et de l’attachement le plus inviolable. En entrant dans le détail de tous les abus qui intéressent Warlaingt on observe : 1° Que la communauté est composée de cultivateurs et d’ouvriers qui ne vivent la plupart qu’à force de travail pour procurer à leurs enfants un pain grossier trempé dans leur sueur. 2° Toutes les ressources de la communauté ne consistent que dans quelques portions de marais situés dans la seigneurie d’Alne, dont l’abbaye de Marchiennes a prélevé le tiers, sans avoir néanmoins justifié de ses titres, ce prélèvement n’étant que provisoire et sans préjudice aux droits des parties ; ce sont des droits cependant qu’une communauté craint toujours de faire valoir contre une abbaye puissante qui a des ressources inépuisables. 3° Les autres biens situés sous la juridiction de Warlaing et qui composent la seigneurie ne consistent en total qu’en 120 bonniers. M. le marquis de Bouvignies, seigneur dudit Warlaing, en possède lui seul 40 bonniers; il en a donc un tiers. 4° Toutes les impositions sont payées par les habitants, tandis que le seigneur est exempt pour ses possessions, à raison desquelles il ne paye qu’une faible partie des vingtièmes; ce qui forme une surcharge auxdits habitants , qui se trouvent cotisés à l’avenant pour la totalité des terres qui composent le territoire, puisque la répartition ne pouvant comprendre les biens du seigneur, 23Q [États gen 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Douai.] l’exemption dont celui-ci jouit diminue le nombre des contribuables, en augmentant la charge de tous les possesseurs particuliers ; cela est annuellement sensible, puisque la somme imposée sur la communauté ne peut souffrir de remises à raison de l’exemption du seigneur, qui n’a un privilège que pour aggraver les charges de ses vassaux, qui payent pour lui et pour ses possessions lorsque tout le produit revient au seigneur. 5° Ce seigneur jouissant d’un droit de plantis sur tous les chemins et sur sus terres, il en profite de manière que la seigneurie présente plutôt une forêt qu’une campagne propre à la culture; ainsi chaque fond est environné d’arbres qui étendent leurs racines et leurs branches de toutes parts, empêchent la production des fruits, altèrent toutes les moissons et affaiblissent la nature du sol devenu par ce moyen infiniment moins fertile, sans que ce motif puisse engager le seigneur à louer ses terres à un prix modique, lorsqu’il ne les afferme au contraire qu’à un prix excessif; de là vient que le laboureur trouve à peine la vie dans une telle exploitation, puisque les fruits qu’il récolte après le fermage acquitté, les impositions payées et la dîme prélevée, tantôt à cinq, tantôt à trois du cent, ne lui laissent que le faible espoir du plus léger tribut qu’on puisse accorder à ses peines et à ses travaux. De là aussi la source de la misère et l’indigence des familles agricoles. 6° Le propriétaire particulier n’est pas plus heureux; il paye aussi la dîme et les tailles à un taux onéreux, et'sa propriété se trouve aussi gênée par les plantis voisins, sans compter les rentes annuelles qui accroissent le revenu du seigneur, et plus que cela encore, les droits seigneuriaux à raison du dixième de la valeur qu’on exige à la vente, dons, transports, aliénations et pareils droits du dixième à la mort, connu sous le nom odieux de droit de relief. Ces droits pour l’ordinaire ne sont que le reste barbare de l’ancienne servitude, qui n’ont pour appui qu’une possession peu soutenue et dénuée de titres constitutifs. On en demanderait en vain la production ; les procès sont la seule voie pour y parvenir, mais la ruine de ceux qui les soutiennent en précède toujours la décision. 