[Assemblée nationale, J ARCHIVES PARLE MENT AIRE S. |10 août )791.j et irtient à la nation; aucune section du per / ne peut s’en attribuer l’exercice. ' fn. 2. La nation, de qui seule émanent tous les. /juvoirs, ne peut les exercer que par délégation. <. La Constitution française est représentative; les représentants sont le Corps législatif et le roi. « Art. 3. Le, pouvoir législatif est délégué à une Assemblée nationale, composée de représentants temporaires, librement élus par le peuple, pour être exercé par elle, avec la sanction du roi, de la manière qui sera déterminée ci-après. « Art. 4. Le gouvernement est monarchique : le pouvoir exécutif est délégué au roi, pour être exercé, sous son autorité, par des ministres et autres agents responsables, de la manière qui sera déterminée ci-après. « Art*#). Le pouvoir judiciaire est délégué à des juges élus à temps par le peuple. » (La discussion est ouverte sur ce titre.) M. Rœderer. Messieurs, vos comités me paraissent avoir absolument méconnu l’essence du pouvoir exécutif que vous ayez entendu instituer, et leur rédaction du titre III me paraît tendre à amener très prochainement l’altération des bases de votre système administratif. Je vais vous exposer mon opinion avec la brièveté et la simplicité d’un homme qui désire sincèrement de s'être trompé. L’article 2 du titre III porte que la Constitution française est représentative , et que les représentants sont le Corps législatif et le roi. Par une conséquence de ces notions, l’article 2 de la seconde section du chapitre IV du même titre est conçu en ces termes : Les administrateurs n'ont aucun caractère de représentation. Toutes ces propositions sont inexactes, discordantes entre elles et avec les principes de la représentation. Le roi n’a pas le caractère représentatif, quoique sans contredit il ait un caractère très éminent. Les administrateurs, au contraire, ont dans un sens le caractère de représentants, et s’il n’en était pas ainsi on ne pourrait pas appeler la France un gouvernement monarchique représentatif. (Murmures.) Je prie l’Assemblée de croire que je discute avec la plus grande bonne foi. L’essence de la représentation est que chaque individu représenté vive, délibère dans son représentant; qu’il ait confondu, par une confiance libre, sa volonté individuelle dans la volonté de celui-ci. Ainsi, sans élection, point de représentation; ainsi les idées d’hérédité et de représentation se repoussent l’une l’autre; ainsi un roi héréditaire n’est point représentant. Les comités eux-mêmes sentent si bien que la confiance individuelle et l’élection peuvent seules conférer le caractère représentatif, que c’est au r ce principe qu’ils se fondent pour demander la révocation du décret du marc d’argent, et que c’est sur l’abus de ce même principe qu’ils veulent faire lever le décret de la non-rêéligibilité indéfinie. Et au fond, Messieurs, s’il était possible que vous séparassiezl’idée de représentation de celle d’élection, vous feriez disparaître, vous obscurciriez au moins la notion la plus frappante que vous puissiez proposer à la garde de la Constitution, et opposer à tou(te usurpation sur le pouvoir législatif. Prenez-y garde, Messieurs, les vérités sensibles sont les meilleures gardiennes dgs vérités politiques, qui toutes ne peuvent pas 'être sensibles. Certainement, tant que le peuple ne reconnaîtra le caractère auguste 4e représentant qu'à ceux qu’il aura élus, et pendant le teuips pour lequel il les aura élus, il ne sera pas facile au chef dp. pouvoir exécutif, ni à pne cjgsse d’bon) pies distincte des autres, ni à une corporation, 4g s’érm parer du pouvoir législatif que Ig peuple sait fort bien ne pouvoir être exerpé que par des représentai) ts, au lieu que si le caractère de représentant peut être réputé héréditaire, rien dans la théorie de la représentation, ne s’opposera plus à l’idée de législateurs héréditaires, tels qu’au-trefois le roi, les parlements ont prétendu .l’èjrë, tels qu’à la suite peut-être les grmds propriétaires terriens prétendaient l’être à l.e,ur tour. Ainsi, en adoptant la représentation sans élection, vous diminueriez évidemment i’absurdité de l’ancien régime et Ja sûreté des nouveaux principes. On dira peut-être qu’à la vérité, le roi n’est pas réellement représentant, mais qu’oci jpeu)t l’appeler ainsi par fiction; que cette fiCjtjon est nécessaire pour que son titre s'accorde. avec la fonction du veto, qui est une portion du pouvoir législatif. Je réponds que c’est justifier due fausse qualification par une erreur de principe. Le droit de fonctions n’est nullement p, ne portion du pouvoir législatif; ce n’est qu’un droit d’appel à la nation d’un acte du Corps législatif que, malgré le refus de la sanction, le décret devient loi après deux législatures persévérantes. Le droit d'appel à la nation d’un décret du Corps législatif ne donne pas gu roi plus de part dans Je pop voir législatif, que Je droit d’appel d’un commissaire du roi sur un jugement de première instance, ng donne à ce commissaire le pouvoir judiciaire. Ainsi, on ne peut fonder sur le caractère de colégislateur, que n’a pas Je roi, la nécessité de lui donner un titre correspondant à ce caractère. S’il est clair gn’il n’y a point de représentation sans élection, il est clair aussi que tput citoyen élu est représentant dèpelui qui l’a, élu, pour 1g temps et pour la chose qui est l’objet de l’élection; et c’est sur ,cette yérité évidente que j’établis ma seconde proposition, savoir ,que les administrateurs spnt représentants. (Murmures.) Messieurs, je vous supplie de méditer cecjgyec quelque bonté. Çhl si les administrateurs, gomme les juges, n'avaient pas le caractère représentatif, à quel titre not,re Constitution serait-elle appelée représentative ? Pourquoi dirait-on partout et sans cesse que notre Constitution est une .création toute nouvelle, qu’elle n’a de modèle nulle part ? Si les membres du Corps législatif, et même le roi, si l’on veut, étaient seuls représentants, notre Constitution ne serait qu’une simple monarchie, où le peuple exercerait la souveraineté par des représentants, et où l’exécution de ses lois serait commise à un seul homme. Il ne peut pas exister de monarchie autrement. Un Etat .où le pouvoir législatif ne serait pas exercé par des représentants, serait ou en pleine aristocratie ou en plein despotisme, il ne serait pas en monarchie. §i notre Constitution n’établissait la repréT-sentation que dans le Corps législatif, elle ne ser rait pas plus représentative quelle ne l’était il y a 2 siècles, qu’elle ne l’est maintenant en Angleterre. A la vérité, une partie de cette Constitution, c’est-à-dire le pouvoir législatif, serait mieux représentée, parce qu’il n’y a plus d’ordres en France, et que les bases de la représentation sont meilleures ; mais il n’y Aurait pas, dans la [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |10 août 1191-1 324 Constitution, plus de parties des pouvoirs publics où la représentation ait lieu, la Constitution ne serait pas plus représentative. Je dis doue que le roi n’est pns représentant-, que les administrateurs le sont, et qu’il faut qu’ils le soient pour que le comité puisse dire avec exactitude : la Constitution française est représentative. Ce qui a sans doute égaré les comités; ce qui fait résister plusieurs bons esprits aux observations que je viens d’exposer, c’est cette idée fort juste, que des administrateurs élus ne doivent pas être placés sur la même ligne que des députés à la législature ; que ces premiers sont comptables et responsables au chef du pouvoir exécutif, tandis que les seconds en sont indépendants, ont même des fonctions supérieures aux siennes ; et que, de plus, ils ne peuvent être gênés par aucun mandat du peuple qu’ils représentent; mais cette différence ne prouve pas que les uns aient et que les autres n'aient pas le caractère représentatif; elle vient de la différence des pouvoirs communiqués aux législateurs d’une part, et aux administrateurs de l’autre. Les députés au Corps législatif sont non seulement représentants du peuple pour exercer un pouvoir représentatif, par conséquent égal à celui du peuple, indépendant comme le sien; sans quoi il n’en serait pas l’image, la fidèle représentation, tandis que les administrateurs ne sont représentants du peuple que pour exercer un pouvoir commis , un pouvoir subdélégué et subordonné. C’était donc entre les pouvoirs représentatifs et les pouvoirs commis, qu’il fallait établir une distinction nette, et si les comités l’eussent faite, ils se seraient préservés deserreurs dangereuses que présentent les articles dont il s’agit. Allons plus loin et voyons à quelles conséquences ces erreurs de principes ont conduit relativement au système administratif. J’ai toujours cru, Messieurs, et je n’ai pas été seulà croire que votre intention, celle de la France entière, celle des gens même qui d’ailleurs approuvent le moins la Constitution, étaient de garantir invariablement par cette Constitution, que des délégués du peuple, des citoyens élus par le peuple, surveillés les uns par les autres, subordonnés les uns aux autres, seraient désormais chargés, sous l’autorité du roi, défaire la répartition des contributions directes imposées à chaque département, la collecte de ces contributions, la recette particulière, tant de ces contributions que des perceptions dites indirectes, et que la Trésorerie nationale, destinée à rassembler et à distribuer la totalité des revenus publics, serait au moins surveillée dans tous ces détails par des représentants de la nation (Murmures). J’ai toujours cru que, comme la justice devait être préservée, par la Constitution , de magistratures vénales, perpétuelles, héréditaires, ou conférées par le prince et révocables à sa volonté, de même l’administration des charges publiques et le dépôt des revenus de l’Etat devaient être préservés, par la &mstifwfi0w,decesrnagistratuies monstrueuses qui ne se vendaient pas, qui ne se donnaient pas non plus