7° Outre ces surcharges accablantes, toujours des demandes continuelles mais extraordinaires; le canal de la Tractoire excite à cet égard des plaintes formelles. Il y a pour la rivière et les canaux de la Scarpe un directeur, dont les gages étaient fixés ; on vient de les augmenter sur la simple demande de M-l’intendant, sans qu’aucune communauté n’eût été entendue pour y donner son adhésion, laquelle était sans doute nécessaire pour y obliger légalement. Relativementàla Tractoire, chaque communauté a payé en 1764 une somme considérable pour l’élargissement, le curement et la prolongation de ce canal ; il a fallu y suppléer ensuite par une autre somme. Aujourd’hui on demande encore un supplément onéreux à la même occasion, tandis qu’on a payé il y a quelques années tout ce qu’il fallait pour tous les travaux nécessaires, et tout cela se dirige sans l’aveu des communautés, qui savent qu’il faut payer, et rien de plus, car elles n’ont pas participé aux arrêts du conseil qu’on sollicite à leur insu, qu’on obtient de même, sans néanmoins que Warlaing ni les communautés voisines aient encore vu le moindre signe de l’emploi des sommes exigées, puisqu’on n’aperçoit aucuns travaux au susdit canal, travaux pourtant seuls objets de ces payements. 8° A ces doléances, il faut ajouter la difficulté des routes et les droits multipliés qu’on y perçoit, ce quigênela liberté due principalement au commerce et au transport des denrées. Lesdits habitants désireraient en conséquence: 1° Quele tiers-lot des marais, retenu par l’abbaye de Marchiennes, leur soit remis et partagé entre eux ; 2° Qu’il n’y ait plus de droits seigneuriaux, si le seigneur n’en justifie préliminairement par des titres probants et en forme authentique. 3° Qu’il n’y ait plus d’exemptions ni aucuns privilèges pour le clergé et la noblesse, que tous soient contribuables, par une juste égalité pour tous les droits quelconques, à raison des biens, facultés et industrie et de la consommation de chacun. 4° Que les droits de plantis soient cotisés comme tous les autres droits utiles. 5° Que la taxe de tous les impôts réels ou personnels soit réglée annuellement par la province qui les répartira dans son ressort, puis par chaque communauté, pour en faire le recouvrement elle-même au moyen des receveurs établis au rabais; lesquels verseraient annuellement le montant de leurs recettes dans une caisse provinciale, et celle-ci, sans autres moyens, au trésor royal directement. 6° Qu’il y ail une parfaite uniformité dans la perception“de la dîme et dans la déclaration des fruits décimables. 7° Enfin que tous les travaux publics soient donnés en entreprise, mais à cri public et au rabais. 8° L’on observe encore que la communauté se trouve tellement chargée qu’on a aliéné, il y a treize ans, 30 rasières de biens communaux pour l’espace de quatre-vingt-quatre ans, ce qui excite a juste raison les vives réclamations de tous les habitants, puisqu’ils supportent seuls le fardeau des charges, lorsque le seigneur prétend encore d’enlever dans leurs marais 8 rasières de terre mises en réserve, dans lesquelles il n’a aucun droit même apparent, ne résidant pas d’ailleurs à Warlaing ni seigneur desdits marais. 9° Une considération bien affligeante, c’est que l’on voit chaque année le transport des grains surtout en blé, dont il passe annuellement plus de 50 bateaux sur la Scarpe, pour être exportés à l’étranger, ce qui occasionne la disette et expose cette province à la misère dont elle ressent déjà les effets, lesquels deviendraient plus funestes si l’on ne pouvait y remédier promptement. 10° Ce qui excite aussi le désir public, c’est la réforme des abus dans l’administration de la justice, puisqu’il n’existe aujourd’hui que des formes dispendieuses qu’on devrait simplifier en adoptant un nouveau code et des tribunaux moins fréquents, puisqu’il suffirait que les communautés soient soumises en toute matière aux juges royaux sans aucun recours aux intendances. Ainsi fait et arrêté en l’assemblée du 20 mars 1789. Signé à l’original : G. -F. Joly, J. -B. de Carpentry, JacquèsMorelIe, J.-J. Salet, T. Bonnet, Martin Lambert, Florentin Joly, Pierre-André Doby, P.-J. Louvet, J.-J. Cou-det, Zéphirin de Brabant, F. Baret, Louis Pillon, J. -B. Louis, J.-B. Lambert, P.-J. Joly, J.-G. Mar-cheux.