pour un temps fixe ou à perpétuité, mais avec lesquelles le prince achetait les hommes à vendre, ou payait les hommes vendus, et retenait en sa propriété tous les hommes achetés. La propriété et la liberté ne sont pas moins intéressées sans doute à ce que la répartition soit exempte d’arbitraire, et les revenus publics aussi en sûreté du côté de l’administration que du côté des tribunaux elles ne sont pas moins menacées par l’une que par les autres; et au fond, Messieurs, y dans tout ce qui regarde la répartition, le pou-x voir judiciaire fait évidemment partie du pouvoir administratif, puisque décider xque tel ou tel citoyen doit payer une telle confeübution, Soit qu’il réclame ou non contre sa taxe, c’ist réellement statuer par un jugement sur sa propriété. Pour réduire ma pensée en deux mots, j’ai pensé, Messieurs, que comme la Constitution proscrivait pour jamais les parlements, de même la Constitution devait proscrire sans retour les intendants de province, et les surintendants plénipotentiaires des finances. Jusqu’à présent les décrets avaient dit : « le pouvoir exécutif suprême réside aux mains du roi. » Mille fois, quand l’Assemblée travaillait à la formation d es corps admin istratifs, les orateu rs ont dit à la tribune : « le pouvoir exécutif s’organise »; mille fois on a réfuté aux grands apphmdisse-ments de l’Assemblée, les royalistes qui, ne voyant le pouvoir exécutif que dans le roi, disaient : « il faut enfin rendre de la force au pouvoir exécutif », pour dire : « il faut donner du pouvoir au roi ». Est-il quelqu’un qui ne se rappelle cette séance où M. de Mirabeau réfutant une opinion royaliste, dit à peu près ces paroles: « Le pouvoir exécutif ne peut être que le résultat de toutes les parties de la Constitution qui sont ou seront instituées pour l’exercer, les municipalités sont établies; les corps administratifs le sont ou vont l’être... » Tout le monde applaudi! à cette réponse, tout le monde entendait donc que le pouvoir�xé-cutif serait réparti entre différentes mains créées par la Constitution, toujours sans doute sous l’autorité du roi, chef suprême du pouvoir exécutif, et non dépositaire unique delà totalité du pouvoir exécutif. Eh bien, Messieurs, l’article 4 du titre III ébranle les bases ne ce système. Le pouvoir exécutif , porte cet article, est délégué au roi, pour être exercé sous son autoritépar des ministres et autres agents responsables de la manière qui sera déterminée ci-après. Vous le voyez, Messieurs, le roi n’est plus seulement le chef suprême du pouvoir exécutif; ce pouvoir tout entier lui est délégué. Mais, va-t-on demander, n’est-ce point là une simple erreur de ré (action ; mais les articles qui règlent la manière dont le pouvoir administratif sera exercé, ne rectifient-ils pas, n’expliquent-ils pas cette énonciation de l’article 4 du titrelll ? Pour lever les doutes que moi-même je me suis plu à concevoir à cet égard, j’ai eu recours à la section II du chapitre IV qu, concerne l’administration ; j’y ai cherché au moius le principe des importantes dispositions qui ont été insérées dans l’article premier de la section, du décret du 22 décembre 1789 : ce décret rendu dans les temps les plus glorieux de l’Assemblée nationale; je veux parler des dispositions suivantes : « Les administrateurs du département seront chargés, sous l’inspection du Corps législatif et en vertu de ses décrets, de répartir les contributions directes imposées, à chaque département ..... d’ordonner et de faire faire les rôles d’assiette et de cotisation entre les contribuables de chaque municipalité.... de régler et de surveiller tout ce qui concerne la perception et le versement du produit des contributions, etc... » J’y ai cherché aussi le principe des décrets qui placent les revenus publics dans chaque département entre des mains populaires, et soumette t dans tous ses détails la Trésorerie nationale à l’inspection immédiate et journalière de représentants du peuple. Mais c’est en vain que j’ai cherché dans la [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 août 1791. J Constitution l’attribution à des délégués du peuple, de ces fonctions qui touchent si essentiellement à la liberté et à la propriété, et qui sont si peu susceptibles d’être abandonnées à des préposés du prince. Il y a plus, j’ai trouvé positivement le contraire de ce que je cherchais. Les comités, en parlant des fonctions des corps administratifs, non seulement ne les réservent pas constitutionnellement, mais même ils les déclarent positivement objet réglementaire : « Il appartient, disent-ils, article 4, au pouvoir législatif de détermin r l’étendue et les règles de leurs fonctions ( des corps administratifs) ». Ainsi, Messieurs, la prochaine législature peut les réduire à n’être que les administrateurs des propriétés publiques, des chemins, des édifices nationaux, des hôpitaux, etc.; elle peut rétablir les intendants ou toute autre magistrature semblable pour la répartition des charges publiques et autres fonctions de cette nature; ainsi la disposition des finances peut être remise à des agenis du roi, sous cette vaine responsabilité que la puissance de l’or rend toujours si illusoire; ainsi ma proposition est démontrée, savoir : que les bases constitutionnelles du système administratif sont absolument écartées de la Constitution. On doit, sans doute, avoir une grande confiance dans les législatures; il faut espérer qu'elles respecteront les bonnes lois règlementaires à l’égal des lois constitutionnelle-. Mais en partant de ce principe, il faudrait ne rien régler constitutionnellement; et pour parler franchement, si le corps constituant d’aujourd’hui pouvait être induit à le reléguer, contre toute raison, les articles que je vous ai cités entre les articles purement réglementaires, ne serait-il pas très possible que des législatures subséquentes s’autorisassent de cette faute-là même, y trouvassent une force d’invitation d’aller plus loin, et portassent le coup mortel à la loi? Je sais bien, Messieurs, que beaucoup d’excellents esprits ne sont pas sans inquiétude sur le succès de notre système administratif, et qu’ainsi il ne faut pas inconsidérément donner à la totalité de ce système l’immutabilité constitutionnelle; mais je ne prétends pas non plus qu’il doive être placé en entier dans la Constitution ; je pense qu’il ne faut pas y placer l’organisation des corps administratifs, leur nombre, leurs rapports; je pense même qu’il ne faut pas régler constitutionnellement la manière dont le roi pourra exercer son autorité prèsde ces corps : ce que jedemande seulement, c’est que la répartition des contribuuons, la conservation des revenus publics soient confiées par la Constitution à des citoyens élus par le peuple; et pour cet effet, il faut commencer par échanger les articles 2, 3 et 4 du titre III, qui renferment des expressions absolument contraires aux principes. En conséquence, voici comment je rédigerais les articles qui font seuls l’objet de la délibération actuelle, me réservant de proposer ceux qui en seront les conséquences lorsque l’ordre du jour amènera la discussion du système administratif. Au lieu de l’article 2 des comités, je propose de dire : « Art. 2. La nation ne peut exercer par elle-même sa souveraineté. Elle institue pour cet effet des pouvoirs représentatifs et des pouvoirs commis, qui seront pour la plus grande partie exercés par des citoyens nommés par le peuple, ainsi qu’il sera dit ci-après. >; 325 Ce qui constitue le gouvernement représen-L’article 3 d’après le principe devrait, à mon sens, commencer par caractériser ce pouvoir législatif ; je propose donc de le rédiger ainsi : « Art. 3. Le pouvoir législatif est essentiellement représentatif ; il est délégué à une Assemblée nationale composée de représentants temporaires, librement élus par le peuple, pour être exercé par elle avec la sanction du roi, de la manière qui sera déterminée ci-après. » L’article 4 devrait commencer par caractériser le pouvoir exécutif eu ces mots : « Le pouvoir exécutif est essentiellement commis. -> Et il faut ajouter à la place des expressions proposées par le comité ..... » (Murmures.) Il serait bien malheureux que des interprétations de républicanisme jetassent de la défaveur sur ce que je dis.... (Murmures.) A moins qu’on ne veuille déterminer qu’on ne pourra prononcer le nom du roi qu’à genou, je prie qu’on me laisse continuer ; je dois avoir la liberté d’énoncer mou opinion. Je continue mon observation sur l’article 4 : au lieu de dire comme les comités : « le pouvoir exécutif est délégué au roi », je demande qu’on revienne aux expressions employées jusqu’à présent et qu’on dise : « qu’il est exercé sous l’autorité du roi qui en est le chef suprême, par des ministres et administrateurs responsables, ce qui constitue le gouvernement monarchique représentatif. L’article serait donc ainsi conçu : « Art. 4. Le pouvoir exécutif est essentiellement commis ; il doit être exercé sous l’autorité du roi, qui en est le chef suprême, par des ministres et administrateurs responsables, de la manière qui sera déterminée ci-après (1). » (1) L’Assemblce nationale n’a adopté aucun de mes amendements ; je fais néanmoins imprimer mon opinion, parce qu’elle renferme des observations qui pourront être utiles lorsqu’il s’agira du système administratif, et qu’elle a été prononcée dans un moment où il y avait peu de députés à l’Assemblée. Plusieurs motifs différents ont été exposés pour faire nommer le roi représentant de la nation. Je ne sais par lequel l’Assemblée nationale s’est décidée ; je ne sais pas non plus si les membres de la majorité se sont tous déterminés par le même ; mais du moins j’ai lieu de penser que personne n’a donné son assentiment aux 3 considérations que je vais rapporter. On a prétendu prouver que le roi était représentant : 1° Parce qu’il représente par son éclat la dignité nationale ; 2° parce qu’il représente le peuple français en exerçant le droit de sanction ; 3° parce qu’il représente la nation dans ses rapports avec les nations étrangères. Je ne dirai qu’un mot sur le premier de ces motifs, qui est trop ridicule pour mériter une réponse sérieuse : il consiste à confondre le caractère auguste de la représentation nationale, avec le faste domestique du premier fonctionnaire public avec la représentation des palais, des carrosses et du grand couvert. Le second motif, sans être aussi ridicule, n’a pas plus de vérité. Le droit de sanction, comme je l’ai prouvé, n’est point une part dans le pouvoir législatif, c’est un simple droit d’appel au peuple, remis au roi comme le reste du pouvoir exécutif suprême. Si c’était une part du pouvoir législatif, la souveraineté du peuple serait réellement aliénée; car le pouvoir législatif est la délégation de l’exercice de la souveraineté : donc si une parcelle de ce pouvoir était déléguée héréditairement et à perpétuité au roi des Français, il y aurait aliénation de la souveraineté. Je passe à la troisième proposition : que le roi représente la nation dans ses rapports extérieurs. Cette proposition est celle qui me paraît avoir fait le plus de fortune dans l’Assemblée ; voici le principe sur lequel [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 août 1791.J m M. dé Custine. Je demande la parole pour une motion d’ordre. {Murmures.) M. ïè Président. M. Robespierre a la parole. {Mouvement.) M. de Custfne. Votre décret porte que le pouvoir exécutif suprême réside dans les mains du roi. {Murmures.) M. Robespierre. Il y a dans l’opinion de M. Rœderer beaucoup de principes vrais, et auxquels il serait difficile de répliquer d’après vos principes {Rirès ironiques). Cependant ce n’est pas Sur cet objet principalement que je me propose d’insister ; je crois (pi’il y a dans le titre soumis à Votre délibération beaucoup d’expressions équivoques et de mots qui altèrent le véritable sens et l’esprit de votre Constitution : C’est pour rectifier ces mots et pour rendre d’une manière claire lés principes de votre Constitution que je vous supplie d’écouter avec patience quelques principes dont le développement iie sera pas long. Je commence par le premier article du projet: « La souveraineté est une, indivisible, et appartient à la nation ; aucune section du peuple ne peut s’en attribuer l’exercice. »> J’ajoute que la souveraineté est inaliénable. Il est dit ensuite que là nation ne peut exercer ses pouvoirs que par délégation. Les pouvoirs doivent être bien distingués des fonctions : Les pouvoirs ne peuvent être ni aliénés, ni délégués. Si l’on pouvait déléguer les pouvoirs en détail, il s’ensuivrait que la souveraineté pourrait être déléguée, puisque ces pouvoirs ne sont autre chose que les diverses parties essentielles et constitutives de la souveraineté, et alors remarquez que contre vos propres intentions vous décréteriez que la nation a aliéné sa souveraineté ; remarquez bien surtout on l’a mise en avant. Le représentant , a-t-on dit, est celui qui est chargé do vouloir au nom du peuple ; le simple délégué est celui qui est chargé d’agir. Le roi, comme chef au pouvoir exécutif, est simple délégué, parce que, dans l’exercice de ce pouvoir, il n’est chargé que d’agir; mais il est représentant de la nation dans ses relations extérieures, parce que là il est chargé de vouloir. Je réponds à cette doctrine, que rien n’est plus vicieux que cette définition du caractère représentatif et de la simple délégation. On peut être représentant potir agir, et ne pas l’être pour émettre un vœu : le contraire est également possible. Lorsqu’une législature examine Un compte de finances publiques, l’apure ou le censure, elle agit, elle ne veut pas; elle ne fait pas une loi. A quel titre agit-elle? Direz-vous que ce n’est pas comme corps de représentants, mais seulement comme corps délégué ? Si le corps des ministres étant élu par le peuple; si le roi était électif, ne diriez-vous pas qu’il est représentant , quand même il n’aurait pàs le droit de négocier avec les nations étrangères, et qu’il serait simplement pouvoir exécutif ou actif, chargé de faire et non de vouloir ? En portant dans la théorie que jé relève la lumière do l’analyse, on y découvrirait une foule d’absurdités ; mais i’adopte pour un moment la distinction du vouloir et de faire comme celle des vrais caractères de la représentation ; et je dis qu’elle n’est utile qu’à mon opinion, car le pouvoir donné au roi, relativement aux puissances étrangères, n’est pas une faculté de vouloir, mais la faculté de faire ce que la nation a voulu, et veut en vertu de la Constitution même, c’est-à-dire la guerre quand la nation a résolu de la déclarer, et ensuite la faire quand il y a guerre ; et la paix encore quand il y à menace de guerre ; et encore et toujours la paix quand le roi, malgré la législature, veut personnellement la güerre, et que ses ministres la veulent avec lui, et, avec ses ministres, les intrigants de la législature. ( Note de M. Rœderer.) que la délégation proposée par les comitésest une délégation perpétuelle, et ique les comités ne laissent à la nation aucun moyen constitutionnel d’exprimer une seule fois sa volonté sur ce que ses mandataires et ses délégués auront fait en son nom. Il n’est pas même question de convention dans tout le projet ; de manière que la délégation des trois pouvoirs constitutifs serait, d’après le projet des comités, l’aliénation de la souveraineté elle-même. J’observe en particulier que rien n’est plus contraire aux droits delà nation que .l’article 3, qui concerne le pouvoir législatif. Il y est dit : « Le pouvoir législatif est délégué à une Assemblée nationale, composée de représentants temporaires, librement élus par le peuple, pour être exercé par elle, avec la sanction du roi, de la manière qui sera déterminée ci-après. » Permet-tez-moi de vous citer ici l’autorité d’un homme dont vous adoptez les principes, puisque vous lui avez décerné une statue à cause de ces principes-là” et pour le livre que je vais citer: Jean-Jacques Rousseau a dit que le pouvoir législatif constituait l’essence ae la souveraineté, parce qu’il était la volonté générale, qui est la source de tous les pouvoirs délégués ; et c/est dans ce sens que Rousseau a dit que lorsqu’une nation déléguait ses pouvoirs à ses représentants, cette nation n’était plus libre, et qu’elle n’existait plus. Et remarquez comment on vous fait déléguer le pouvoir législatif ; à qui ? non pas à des représentants élus périodiquement et à de courts intervalles, mais à un fonctionnaire public héréditaire, au roi! D’après l’article des comités, le roi partage véritablement le pouvoir législatif, et j’observe qu’il a dans le pouvoir législatif une portion plus grande que celle des représentants de la nation, puisque sa volonté peut seule paralyser, pendant 4 ans, la volonté de deux législatures. Votre Constitution, vos premiers décrets ne portaient pas, et vous n’avez pas entendu que le roi faisait partie du pouvoir législatif. Le veto suspensif accordé au roi ne fut jamais regardé que comme un moyen de prévenir les funestes effets des délibérations précipitées du Corps législatif, et ne fut considéré que comme un appel au peuple ; mais il a toujours été reconnu que l'exercice du pouvoir législatif résidait essentiellement et uniquement dans l'Assemblée nationale. Le roi ne fut jamais regardé comme partie intégrante du pouvoir législatif, et l’on ne peut supposer ceci dans la rédaction des comités saris anéantir les premiers principes delà Constitution. Qu’il me soit permis de lier cette idée aux principes. développés par M. Rœderer. M. Rœderer nous a dit une vérité qui n’a pas même besoin de preuves; c’est que le roi n’est pas le représentant delà nation, et que l’idée de représentant suppose nécessairement un choix par le peuple; et vous avez déclaré la couronne héréditaire : le roi n’est donc pas représentant du peuple; le hasard seul vous le donne, et non votre choix. M. Rœderer nous a dit avec raison qu’il ne fallait pas donner au roi seul cette prérogative, ou qu’il fallait la donner à tous les fonctionnaires publics. Si l’on entend par représentant celui qui exerce une fonction publique au nom de la nation, si le titre de représentant a quelque chose de relatif à la nomination du peuple, certes le roi n’a pas ce caractère, ou les autres ne l’ont pas. Il est évident qu’on ne peut [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 août 1791.] 327 lui appliquer la qualité de représentant; mais ce qu’il est important de remarquer c’est la conséquence immédiate de cette idée de représentant ; pourquoi veut-on investir le roi du titre de représentant héréditaire de la nation? Voilà, Messieurs, une partie des atteintes que porte à la Constitution la rédaction des comités. Il est dit dans 2 articles de la Constitution : « Aucune section du peuple ne peut s’attribuer l’exercice de la souveraineté. » J’adopte bien le véritable sens qu’on veut exprimer par ces mots, mais je dis qu’il faut éclaircir les mots équivoques. On ne peut pas dire d’une manière absolue et illimitée qu’aucune section du peuple ne peut s’attribuer l’exercice de la souveraineté. Il est bien vrai qu’il sera établi un ordre pour la souveraineté ; il est bien vrai encore qu’aucune section du peuple, en aucun temps, ne pourra prétendre qu’elle exerce les droits du peuple tout entier; mais il n’est pas vrai que, dans aucuns cas et pour toujours, aucune section du peuple ne pourra exercer, pour ce qui la concerne, un acte de la souveraineté. ( Rires ironiques.) Je m’explique, c’est d’après vos décrets que je parle : n’est-il pas vrai que le choix des représentants du peuple est un acte de la souveraineté? N’est-il pas vrai-même que les députés élus pour une contrée sont les députés de la section entière? Ne résulte-t-il pas de ces deux faits incontestables, que des sections exercent, pour ce qui les concerne partiellement, un acte de la souveraineté? (Murmures.) Il est impossible de prétendre, comme on fa fait, que la nation soit obligée de déléguer toutes les autorités, toutes les fonctions publiques ; qu’elles n’ontaucune manière d’en retenir aucune partie, sans aucune modification que ce soit. Je n’examine pas un système que l’Assemblée a décrété ; mais je dis que, dans ie système de la Constitution, on ne peut point rédiger l’article de cette manière ; on ne peut pas dire que la nation ne peut exercer ses pouvoirs que par délégation; on ne peut point direqu’il y eut un droit que lana-tion n’ait pas : on peut bien régler qu’elle n’en usera point; mais on ne peut pas dire qu’il existe un droit dont la nation ne peut pas user si elle le veut. Je reviens au principe de toutes les observations que je viens défaire. Je dis qu’il résulte de l’article des comités que la nation déléguerait ses pouvoirs, le pouvoir souverain qui est unique et indivisible, en déléguant à perpétuité chaque partie du pouvoir. Je dis que ce titre blesse encore les premiers principes de la Constitution en présentant le roi comme un représentant héréditaire qui exerce le pouvoir législatif conjointement avec les véritables représentants du peuple. Je demande, en conséquence, qu’au mot pouvoir soit substilué celui de fonctions; je demande que le roi soit appelé le premier fonctionnaire public , le chef du pouvoir exécutif , mais point du tout le représentant de la nation ; je demande qu’il soit exprimé d’une manière bien claire que le droit de faire les actes de la liquidation appartient uniquement aux représentants élus par le peuple. M. Thouret, rapporteur. 11 me semble que l’Assemblée se trouve exposée à perdre beaucoup de temps sans que la discussion lui fasse réellement profit et avantage pour se décider. On attaque tout à la fois les différentes dispositions qui sont comprises dans le titre, et il est impossible qu’on les saisisse toutes dans l’ensemble d’une même discussion. 11 faut suivre une autre méthode, celle d’examiner chaque objet séparément et à sa place; par ce moyen, la discussion va devenir claire, méthodique et la décision plus prompte. Je commence par le premier article : « La souveraineté est une, indivisible, et appartient à la nation; aucune section du peuple ne peut s’en attribuer l’exercice. » M. Pétion de Villeneuve. Je ne demande que l’addition d’un mot qui me semble indispensable, Il faut dire : « La souveraineté est une, indivisible et inaliénable. » Ceci, Messieurs, est très important. M. Thouret, rapporteur. Je demande un mot d’explication sur cette expression/ M. Pétion de Villeneuve. Cette idée est extrêmement simple. Il est question, dans tous ces articles, des pouvoirs constitués, et à la tête des pouvoirs constitués, on a raison de parler de la souveraineté delà nation, parce que c’est de cette souveraineté que tous les pouvoirs émanent. Mais vous ne pouvez pas vous dissimuler que jamais la nation ne peut aliéner sa souveraineté, en ce qu’elle conserve toujours le droit de censurer les pouvoirs constitués, qu’elle se réserve toujours le pouvoir constituant, et c’est là la basé des conventions nationales. Vous l’avez vu dans le peu de mots qui vous a été dit dernièrement à la tribune par M. Malouet. Il convenait aussi que la souveraineté fût à la nation, parce que cette vérité était si évidente qu’elle ne pouvait pas être contestée. Mais il disait que la nation pouvait et devait pour l’utilité générale déléguer sa souveraineté, et que lorsqu’une fois elle avait délégué ses pouvoirs dans ce sens-là, elle avait délégué sa souveraineté. Moi, je soutiens le contraire. Non, elle n’a pas dans ce sens-là délégué sa souveraineté; elle a seulement commis des représentants pour exercer le pouvoir qu’elle a bieu voulu leur confier; mais elle se réserve toujours, par la voie des conventions nationales, le droit d’intervenir et d’examiner si ces pouvoirs constitués ne se sont pas écartés de leurs limites, et de les faire rentrer dans ces limites. Ainsi on ne peut dire, sous aucun rapport, que la nation aliène sa souveraineté; car, Messieurs, si une fois elle l’avait aliénée, il ne lui resterait aucune espèce de ressource si ce n’est par la voie toujours funeste des insurrections. On doit donc dire nettement que la souveraineté est inaliénable. (Applaudissements.) M. Thouret, rapporteur. Nous traitons ici une matière dans laquelle il importe beaucoup que toute expression soit bien examinée, bien fixée et qu’on n’en laisse passer aucune dont on pourrait abuser. L’Assemblée vient d’entendre que par l’idée de l’in aliénabilité de la souveraineté, le préopinant entendait que la nation ne pouvait pas déléguer ses pouvoirs. M. Pétion de Villeneuve. Ce n’est pas cela. Plusieurs membres : Il n’a pas dit cela. (Bruit.) M. Thouret, rapporteur. Gela a été dit par un des préopinants. Je dis que M. Robespierre l’a soutenu. 328 | Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (10 août 1791.] M. Robespierre. Je n’ai point dit cela. (Murmures.) J’ai dit simplement que la nation ne pouvait pas déléguer ses pouvoirs à perpétuité dans le sens du comité, ce qui est une aliénation. M. Thoiiret, rapporteur. La nation ne délègue pas des pouvoirs à perpétuité et n'en peut jamais déléguer à perpétuité, car la Constitution elle-même est soumise à ce pouvoir souverain de la nation qu’elle a dans tous les temps et qu’elle doit avoir de changer la Constitution qu'elle a adoptée à une époque. Ainsi quand une Constitution est faite, les dispositions qu’elle contient ne sont pas irrévocables. Ce sont des dispositions faites pour avoir lieu sans souffrir d’atteinte tant que la nation veut entretenir cette Constitution. Il est donc inutile de stipuler l’inaliénabilité en ce sens et pour cela. Maintenant, en reprenant le sens vrai, naturel et direct du mol, il signifierait que la nation ne peut pas faire une disposition ou une convention avec qui que ce soit pour retenir, vendre, céder, perdre sa souveraineté. Or, cela est-il nécessaire à stipuler dans la Constitution? Si l'Assemblée penche en ce sens, nous n’y mettrons pas d’opposition. Mais cela me paraît complètement inutile, car dans le mot de souveraineté appartenant à la nation est contenue l’idée de l’inaliénabilité de la souveraineté. Par cela, même, par sa nature, elle est inaliénable. Or, si l’Assemblée croit que l’adoption de ce mot ne soit pas nécessaire, ou s’il prête à des interprétations dangereuses, il vaudrait mieux ne pas l’employer. Plusieurs membres : Aux voix! aux voix! M. Pétion de Villeneuve. Je soutiens que non seulement le mot inaliénable n’est pas inutile, mais encore qu’il est indispensable; je le soutiens d’après ce que vient de dire M. le rapporteur, et surtout d’après ce qu'il n’a pas dit. (Rires.) C’est un système, et ce système a beaucoup de partisans; le voici : c’est qu’on prétend, ou l’on doit prétendre, que les conventions nationales ne sont pas utiles, et ceux-mêmes qui les admettent ne les admettent qu’avec des modifications qui les rendent à peu près impossibles; et alors, Messieurs, on peut soutenir ce système qui n’est pas une chimère, car il existe en effet : on veut nous amener au système qui a anéanti la liberté politique en Angleterre. Quelle est la prétention du Parlement anglais? Il soutient qu’il a avec le roi non seulement les pouvoirs constitués, mais qu’il a aussi le pouvoir constituant : voilà ce que soutient le parlement et avec lui de très bons écrivains anglais. Alors, Messieurs, il est évident qu’en Angleterre la nation a aliéné sa souveraineté, et la nation anglaise.... (Murmures et interruptions.) Je conviens qu’elle n’a jamais aliéné explicitement sa souveraineté, mais cependant, par le fait, celle-ci se trouve aliénée. (Nouveaux murmures.)... Je dis, par le fait, parce qu’une nation qui n’a pas de moyens légaux d’agir souverainement perd réellement l’exercice de sa souveraineté et ne peut la recouvrer que par une insurrection qui n'est qu’un phénomène : des siècles entiers s'écoulent avant qu’une nation se porte à une insurrection pour recouvrer ses droits. Or, il est constant qu’une nation, par le fait, perd sa souveraineté toutes les fois qu’elle n’a pas de moyens sûrs pour la conserver. Et, quoique l’on dise en principe que la souveraineté est inaliénable, que la souveraineté n’est pas perdue, néanmoins, par le fait, elle est perdue. On dit que cela est un principe; eh bien, Messieurs, si cela est de droit, si cela est un principe, levons l’équivoque et ajoutons le mot inaliénable dans l’article. Plusieurs membres : Aux voix! aux voixl M. Rontteville-Dnmetz. Ce que le préopinant vient de dire a démontré qu’il est impossible de nous refuser à l’addition de cette expression, qui ne peut être négligée qu’avec le plus grand danger. M. Thouret, rapporteur. L’Assemblée a bien entendu que nous n’avons pas pris la parole pour mettre une opposition formelle à l’amendement de M. Pétion; mais, si les comités l’adoptent, je ferai encore cette objection que ce n’est pas du tout par les raisons qu’il vient de donner. L’exemple de l’Angleterre ne conclut absolument rien ici ni en fait ni en droit. Une conclut rien en fait, car aucune loi quelconque n’autorise dans notre Constitution le pouvoir législatif et le roi à exercer le pouvoir constituant ; nous avons même des articles constitutionnels qui s’y opposent formellement. Il ne conclut rien en droit, car nous ne voyons en Angleterre aucun acte national autoriser ces maximes erronées, établir ce que M. Pétion a dit lui-même n’être qu’une prétention appuyée seulement par le fait, c’est-à-dire par un abus illicite. Pour réunir cependant toutes les opinions et pour se préserver de l’abus qu’on pourrait faire de la chose, nous vous proposons d’employer non pas le mot inaliénable qui a des dangers, mais le mot imprescriptible qui n’en a pas. (Murmures et approbations.) Ce n’est pas dans la Constitution actuelle qu’on doit trouver aucun motif de crainte; il faudrait donc supposer un acte formel de la nation qui aliénât la souveraineté, ce qui est impossible à supposer. L’usurpation ne pourrait s’introduire que par l’abus d